Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 26 janvier 2011, 10-80.894, Inédit
Cour de cassation - Chambre criminelle
- N° de pourvoi : 10-80.894
- Non publié au bulletin
- Solution : Rejet
- Président
- M. Louvel (président)
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Jean-Marie X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de BORDEAUX, chambre correctionnelle, en date du 12 janvier 2010, qui, pour abus de biens sociaux, l'a condamné à un an d'emprisonnement avec sursis, 10 000 euros d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de l'article préliminaire du code de procédure pénale, de l'article 6 § 3 de la Convention européenne des droits de l'homme, de l'article L. 242-6 3° du code de commerce, des articles 390-1, 591 et 593 du code de procédure pénale, ensemble violation des droits de la défense, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable d'abus de biens sociaux, l'a condamné à une peine d'un an d'emprisonnement avec sursis et 10 000 euros d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;
" aux motifs propres qu'après avoir exactement relaté les faits en des énonciations auxquelles la cour se réfère, c'est à juste titre et par des motifs pertinents, que le tribunal est entré en voie de condamnation à l'encontre de M. X... sur les trois premiers chefs de la prévention ; qu'il convient, encore, d'ajouter qu'il résulte de la déposition de M. Y... président du conseil d'administration de la SAEML Gaz de Bordeaux depuis 1995 que M. X... exerçait la fonction de directeur général et qu'il était délégataire du conseil d'administration auquel il faisait valider les décisions ; que cette dualité de fonction n'a jamais été remise en cause par Gaz de Bordeaux ; qu'enfin, c'est le conseil d'administration qui a validé les décisions prises par le président du conseil d'administration sur les primes de M. X... ce qui prouve qu'il avait bien la qualité de dirigeant social ; que concernant les prêts, il ne saurait être argué qu'il s'agissait d'avances sur salaires puisque le remboursement dépassait la limite des 10 % mensuels prévus par l'article L. 3251-3 du code du travail ; qu'en fait, il s'agissait de prêts à court terme sans intérêt, prohibés par l'article L. 225-43 du code de commerce, préjudiciables à la société Gaz de Bordeaux puisque la privant momentanément d'une partie de sa trésorerie sans aucune contrepartie ;
" et aux motifs adoptés que M. X... reconnaît que le compte..., spécialement créé pour identifier ses dépenses à caractère personnel payées par la société, était débiteur à chaque fin d'exercice fixé au 30 septembre de chaque année de la période de la prévention, ce qui suffit d'ores et déjà à constituer l'élément matériel de l'infraction reprochée ; qu'il ne peut valablement soutenir que le commissaire aux comptes « en avait assuré la régularité », l'audition de celui-ci établissant au contraire qu'il avait noté l'irrégularité de cette pratique, mais qu'il s'était « diplomatiquement » contenté de la surveiller de près afin que les sommes soient effectivement remboursées ; que M. X... ne peut prétendre être de bonne foi, au motif que ces dépenses auraient été transparentes, à partir du moment où sa formation juridique ne pouvait lui permettre d'ignorer l'irrégularité de ce type de « fonctionnement inversé », la société n'ayant pas à avancer les frais, mais à les rembourser sur justificatifs, ce qui permet de les contrôler, et à partir du moment où il a vécu au frais de celle-ci, tardant d'ailleurs à remettre les justificatifs, et restant essentiellement débiteur ; que le tribunal note d'ailleurs que ce compte n'a eu vocation à exister qu'avec M. X..., et que son successeur n'en a pas eu besoin ; que concernant les avances sur salaires, il y a lieu de noter que quel que soit le statut revendiqué par M. X..., celles-ci sont contraires à l'objet social, puisque-si l'on considère qu'il a agi en sa qualité de directeur (ce qui est indéniable à partir du 29 mars 2002), il s'agit de prêts prohibés constitutifs d'abus de biens sociaux, puisqu'il a emprunté des fonds sociaux pour régler des dettes personnelles (ayant épuisé ses possibilités de découvert bancaire),- s'il met en avant sa qualité de salarié, qu'il cumulait avec sa fonction de dirigeant, les avances n'ont pas respecté au vu des éléments du dossier les dispositions de l'article L. 144-2 du code du travail, recodifié L. 3251-3, puisqu'elles ont été remboursées au-delà de la limite de 10 % du salaire exigible ; que la société a donc bien servi de « banquier » à M. X..., qui, s'il a tout remboursé, n'a néanmoins acquitté aucun intérêt, au détriment de la société ; qu'il y a lieu, enfin, de constater que dans ses conclusions, le prévenu n'argumente pas sur les dépenses personnelles payées sur le compte..., non répercutées sur le compte... (études, réceptions après un séminaire cotisations Rotary de Bordeaux), faisant uniquement plaider à la barre que celles-ci auraient fait partie « de l'obligatoire démarche relationnelle du directeur général dans le tissu économique » ; que cependant, ni le prédécesseur, ni le successeur de M. X... n'ont agi de même, et il résulte en réalité du dossier et de la personnalité du prévenu que celui-ci a en réalité recherché un prestige ou une notoriété, fût-elle politique, qui constitue des fins personnelles ;
