Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 12 janvier 2011, 10-83.180, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Henri X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 5-13, en date du 31 mars 2010 qui, pour abus de confiance et complicité de tentative d'escroquerie, l'a condamné à deux ans d'emprisonnement avec sursis, 15 000 euros d'amende, cinq ans d'interdiction professionnelle et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 314-1 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré M. X... coupable d'abus de confiance au préjudice de Mme Y... et l'a condamné à deux ans d'emprisonnement avec sursis, 15 000 euros d'amende et à la peine complémentaire d'interdiction d'exercice de toutes professions juridiques pour une durée de cinq ans ;

"aux motifs que l'appelant ne conteste pas la matérialité des abus de confiance reprochés, mais fait valoir qu'il n'avait aucune intention malhonnête en encaissant les sommes qui ne lui étaient pourtant pas destinées ; qu'en ce qui concerne Mme Y..., M. X... a encaissé, dans les locaux professionnels du cabinet d'avocat de Me Z... la somme de 21 342,86 euros ; que cette somme destinée à surenchérir dans le cadre d'une vente immobilière a été déposée sur le propre compte de l'appelant, alors qu'elle devait être, de par la loi, versée sur un compte professionnel ; que l'appelant se justifie en invoquant l'absence de compte professionnel, reconnaissant de lui-même qu'il n'avait aucune qualité pour percevoir cet argent, dont il attestera du versement par la délivrance d'un reçu au nom de Me Z... en expliquant à Mme Y... que c'était ce dernier le patron ; que Mme Y..., dans ses premières déclarations devant les services de police, indiquait avoir pensé déposer la somme remise à M. X... sur les comptes du cabinet de Me Z..., compte-tenu du reçu qui lui avait été remis par ce dernier ; que cette manière de procéder, quand bien même deux des trois victimes ont été depuis intégralement remboursées caractérise un abus de confiance, M. X... ayant eu l'intention de détourner les sommes reçues de leur destination première en les déposant sur ses comptes bancaires personnels, au lieu de les remettre dans la comptabilité de son employeur, comme il le laissait penser en remettant un reçu à l'entête du cabinet Z... à Mme Y... ; que l'intention frauduleuse est clairement démontrée par l'absence de réalisation des motifs de ces versements, à savoir, le surenchérissement dans le cadre d'une vente immobilière au profit de Mme Y..., le paiement du prix d'achat d'un fonds de commerce au nom d'une société représentée par M. A... ;

1°) "alors que l'intention frauduleuse du délit d'abus de confiance, qui suppose l'intention de s'approprier la chose d'autrui, ne saurait résulter de la seule absence de réalisation des motifs des versements ; qu'en déduisant cependant l'intention frauduleuse de M. X... du fait que le surenchérissement dans le cadre d'une vente immobilière au profit de Mme Y... n'avait pas eu lieu, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée de l'article 314-1 du code pénal ;

2°) "alors que en tout état de cause, dans ses conclusions d'appel, M. X... faisait valoir son absence d'intention frauduleuse ; qu'il expliquait que, n'ayant pas de compte bancaire professionnel, il avait déposé la somme remise par Mme Y... sur son compte personnel et que son départ imprévu au Venezuela l'avait empêché de s'acquitter de sa mission de surenchérissement ; qu'il invoquait, en outre, pour preuve de sa bonne foi, sa tentative de restitution des fonds par l'intermédiaire de sa fille et le protocole de remboursement conclu avec Mme Y... ; qu'ainsi, en se bornant à énoncer que M. X... avait eu l'intention de détourner les sommes reçues de leur destination première en les déposant sur ses comptes bancaires personnels au lieu de les remettre dans la comptabilité de son employeur et que l'intention de celui-ci était clairement démontrée par l'absence de réalisation des motifs des versements, la cour d'appel a insuffisamment motivé sa décision au regard de l'article 314-1 du code pénal ;

3°) "alors que le délit d'abus de confiance n'est constitué qu'en présence d'un préjudice ; qu'ainsi, en déclarant M. X... coupable d'abus de confiance sans caractériser, comme elle y était pourtant invitée par les conclusions de celui-ci, le préjudice subi par Mme Y..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale" ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 314-1 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré M. X... coupable d'abus de confiance au préjudice de M. A... et l'a condamné à deux ans d'emprisonnement avec sursis, 15 000 euros d'amende et à la peine complémentaire d'interdiction d'exercice de toutes professions juridiques pour une durée de cinq ans ;

