Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 27 avril 2011, 10-13.639, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à M. X..., M. Y... et à la société Mutuelles des architectes français du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Mme Z..., M. A..., Mme B..., M. C..., Mme D..., Mme E..., la Mutuelle des architectes français, la société Boissier, la SCP Bruard, mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Boissier, la société Axa assurances, venant aux droits de l'Union des assurances de Paris, la société Assurances générales de France, devenue Allianz, M. F..., la société Axa assurances, venant aux droits de la société Le Secours, M. G..., la SCP Bruard, mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de M. H..., la SCI du... et Mme I... ;

Sur le second moyen du pourvoi principal, ci-après annexé :

Attendu qu'ayant constaté que si la Caisse d'assurance mutuelle du bâtiment et des travaux publics, assureur de " l'entreprise " J..., avait été appelée en garantie par les architectes X... et Y... (les architectes) et la société Mutuelle des architectes français (la MAF) du chef des condamnations qui pourraient être prononcées à leur encontre au bénéfice du syndicat des copropriétaires de l'immeuble du..., " l'entreprise " J... n'avait pas été assignée, la cour d'appel a, à bon droit, retenu que, distinct de l'action directe prévue par l'article L. 124-3 du code des assurances, l'appel en garantie exige la mise en cause de l'assuré pour que sa responsabilité soit établie, et, en a exactement déduit que dès lors que " l'entreprise " J... n'avait pas été attraite en la cause, l'appel en garantie des architectes et de la MAF contre la CAMBTP n'était pas recevable ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur les trois moyens du pourvoi incident, réunis, ci-après annexé :

Attendu que le dispositif de l'arrêt attaqué n'ayant pas statué sur les demandes du syndicat des copropriétaires de l'immeuble du... visant la condamnation de M. X..., M. Y... et de la MAF au titre des désordres relatifs au défaut d'étanchéité des jardinières, à l'évacuation défectueuse des baignoires et douche dans deux appartements, et, " au défaut d'étanchéité en mitoyen sud ", et l'omission de statuer sur un chef de demande ne constituant pas un cas d'ouverture à cassation mais une irrégularité qui ne peut être réparée que selon la procédure prévue à l'article 463 du code de procédure civile, le moyen est irrecevable ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le premier moyen du pourvoi principal, qui ne serait pas de nature à permettre l'admission de ce pourvoi ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Laisse à chaque partie la charge des dépens afférents à son pourvoi ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne, ensemble, MM. X..., Y... et la MAF à payer à la CAMBTP la somme de 2 500 euros ; rejette les autres demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept avril deux mille onze. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits, au pourvoi principal, par la SCP Boulloche, avocat aux Conseils pour MM. X... et Y... et la Mutuelle des architectes français

Le premier moyen de cassation fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné in solidum Messieurs X..., Y... et la Mutuelle des Architectes Français à payer au syndicat de copropriété la somme totale de 1. 344. 684, 24 € H. T.,

