Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 18 janvier 2011, 10-80.886, Inédit
Cour de cassation - Chambre criminelle
- N° de pourvoi : 10-80.886
- Non publié au bulletin
- Solution : Rejet
- Président
- M. Louvel (président)
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Eric X..., partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 2-7, en date du 28 janvier 2010, qui, dans la procédure suivie, sur sa plainte, contre M. Serge Y..., M. Axel Z..., et M. Richard A..., des chefs de diffamation publique envers un membre du ministère, diffamation publique envers un citoyen chargé d'un mandat public, et complicité, a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que M. X..., alors secrétaire d'Etat et maire de Donzère, a porté plainte des chefs de diffamation publique envers un membre du ministère et diffamation publique envers un citoyen chargé d'un mandat public, à la suite de la publication, sur le site internet de l'association " Bien vivre à Donzère ", des deux textes suivants :
- texte diffusé le 21 janvier 2008, intitulé " ministre de la traîtrise " : "... seulement il s'est servi des pauvres donzéroises et donzérois comme Hitler s'est servi du peuple allemand pour accéder au pouvoir " ;
- texte diffusé le 22 janvier 2008, intitulé " élève X... vous avez 0 sur 10 " :
" La commune a préempté pour acheté ces terrains, pour le simple but de faire des bénéfices, où est le problème ? Le problème ! C'est tout simplement illégal. Une municipalité n'est pas un agent immobilier son maire fut-il député ministre ou pape, elle peut préempter pour l'intérêt de la commune, pas pour faire de la spéculation immobilière sur le dos des concitoyens sur lesquels il a préempté, ni sur les autres d'ailleurs " ;
Attendu que M. Y..., président de l'association, M. Z..., auteur du premier texte, et M. A..., auteur du second, ont été cités devant le tribunal ; que les premiers juges les ont renvoyés des fins de la poursuite ; que, constitué partie civile, M. X... a interjeté appel ;
En cet état :
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 23, 29, 31, 42, 43 de la loi du 29 juillet 1881, 1382 du code civil, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a débouté M. X... de sa demande de condamnation de MM. Y... et Z... au paiement d'une somme d'1 euro chacun en réparation de son préjudice moral ;
" aux motifs propres que le premier message ( ), intitulé « Ministère de la Traîtrise », comporte les propos suivants : « seulement il s'est servi des pauvres donzéroises et donzérois comme Hitler s'est servi du peuple allemand (sic) pour accéder au pouvoir » ; que M. X... fait valoir que l'auteur du message, en utilisant la conjonction « comme » établit ainsi une comparaison entre lui-même et Adolf Hitler impliquant qu'il n'aurait usé de la démocratie locale que pour mieux parvenir à satisfaire ses véritables visées nationales, à l'effet de mettre en oeuvre une idéologie assimilée à celle du Führer ; que, toutefois, la comparaison opérée est imprécise ; que la phrase litigieuse ne permet en effet ni de comprendre en quoi les moyens prétendument employés par M. X... pour « accéder au pouvoir » seraient comparables à ceux utilisés par Adolf Hitler ni d'établir un quelconque parallèle entre les aspirations politiques de la partie civile et la mise en oeuvre de l'idéologie nazie ; qu'à défaut de caractériser l'imputation d'un fait précis contraire à l'honneur et à la considération, les demandes de réparation formées de ce chef par M. X... seront rejetées ;
" et aux motifs adoptés que la comparaison entre la partie civile et Adolf Hitler, aussi outrageante soit-elle, ne comporte l'imputation d'aucun fait ou agissement précis susceptible d'un débat sur le terrain de la preuve ; qu'en particulier, l'affirmation selon laquelle celui-ci « s'est servi des pauvres donzéroises et donzérois comme Hitler s'est servi du peuple allemenand pour accéder au pouvoir » ne fait aucunement référence aux « méthodes » utilisées par lui pour accéder au pouvoir et qui seraient les mêmes que celles d'Hitler ; que rien ne permet de relier l'expression « Ministère de la Traîtrise » utilisée pour le titre du message à l'idéologie nazie ; qu'en effet, ce qualificatif est la reprise du titre d'un précédent message consacré à l'itinéraire politique de la partie civile, lequel message se référait lui-même à une émission de télé satirique " Les guignols de l'info " ;
" 1) alors que seule constitue une injure l'expression outrageante qui ne renferme l'imputation d'aucun fait déterminé ; que la cour d'appel a qualifié d'injure la comparaison, dans un message intitulé « Ministère de la Traîtrise », selon laquelle la partie civile « s'est servie des pauvres donzéroises et donzérois comme Hitler s'est servi du peuple allemand pour accéder au pouvoir » ; qu'en statuant ainsi, alors que ces propos effectuaient une comparaison diffamatoire entre des faits précis, identifiables dans le temps et dans l'espace, à savoir le parcours électif de la partie civile et son accès à des fonctions ministérielles avec le processus d'ascension au pouvoir d'Hitler (fait historique connu et analysé, renvoyant à un usage démagogique et dévoyé du processus démocratique d'accession au pouvoir), dans les deux cas en se servant des électeurs (imputation susceptible de preuve contraire), la cour d'appel a violé les textes précités ;