"aux motifs que M. A... a remis, en toute confiance, à l'appelant trois chèques destinés à l'achat d'un fonds de commerce et à couvrir les frais de formalités obligatoires ; que ces trois chèques ont été encaissés, sur différents comptes, par l'appelant, alors que M. A... pensait avoir remis ces sommes à un employé de Me Z... ; que M. X... a reconnu à l'audience de la cour avoir encaissé le chèque de 11 433,68 euros sur son compte personnel parce qu'il avait besoin d'argent ; que le fait qu'ils n'aient pas été émis par M. A... lui-même n'a que peu d'importance, ce dernier les ayant déposé en qualité de mandataire dans le cadre de l'achat du fonds de commerce et de la création d'une société commerciale ; que cette manière de procéder, quand bien même deux des trois victimes ont été depuis intégralement remboursées caractérise un abus de confiance, M. X... ayant eu l'intention de détourner les sommes reçues de leur destination première en les déposant sur ses comptes bancaires personnels, au lieu de les remettre dans la comptabilité de son employeur, comme il le laissait penser en remettant un reçu à l'entête du cabinet Z... à Mme Y... ; que l'intention frauduleuse est clairement démontrée par l'absence de réalisation des motifs de ces versements, à savoir, le surenchérissement dans le cadre d'une vente immobilière au profit de Mme Y..., le paiement du prix d'achat d'un fonds de commerce au nom d'une société représentée par M. A... ;

1°) "alors que l'intention frauduleuse du délit d'abus de confiance, qui suppose l'intention de s'approprier la chose d'autrui, ne saurait résulter de la seule absence de réalisation des motifs des versements ; qu'en déduisant cependant l'intention frauduleuse de M. X... du fait que le paiement du prix d'achat d'un fonds de commerce au nom d'une société représentée par M. A... n'avait pas eu lieu, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée de l'article 314-1 du code pénal ;

2°) "alors que le délit d'abus de confiance n'est constitué qu'en présence d'un préjudice ; qu'ainsi, en déclarant M. X... coupable d'abus de confiance sans caractériser, comme elle y était pourtant invitée par les conclusions de celui-ci, le préjudice subi par M. A..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

3°) "alors que l'abus de confiance ne peut porter que sur des fonds, valeurs ou biens remis à titre précaire ; que, dans ses conclusions d'appel, M. X... faisait valoir que deux des chèques remis par M. A... correspondaient aux frais d'enregistrement de la société et de publicité de la vente qui avaient été avancés par lui ; qu'en s'abstenant d'examiner ce moyen péremptoire et de répondre aux conclusions claires et précises du prévenu, la cour d'appel a privé sa décision de motifs, violant ainsi l'article 593 du code de procédure pénale" ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 313-1 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré M. X... coupable de complicité de tentative d'escroquerie et l'a condamné à deux ans d'emprisonnement avec sursis, 15 000 euros d'amende et à la peine complémentaire d'interdiction d'exercice de toutes professions juridiques pour une durée de cinq ans ;

