Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 1 février 2011, 09-17.357, Inédit
Cour de cassation - Chambre commerciale
- N° de pourvoi : 09-17.357
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation
- Président
- Mme Favre (président)
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :
Vu l'article 1134 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, par acte du 18 juillet 1984, Mme X... a souscrit auprès du Crédit immobilier européen (le CIE), établissement consolidateur, un contrat de crédit différé et obtenu deux prêts d'anticipation auprès de deux établissements anticipateurs ; que le CIE a été absorbé par la Banque hypothécaire européenne, devenue ultérieurement la Banque privée européenne (la BPE) ; que Mme X..., ayant été mise en liquidation judiciaire, la BPE a déclaré sa créance au titre des deux prêts d'anticipation du 18 juillet 1984 ; que le juge-commissaire a rejeté la créance de cette dernière ;
Attendu que pour rejeter la créance de la BPE, l'arrêt retient que la stipulation de solidarité active entre les établissements anticipateurs et le CIE, établissement consolidateur, était sans emport puisque la BPE ne démontrait pas que le CIE lui aurait transmis une créance, le crédit différé devant être attribué à Mme X... postérieurement à la fusion-absorption ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'en vertu d'une clause stipulant une solidarité active entre les établissements anticipateurs et consolidateur, la société BPE, établissement consolidateur, avait qualité pour obtenir le remboursement des deux prêts d'anticipation ainsi que pour déclarer sa créance à ce titre au passif de Mme X..., la cour d'appel, qui a dénaturé les termes clairs et précis de l'acte du 18 juillet 1984, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 octobre 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Dijon ;
Condamne la SCP Guyon-Daval, ès qualités, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du premier février deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour la société Banque privée européenne
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté la déclaration de créance de la société BANQUE PRIVEE EUROPEENNE au passif de Madame Monique X... ;
AUX MOTIFS QUE le principal problème posé par ce dossier est celui de savoir si la SA « Banque Privée Européenne » justifie de son droit à créance ;
Attendu que la SA « Crédit Immobilier Européen » aux droits de laquelle elle prétend se trouver, est décrite dans l'acte authentique de vente et de prêt immobilier dressé par Maître Y..., Notaire à Luxeuil Les Bains, le 18 juillet 1984, comme étant inscrite au registre du commerce de Paris sous le numéro... ;
Attendu que cette SA « Crédit Immobilier Européen » a, par acte notarié dressé le 13 octobre 1995 par Maître Z..., Notaire à Paris, conclu un accord avec la SA « Banque Hypothécaire Européenne », décrite comme étant immatriculée au registre du commerce de Paris sous le numéro..., par lequel elle a apporté « à titre de fusion absorption au profit de celle-ci de l'universalité de ses biens mobiliers et immobiliers composant son actif à la date du 1er janvier 1995 » ;
Attendu qu'il est également indiqué dans cet acte qu'un certain nombre de pièces sont déposées, dont le projet de traité de fusion absorption en date du 23 août 1995 comportant en annexe, notamment, la liste de toutes les créances apportées par le Crédit Immobilier Européen sur la clientèle ;
Attendu que nonobstant les observations des intimées à cet égard, la SA « Banque privée Européenne » ne produit volontairement pas cette liste aux débats ;
Attendu que suite à une Assemblée Générale en date du 2 mai 2001, la SA « Banque Hypothécaire Européenne » dont il vient d'être question est devenue la SA « Banque Privée Européenne » ;
Attendu que c'est d'ailleurs sous cette dénomination qu'elle figure dans l'extrait de registre du commerce de Paris en date du 2 mars 2007, avec expressément le numéro d'inscription... ;
Attendu que dans cet extrait, figure bien la fusion ci-dessus rappelée ;
Attendu qu'elle justifie en conséquence bien qu'elle vient aux droits de la SA « Crédit Immobilier Européen » ;
