Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 16 février 2011, 09-41.401, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 29 janvier 2009), que M. X..., employé par la caisse de mutualité sociale agricole (CMSA) de la Charente en qualité d'agent administratif, délégué du personnel et membre du comité d'entreprise et du comité d'hygiène et de sécurité, a saisi le conseil de prud'hommes de demandes tendant à l'attribution d'une qualification conventionnelle et à l'obtention de dommages-intérêts pour discrimination syndicale ; qu'en cours d'instance, le salarié a été convoqué devant le conseil de discipline ainsi qu'à un entretien préalable à un licenciement disciplinaire ; que le comité d'entreprise a été consulté le 4 mai 2007 ; qu'ayant obtenu l'autorisation de l'inspecteur du travail, la CMSA de la Charente lui a notifié le 3 juillet 2007 son licenciement pour faute grave privative d'indemnités de rupture ; que statuant sur appel d'une décision du conseil de prud'hommes ayant jugé que le licenciement était fondé sur une faute grave et ayant débouté le salarié de toutes ses demandes, la cour d'appel a sursis à statuer jusqu'à décision définitive de la juridiction administrative saisie de la demande d'annulation de l'autorisation de l'inspecteur du travail mais, réformant partiellement le jugement, a alloué au salarié l'indemnité de préavis et l'indemnité de licenciement ;

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer les indemnités de rupture, alors, selon le moyen :

1°/ que la force obligatoire d'un engagement unilatéral de l'employeur doit résulter de sa volonté claire et non équivoque ; qu'en jugeant que valait engagement unilatéral de sa part de verser des indemnités de licenciement à M. X... même en cas de licenciement pour faute grave, l'évocation d'un tel versement au cours des débats devant le comité d'entreprise consulté sur le licenciement de M. X... bien que le licenciement n'ait été encore ni autorisé par l'inspection du travail, ni notifié pour faute grave, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;

2°/ que les parties au contrat de travail ne peuvent renoncer par avance aux droits qu'elles tiennent du code du travail et notamment des dispositions sur la rupture du contrat ; qu'un prétendu engagement de payer des indemnités de rupture à la suite d'un licenciement ne peut être valablement pris par l'employeur qu'après la notification du licenciement ; qu'en donnant effet à un prétendu engagement antérieur au licenciement qui ne pouvait, à ce stade de la procédure, lier l'employeur, la cour d'appel a violé les articles 1134 du code civil, L. 1221-1 et L. 1231-4 du code du travail ;

3°/ qu'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée à le faire, si elle n'avait pas entendu renoncer à verser des indemnités de licenciement en procédant au licenciement pour faute grave de M. X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;

4°/ que le procès-verbal de la réunion du comité d'entreprise du 4 mai 2007 énonce que M. Y..., directeur de la CMSA "est également d'accord que cette mesure soit accompagnée d'indemnités de licenciement"; qu'il n'indique pas que M. Y... s'est engagé à verser une indemnité compensatrice de préavis assortie de congés payés en plus des indemnités de licenciement; qu'en la condamnant à verser à M. X... des indemnités de rupture, comportant à la fois des indemnités de licenciement et une indemnité compensatrice de préavis majorée des congés payés afférents, la cour d'appel a dénaturé le compte rendu précité et a violé l'article 1134 du code civil ;

Mais attendu que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation de la valeur et de la portée des déclarations faites par l'employeur devant le comité d'entreprise, et sans dénaturation du procès-verbal dressé à cette occasion, que la cour d'appel a retenu que celui-ci avait pris en connaissance de cause, sans réserve ni condition, l'engagement de payer au salarié des indemnités de rupture, peu important que cet engagement ait été pris avant la notification du licenciement ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la caisse de mutualité sociale agricole de la Charente aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la caisse de mutualité sociale agricole de la Charente à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize février deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la caisse de mutualité sociale agricole de la Charente

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR condamné la CMSA à payer à Monsieur X... les sommes de 5 847,30 et 584,73 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents et de 13 254,34 € à titre d'indemnité de licenciement ;

AUX MOTIFS QUE la consultation du comité d'entreprise est requise pour le licenciement de l'un de ses membres ; que selon le procès-verbal de la réunion du comité d'entreprise du 4 mai 2007 réuni à cet effet, la CMSA s'est engagée à verser à Monsieur X... les indemnités de rupture, et ce, sans réserve quant à une clôture amiable et définitive du dossier ainsi que le prétend la CMSA ; que Monsieur X... est donc fondé à faire juger que cet engagement unilatéral devant le comité d'entreprise produise son plein effet ; qu'il convient dès lors de faire droit aux demandes en paiement des indemnités de préavis et de licenciement ;

1°) ALORS QUE la force obligatoire d'un engagement unilatéral de l'employeur doit résulter de sa volonté claire et non équivoque ; qu'en jugeant que valait engagement unilatéral de la CMSA de verser des indemnités de licenciement à Monsieur X... même en cas de licenciement pour faute grave, l'évocation d'un tel versement au cours des débats devant le comité d'entreprise consulté sur le licenciement de Monsieur X... bien que le licenciement n'ait été encore ni autorisé par l'inspection du travail, ni notifié pour faute grave, la Cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ;

2°) ALORS QUE les parties au contrat de travail ne peuvent renoncer par avance aux droits qu'elles tiennent du Code du travail et notamment des dispositions sur la rupture du contrat ; qu'un prétendu engagement de payer des indemnités de rupture à la suite d'un licenciement ne peut être valablement pris par l'employeur qu'après la notification du licenciement ; qu'en donnant effet à un prétendu engagement antérieur au licenciement qui ne pouvait, à ce stade de la procédure, lier l'employeur, la Cour d'appel a violé les articles 1134 du Code civil, L. 1221-1 et L. 1231-4 du Code du travail ;

3°) ALORS en toute hypothèse QU' en ne recherchant pas, comme elle était invitée à le faire, si la CMSA n'avait pas entendu renoncer à verser des indemnités de licenciement en procédant au licenciement pour faute grave de Monsieur X..., la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ;

4°) ALORS, en tout état de cause, QUE le procès verbal de la réunion du comité d'entreprise du 4 mai 2007 énonce que Monsieur Y..., directeur de la CMSA «est également d'accord que cette mesure soit accompagnée d'indemnités de licenciement» ; qu'il n'indique pas que Monsieur Y... s'est engagé à verser une indemnité compensatrice de préavis assortie de congés payés en plus des indemnités de licenciement ; qu'en condamnant la CMSA à verser à Monsieur X... des indemnités de rupture, comportant à la fois des indemnités de licenciement et une indemnité compensatrice de préavis majorée des congés payés afférents, la Cour d'appel a dénaturé le compte rendu précité et a violé l'article 1134 du Code civil.


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