AUX MOTIFS QUE sur l'étanchéité des balcons, le défaut relevé par l'expert est de nature à porter atteinte à la destination de l'immeuble qui subit des infiltrations ; qu'il est imputable à un défaut d'exécution et de surveillance des travaux et ressortit à la responsabilité décennale des constructeurs ; qu'en l'absence des entreprises concernées TTE et J..., les architectes doivent être condamnés à payer la somme de 17. 334, 67 € qui correspond à la remise en état ; qu'en ce qui concerne les salissures des enduits, celles-ci constituent un désordre intermédiaire consécutif à une erreur de conception des architectes qui ont omis de prévoir une protection sur les têtes de mur ; que le coût de réfection a été exactement évalué à 5. 335, 72 € et doit être entièrement imputé aux architectes ; qu'en ce qui concerne le châssis I..., l'expert indique qu'il s'agit d'une erreur de conception pure qui permet une ouverture directe sur l'extérieur à une hauteur inférieure à 1 m ; que cette malfaçon porte atteinte à la destination de l'immeuble et justifie la condamnation des architectes au paiement de la somme de 2. 380, 64 € H. T. coût correspondant à la réfection de cette partie d'ouvrage ; qu'en ce qui concerne les poteaux de parking, ceux ci ont été implantés dans les aires destinées à la circulation entre les places de parking et l'accès ; qu'ils entravent donc cette circulation ; que ce désordre, qui porte atteinte à la destination de l'immeuble, relève d'une erreur de conception imputable aux architectes ; que les travaux ont été exactement évalués à 16. 828, 85 € ; qu'en ce qui concerne la porte d'accès du parking, celle-ci non conforme aux règles de sécurité incendie gêne la circulation des personnes et des utilisateurs du parking ; qu'il y a donc atteinte à la destination de l'immeuble ; que l'expert a indiqué qu'il relevait d'une erreur de conception pouvant être rectifiée par des travaux d'un coût de 15. 506, 35 € qui devra être supporté par les architectes ; qu'en ce qui concerne le défaut d'accessibilité aux ascenseurs par les parties communes que ce désordre porte atteinte à la destination de l'immeuble en ce qu'il menace la sécurité des personnes (notamment en cas d'incendie) ; que cette erreur de conception, imputable aux architectes, ressortit ainsi à la garantie décennale des constructeurs à hauteur de 6. 033, 17 € ; qu'en ce qui concerne les infiltrations en « façade rue » qui affectent les appartements Z... et A..., la nature décennale du désordre implique finalement la condamnation de l'assureur MAF et des architectes au paiement de 304, 90 € pour l'appartement A... ; qu'en ce qui concerne les coulures en façade, celles-ci proviennent d'une absence d'équipement permettant d'assurer un effet « goutte d'eau » ; que ces désordres relèvent des dommages intermédiaires, en ce qu'ils ne compromettent ni la solidité ni la destination de l'ouvrage et doivent être supportés par les architectes et la MAF ; que le coût de reprise des désordres a été exactement fixé à 5. 145, 15 € H. T. ; qu'en ce qui concerne la contrepente du rez-de-chaussée sur parking, l'absence de revêtement carrelage gêne l'exploitation de la partie terrasse ; que réservé à la réception, il relève de la responsabilité contractuelle pour un coût de reprise exactement évalué à 8. 801, 64 € ; qu'il sera entièrement supporté par les architectes et la MAF ; qu'en ce qui concerne le désenfumage de l'escalier, celui-ci n'est pas conforme à la réglementation alors que la commande actuelle est seulement assurée par une ouverture manuelle sans déclencheur autonome ; que ce défaut relève d'une erreur de conception imputable à l'architecte, qu'il justifie la condamnation de l'architecte au paiement de 2. 782, 19 € ; qu'en ce qui concerne les distances c + d en façade, l'expert a indiqué qu'il s'agissait d'une non conformité à une réglementation liée à une erreur de conception imputable aux architectes qui n'ont pas pris en compte les règles de sécurité relatives à la propagation d'incendie ; que ce défaut comme le précédent relève de la garantie décennale pour un coût de 17. 485, 90 € ; qu'en ce qui concerne l'encloisonnement de l'escalier et coupe feu, l'expert a relevé que la gaine VMC n'était pas protégée, que des parois coupe-feu manquaient et que l'isolation de la cage d'escalier était imparfaite ; que ces manquements relèvent d'une erreur de conception imputable aux architectes ; que le coût de réfection est exactement évalué à 10. 309, 36 € HT ; qu'en ce qui concerne la gaine de gaz, celle-ci présente des non-conformités mettant en cause la sécurité de cette installation ; que ce défaut est imputable aux architectes pour un coût de reprise de 15. 923, 30 € ; que le plancher haut-sol n'assure pas le degré coupe-feu imposé par la réglementation ; que le coût de reprise exactement évalué à 12. 055, 67 € sera donc supporté par le maître d'oeuvre et son assureur ; qu'en ce qui concerne la cabine et l'équipement ascenseur, ceux-ci sont atteints de divers défauts de conformité qui mettent en cause la sécurité de l'installation (et donc des personnes) ; qu'ils sont imputables aux architectes dont les prescriptions ont été insuffisantes ; qu'ils relèvent effectivement de la responsabilité décennale pour un coût de 1. 480, 28 € ; qu'en ce qui concerne les douches, il apparaît que le dommage consiste en une infiltration entre la douche et la chambre de l'appartement de Monsieur A... ; qu'il est consécutif à une mauvaise exécution du carrelage par l'entreprise J... ; que ce désordre ressortit à la garantie décennale et justifie la condamnation des architectes et de la MAF au paiement de 1. 295, 82 € HT ; qu'en ce qui concerne les désordres des carrelages, l'expert indique que les fissurations constatées correspondent à la zone d'éclatement des différentes canalisations de chauffage dans l'épaisseur de la chape, qu'elles sont dues à une insuffisance d'enrobage de la chape et de renfort par armature légère ; que le désordre est imputable à l'entreprise J... et relève de la garantie décennale ; que les architectes et leur assureur, tenus à la garantie légale, seront donc condamnés à payer la somme de 3. 386, 35 € HT (arrêt page 29 à 34) ; que le total de ces sommes est 1. 344. 684, 24 € H. T. (arrêt p. 36 pénultième alinéa) ;