" 2) alors que la citation visait les propos suivants « Re : Ministère de la Traîtrise », « seulement il s'est servi des pauvres donzéroises et donzérois comme Hitler s'est servi du peuple allemand pour accéder au pouvoir », en tant qu'ils comportaient, abstraction faite de la référence injurieuse à Hitler, l'imputation diffamatoire pour M. X... d'avoir abusé et utilisé ses concitoyens donzérois qui l'ont élu Maire dans le dessein exclusif d'accéder aux responsabilités nationales qui étaient alors les siennes, baptisées « Ministère de la Traîtrise » ; qu'en s'abstenant d'examiner le caractère diffamatoire des propos en cause, indépendamment de la référence injurieuse à Hitler, la cour d'appel, qui n'a pas vidé sa saisine, a privé sa décision de toute base légale " ;
Attendu que, pour confirmer le jugement et dire non établi le délit de diffamation à raison du message publié le 21 janvier 2008, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision, dès lors que le passage poursuivi ne renfermait l'imputation, à l'égard de la partie civile, d'aucun fait précis et déterminé, susceptible de faire l'objet d'une preuve et d'un débat contradictoire ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 23, 29, 31, 42, 43 de la loi du 29 juillet 1881, 1382 du code civil, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a, après avoir reconnu le caractère attentatoire à l'honneur et à la considération du message incriminé, retenu l'excuse de bonne foi et en conséquence débouté M. X... de sa demande de condamnation de MM. Y... et A... au paiement d'une somme d'1 euro chacun en réparation de son préjudice moral ;
" aux motifs que le message, intitulé « Elève X..., vous avez 0/ 10 » ( ) est ainsi libellé : « La Commune a préempté pour acheté des terrains, pour le simple but de faire des bénéfices, où est le problème ? Le problème ! C'est tout simplement illégal. Une municipalité n'est pas un agent immobilier son maire fut-il député ministre ou pape, elle peut préempter pour l'intérêt de la commune, pas pour faire de la spéculation immobilière sur le dos des concitoyens sur lesquels il a préempté, ni sur les autres d'ailleurs » ; que M. X... apparaît être ainsi mis en cause, non pas, comme il le soutient, pour avoir, dans le cadre de ses fonctions de maire, commis une infraction pénale en s'étant livré à des agissements contraires à l'honnêteté, mais pour avoir conduit, dans le cadre de certaines opérations immobilières, une politique non seulement contraire aux intérêts de ses administrés, mais également juridiquement contestable ; qu'il résulte des éléments produits par la défense que les propos litigieux, qui mettent en exergue une question déjà vivement débattue dans le cadre de la vie locale, visent à stigmatiser le retard pris pour réaliser le programme de développement auquel devaient être affectés les terrains préemptés par la commune et à déplorer la flambée des prix de l'immobilier ; que de telles critiques qui, exprimées par un opposant, s'inscrivent dans un climat de lutte électorale, n'apparaissent pas excéder les limites admissibles en matière de polémique politique ; que l'excuse de bonne foi étant en conséquence accordée à MM. A... et Y..., le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté M. X... de ses demandes ;
" 1) alors que la bonne foi, dont la preuve incombe à l'auteur des propos jugés diffamatoires, suppose l'absence de toute animosité personnelle ; que l'arrêt, strictement silencieux sur ce point, manque de base légale ;
" 2) alors que la bonne foi suppose également une enquête préalable sérieuse ; que l'arrêt, strictement silencieux sur ce point, manque derechef de base légale ;
" 3) alors que, si l'intention d'éclairer les électeurs sur le comportement d'un candidat est un fait justificatif de bonne foi lorsque les imputations sont exprimées dans le cadre d'un débat politique, c'est à la condition que l'information n'ait pas été dénaturée ; qu'en l'espèce, les propos litigieux imputaient au maire, M. X..., à l'occasion d'une opération de préemption identifiable réalisée par la commune, d'avoir agi pour « faire des bénéfices » et « de la spéculation immobilière sur le dos des concitoyens » et, ce faisant, de manière illégale ; qu'en s'abstenant de rechercher si de telles imputations, notamment sur l'illégalité de l'opération de préemption urbaine, ne comportaient pas des informations dénaturées, la cour d'appel a privé sa décision de motif et de base légale " ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt, relatifs au second message publié le 22 janvier 2008, mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, exposé les circonstances particulières invoquées par les prévenus et énoncé les faits sur lesquels elle s'est fondée pour justifier l'admission à leur profit du bénéfice de la bonne foi ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
DÉCLARE IRRECEVABLE la demande faite au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale par MM. A..., Y... et l'association Bien vivre à Donzère ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Monfort conseiller rapporteur, M. Blondet conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Krawiec ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.