Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 2 mars 2011, 10-13.547, Inédit
Cour de cassation - Chambre sociale
- N° de pourvoi : 10-13.547
- Non publié au bulletin
- Solution : Rejet
- Président
- M. Bailly (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 11 juin 2009), statuant sur renvoi après cassation (soc. 29 janvier 2008 n° 06-18.623), que la société La Redoute (la société) a dénoncé par lettre du 8 octobre 2001 au comité d'entreprise des "usages" relatifs au nombre d'heures de délégations attribué aux représentants du personnel ; que le comité d'entreprise et divers syndicats ont assigné la société devant le tribunal de grande instance de Lille en alléguant que ces "usages" résultaient d'un accord collectif qui ne pouvait être dénoncé que conformément à l'article L. 132-8 du code du travail, alors applicable et que sa dénonciation était nulle ; que par jugement du 28 octobre 2004, le tribunal a "rejeté l'exception d'irrecevabilité soulevée par la société La Redoute relative au défaut d'intérêt à agir des demandeurs" et a débouté ceux-ci de leur demande ; que l'arrêt du 31 mai 2006 de la cour d'appel de Douai confirmant ce jugement a été cassé sauf en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par La Redoute relative au défaut d'intérêt à agir des demandeurs et en ce qu'il a donné acte au syndicat des travailleurs de La Redoute de son désistement, et a renvoyé la cause et les parties devant la cour d'appel d'Amiens ;
Attendu que le comité d'entreprise fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes, alors, selon le moyen :
1°/ qu'il incombe au demandeur de présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci ; que les fins de non-recevoir successivement élevées entre les mêmes parties tendaient l'une et l'autre à déclarer les demandes du comité d'entreprise irrecevables, la première sur le fondement du défaut d'intérêt à agir, la seconde sur le fondement du défaut d'intérêt et de qualité à agir ; que la société La Redoute ne pouvait être admise à contester l'identité de cause entre les deux contestations en invoquant le défaut de qualité à agir du comité d'entreprise, fondement juridique qu'elle s'était abstenu de soulever en temps utile, de sorte que la fin de non-recevoir se heurtait à la chose précédemment jugée relativement à la même contestation ; qu'en décidant du contraire, la cour d'appel a violé l'article 1351 du code civil ;
2°/ subsidiairement que l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime ; que le comité d'entreprise a le pouvoir d'exercer une action en justice chaque fois que ses intérêts propres sont en cause ; que le comité d'entreprise a tout à la fois intérêt et qualité à agir en exécution de tout acte juridique, fût-il un accord collectif, réglant les modalités de son fonctionnement ; que l'acte juridique, qualifié d'accord collectif par le comité d'entreprise La Redoute, dont il sollicitait l'annulation de la dénonciation fixait le nombre d'heures de délégation de ses membres et donc les conditions de son fonctionnement ; que le comité d'entreprise avait un intérêt propre à agir pour en obtenir l'exécution, ce dont il se déduisait sa qualité pour agir ; qu'en déclarant néanmoins son action irrecevable, la cour d'appel a violé l'article 31 du code de procédure civile ;
Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel, après avoir rappelé qu'une fin de non recevoir peut être invoquée en tout état de cause et qu'une personne ayant intérêt à agir n'a pas nécessairement qualité pour le faire, a exactement décidé que l'autorité de la chose jugée qui s'attache à l'arrêt de la cour d'appel de Douai rejetant la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir du comité d'entreprise, ne faisait pas obstacle à ce que soit invoquée dans la même instance faisant suite à l'arrêt de cassation, devant la cour de renvoi, conformément aux dispositions de l'article 632 du code de procédure civile, une fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir ;
Attendu, ensuite, que la cour d'appel a exactement décidé que le comité d'entreprise, qui n'était ni partie à l'accord collectif ni signataire de celui-ci, n'avait pas qualité pour intenter une action visant à obtenir l'exécution des engagements contractés, cette action étant réservée aux organisations ou groupements définis à l'article L. 2231-1 du code du travail qui ont le pouvoir de conclure une convention ou un accord collectif de travail, peu important que cet accord, relatif aux heures de délégations des représentants du personnel, ait une incidence sur son fonctionnement ;
Que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne le comité d'entreprise La Redoute aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux mars deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils pour le comité d'entreprise La Redoute.
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement entrepris dans les limites de la cassation de l'arrêt rendu le 31 mai 2006 par la cour d'appel de Douai et d'avoir débouté le comité d'entreprise de LA REDOUTE de toutes ses demandes ;
AUX MOTIFS QU' une personne ayant intérêt à agir n'a pas nécessairement qualité pour le faire dès lors que, comme l'énonce l'article 31 du Code de procédure civile, la loi peut attribuer le droit d'agir aux seules personnes qu'elle désigne pour élever ou combattre une prétention ; que le défaut de qualité pour agir est au nombre des fins de non-recevoir qui, comme telle, peut être invoquée en tout état de cause ; que l'autorité de la chose jugée qui, en l'espèce, s'attache à l'arrêt de la Cour d'appel de Douai pris en sa disposition approuvant les premiers juges qui ont rejeté la fin de non-recevoir tirée d'un prétendu défaut d'intérêt à agir, ne fait donc pas obstacle à ce que soit examinée la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité allégué par la société La Redoute ; qu'il résulte des articles L. 2222-6, L. 2261-9 L. 2261-11, L. 2261-13 et L. 2261-14 du Code du travail, que le comité d'entreprise, en tant qu'institution, est irrecevable, pour défaut de qualité à agir, à contester les conditions et modalités de dénonciation de ce qu'il estime être un accord collectif d'entreprise dès lors qu'il n'est pas partie, pas plus que signataire d'un tel accord collectif dont la négociation est réservée par les dispositions de l'article L 2231-1 du même code au monopole des organisations syndicales ; qu'il suit de là que le comité d'entreprise de la Redoute n'a pas qualité pour agir en vue de l'annulation de la dénonciation du document qu'il regarde comme étant un accord collectif d'entreprise ;
ALORS QU'il incombe au demandeur de présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci ; que les fins de non recevoir successivement élevées entre les mêmes parties tendaient l'une et l'autre à déclarer les demandes du comité d'entreprise irrecevables, la première sur le fondement du défaut d'intérêt à agir, la seconde sur le fondement du défaut d'intérêt et de qualité à agir ; que la société LA REDOUTE ne pouvait être admise à contester l'identité de cause entre les deux contestations en invoquant le défaut de qualité à agir du comité d'entreprise, fondement juridique qu'elle s'était abstenu de soulever en temps utile, de sorte que la fin de non recevoir se heurtait à la chose précédemment jugée relativement à la même contestation ; qu'en décidant du contraire, la Cour d'appel a violé l'article 1351 du Code civil ;
ALORS subsidiairement QUE l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime ; que le comité d'entreprise a le pouvoir d'exercer une action en justice chaque fois que ses intérêts propres sont en cause ; que le comité d'entreprise a tout à la fois intérêt et qualité à agir en exécution de tout acte juridique, fût-il un accord collectif, réglant les modalités de son fonctionnement ; que l'acte juridique, qualifié d'accord collectif par le comité d'entreprise LA REDOUTE, dont il sollicitait l'annulation de la dénonciation fixait le nombre d'heures de délégation de ses membres et donc les conditions de son fonctionnement ; que le comité d'entreprise avait un intérêt propre à agir pour en obtenir l'exécution, ce dont il se déduisait sa qualité pour agir ; qu'en déclarant néanmoins son action irrecevable, la Cour d'appel a violé l'article 31 du Code de procédure civile.