ALORS QUE les juges ne peuvent entacher leur décision d'une contradiction entre motifs et dispositif ; que la Cour d'appel a prononcé diverses condamnations à la charge des architectes et de leur assureur, au profit du syndicat des copropriétaires, dont le total s'élevait à la somme de 142. 389, 90 € ; qu'en fixant ce total à la somme de 1. 344. 684, 24 € ne correspondant pas à l'addition de chaque chef de préjudice énuméré, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs et violé l'article 455 du code de procédure civile.

Le second moyen de cassation fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevables l'appel en garantie de Messieurs X..., Y... et de la Mutuelle des Architectes Français à l'encontre de la CAMB, assureur de Monsieur J...,

AUX MOTIFS QUE sur l'appel de la CAMB en qualité d'assureur de l'entreprise J..., il convient de relever que cet assureur avait été appelé en garantie par les architectes et leur assureur la MAF ; que le syndicat et les copropriétaires n'avaient formé aucune demande envers la CAMB ; que le tribunal a de chef statué extra petita ; que la MAF et les architectes font justement valoir que l'appel en garantie n'impose pas un paiement préalable par celui qui le forme ; que cependant, sauf à confondre l'appel en garantie et l'action directe prévue par l'article L 124-3 du code des assurances, la recevabilité du premier implique la mise en cause de l'assuré, ne serait-ce qu'afin d'établir la responsabilité de celui-ci ; que force est de constater que ni la MAF ni les architectes n'ont fait assigner l'entreprise J... ; que dans ces conditions, il y a lieu de déclarer irrecevables l'appel en garantie dont s'agit (arrêt p. 27 & 28) ;

ALORS QU'une partie assignée en justice est en droit d'appeler une autre en garantie des condamnations qui pourraient être prononcées contre elle, une telle action ne supposant pas que l'appelant en garantie ait déjà indemnisé le demandeur initial ; que la recevabilité de l'appel en garantie contre l'assureur n'est pas subordonnée à la mise en cause de l'assuré par la victime ; qu'en subordonnant la recevabilité de l'appel en garantie contre l'assureur à la mise en cause de l'assuré, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil.


Moyens produits, au pourvoi incident, par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils pour le syndicat des copropriétaires du...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté la demande formée par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis... visant à la condamnation de Messieurs X..., Y... et de la MAF au titre des désordres relatifs au défaut d'étanchéité des jardinières,

AUX MOTIFS PROPRES QUE, sur les jardinières, l'expert (p. 71) indique que les désordres résultent du seul défaut d'exécution et qu'ils n'influent que sur l'esthétique des façades ; que dans ces conditions, il ressortit à la responsabilité contractuelle de l'entreprise TTE (non mise en cause) que s'agissant d'un ouvrage mineur aucune faute de surveillance ne peut être reprochée aux architectes ; que le jugement sera confirmé de ce chef, aucune réparation ne pouvant être attribuée au syndicat,

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QU'en regard des conclusions expertales, il convient de qualifier les désordres et de répartir les responsabilités comme suit … : jardinières : dommage intermédiaire du fait des fautes d'exécution de TTE-TTE : 100 %,

1- ALORS QUE le juge ne peut pas entériner un rapport d'expertise sans répondre aux conclusions soulignant les erreurs ou contradictions entachant ce rapport ; qu'en entérinant pourtant la conclusion du rapport d'expertise selon laquelle les désordres des jardinières n'influaient que sur l'esthétique des façades, sans répondre aux écritures d'appel de l'exposant qui soulignaient que cette conclusion était en contradiction avec les constatations de l'expert selon lesquelles les défauts d'étanchéité des jardinières « mettent en cause à terme la solidité de l'enduit et peuvent donc entraîner à terme la chute partielle de ce dernier », ce dont il s'évinçait que la solidité de l'ouvrage et la sécurité des personnes et des biens étaient compromises, la Cour d'appel a privé sa décision de motifs, en violation de l'article 455 du Code de procédure civile.

