Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 8 février 2011, 09-88.773, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

Mme Zoléra X..., épouse Y...,
M. Belkacem Y..., parties civiles,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, en date du 15 décembre 2009, qui, dans l'information suivie contre personne non dénommée du chef d'homicide involontaire, a confirmé l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu le mémoire commun aux demandeurs, le mémoire en défense et les observations complémentaires produits par M. Erwan Z... ;

Sur la recevabilité du mémoire de M. Z... ;

Attendu que, n'étant pas partie à la procédure, le témoin assisté ne tire d'aucune disposition légale la faculté de déposer un mémoire ;

Que, dès lors, les mémoires produits par celui-ci sont irrecevables ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles préliminaire, 86, 177, 186, 194 du code de procédure pénale, 121-3 et 221-6 du code pénal, 2 et 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 575, alinéa 2, 6°, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que la chambre de l'instruction a confirmé l'ordonnance de non-lieu ;

"aux motifs qu'il résulte de l'information qui apparaît complète qu'outre les membres de l'équipage du véhicule de secours qui ont affirmé que le gyrophare et la sirène avaient été activés avant l'accident, deux témoins M. A... et Mme B... ont déclaré sans varier que la sirène fonctionnait au moment du franchissement de l'intersection du boulevard Carnot et de la rue Portalis de même que le gyrophare, M. A... précisait d'ailleurs, que c'est parce qu'il avait entendu la sirène depuis la terrasse d'un appartement situé à proximité du carrefour qu'il avait eu son attention attirée et vu le véhicule de secours qui se dirigeait vers le carrefour et assisté à la collision ; que, si Mme C... a affirmé en revanche qu'elle n'avait entendu la sirène à aucun moment et M. D... qu'il n'avait entendu la sirène qu'après le choc, il n'en demeure pas moins que ces deux témoignages au demeurant contradictoires ne paraissent pas de nature à remettre en cause deux constats de M. A... et Mme B... que confortent le fait non discuté que l'avertisseur sonore du véhicule de secours était resté bloqué après la collision ainsi que les déclarations du blessé transporté M. E... qui a indiqué que la sirène fonctionnait ; qu'il résulte également que l'information que l'équipage du véhicule de secours piloté par M. Z... transportait un blessé en l'espèce M. E... vers le centre hospitalier, ce qui constituait une mission urgente au sens de l'article R. 432-1 du code de la route, l'équipage n'ayant aucune faculté d'appréciation de l'état de santé du blessé en l'absence de médecin présent à bord du véhicule ; que le rapport d'expertise ayant permis de déterminer que le véhicule de secours roulait à une vitesse non excessive de 40-50 km/heure, que le véhicule des pompiers présentait des traces de choc oblique latéral arrière gauche, ce dont il résultait que le cyclomoteur était venu percuter le véhicule de secours à l'arrière, alors que celui-ci bénéficiait en vertu des dispositions de l'article R. 432-1 du code de la route d'une priorité de passage, il y a lieu de considérer que l'information n'a pas permis d'établir de charges suffisantes à l'encontre de M. Z... dont le taux d'alcoolémie était nul après analyse de contrôle d'avoir commis, une maladresse, imprudence inattention, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement à l'origine du décès de M. Y... de sorte que l'ordonnance de non-lieu sera confirmée ;

"1°) alors que la chambre de l'instruction, qui rendait une ordonnance de non lieu en relevant que "l'information (qui) apparaît complète" ne pouvait, sans se contredire, conclure dans le même temps que les charges contre le mis en cause étaient insuffisantes, cette contradiction étant d'autant plus contestable que l'atteinte au droit à la vie impliquait une enquête indubitablement complète et efficace afin de déterminer les circonstances du décès ; qu'en l'absence d'investigations complètes portant notamment sur l'état d'ébriété du conducteur du véhicule de secours et le fonctionnement de la sirène dudit véhicule au moment de l'accident mortel, l'arrêt ne peut, en la forme, satisfaire aux conditions essentielles de son existence légale ;

"2°) alors que, la mission urgente au sens de l'article R. 432-1 du code de la route ne saurait justifier une impunité du conducteur d'un véhicule d'intérêt général prioritaire franchissant un feu rouge fixe lorsqu'il ressort manifestement des faits que la blessure du passager transporté était superficielle et ne justifiait aucunement le décès d'un jeune cyclomoteur ayant parfaitement respecté les règles de conduite ; qu'en se contentant de noter qu'en l'absence de médecin à bord, le personnel de secours ne pouvait apprécier l'état de santé de M. E..., passager transporté, et en ne se prononçant pas sur le point de savoir si l'urgence existait et pouvait justifier une mise en danger des autres usagers de la route au sens de l'article précité, en l'occurrence le décès du jeune Sofiane Y..., l'arrêt qui ne répond pas à cette articulation cruciale du mémoire, n'a pas satisfait, en la forme, aux conditions essentielles de son existence légale" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, le 1er juillet 2005, vers 1h30, Sofiane Y..., âgé de 16 ans, qui circulait à cyclomoteur, s'est engagé dans un carrefour, alors que le feu de signalisation était au vert dans son sens de circulation ; qu'ayant heurté de front l'arrière gauche d'un véhicule de sapeurs pompiers, conduit par M. Z..., qui venait de franchir un feu rouge fixe, il a été mortellement blessé ;

Attendu que, pour dire qu'il n'existait pas de charges suffisantes contre quiconque d'avoir commis le délit d'homicide involontaire, l'arrêt, après analyse minutieuse des pièces du dossier, retient que le véhicule de secours, qui transportait un blessé vers le centre hospitalier, effectuait une mission urgente au sens de l'article R. 432-1 du code de la route ; qu'il est établi que son avertisseur sonore, resté bloqué après la collision, était en action avant l'accident, qu'il en était de même de son signal lumineux et qu'enfin, M. Z..., dont l'éthylotest et l'analyse de contrôle se sont avérés négatifs, circulait à une vitesse non excessive ; que les juges ajoutent que Sofiane Y... est venu percuter l'arrière gauche du véhicule de secours, alors que celui-ci bénéficiait d'une priorité de passage ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, d'où il résulte que M. Z... a pris toutes les précautions de sécurité pour éviter la collision, la chambre de l'instruction, qui a répondu sans contradiction et insuffisance aux articulations essentielles du mémoire dont elle était saisie, a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen, qui revient à remettre en cause l'appréciation souveraine, par les juges du second degré, des faits et circonstances de la cause, ne peut être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, Mme Radenne conseiller rapporteur, M. Palisse conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

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