Attendu que si l'on se réfère à l'acte notarié de prêt, il y a eu deux prêts « d'anticipation », pour des montants respectifs de 208. 000 F et 312. 000 F, accordés par une SA Banque Hypothécaire Européenne (inscrite au Registre du Commerce de Paris sous le numéro ..., donc différente de celle dont il a été question ci-dessus dans le cadre de la fusion absorption), et par la Cie d'Assurances M. A. A. F. ;
Attendu que la SA « Crédit Immobilier Européen » figure dans l'acte comme étant « consolidateur » ; que son rôle était l'attribution d'un crédit différé, « si à la date fixée au paragraphe I « premier contrat » de l'article 3 l'emprunteur a satisfait à toutes les charges et conditions dudit contrat de crédit différé et notamment constitué l'épargne convenue » ; que le montant de ce crédit différé est identique à celui des deux prêts cumulés susvisés accordés par anticipation ;
Attendu que la date d'attribution (sous la condition susvisée) du crédit différé figurant audit paragraphe I « premier contrat » de l'article 3 (page 9 bis de l'acte notarié) est le 1er juillet 1996 ;
Attendu qu'au 1er janvier 1995, date ci-dessus indiquée dans l'acte de fusion absorption quant aux biens meubles et immeubles apportés et alors existants, dont les créances indiquées dans la liste stipulée comme étant annexée au projet de traité, la SA « Crédit Immobilier Européen », et donc la SA « Banque Privée Européenne », n'avait ainsi pas attribué de crédit différé ;
Attendu que si transmission de créance il y avait néanmoins alors eu, il était facile à la SA « Banque Privée Européenne » d'en apporter la preuve par la production de la liste des créances transmises, ce qu'elle s'est volontairement abstenue de faire ;
Attendu que la solidarité rappelée par la SA « Banque Privée Européenne » entre les différents prêteurs, effectivement indiquée dans l'acte de prêt, est sans emport puisqu'il n'est encore une fois pas établi, au regard de ce qui vient d'être exposé, qu'une créance de la SA « Crédit Immobilier Européen » lui ait été transmise dans le cadre de la fusion ;
Attendu en conséquence, pour les motifs ci-dessus substitués à ceux du premier Juge, qu'il convient de confirmer la décision déférée ;
1° ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'il ne peut en particulier décider de relever d'office un moyen sans inviter les parties à s'expliquer sur celui-ci ; que devant la Cour d'appel, seule était discutée la question de la transmission à la BANQUE PRIVEE EUROPEENNE de la créance du CREDIT IMMOBILIER EUROPEEN sur Madame X... dans le cadre de la fusionabsorption intervenue le 13 octobre 1995 ; qu'en revanche, l'existence même de la créance détenue par le CREDIT IMMOBILIER EUROPEEN sur Madame X... n'avait jamais été discutée entre les parties, Madame X... invoquant même à plusieurs reprises la qualité de créancier du CREDIT IMMOBILIER EUROPEEN ; qu'en relevant d'office le moyen tiré de l'inexistence de la créance du CREDIT IMMOBILIER EUROPEEN sur Madame X... à la date de la fusion-absorption, sans inviter au préalable les parties à présenter leurs observations sur ce point, la Cour d'appel a violé l'article 16 du Code de procédure civile.
2°/ ALORS QUE la fusion de deux sociétés emporte de plein droit transmission universelle du patrimoine de l'absorbée à l'absorbante ; qu'en conséquence, la BANQUE PRIVEE EUROPEENNE, par l'effet de la fusion absorption du CREDIT IMMOBILIER EUROPEEN intervenue le 13 octobre 1995, a recueilli dans son patrimoine le contrat de crédit différé consenti par ce dernier à Madame X... par contrat du 18 juillet 1984, en sorte que la remise des fonds en exécution du crédit différé incombait dorénavant à la BANQUE PRIVEE EUROPEENNE ; que dès lors, il importait peu que cette remise des fonds soit intervenue antérieurement ou postérieurement à la fusion, la créance de la BANQUE PRIVEE EUROPEENNE, au titre dudit contrat de crédit différé qui lui avait été transmis, étant seulement subordonnée à l'attribution effective dudit crédit différé par la banque ; qu'en se bornant à énoncer qu'à la date de la fusion, le crédit différé n'avait pas encore été attribué à Madame X..., sans rechercher si cette attribution n'était pas intervenue postérieurement à la fusion, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil, ensemble l'article L. 236-3 du Code de commerce.