2- ALORS, en tout état de cause, QUE l'architecte chargé d'une mission de maîtrise d'oeuvre complète, et notamment de la direction et du pilotage des travaux, commet une faute lorsqu'il n'obtient pas de l'entrepreneur qu'il effectue des travaux corrects et, le cas échéant, qu'il procède à la reprise des désordres ; qu'en se fondant sur le motif inopérant tiré de ce que l'étanchéité des jardinières constituerait un ouvrage mineur pour exonérer les architectes de leur responsabilité, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si les architectes, chargés de contrôler l'exécution des travaux, n'avaient pas commis une faute en laissant effectuer des travaux non conformes aux règles de l'art, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté la demande formée par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis... visant à la condamnation de Messieurs X..., Y... et de la MAF au titre des désordres relatifs à l'évacuation défectueuse des baignoires et douches dans deux appartements,

AUX MOTIFS QU'en ce qui concerne l'évacuation de la baignoire et de la douche dans les appartements Z... (p37) et A... ce désordre qui se manifeste par un refoulement est dû à une erreur d'appréciation des pentes lors de l'exécution des ouvrages et au manque d'installation de vannes de décompression ; qu'il s'agit là d'une erreur d'exécution entièrement imputable à l'entreprise de Monsieur H... ; que cependant, ce désordre est de nature décennale et doit donc, en ce qu'il porte atteinte à la destination de l'immeuble à vocation d'habitation, être pris en charge par la compagnie AGF à hauteur de 1. 295, 82 €,

ALORS QUE l'architecte chargé d'une mission de maîtrise d'oeuvre complète, et notamment de la direction et du pilotage des travaux, commet une faute lorsqu'il n'obtient pas de l'entrepreneur qu'il effectue des travaux corrects et, le cas échéant, qu'il procède à la reprise des désordres ; qu'en exonérant les architectes de leur responsabilité au titre des désordres relatifs à l'évacuation défectueuse des baignoires et douches dans deux appartements, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si les architectes, chargés de contrôler l'exécution des travaux, n'avaient pas commis une faute en laissant effectuer des travaux non conformes aux règles de l'art, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté la demande formée par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis... visant à la condamnation de Messieurs X..., Y... et de la MAF au titre des désordres relatifs au « défaut d'étanchéité en mitoyen sud »,

AUX MOTIFS QU'en ce qui concerne les infiltrations et « défaut d'étanchéité en mitoyen sud » (p52-38-63), selon l'expert, il s'agit d'une infiltration « mineure » liée à un défaut d'étanchéité entre mitoyens ; qu'elle se produit en sous-sol du parking ; qu'elle est consécutive à une erreur d'exécution imputable à l'entreprise BOISSIER réservée et relevant comme telle de la responsabilité contractuelle ; qu'aucune faute ne peut être imputée aux architectes ; que le coût de réfection a été exactement évalué à 457, 35 € ; que la compagnie AXA ne peut être tenue à garantie, le désordre n'étant pas de nature décennale,

ALORS QUE l'architecte chargé d'une mission de maîtrise d'oeuvre complète, et notamment de la direction et du pilotage des travaux, commet une faute lorsqu'il n'obtient pas de l'entrepreneur qu'il effectue des travaux corrects et, le cas échéant, qu'il procède à la reprise des désordres ; qu'en jugeant par voie de simple affirmation qu'aucune faute ne pouvait être imputée aux architectes au titre des désordres relatifs au « défaut d'étanchéité en mitoyen sud », sans rechercher si une telle faute ne résultait pas du seul fait que les architectes, chargés de contrôler l'exécution des travaux, aient laissé effectuer des travaux non conformes aux règles de l'art, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil.

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