Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 3 mai 2011, 10-16.709, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Station de dépannage électrique informatique (la société) ayant été mise en liquidation judiciaire le 8 octobre 2004, son ancien gérant, M. X..., a été condamné à supporter l'insuffisance d'actif de la société à concurrence de 60 000 euros et a été prononcée à son encontre une mesure d'interdiction de gérer pendant dix ans ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles L. 621-1 et L. 624-3 du code de commerce dans leur rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises ;

Attendu que pour condamner M. X... à supporter à concurrence de 60 000 euros l'insuffisance d'actif de la société, l'arrêt retient qu'il peut être légitimement reproché à M. X... d'avoir omis de procéder à la déclaration de cessation des paiements dans le délai de rigueur ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans préciser la date exacte comme étant celle de la cessation des paiements ni caractériser, à cette date, l'impossibilité pour la société de faire face à son passif exigible avec son actif disponible, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

Et sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :

Vu les articles L. 625-3, L. 625-8, L. 625-4 et L. 624-5, 4° du code de commerce dans leur rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises ;

Attendu que pour prononcer à l'encontre de M. X... une mesure d'interdiction de gérer pendant dix ans, l'arrêt, après avoir relevé que M. X... avait poursuivi une activité déficitaire, retient que cet agissement fonde une mesure de faillite personnelle en application de l'article L. 625-3 ancien du code de commerce ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que M. X... était le gérant de la société depuis le 14 mai 2003 ce dont il résultait que, pour retenir à son encontre le grief de poursuite abusive d'une exploitation déficitaire, devait être caractérisée l'existence d'un intérêt personnel, la cour d'appel a violé le premier des textes susvisés, par fausse application, et les derniers, par refus d'application ;

Et attendu que la sanction personnelle et la condamnation à supporter l'insuffisance d'actif ayant été prononcées en considération de deux fautes de gestion, la cassation encourue à raison de l'une entraîne la cassation de l'arrêt ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 février 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée ;

Condamne la société Soinne aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trois mai deux mille onze.MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Baraduc et Duhamel, avocat aux Conseils pour M. X....

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir condamné monsieur X... à supporter la somme de 60.000 € au titre de l'insuffisance d'actif de la société Station de Dépannage Électrique Informatique provisoirement chiffrée à la somme de 119.700,73 € et d'avoir prononcé à son encontre une mesure d'interdiction de gérer d'une durée de 10 ans ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE le liquidateur judiciaire expose que l'actif recouvré est de 42,82 € pour un passif vérifié de 119.743,55 €, soit une insuffisance d'actif de 119.700,73 € ; que monsieur X... répond que l'actif est minimisé, la société Arcade ayant été condamnée, à la requête du liquidateur judiciaire, à payer à la société SDEI une somme de 10.000 € ; que cependant, il résulte des pièces du dossier que cette société n'a payé, à ce jour, qu'une somme de 1.000 € ; qu'en toute hypothèse, il subsistera, à supposer que la société Arcade s'acquitte de la totalité de la somme qu'elle doit, une insuffisance d'actif justifiant l'action de la SELARL Soinne ; que cette dernière indique également que la société SDEI a réalisé une perte de 77.821 € au 31 décembre 2003, portant le montant des capitaux propres à - 56.975 €, soit près de 10 fois le capital social ; que monsieur X... affirmant que la comptabilité sociale a été bien tenue, la cour d'appel en déduit que les comptes de l'exercice 2003 ont été arrêtés à la bonne date, dans les six mois de leur clôture, soit au plus tard le 30 juin 2004 ; qu'il s'ensuit que monsieur X..., qui ne justifie pas avoir pris les mesures de redressement qui s'imposaient, a effectivement poursuivi une activité déficitaire jusqu'au jour où il a procédé à la déclaration de l'état de cessation des paiements qui a abouti au jugement de liquidation judiciaire immédiate du 8 octobre 2004 ; que la poursuite de l'activité pendant cette période a généré des dettes nouvelles (notamment vis-à-vis des Assedic, CLV, ARRCO, URSSAF) ; qu'il peut être légitimement reproché à monsieur X... d'avoir omis de procéder à la déclaration de l'état de cessation des paiements dans le délai de rigueur ; que la circonstance que monsieur X... espérait un redressement de l'activité dans les mois qui ont suivi est indifférente, la déclaration de cessation des paiements qu'il avait le devoir de déposer à bonne date ayant pour objectif de sauver l'entreprise en lui permettant de se redresser à l'abri des poursuites de ses créanciers ; qu'à la date à laquelle elle est intervenue, le tribunal n'avait plus d'autre possibilité que de constater l'impossibilité de poursuivre l'exploitation et de prononcer la liquidation judiciaire ; que ces agissements, constituant une faute de gestion, tombent sous le coup de l'article L 624-3 ancien du Code de commerce, applicable en la cause, sans qu'il soit nécessaire d'établir que la poursuite a été décidée par monsieur X... dans un intérêt personnel ; qu'ils fondent également une mesure de faillite personnelle, par application de l'article L 625-3, ancien, dudit Code ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE les documents comptables de la société SDEI établis pour l'année 2003 démontrent que pendant plusieurs mois, monsieur X... a poursuivi l'activité de la débitrice alors que cette dernière rencontrait de nombreuses difficultés à régler ses dettes courantes ; qu'ainsi, outre que la société SDEI était dans l'incapacité de régler l'intégralité des cotisations sociales et de retraite dues pour les 3ème et 4ème trimestres 2003 (plus de 13.000 € pour cette période), elle a généré en 2003 une perte de 77.821 euros portant le montant des capitaux propres à - 56.975 € (soit près de dix fois le montant du capital social initialement souscrit) ; que n'ayant aucune activité autre que celle de gérant de la société SDEI, monsieur X... avait donc un intérêt personnel à la poursuite de cette activité ; que cette faute de gestion a nécessairement un lien étroit avec le montant de l'insuffisance d'actif aujourd'hui constaté par le liquidateur judiciaire, puisqu'une gestion plus rigoureuse et moins intéressée aurait conduit le dirigeant à déposer la cessation des paiements dès le début du mois de mars 2004 et donc à limiter grandement le montant du passif ;