" 1°) alors que les juges doivent statuer sur tous les chefs de conclusions dont ils sont régulièrement saisis ; qu'en l'espèce, sur la prise en charge des dépenses personnelles et sur le compte débiteur, M. X... excipait de la nullité de la convocation motif pris de son imprécision quant aux faits poursuivis ; que la cour d'appel a laissé sans aucune réponse cette articulation essentielle, entachant sa décision de défaut de motifs ;
" 2°) alors que les juridictions répressives ne peuvent statuer que sur les faits dont elles sont saisies ; qu'en déclarant, par motifs adoptés des premiers juges, M. X... coupable d'abus de biens sociaux au titre des dépenses personnelles payées sur le compte..., alors que la citation ne visait que les dépenses personnelles payées en utilisant un compte chèque ouvert sous le n° ..., la cour d'appel a excédé les termes de sa saisine.
" 3°) alors que le délit d'abus de biens sociaux est caractérisé par le fait, pour un dirigeant social, de faire, de mauvaise foi, des biens ou du crédit de la société, un usage qu'il sait contraire à l'intérêt de celle-ci, à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle il est intéressé directement ou indirectement ; que les salariés sont exclus de la responsabilité pénale au titre des abus de biens sociaux, sauf à établir que le salarié s'est comporté comme un dirigeant de fait ; qu'en l'espèce, pour retenir M. X... dans les liens de la prévention, la cour d'appel s'est bornée à relever que celui-ci faisait valider ses décisions par le conseil d'administration de la société Gaz de Bordeaux et que ledit conseil validait les décisions prises par son président sur les primes accordés au demandeur ; qu'en l'état de ces motifs, qui ne caractérisent ni la qualité de dirigeant de droit de M. X... ni sa qualité de dirigeant de fait, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
" 4°) alors que le délit d'abus de biens sociaux n'est caractérisé en tous ses éléments que si l'usage des biens de la société s'avère contraire à l'intérêt de celle-ci ; qu'en l'espèce, s'agissant des dépenses personnelles payées par la société, en se déterminant par des motifs inopérants tirés du constat que le compte spécialement créé pour identifier lesdites dépenses était débiteur à chaque fin d'exercice, la cour d'appel, qui a, par ailleurs, constaté que toutes les avances avaient été remboursées de sorte que l'employeur n'avait subi aucun préjudice matériel, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 242-6 3° du code de commerce ;
" 5°) alors que, pareillement, concernant les « avances sur salaires », la cour d'appel s'est contentée de relever qu'il s'agissait de prêts à court terme prohibés par l'article L. 225-43 du code de commerce ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser en quoi ces avances étaient contraire à l'intérêt de la société Gaz de Bordeaux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte précité " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que M. X..., directeur général de la société d'économie mixte du gaz de Bordeaux, est poursuivi du chef d'abus de biens sociaux notamment pour avoir fait régler par celle-ci des dépenses personnelles, disposé d'un compte courant débiteur et bénéficié d'avances indues ;
Attendu que, d'une part, le demandeur ne saurait se faire un grief de ce que la cour d'appel n'a pas répondu à ses conclusions excipant de la nullité de la convocation en justice, dès lors que cette exception, n'ayant été ni invoquée devant le tribunal ni présentée avant toute défense au fond devant la cour d'appel, était irrecevable par application de l'article 385 du code de procédure pénale ;
Attendu que, d'autre part, les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, qui n'a pas excédé les limites de sa saisine, a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable ;
D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
FIXE à 2 500 euros la somme que M. Jean-Marie X... devra payer à la SAEML REGAZ au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, Mme Nocquet conseiller rapporteur, M. Dulin conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.