Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 17 mars 2011, 10-14.468, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre civile 2
- N° de pourvoi : 10-14.468
- Publié au bulletin
- Solution : Rejet
- Président
- M. Loriferne
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis de la Réunion, 25 septembre 2009), que M. X..., professeur de musique employé par l'Institut de rééducation des jeunes sourds et aveugles de Marseille (IRSAM), a été condamné par une cour d'assises pour avoir commis sur plusieurs de ses élèves des viols et agressions sexuelles, avec la circonstance aggravante que ces actes avaient été commis par une personne ayant autorité sur les victimes ; que plusieurs victimes ont saisi une commission d'indemnisation des victimes d'infraction aux fins d'obtenir la réparation de leur préjudice moral ; qu'après les avoir indemnisées, le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (le Fonds) a assigné en remboursement l'association de patronage de l'IRSAM (l'association) et son assureur la société Groupama assurances Océan Indien (l'assureur) ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal et sur le moyen unique du pourvoi incident de l'association, réunis :
Attendu que l'assureur et l'association font grief à l'arrêt de les condamner in solidum à payer au Fonds la somme de 53 500 euros outre intérêts au taux légal à compter de l'assignation, alors, selon le moyen :
1°/ que le commettant, responsable du dommage causé par son préposé dans les fonctions auxquelles il l'a employé, s'exonère de sa responsabilité lorsque son préposé a agi hors des fonctions auxquelles il était employé, sans autorisation et à des fins étrangères à ses attributions ; que M. X..., professeur de musique au Centre de rééducation des jeunes aveugles et des jeunes sourds de la Ressource, a été définitivement condamné pour avoir commis des viols et des agressions sexuelles sur des mineurs du centre ; que pour déclarer l'IRSAM civilement responsable de son préposé et le condamner, in solidum avec l'assureur au paiement des sommes allouées aux victimes, l'arrêt retient que M. X... était, lors des faits ayant entraîné le dommage, sur le temps et le lieu de son travail et dans l'exercice de ses fonctions, ayant trouvé dans son emploi l'occasion et les moyens de sa faute ; qu'en statuant ainsi, cependant que le préposé qui prend l'initiative personnelle de commettre des atteintes sexuelles sur mineurs sans rapport avec sa mission éducative, agit en dehors de ses fonctions d'enseignant, sans autorisation et à des fins étrangères à ses attributions, la cour d'appel a violé l'article 1384, alinéa 5, du code civil ;
2°/ que le commettant, responsable du dommage causé par son préposé dans les fonctions auxquelles il l'a employé, s'exonère de sa responsabilité lorsque son préposé a agi hors des fonctions auxquelles il était employé, sans autorisation et à des fins étrangères à ses attributions ; que pour déclarer l'IRSAM civilement responsable de son préposé et le condamner, in solidum avec l'assureur au paiement des sommes allouées aux victimes, l'arrêt retient que les viols et agressions sexuelles ayant été commis dans l'enceinte de l'établissement et dans le cadre des cours que M. X... était amené à donner aux victimes, ce dernier était, lors des faits ayant entraîné le dommage, sur le temps et le lieu de son travail et dans l'exercice de ses fonctions, ayant trouvé dans son emploi l'occasion et les moyens de sa faute ; qu'en statuant par ces seuls motifs insuffisants à caractériser le lien entre les atteintes sexuelles sur mineurs et la mission éducative du préposé, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1384, alinéa 5, du code civil ;
Mais attendu que, sous le couvert des griefs non fondés de violation de l'article 1384, alinéa 5, du code civil et de défaut de base légale au regard de ce texte, le moyen ne tend qu'à remettre en discussion devant la Cour de cassation l'appréciation souveraine de la valeur et de la portée des éléments de preuve par la cour d'appel, qui, par un arrêt motivé, relevant que M. X..., usant du cadre de l'exécution de son emploi de professeur de musique pour abuser d'élèves placés sous son autorité, avait pratiqué les viols et agressions sexuelles dont il avait été reconnu coupable dans l'enceinte de l'établissement et pendant les cours qu'il devait y donner, en a exactement déduit que ce préposé, qui avait ainsi trouvé dans l'exercice de sa profession sur son lieu de travail et pendant son temps de travail les moyens de sa faute et l'occasion de la commettre, fût-ce sans autorisation et à des fins étrangères à ses attributions, n'avait pas agi en dehors de ses fonctions, et que l'association, son commettant, était responsable des dommages qu'il avait ainsi causés ;
