Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 26 janvier 2011, 10-83.280, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :


- M. Gilbert X...,


contre l'arrêt de la cour d'appel de REIMS, chambre correctionnelle, en date du 31 mars 2010, qui, pour abus de confiance, faux et usage, l'a condamné à 10 000 euros d'amende ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 314-1 du code pénal, 8, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable d'abus de confiance concernant des « augmentations de salaire » au préjudice de la SEMLH, s'étant désistée de sa constitution de partie civile ;

"aux motifs que le trop-perçu en 1997 n'avait pas pu être décelé avant ou après l'établissement du bilan 1997 ; que, pour les mêmes raisons, l'augmentation de 30 152 francs pour 1998, intégrée dans la masse salariale du personnel du château n'avait pas pu être décelée avant ou après l'établissement du bilan 1998 ; que, par contre, compte tenu de son importance, 79 680 francs en 1999, cette augmentation pouvait être décelée après l'établissement du bilan 1999, soit à la fin du premier trimestre 2000 ; qu'en ayant procédé au licenciement du prévenu dès la découverte de cette augmentation indue ayant révélé les précédentes, la SEMLH avait montré n'avoir donné aucun accord implicite à ces augmentations de salaires ; qu'en l'absence d'augmentation légale ou contractuellement prévue et d'accord verbal ou implicite, ce que confirmaient d'ailleurs les courriers teintés de regrets adressés par le prévenu à sa hiérarchie ainsi que son accord pour rembourser les sommes perçues indûment, il était démontré que M. X... avait commis un abus de confiance ;

"alors que le délit d'abus de confiance résultant du versement d'augmentations de salaire est une infraction instantanée, consommée lors de chaque paiement indu ; qu'en retenant M. X... dans les liens de la prévention pour des trop-perçus en 1997, en 1998 et en 1999, soit plus de trois ans avant le dépôt de la plainte avec constitution de partie civile, datée du 2 août 2002, la cour d'appel a violé l'article 8 du code de procédure pénale";

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 314-1 du code pénal, 8, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable d'abus de confiance pour l'automobile Ford Scorpio ;

"aux motifs que le 2 juin 1993, M. X... avait acheté d'occasion une Ford Scorpio au moyen d'un chèque de 32 500 francs, tiré sur son compte personnel, et faisait établir la carte grise à son nom ; que s'étant fait rembourser ce véhicule par la SEMLH sans procéder à la mutation de carte grise au nom de la société, M. X... avait donné ultérieurement ce véhicule à sa fille ; que l'employée du château avait confirmé que le véhicule avait été donné par le prévenu à sa fille et que celle-ci lui avait ensuite revendue ; qu'au regard des premières déclarations de M. X... et de celle de l'employée du château, M. X... ayant fait établir à son nom la carte grise sans procéder à sa mutation au nom de la société avant de donner le véhicule à sa fille, l'infraction était constituée ;

"1) alors que le délit d'abus de confiance se prescrit par trois ans après sa découverte ; que la cour d'appel, qui a constaté que l'achat du véhicule datait du 2 juin 1993 et n'a donné aucune précision sur la date de découverte du délit, a violé l'article 8 du code de procédure pénale ;

"2) alors que le délit d'abus de confiance suppose un détournement au préjudice d'autrui de fonds ou de biens remis à charge de les rendre ou d'en faire un usage déterminé ; que la cour d'appel, qui a constaté que l'achat du véhicule avait été fait au moyen d'un chèque tiré sur le compte personnel de M. X... et n'a pas caractérisé les éléments constitutifs du délit, a privé sa décision de base légale" ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 314-1 du code pénal, 8, 591 et 593 du code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable d'abus de confiance pour un lustre en cristal, deux lustres en cuivre de style hollandais, un billard à six pieds, une statue de nubien ;

"aux motifs qu'il apparaissait que le prévenu reconnaissait s'être approprié indûment les lustres ; que M. X... avait prétendu avoir acheté les deux lustres hollandais en 1985-1986 ; que M. X..., sans en apporter la preuve, avait indiqué avoir acheté de ses deniers le lustre de cristal ; que M. Y... avait constaté la disparition du billard à six pieds en 1986-1987 ; que le billard avait quitté le château entre 1985 et 1987 ; que les enquêteurs avaient trouvé une statue de nubien figurant à l'inventaire du 20 janvier 1993 ;

"1) alors que le délit d'abus de confiance se prescrit au bout de trois années à compter de sa découverte ; que la cour d'appel, qui a constaté que la disparition du billard à six pieds avait été découverte en 1986-1987 et qui n'a donné aucune précision sur la date de la disparition des lustres et de la statue, n'a pas légalement justifié sa décision ;