3° ALORS QU'une obligation stipulée solidaire entre les créanciers donne le droit à chacun d'eux de demander le paiement du total de la créance au débiteur et en conséquence de la déclarer en totalité au passif de la procédure collective du débiteur ; que le contrat de prêt du 18 juillet 1984 stipule que « chaque établissement anticipateur agi t solidairement avec l'établissement consolidateur dans les termes des articles 1197 et 1198 du Code civil et de l'article 5 de la loi n° 52-332 du 24 mars 1952 » (cf. acte authentique de prêt du 18 juillet 1984, p. 9, § 3) ; que le contrat de prêt prévoit encore que le versement des échéances correspondant aux sommes dues au titre du contrat de crédit différé et du crédit d'anticipation « s'effectuera aux caisses du CREDIT IMMOBILIER EUROPEEN pour le compte des PRETEURS » (cf. acte authentique de prêt du 18 juillet 1984, p. 12, 4°) ; que l'article 3 du cahier des charges annexé au contrat de prêt du 18 juillet 1984 auquel ce dernier fait expressément renvoi (cf. acte authentique de prêt du 18 juillet 1984, p. 9, article 1 « Conditions générales ») énonce que le crédit d'anticipation « égal au montant du capital souscrit est consenti par l'anticipateur et le C. I. E. solidairement entre eux dans les termes des articles 1197 et 1198 du Code civil » (cf. article 3 du cahier des charges CIE n° 490, annexe 5 de l'acte authentique de prêt du 18 juillet 1984) ; qu'il résulte de ces stipulations que la BANQUE PRIVEE EUROPEENNE tenait de la clause de solidarité active stipulée à l'acte sa qualité pour obtenir le remboursement tant du crédit différé que du crédit d'anticipation consenti à Madame X..., ainsi que pour déclarer au passif de cette dernière la totalité de la créance née du crédit d'anticipation ; que pour rejeter la créance de la BANQUE PRIVEE EUROPEENNE déclarée au passif de Madame X..., laquelle déclaration se fondait sur l'acte notarié constatant l'octroi d'un crédit différé et d'un crédit d'anticipation de même montant, la Cour d'appel énonce que la stipulation de solidarité entre les prêteurs effectivement indiquée à l'acte de prêt était sans emport puisque, le crédit différé devant être attribué postérieurement à la fusion, la BANQUE PRIVEE EUROPEENNE ne démontrait pas que le CREDIT IMMOBILIER EUROPEEN lui aurait transmis une créance ; qu'en statuant ainsi, quand il résultait des stipulations claires et précises que le CREDIT IMMOBILIER EUROPEEN était créancier solidaire du prêt d'anticipation consenti à Madame X... et exécuté le 18 juillet 1984, la Cour d'appel a dénaturé les termes du contrat de prêt et violé en conséquence l'article 1134 du Code civil.
4° ALORS QUE la déclaration de créance de la BANQUE PRIVEE EUROPEENNE, dont les termes fixaient l'objet et les limites du litige dont était présentement saisie la Cour d'appel, se référait non au seul crédit différé que constatait l'acte notarié du 18 juillet 1984 mais aux engagements et obligations que cet acte avait fait naître à la charge de la débitrice et, singulièrement, au crédit d'anticipation consenti à l'intéressée et pour le remboursement duquel une clause de solidarité active au profit du CREDIT IMMOBILIER EUROPEEN avait été stipulée ; que la Cour d'appel qui, pour rejeter la créance déclarée par l'exposante, se borne à constater que le crédit différé consenti dans l'acte n'avait pas encore été attribué au jour de la fusion intervenue entre le CREDIT IMMOBILIER EUROPEEN et la BANQUE PRIVEE EUROPEENNE, sans se prononcer sur la qualité de créancier solidaire de l'exposante au titre du crédit d'anticipation, lequel avait été débloqué avant la fusion et donc nécessairement transmis à la BANQUE PRIVEE EUROPEENNE, a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134, 1197 et 1198 du Code civil.