D'où il suit que le moyen, qui manque en fait en sa seconde branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
Sur le second moyen du pourvoi principal, tel que reproduit en annexe :
Attendu que l'assureur fait grief à l'arrêt de le condamner in solidum avec l'association à payer au Fonds la somme de 53 500 euros outre intérêts au taux légal à compter de l'assignation ;
Mais attendu que l'arrêt, après avoir évalué à une certaine somme sous la forme de dommages-intérêts la réparation des préjudices mis à la charge de l'IRSAM, retient qu'en application de l'article L. 121-2 du code des assurances et du contrat souscrit par l'IRSAM auprès de la société Groupama, seule la faute intentionnelle dolosive de l'assuré est de nature à exonérer l'assureur de son obligation à garantie et que tel n'est pas le cas en l'espèce, les faits fautifs ayant été commis par le préposé de l'assuré ; qu'il en déduit exactement, répondant par là même implicitement mais nécessairement aux conclusions prétendument délaissées invoquant l'exclusion de la garantie contractuelle pour "les sanctions pénales, le paiement des amendes, y compris celles qui ont le caractère de réparation civile", que l'assureur doit sa garantie du paiement de cette somme ;
D'où il suit que le moyen, qui manque en fait, ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois principal et incident ;
Condamne la société Groupama assurances Océan Indien et l'association de patronage de l'Institut de rééducation des jeunes sourds et aveugles de Marseille aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes respectives de la société Groupama assurances Océan Indien et de l'association de patronage de l'Institut de rééducation des jeunes sourds et aveugles de Marseille ; condamne la société Groupama assurances Océan Indien à payer au Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept mars deux mille onze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt.
Moyens produits AU POURVOI PRINCIPAL par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour la société Groupama assurances Océan Indien.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné in solidum l'Association de patronage de l'Institut des jeunes sourds et aveugles de Marseille en sa qualité de gestionnaire du Centre de rééducation des jeunes aveugles et des jeunes sourds de la Ressource et la société Groupama Océan Indien à payer au Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages la somme de 53.500 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter de l'assignation ;
AUX MOTIFS QUE pour s'exonérer de la présomption de responsabilité pesant sur elle du fait de monsieur X... dont il n'est pas discuté qu'il était alors son préposé, et ce en application des dispositions de l'article 1384 alinéa 5 du code civil, il appartient à l'association de patronage de l'Institut des jeunes sourds et aveugles de Marseille en sa qualité de gestionnaire du centre de rééducation des jeunes aveugles et des jeunes sourds de la Ressource d'établir que celui-ci a agi hors de ses fonctions, sans autorisation et à des fins étrangères à ses attributions ; que monsieur Fred X..., professeur de musique dans l'enceinte du centre de rééducation des jeunes aveugles et des jeunes sourds de la Ressource a été reconnu coupable de viols et d'agressions sexuelles par personne ayant autorité sur plusieurs mineurs du centre dont mademoiselle Y..., mademoiselle Z... et monsieur A... et qu'il est incontestable que les viols et agressions qu'il a commis l'ont été dans l'enceinte de l'établissement et dans le cadre des cours qu'il était amené à leur donner ; qu'il était ainsi indiscutablement lors des faits ayant entraîné le dommage sur le temps et le lieu de son travail et dans l'exercice de ses fonctions, ayant trouvé dans son emploi l'occasion et les moyens de sa faute ; que dans ces conditions l'Association de patronage de l'Institut des jeunes sourds et aveugles de Marseille ne peut s'exonérer de la présomption de responsabilité pesant sur elle pour les dommages causés à mademoiselle Y..., mademoiselle Z... et monsieur A... et sa responsabilité civile est donc pleinement engagée ;