"2) alors que le prévenu a toujours nié s'être approprié indûment les lustres litigieux ; qu'en ayant énoncé que M. X... avait reconnu s'être approprié indûment ces biens, la cour d'appel a méconnu les termes du litige ;

"3) alors que le prévenu n'a pas à rapporter la preuve de son innocence ; qu'en ayant énoncé que M. X... n'avait pas prouvé avoir acheté de ses deniers personnels les biens litigieux, la cour d'appel a méconnu la présomption d'innocence" ;

Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-1, 314-1 du code pénal, 8, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable d'abus de confiance pour un « paravent coromandel » ;

"aux motifs que ce paravent n'avait pas été retrouvé au domicile de M. X... ; qu'il contestait son existence, qui était établie par deux inventaires et par les témoignages de Mmes Z... et A... et des époux B... et leur confrontation avec le prévenu ; que, malgré ces éléments, M. X... prétendait que ce paravent n'avait jamais existé et que ces personnes le confondait avec un autre sans grande valeur ; que dans la mesure où l'existence du coromandel avant l'arrivée de M. X... au château était établie, sa disparition et la négation de son existence par le prévenu ainsi que son remplacement en 1987 par un autre paravent de moindre valeur démontraient la réalité de l'infraction ;

"1) alors que le délit d'abus de confiance se prescrit par trois ans à compter de sa découverte ; que la cour d'appel, qui a constaté que le paravent avait été remplacé en 1987, soit quinze ans avant le dépôt de la plainte et n'a pas recherché la date de la découverte de l'infraction, n'a pas légalement justifié sa décision ;

"2) alors que nul n'est responsable pénalement que de son propre fait ; qu'en déduisant la participation de M. X... au délit d'abus de confiance du seul fait de la négation par lui de l'existence du paravent et de sa disparition du château, après avoir constaté qu'il n'avait pas été retrouvé au domicile du prévenu, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision" ;

Sur le cinquième moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-1, 441-1 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable de faux et usage de faux en écritures privées ;

"aux motifs que M. X... avait produit à l'appui de ses dernières déclarations une attestation de Me C... indiquant qu'il avait acheté en 1986, date transformée en 1987, un paravent chinois de douze volets au prix de 50 000 francs ainsi qu'un coffre en bois ; que le listing de vente du commissaire priseur établi à l'occasion de la vente, soit le 7 mai 1987, mentionnait une vente faite de plusieurs meubles, dont un grand paravent de douze volets de 12 000 francs ; qu'il était indiqué sur le listing que les meubles achetés avaient été réglés par CCP, le château disposant d'un tel compte ; que l'inventaire du 20 janvier 1993 établi par M. X... mentionnait ce paravent pour sa valeur d'achat de 12 000 francs ; que M. X... ayant déclaré avoir revendu ce paravent à M. D..., une perquisition à son domicile avait permis de l'y découvrir ; que M. X... ayant vendu 30 000 francs ce paravent à M. D..., lui adressait à sa demande une attestation de Me C... du 11 juin 2002 indiquant que ce paravent avait été acheté 50 000 francs en 1986 et non 12 000 francs en 1987 par M. X... ; que Me C... contestait avoir établi cette attestation contraire à la réalité, dont la date était surchargée et déclarait que l'attestation produite par le prévenu était un faux ; qu'il apparaissait que l'attestation produite et utilisée par M. X... était un faux comportant notamment une date surchargée ;

"1) alors que nul n'est pénalement responsable que de son propre fait ; qu'à défaut d'avoir caractérisé la participation personnelle de M. X... à l'établissement du faux incriminé, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;

"2) alors que l'intention coupable résulte de la conscience de l'altération de la vérité dans un document susceptible d'établir la preuve d'un droit ou un fait ayant des conséquences juridiques ; qu'à défaut d'avoir caractérisé la connaissance qu'avait M. X... d'utiliser un faux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale";

Les moyens étant réunis ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que M. X..., ancien gestionnaire d'une résidence appartenant à la Société d'entraide des membres de la Légion d'honneur, est poursuivi du chef d'abus de confiance pour s'être attribué des augmentations de salaire indues et pour avoir détourné divers objets mobiliers au préjudice de celle-ci ; qu'il lui est encore reproché d'avoir établi un faux document et d'en avoir fait usage ;

Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable de ces infractions, l'arrêt prononce par les motifs repris aux moyens ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, dont il résulte que les faits d'abus de confiance, qui sont apparus et ont pu être constatés dans des conditions permettant l'exercice de l'action publique moins de trois ans avant le premier acte de poursuite, la cour d'appel, qui a, sans insuffisance, ni contradiction, caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, les délits retenus à la charge du prévenu, a justifié sa décision ;

D'où il suit que les moyens ne sauraient être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Bayet conseiller rapporteur, M. Dulin conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Randouin ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

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