1°/ ALORS QUE pour retenir à l'encontre du dirigeant une déclaration tardive de la cessation des paiements, le juge doit déterminer la date exacte de cette cessation des paiements et caractériser à cette date l'impossibilité pour le débiteur de faire face au passif exigible avec son actif disponible ; que la cour d'appel a reproché à monsieur X... d'avoir poursuivi l'activité déficitaire de la société SDEI, tandis qu'il aurait dû procéder à la déclaration de l'état de cessation des paiements dans le « délai de rigueur », après avoir constaté la situation de la société au plus tard le 30 juin 2004 ; qu'en statuant ainsi, sans préciser le jour exact retenu comme date de cessation des paiements, ni constater qu'à cette date la société SDEI était dans l'impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible, la cour d'appel, qui a pris cette faute en considération, a privé sa décision de base légale au regard des articles L 621-1 et L 624-3 du Code de commerce, en leur rédaction applicable en l'espèce, ensemble le principe de proportionnalité ;

2°/ ALORS QUE le prononcé d'une interdiction de gérer à l'encontre d'un dirigeant qui a poursuivi abusivement une exploitation déficitaire ne pouvant conduire qu'à la cessation des paiements de la personne morale impose de caractériser son intérêt personnel ; que la cour d'appel a affirmé que le comportement reproché à monsieur X... justifiait une mesure de faillite personnelle par application de l'article L 625-3 du Code de commerce et s'est ainsi abstenue de constater un intérêt personnel à la poursuite d'une activité déficitaire ; que pourtant, dès lors que monsieur X... était dirigeant d'une personne morale, il relevait de l'article L 625-4 du Code de commerce et le prononcé d'une interdiction de gérer à son encontre pour la poursuite d'une activité déficitaire exigeait la preuve d'un intérêt personnel ; qu'ainsi la cour d'appel a violé les articles L 625-3, L 625-4, L 624-5 4° et L 625-8 du Code de commerce en leur rédaction applicable en l'espèce ;

3°/ ALORS QUE, à supposer adoptés les motifs des premiers juges sur l'intérêt personnel de monsieur X... à la poursuite d'une activité déficitaire, la cour d'appel s'est abstenue de rechercher, comme elle y était invitée (concl., p. 5 in fine), si l'absence de perception de toute rémunération par monsieur X... pendant la dernière année d'exercice de la société SDEI excluait un intérêt personnel à la poursuite de l'exploitation, peu important qu'il se soit agi de la seule activité de ce dirigeant ; que la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L 625-4, L 624-5 4° et L 625-8 du Code de commerce en leur rédaction applicable en l'espèce.

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