Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 28 avril 2011, 09-68.114, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 4 décembre 1998 en qualité d'ingénieur en chef par la société Cap Gemini, aux droits de laquelle vient la société Cap Gemini France SAS ; que contestant son licenciement intervenu le 30 octobre 2003, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;

Sur le premier moyen, pris en ses quatre premières branches :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Mais, sur le premier moyen, pris en sa cinquième branche :

Vu l'article 1134 du code civil ;

Attendu que pour débouter le salarié de sa demande de rappel de salaire au titre de la rémunération variable pour 2001 l'arrêt retient qu'il résultait des courriels échangés entre les parties que c'était à la demande et sur proposition du salarié lui-même que la rémunération variable au titre de l'année 2001 avait été affectée à la formation INSEAD suivie en 2002 ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que la rémunération variable due au salarié s'élevait à 32 984 euros et que le coût de la formation s'élevait à la somme de 27 400 euros, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé ;

Et, sur le second moyen, qui est recevable :

Vu les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

Attendu que pour débouter le salarié de sa demande en paiement de la somme de 34 617 euros au titre de la compensation de la contrepartie financière et des congés payés afférents et condamner l'employeur à payer au salarié la somme de 8 000 euros à titre de dommages-intérêts au titre de l'obligation de non-concurrence, l'arrêt retient que la clause de non-concurrence est illicite et que le salarié s'est trouvé privé de chances de retrouver rapidement un emploi, ce qui lui ouvrait droit à indemnisation ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le salarié, qui seul peut s'en prévaloir, n'invoquait pas la nullité de la clause de non-concurrence, demandait le paiement de la contrepartie financière de celle-ci tel qu'elle était prévue par le document "les fondamentaux", la cour d'appel a méconnu les termes du litige ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la société Cap Gemini à payer la somme de 8 000 euros à titre de dommages-intérêts au titre de l'obligation de non-concurrence et débouté le salarié de sa demande de rappel de salaire au titre de la rémunération variable pour 2001, l'arrêt rendu le 3 juin 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société Cap Gemini aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Cap Gemini à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit avril deux mille onze.MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux conseils pour M. X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt D'AVOIR débouté Monsieur X... de sa demande en paiement d'une somme de 32.984 € au titre de la partie variable de son salaire due pour l'année 2001, à l'exception des congés payés afférents;

AUX MOTIFS QU'il résulte clairement des courriels échangés entre Monsieur X... et la direction de l'entreprise et notamment d'un mail du 8 mars 2002 que c'est à la demande et sur la proposition du salarié lui-même, que la rémunération variable lui revenant au titre de l'année 2001 a été affectée à la formation INSEAD qu'il a suivie au cours de l'année 2002; que la compensation opérée avec l'accord du salarié pour le financement d'une formation que l'employeur n'était nullement tenu d'assurer ou de financer, est licite;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE le contrat de travail et les lettres de rémunération produites établissent que Monsieur X... devait percevoir pour l'année 2001 un variable de 32.984 € ainsi qu'il résulte du bilan présenté lors de l'évaluation du 14 janvier 2002 ; que les différents courriels échangés au cours de l'année 2002 démontrent, notamment celui du 8 mars 2002, que son variable a été affecté à sa demande à une formation dont le coût était de 27.400 € hors taxes, que la compensation opérée est opposable à Monsieur X... qui avait lui-même affecté son variable au paiement de cette formation, paiement qu'il jugeait avantageux eu égard à la fiscalité qui lui était appliquée; qu'en conséquence, la demande sera rejetée pour 2001, sauf en ce qui concerne les congés payés afférents à cette affectation de la rémunération ;

1° ALORS QUE la compensation conventionnelle entre des sommes que se doivent réciproquement le salarié et l'employeur exige de caractériser l'accord exprès du salarié qui ne peut résulter que de la signature d'une convention mentionnant les obligations réciproques et comportant les modalités de la retenue sur salaire; qu'en se fondant sur l'échange de différents courriels au cours de l'année 2002, dont celui du 8 mars 2002, pour en déduire que Monsieur X... aurait donné son accord à la compensation opérée par la société Cap Gemini entre la rémunération variable due au titre de l'année 2001 et le coût de la formation au sein de l'INSEAD, sans constater l'existence d'une convention écrite et régulière entre Monsieur X... et la société Cap Gemini, la Cour d'appel a statué par un motif inopérant et a violé les articles 1134 et 1289 et suivants du Code civil et l'article L.1221-1 du Code du travail;

2° ALORS QUE l'employeur ne peut opérer de retenue de salaire que si la dette du salarié est certaine et non contestée; que Monsieur X... a fait valoir et démontré que s'il avait envisagé, dans un premier temps, de supporter le coût de sa formation au sein de l'INSEAD par l'affectation d'une partie de sa rémunération variable de l'année 2001, la société Cap Gemini avait ensuite décidé, le 14 mars 2002, de financer ce stage à partir du budget formation qu'elle réserve à ses salariés, Monsieur X... conservant à sa charge les frais d'hébergement et de transport et y consacrant le temps de ses congés payés; qu'en ne s'expliquant pas sur l'engagement de la société CAP GEMINI, postérieur à l'échange de mails- dont celui du 8 mars 2002- avec Monsieur X..., dont il ressortait l'absence d'une créance certaine de l'employeur ne lui permettant pas d'opérer une compensation entre le financement de la formation et la rémunération variable de l'année 2001 due au salarié, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1289 et suivants du Code civil et de l'article L.3251-3 du Code du travail ;