1°) ALORS QUE le commettant, responsable du dommage causé par son préposé dans les fonctions auxquelles il l'a employé, s'exonère de sa responsabilité lorsque son préposé a agi hors des fonctions auxquelles il était employé, sans autorisation et à des fins étrangères à ses attributions ; que monsieur X..., professeur de musique au Centre de rééducation des jeunes aveugles et des jeunes sourds de la Ressource, a été définitivement condamné pour avoir commis des viols et des agressions sexuelles sur les personnes de mademoiselle Y..., mademoiselle Z... et monsieur A..., mineurs du centre ; que pour déclarer l'IRSAM civilement responsable de son préposé et le condamner, in solidum avec la société Groupama Océan Indien, au paiement des sommes allouées aux victimes, l'arrêt retient que monsieur X... était, lors des faits ayant entraîné le dommage, sur le temps et le lieu de son travail et dans l'exercice de ses fonctions, ayant trouvé dans son emploi l'occasion et les moyens de sa faute ; qu'en statuant ainsi, cependant que le préposé qui prend l'initiative personnelle de commettre des atteintes sexuelles sur mineurs sans rapport avec sa mission éducative, agit en dehors de ses fonctions d'enseignant, sans autorisation et à des fins étrangères à ses attributions, la cour d'appel a violé l'article 1384, alinéa 5 du code civil ;
2°) ALORS QUE le commettant, responsable du dommage causé par son préposé dans les fonctions auxquelles il l'a employé, s'exonère de sa responsabilité lorsque son préposé a agi hors des fonctions auxquelles il était employé, sans autorisation et à des fins étrangères à ses attributions ; que pour déclarer l'IRSAM civilement responsable de son préposé et le condamner, in solidum avec la société Groupama Océan Indien, au paiement des sommes allouées aux victimes, l'arrêt retient que les viols et agressions sexuelles ayant été commis dans l'enceinte de l'établissement et dans le cadre des cours que monsieur X... était amené à donner aux victimes, ce dernier était, lors des faits ayant entraîné le dommage, sur le temps et le lieu de son travail et dans l'exercice de ses fonctions, ayant trouvé dans son emploi l'occasion et les moyens de sa faute ; qu'en statuant par ces seuls motifs insuffisants à caractériser le lien entre les atteintes sexuelles sur mineurs et la mission éducative du préposé, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1384, alinéa 5 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné in solidum l'Association de patronage de l'Institut des jeunes sourds et aveugles de Marseille en sa qualité de gestionnaire du Centre de rééducation des jeunes aveugles et des jeunes sourds de la Ressource et la société Groupama Océan Indien à payer au Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages la somme de 53.500 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter de l'assignation ;
AUX MOTIFS QU'en application de l'article L. 121-2 du code des assurances et du contrat souscrit par l'IRSAM auprès de la société Groupama, seule la faute intentionnelle dolosive de l'assuré est de nature à exonérer l'assureur de son obligation à garantie ; que tel n'est pas le cas en l'espèce les faits fautifs ayant été commis par le préposé de l'assuré ; qu'il s'ensuit de la société Groupama Assurances Océan Indien est tenue de garantir l'IRSAM à raison des dommages causés par son préposé monsieur X... quelles que soient la nature et la gravité des fautes commises par ce dernier à l'origine des dommages ;
ALORS QUE l'article L. 121-2 du code des assurances ne fait pas obstacle à ce que soient exclues de la garantie de l'assureur les condamnations pénales pécuniaires frappant un préposé et dont son commettant est déclaré civilement responsable ; que pour condamner la société Groupama Océan Indien, in solidum avec l'IRSAM, au paiement des sommes allouées aux victimes, l'arrêt retient, sur le fondement du texte précité et du contrat d'assurances souscrit par l'IRSAM, que seule la faute intentionnelle dolosive de l'assuré exonère l'assureur de son obligation à garantie ; qu'en statuant ainsi, sans répondre au moyen péremptoire des dernières conclusions de la société Groupama Océan Indien (p. 3), notifiées le 15 octobre 2008, qui soutenait qu'étaient exclus de la garantie contractuelle « les sanctions pénales, le paiement des amendes, y compris celles qui ont le caractère de réparation civile », la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile.
Moyen produit AU POURVOI INCIDENT par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils, pour l'association de patronage de l'Institut de rééducation des jeunes sourds et aveugles de Marseille.
