Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 28 avril 2011, 10-12.003, Inédit
Cour de cassation - Chambre civile 2
- N° de pourvoi : 10-12.003
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation
- Président
- M. Loriferne (président)
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen relevé d'office après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile :
Vu les articles 29 et 31 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 et l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale dans leur rédaction issue de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006, ensemble l'article 1382 du code civil et le principe de la réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime ;
Attendu, selon les trois premiers de ces textes, que les recours des organismes tiers-payeurs s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge, à l'exclusion des postes de préjudice à caractère personnel ; que la rente d'invalidité indemnise, d'une part, les pertes de gains professionnels futurs et l'incidence professionnelle de l'incapacité, d'autre part, le déficit fonctionnel permanent ; qu'en présence de pertes de gains professionnels et d'incidence professionnelle de l'incapacité, le reliquat éventuel de cette rente, laquelle indemnise prioritairement ces deux postes préjudice patrimoniaux, ne peut s'imputer que sur le poste de préjudice personnel extra-patrimonial du déficit fonctionnel, s'il existe ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., blessée lors d'un accident de la circulation comme passagère d'une motocyclette pilotée par M. Y..., a assigné en indemnisation ce conducteur et son assureur, la société Nagico (l'assureur), en présence de la caisse primaire d'assurance maladie de Nantes ;
Attendu que pour condamner in solidum M. Y... et l'assureur à payer à Mme X... la somme totale de 199 951, 94 euros outre intérêts au titre de l'indemnisation de ses préjudices corporels, et à payer à la caisse au titre de ses débours définitifs la somme globale de 511 242, 48 euros représentant notamment pour 72 791, 43 euros le montant des indemnités journalières et pour 313 053, 26 euros le capital constitutif d'une rente d'invalidité, et la somme de 1 520 euros de ses frais de gestion, l'arrêt retient, au titre " du préjudice soumis à recours ", " l'incapacité temporaire totale " (ITT) pour 214 581, 65 euros, " l'incapacité permanente partielle " (IPP) de 55 % pour 150 000 euros, outre " l'incidence professionnelle définitive (préjudice économique) " pour 232 613, 07 euros, formant un total de 597 194, 72 euros, laissant après déduction de la créance de la caisse un solde de 85 951, 94 euros, et, au titre du " préjudice personnel " évalué globalement à 114 000 euros, notamment le " déficit temporaire total (gêne dans des actes de la vie courante) " pour 34 000 euros ;
Qu'en incluant dans le " préjudice soumis à recours " l'indemnisation celle de l'IPP, alors que cette incapacité fonctionnelle relevait des postes de préjudice à caractère personnel (extra-patrimoniaux) du déficit fonctionnel temporaire (DFT) et du déficit fonctionnel permanent (DFP), et sans rechercher si les prestations de la caisse étaient ou non susceptibles de s'imputer sur ces derniers, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 décembre 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Basse-Terre ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Basse-Terre, autrement composée ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes respectives des parties ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit avril deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Tiffreau et Corlay, avocat aux Conseils pour Mme X....
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR fixé comme suit le préjudice subi par Madame X... : Préjudice soumis à recours : ITT, 214. 581, 1665 ; IPP, 150. 000 ; incidence professionnelle définitive (préjudice économique) : 232. 613, 07 ; Total : 597. 194, 72 et déduit la créance de la CPAM de NANTES :-511. 242, 78 , soit une créance pour le « préjudice soumis à recours » s'élevant à 85. 951, 94 ; Préjudice personnel total de114. 000 ; soit un total de 199. 951, 94 et condamné en conséquence in solidum Monsieur Eric Y... et la Compagnie d'assurances NAGICO à payer à Madame X... la somme de 199. 951, 94 en deniers ou quittances, sous déduction des sommes d'ores et déjà versées à titre provisionnel, à justifier, et de la créance définitive de la CPAM de NANTES ; fixé à la somme de 511. 242, 78 le montant des débours définitifs de la CPAM de NANTES outre celle de 1. 520 pour ses frais de gestion, et condamné in solidum Monsieur Eric Y... et la Compagnie NAGICO à payer ces sommes à la CPAM de NANTES ;