3° ALORS DE PLUS QU'est nulle pour cause illicite la convention entre l'employeur et le salarié sur les modalités de financement d'une formation destinée à soustraire la somme affectée à la formation aux prélèvements sociaux et fiscaux; qu'ayant constaté que la compensation opérée entre le coût de la formation au sein de l'INSEAD et la partie variable de la rémunération au titre de l'année 2001 avait eu pour objet de faire échapper cette dernière somme à la fiscalité et aux prélèvements sociaux et en considérant cependant qu'une telle compensation conventionnelle était valable, la Cour d'appel a violé l'article 1131 et les articles 1289 et suivants du Code civil;

4° ALORS EN OUTRE QUE le salarié ne peut renoncer par avance à se prévaloir des règles d'ordre public relatives à la compensation; qu'une dette du salarié ne peut se compenser avec la créance de salaire que dans la limite du 1/100 de la rémunération mais ne peut absorber la totalité du salaire dû; qu'en décidant qu'était valable, la retenue opérée par la société Cap Gemini au titre du coût de la formation INSEAD sur l'intégralité du salaire variable de 2001, la Cour d'appel a violé l'article L.3251-3 du Code du travail;

5° ALORS ENFIN, EN TOUTE HYPOTHESE, QU'ayant constaté que la partie variable due à Monsieur X... était de 32.984 € et que le coût de la formation était de 27.400 €, ce dont il ressort qu'un différentiel de 5.584 €
restait dû à Monsieur X... et en le déboutant cependant de sa demande en paiement d'un rappel de salaire, la Cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations a violé l'article 1134 du Code civil et l'article L.3251-3 du Code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté Monsieur X... de sa demande en paiement de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence à hauteur de 34.617 € et des congés payés afférents avec capitalisation des intérêts prévue par l'article 1154 du Code civil à compter du 4 février 2005 et d'y AVOIR substitué une somme de 8 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par cette clause;

AUX MOTIFS QUE Monsieur X... a été destinataire d'une lettre de rémunération du 14 octobre 2003 le confirmant dans sa mission comme «Alliance manager de l'Alliance Mtcrosott » et indiquant: « nous vous rappelons que votre fonction (et votre qualification) font que vous êtres soumis à une clause de non-concurrence» ; que s'il n'est pas contesté que le contrat de travail initial de Monsieur X... ne comporte aucune clause de non-concurrence et que la clause litigieuse est illicite faute d'être limitée dans le temps et dans l'espace et de comporter une contrepartie financière, elle ne peut pour autant s'analyser comme une simple clause de style ne conférant aucun droit ni obligation ainsi que le soutient l'employeur, faute de quoi elle n'aurait à l'évidence pas été stipulée; que l'un des documents internes remis aux salariés de l'entreprise (les fondamentaux, procédures internes de la Région France) indique expressément que la clause de non-concurrence applicable aux directeurs (catégorie de Monsieur X...) « interdit de se faire embaucher par une entreprise concurrente, de créer ou de s'associer à une entreprise concurrente et interdit d'entrer au service d'un client de CGE&Y et élargit l'interdiction à tout le territoire français pour une durée de 12 mois » ; que la société Cap Gemini n'a à aucun moment fait connaître au salarié qu'elle entendait renoncer à son obligation de non-concurrence, alors que la clause figure dans un avenant établi très peu de temps avant le licenciement intervenu le 30 octobre 2003 ; que le fait pour Monsieur X... d'avoir sollicité des emplois dans des sociétés concurrentes ne caractérise pas une violation de ladite clause; qu'au surplus, il n'est pas démontré que le salarié a été embauché par une entreprise concurrente et qu'aucun acte de concurrence de sa part n'est caractérisé; que le salarié s'est trouvé privé de chances de retrouver rapidement un emploi, ce qui lui ouvre droit à indemnisation; qu'en l'état des justificatifs produites la Cour peut fixer à la somme de 8 000 € la réparation du préjudice subi par l'appelant à ce titre;

ALORS D'UNE PART QUE Monsieur X... a sollicité le paiement de l'indemnité pécuniaire prévue en contrepartie de la clause de non-concurrence insérée à son contrat de travail, soit 34.617 € et les congés payés afférents, mais n'a pas demandé le paiement de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par cette clause; qu'en lui allouant une somme de 8.000 € en réparation du préjudice subi du fait que Monsieur X... s'est trouvé privé de chances de retrouver rapidement un emploi, la Cour d'appel a méconnu les termes du litige et a violé les articles 4 et 5 du Code de procédure civile;

ALORS D'AUTRE PART QUE la contrepartie pécuniaire est due dès lors que le salarié a respecté son obligation de non-concurrence et que l'employeur ne l'en a pas libéré; qu'ayant constaté que Monsieur X... avait respecté la clause de non-concurrence imposée par la société Cap Gemini, que cette dernière n'y avait pas renoncé et en déboutant cependant le salarié de sa demande en paiement de la contrepartie pécuniaire, la Cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil et l'article L.1221-1 du Code du travail;

ALORS ENFIN QUE par application du statut du personnel au sein de la société CAP GEMINI, désigné par « les fondamentaux» et versé aux débats par Monsieur X..., le montant mensuel de la contrepartie financière à la clause de non-concurrence est égal à 40 % de la moyenne mensuelle de la rémunération brute du salarié au cours de ses douze derniers mois de présence dans la société; qu'en se bornant à énoncer que la clause de non-concurrence qui liait Monsieur X... n'aurait pas comporté de contrepartie financière, la Cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil et l'article L.1221-1 du Code du travail.
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