Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 1 mars 2011, 10-30.023, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le moyen unique, pris en ses première et quatrième branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 juin 2009) que la société Unilever, titulaire d'une marque tridimensionnelle internationale n° 707 439 déposée le 20 janvier 1999 sous priorité d'un dépôt Benelux du 15 septembre 1998 pour désigner en particulier des glaces et crèmes glacées et visant la France, reprochant à la société Rolland de commercialiser en France des glaces et crèmes glacées sous une forme qui reproduirait les caractéristiques de sa marque, l'a assignée en contrefaçon ; que la société Rolland a sollicité la nullité de la marque ;

Attendu que la société Unilever fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré nulle la marque n° 707 439 comme étant dépourvue de caractère distinctif, alors, selon le moyen :

1°/ que la forme du produit peut constituer une marque ; qu'en énonçant, pour déclarer nulle la marque constituée par la forme de l'entremets glacé consistant en un parallélépipède composé de trois couches sinusoïdales entrecoupées par des couches plates, dont elle a constaté que la présence de vagues ou de sinusoïdes la distinguait des produits identiques ou similaires présents sur le marché, que le consommateur de ce type de produit n'était pas habitué, à la date du dépôt de la marque, à ce que la forme du produit lui signifie l'entreprise qui le commercialise, la cour d'appel qui, ainsi, a refusé pour le type de produit considéré toute possibilité de déposer la forme de ce produit à titre de marque, a violé les articles L. 711-1 et L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle ;

2°/ qu'en ne retenant, dans son appréciation du caractère distinctif, que la forme parallélépipédique du produit, la pluralité de couches superposées et leurs formes de vagues ou sinusoïdes sans tenir compte des autres caractéristiques de forme invoquées par la société Unilever, tenant au nombre précis de couches (trois), au fait que ces couches étaient entrecoupées par des couches plates plus minces et à la présence d'une bande longitudinale foncée, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 711-1 et L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle ;

Mais attendu que l'arrêt, après avoir constaté que la marque en cause présente la forme d'un parallélépipède composé de trois couches allongées sinusoïdales entrecoupées par des couches plates, relève que cette forme très évocatrice de celle adoptée pour des cakes, vacherins ou bûches glacées comporte une superposition de couches avec des sinusoïdes ou vagues de matière crémeuse ; qu'il en déduit que le consommateur qui n'est pas habitué à ce que la forme d'un entremets glacé lui signifie l'origine de l'entreprise qui le commercialise, ne pouvait percevoir en 1998, dans cette seule différence décorative une indication d'origine ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel qui n'a pas exclu toute possibilité de déposer à titre de marque la forme d'un entremets glacé mais qui a pris en considération l'ensemble des caractéristiques de la forme en cause et précisé pourquoi le consommateur de référence n'était pas à même, sans faire preuve d'une attention particulière, de distinguer le produit concerné des entremets glacés commercialisés par d'autres entreprises, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu que les autres griefs ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Unilever NV aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la société Rolland la somme de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du premier mars deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt.

Moyen produit par Me Bertrand, avocat aux Conseils, pour la société Unilever NV.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré nulle la marque tridimensionnelle internationale désignant la France n° 707 439 de la société UNILEVER déposée le 20 janvier 1999, comme étant dépourvue de caractère distinctif ;

AUX MOTIFS QU'il résulte de l'article 3 de la directive 89/104 que le caractère distinctif auquel doit satisfaire un signe pour pouvoir être enregistré est une exigence autonome qui ne se déduit pas seulement du fait que ce signe ne serait ni générique ni descriptif des qualités des produits et services visés à son enregistrement ; que cette exigence s'entend de la capacité du signe à identifier aux yeux des consommateurs concernés l'origine des produits visés à son enregistrement ; que pour une marque tridimensionnelle qui est indissociable de la représentation d'un produit cette exigence sera satisfaite si la forme déposée se différencie de façon significative de celle adoptée par les opérateurs sur le marché, c'est-à-dire si cette différence de présentation est suffisante pour permettre au consommateur d'y voir l'indication d'une origine distincte ; qu'en l'espèce la forme déposée est un parallélépipède, très évocatrice de celle adoptée pour des cakes, vacherins ou des bûches glacées ; qu'elle donne à voir une superposition de couches avec des sinusoïdes ou vagues de matière crémeuse ; que si la preuve n'est pas apportée qu'antérieurement à la priorité revendiquée il existait des gâteaux dont les couches superposées épousaient des formes de vagues ou de sinusoïdes, il demeure que le consommateur qui n'est pas habitué à ce que la forme d'un entremets glacé lui signifie l'origine de l'entreprise qui le commercialise ne pouvait percevoir en 1998, dans cette seule différence décorative, le signe d'une origine (arrêt attaqué p. 5) ;

ALORS, d'une part, QUE la forme du produit peut constituer une marque ; qu'en énonçant, pour déclarer nulle la marque constituée par la forme de l'entremets glacé consistant en un parallélépipède composé de trois couches sinusoïdales entrecoupées par des couches plates, dont elle a constaté que la présence de vagues ou de sinusoïdes la distinguait des produits identiques ou similaires présents sur le marché, que le consommateur de ce type de produit n'était pas habitué, à la date du dépôt de la marque, à ce que la forme du produit lui signifie l'entreprise qui le commercialise, la cour d'appel qui, ainsi, a refusé pour le type de produit considéré toute possibilité de déposer la forme de ce produit à titre de marque, a violé les articles L. 711-1 et L. 711-2 du Code de la Propriété Intellectuelle ;

ALORS, d'autre part, QUE la société ROLLAND ayant uniquement prétendu, pour contester le caractère distinctif de la forme revendiquée à titre de marque, que cette forme était proche de celle de produits identiques ou similaires présents sur le marché et avait un caractère banal, c'est d'office que la cour d'appel a relevé le moyen tiré de ce que le consommateur de ce type de produits n'avait pas l'habitude que la forme de ce produit « lui signifie son origine », de sorte que cette forme ne pouvait être déposée à titre de marque ; qu'en s'abstenant d'inviter les parties à présenter leurs observations sur ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 16 du Code de Procédure civile ;

ALORS, de troisième part, QU'en énonçant que le consommateur n'était pas habitué à ce que la forme d'un entremets glacé lui signifie l'origine de ce produit et identifie l'entreprise qui le commercialise, la cour d'appel s'est fondé sur un fait qui n'était pas dans le débat, en violation de l'article 7 du Code de Procédure civile ;

ALORS, enfin, QU'en ne retenant, dans son appréciation du caractère distinctif, que la forme parallélépipédique du produit, la pluralité de couches superposées et leurs formes de vagues ou sinusoïdes sans tenir compte des autres caractéristiques de forme invoquées par la société UNILEVER, tenant au nombre précis de couches (trois), au fait que ces couches étaient entrecoupées par des couches plates plus minces et à la présence d'une bande longitudinale foncée, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 711-1 et L. 711-2 du Code de la Propriété Intellectuelle.

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