AUX MOTIFS QUE « sur le préjudice soumis à recours, il n'est pas contesté que les conclusions de l'expert reposent sur un examen complet de la victime et font une exacte appréciation des conséquences corporelles, qu'elles sont exemptes de critique et que la Cour dispose en conséquence des éléments nécessaires pour évaluer le préjudice comme suit : Sur l'ITT : il est constant que Madame X... a été en invalidité temporaire totale du 20 août 1993 (date de l'accident) jusqu'au 15 septembre 2000, ainsi que cela appert des conclusions du rapport expertal du Dr Z... ; que cette période d'incapacité est donc bien de 84 mois et 26 jours, arrondis à 85 mois et non pas à 94 mois comme retenu par erreur par le premier juge ; qu'il résulte d'un bordereau de communication de pièces du 9 mai 2007 et des documents y annexés que Mme X... percevait un salaire net mensuel de 10. 000 FF, à savoir 1. 524, 49 ; qu'il est donc possible, comme le précisait le conseiller de la mise en état dans son ordonnance précitée de reconstituer avec une précision suffisante sa perte de ressources après l'accident ; que la Cour, tout comme le tribunal, dispose d'éléments suffisants pour forger sa conviction et évaluer le préjudice de la victime ; qu'en l'état du contrat de travail visé par le premier juge, lequel prévoyait le logement à titre gracieux sur le site dans un appartement mis à sa disposition par l'établissement hôtelier, sans frais d'eau ni d'électricité ; que c'est raisonnablement qu'a été retenu un avantage en nature évalué à 1. 000 par mois bien que ce dernier ne soit pas mentionné sur les bulletins de salaire de Mme X... ; qu'ainsi le préjudice au titre de l'ITT sera justement réparé par l'allocation d'une somme de 2. 524, 49 x 85 mois soit 214. 581, 65 ; sur l'IPP et le retentissement professionnel ; a) l'IPP (déficit fonctionnel permanent) que l'expert a évalué ce poste de préjudice à 55 % en faisant observer qu'une telle incapacité correspond aux séquelles constatées, savoir : une amputation de jambe au tiers supérieur nécessitant un appareillage ; un syndrome douloureux séquellaire rachidien avec irradiations neuro-musculaires dans le membre inférieur droit entraînant une gêne permanente dans toutes les activités surmenant la colonne vertébrale ; qu'il s'agit du préjudice non économique lié à la réductif du potentiel physique psychosensoriel ou intellectuel dont l'évaluation médico-légale se fait en pourcentage d'incapacité permanente partielle ou d'atteinte fonctionnelle du corps humain : le point d'IPP est fixé selon les séquelles conservées, le taux d'incapacité et l'âge de la victime ; qu'au cas particulier la somme de 150. 000 allouée par le premier juge est tout à fait justifiée et sera confirmée par la Cour ; b) l'incidence professionnelle ou économique ; qu'il ne saurait être utilement contesté que, comme l'a fort justement relevé l'expert, l'accident a entraîné l'interruption de l'activité que la victime exerçait lors dudit accident ; qu'ainsi le lien de causalité entre l'accident et la perte d'emploi est avéré, l'expert précisant encore « l'activité ne pourra être reprise et l'ont peut donc dire que l'accident a entraîné un préjudice professionnel certain » ; que peu importe le motif du licenciement, pour l'expert, il existe une « perte de profession » alors et surtout que la victime n'a pu, depuis l'accident, reprendre aucune activité professionnelle et qu'elle ne perçoit aucun revenu ; que partant s'est encore justement que le premier juge a retenu un retentissement professionnel et sa méthode de calcul sera reprise par la Cour puisque conforme à ce que retient la jurisprudence habituelle en pareille matière ; que c'est donc une somme de 232. 613, 07 qui réparera l'incidence professionnelle définitive liée à l'accident dont Mme X... a été victime ; 2. 1. 3- Sur les frais médicaux et assimilés, que la Caisse Primaire d'assurances Maladie de NANTES fait valoir des débours définitifs pour un montant de 511. 242, 78 tenant une rechute de la victime ayant entraîné son hospitalisation du 4 février 2003 au 19 novembre 2003 et des frais futurs à prendre en considération ; que cette somme viendra en déduction de celle qui sera allouée au titre du préjudice soumis à recours (
) »
ALORS QUE en application de l'article 31 de la loi du 5 juillet 1985 tel que modifié par la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006, les recours subrogatoires des tiers payeurs s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qu'ils ont pris en charge à l'exclusion des préjudices à caractère personnel ; que ce texte est immédiatement applicable aux dommages survenus avant son entrée en vigueur dès lors que le montant de l'indemnité due à la victime n'a pas été définitivement fixé ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a déduit de façon globale les sommes versées par la CPAM de NANTES du préjudice « soumis à recours » sans vérifier poste par poste quelles avaient été les sommes versées par la CPAM de NANTES ; que ce faisant, la Cour d'appel a violé le texte susvisé ensemble l'article L. 376-1 du Code de la sécurité sociale.