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné l'Association de patronage de l'Institut des jeunes sourds et aveugles de MARSEILLE en sa qualité de gestionnaire du Centre de Rééducation des jeunes aveugles et des jeunes sourds de la Ressource, in solidum avec la Société GROUPAMA ASSURANCES OCEAN INDIEN, à payer au FGAO la somme de 53 500 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter de l'assignation ;
AUX MOTIFS QUE pour s'exonérer de la présomption de responsabilité pesant sur elle du fait de Monsieur X... dont il n'est pas discuté qu'il était alors son préposé, et ce en application des dispositions de l'article 1384 alinéa 5 du Code civil, il appartient à l'Association de patronage de l'Institut des jeunes sourds et aveugles de MARSEILLE en sa qualité de gestionnaire du Centre de Rééducation des jeunes aveugles et des jeunes sourds de la Ressource d'établir que celui-ci a agi hors de ses fonctions, sans autorisation et à des fins étrangères à ses attributions ; que Monsieur Fred X..., professeur de musique dans l'enceinte du Centre de Rééducation des jeunes aveugles et des jeunes sourds de la Ressource a été reconnu coupable de viols et d'agressions sexuelles par personne ayant autorité sur plusieurs mineurs du centre dont Mademoiselle Y..., Mademoiselle Z... et Monsieur A... et qu'il est incontestable que les viols et agressions qu'il a commis l'ont été dans l'enceinte de l'établissement et dans le cadre des cours qu'il était amené à leur donner ; qu'il était ainsi indiscutablement lors des faits ayant entraîné le dommage sur le temps et le lieu de son travail et dans l'exercice de ses fonctions, ayant trouvé dans son emploi l'occasion et les moyens de sa faute ; que dans ces conditions l'Association de patronage de l'Institut des jeunes sourds et aveugles de MARSEILLE ne peut s'exonérer de la présomption de responsabilité pesant sur elle pour les dommages causés à Mademoiselle Y..., Mademoiselle Z... et Monsieur A... et sa responsabilité civile est donc pleinement engagée ;
1°/ ALORS QUE le commettant, responsable du dommage causé par son préposé dans les fonctions auxquelles il l'a employé, s'exonère de sa responsabilité lorsque son préposé a agi hors des fonctions auxquelles il était employé, sans autorisation et à des fins étrangères à ses attributions ; que Monsieur X..., professeur de musique au Centre de Rééducation des jeunes aveugles et des jeunes sourds de la Ressource, a été définitivement condamné pour avoir commis des viols et des agressions sexuelles sur les personnes de Mademoiselle Y..., Mademoiselle Z... et Monsieur A..., mineurs du centre ; que pour déclarer l'IRSAM civilement responsable de son préposé et le condamner, in solidum avec la Société GROUPAMA OCEAN INDIEN, au paiement des sommes allouées aux victimes, l'arrêt retient que Monsieur X... était, lors des faits ayant entraîné le dommage, sur le temps et le lieu de son travail et dans l'exercice de ses fonctions, ayant trouvé dans son emploi l'occasion et les moyens de sa faute ; qu'en statuant ainsi, cependant que le préposé qui prend l'initiative personnelle de commettre des atteintes sexuelles sur mineurs sans rapport avec sa mission éducative, agit en dehors de ses fonctions d'enseignant, sans autorisation et à des fins étrangères à ses attributions, la Cour d'appel a violé l'article 1384, alinéa 5, du Code civil ;
2°/ ALORS QUE le commettant, responsable du dommage causé par son préposé dans les fonctions auxquelles il l'a employé, s'exonère de sa responsabilité lorsque son préposé a agi hors des fonctions auxquelles il était employé, sans autorisation et à des fins étrangères à ses attributions ; que pour déclarer l'IRSAM civilement responsable de son préposé et le condamner, in solidum avec la Société GROUPAMA OCEAN INDIEN, au paiement des sommes allouées aux victimes, l'arrêt retient que les viols et agressions sexuelles ayant été commis dans l'enceinte de l'établissement et dans le cadre des cours que Monsieur X... était amené à donner aux victimes, ce dernier était, lors des faits ayant entraîné le dommage, sur le temps et le lieu de son travail et dans l'exercice de ses fonctions, ayant trouvé dans son emploi l'occasion et les moyens de sa faute ; qu'en statuant par ces seuls motifs insuffisants à caractériser le lien entre les atteintes sexuelles sur mineurs et la mission éducative du préposé, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1384, alinéa 5, du Code civil.