"aux motifs qu'une personne, à ce jour non identifiée, a ouvert trois comptes bancaires, les 14, 15 et 18 octobre 2002, dans trois banques différentes, sous une fausse identité, en produisant à chaque fois une quittance d'EDF, falsifiée ou contrefaite, et une fausse carte nationale d'identité au nom de MM. B..., C... et D..., personnes toutes trois titulaires de comptes fortement créditeurs auprès de la banque néerlandaise ING, banque fonctionnant uniquement par internet ou télécopie ; que, la banque ING a reçu des ordres de virements, les 15 et 16 octobre 2002, au nom de M. B... et M. C... pour des sommes importantes au profit des comptes ouverts en usant faussement de leur identité auprès de la Caixa Bank et du Crédit agricole ; que ces deux banques ont parallèlement reçu l'ordre de virer les sommes qu'elles venaient de recevoir sur un compte ouvert en Suisse, le 18 octobre 2002, auprès de la Banque cantonale du Valais, avec la mention du nom de M. E... en qualité de bénéficiaire pour le Crédit agricole ; que, pour justifier des virements demandés au profit du compte ouvert en Suisse, il était produit deux protocoles de vente signés, apparemment, par les donneurs d'ordre au virement en leur qualité d'acheteurs et de M. E... en sa qualité de vendeur ; que ce dernier était un client de Me Z... et avait eu affaire à M. X... pour un projet de vente immobilière de biens qu'il possédait à Garches (Hauts-de-Seine), le présentant comme son avocat ; qu'il s'avérait que ces protocoles étaient des faux reprenant des informations contenues dans une expertise réalisée au profit de M. E... et remise à M. X... avec pour mission de trouver un acheteur ; que la version de M. X... selon laquelle il a présenté M. B... à M. E..., qu'ils ont tous deux signé un protocole de vente en trois exemplaires, dont aucun n'est aujourd'hui cependant produit, n'est pas crédible, M. E..., démentant avoir signé quoi que ce soit et M. B... n'évoquant, lors de son unique audition par les services de police, aucun projet d'achat immobilier ; que, de même, l'appelant ne justifie aucunement de la réalité du protocole qu'il prétend avoir rédigé en trois exemplaires et fait signer aux deux parties ; que M. X... a ouvert, le 18 octobre 2002, par l'entremise de M. E..., deux comptes en Suisse auprès de la Banque cantonale du Valais en indiquant, à l'employé de banque qui l'a reçu, qu'il comptait verser sur son compte numéroté l'intégralité de ses fonds, dont ceux provenant de virements attendus sur le compte ouvert à son nom ; que les faux ordres de virement portaient sur le transfert des sommes indûment débitées vers le compte ouvert en réalité au nom de M. X... et non de M. E..., comme le libellé de l'ordre de virement adressé au Crédit agricole le laisse faussement croire, ajoutant à la confusion existant entre les différents protagonistes de cette affaire ; qu'il convient de relever que l'ordre de transfert de fonds adressé à la Caixa Bank se contentait de donner un numéro de compte en Suisse sans en préciser le titulaire ; que, l'appelant a indiqué, lors de l'ouverture de ses comptes en Suisse à M. F... que le compte ouvert à son nom devait être destinataire de virements importants, provenant de la Caixa Bank et du Crédit agricole, représentant sa commission dans une vente immobilière, information que seule une personne impliquée dans l'opération pouvait connaître ; qu'après s'être renseigné auprès du Crédit agricole, cet employé de banque avait eu confirmation de la réalité de l'ordre de virement ; qu'à ces faits précis s'ajoutent les trois appels téléphoniques passés par M. X..., alors qu'il était déjà au Venezuela pour y être arrivé le 29 octobre 2002, les 31 octobre et 1er novembre 2002 à M. E... pour savoir si l'argent attendu avait bien été viré sur son compte nominatif en Suisse ; qu'il a aussi appelé la Banque cantonale du Valais, entre les 21 et 29 octobre 2002, deux à trois fois par jour aux fins de savoir si l'argent était arrivé sur son compte, en précisant à l'employé de la banque que les virements avaient été effectués par les banques françaises, ce que ne pouvait savoir qu'une personne impliquée dans une tentative d'escroquerie, allant jusqu'à passer un dernier appel, pour les mêmes raisons, le 4 novembre 2002 ; que l'escroquerie est constituée par l'usurpation des identités de M. B... et M. C... destinée à faire transférer de leur compte réel ouvert auprès de la banque néerlandaise ING, au moyen de comptes ouverts en France, en usurpant leur identité, des sommes approchant un million et deux millions d'euros sur le compte ouvert en Suisse par l'appelant ; qu'il résulte des éléments du dossier que les protocoles ayant servi de justification à la demande de virements de fonds en Suisse n'ont pu être établis que par l'appelant, qui a été le seul en possession de l'expertise immobilière réalisée à la demande de M. E... et dont les termes se retrouvent à l'identique dans les faux protocoles ; que, de plus, il est incontestable qu'en ouvrant ce compte alors qu'il n'en avait aucune utilité, la commission qu'il prétend avoir attendu résultant de la vente du bien immobilier de M. E... n'ayant jamais existé, l'appelant s'est rendu coupable de complicité de tentative d'escroquerie en fournissant le moyen de faire sortir l'argent escroqué de France par l'intermédiaire du compte nominatif qu'il possédait en Suisse, compte qui ne devait être qu'une étape transitoire avant le transfert de l'argent perçu vers le compte numéroté ouvert le même jour dans le même établissement ; qu'en conséquence, il convient de confirmer le jugement entrepris quant à la culpabilité de l'appelant relative à la complicité d'escroquerie reprochée ;

1°) "alors que la complicité par aide ou assistance n'est punissable que si cette aide a été apportée sciemment à l'auteur principal dans les faits qui ont facilité la préparation ou la consommation de l'infraction ; qu'ainsi, à défaut de constater que M. X... avait conscience, en ouvrant un compte en Suisse et, à supposer le fait avéré, en établissant de faux protocoles d'accord, de s'associer à une manoeuvre frauduleuse destinée à obtenir une remise de fonds indue, la cour d'appel, en le déclarant coupable de complicité de tentative d'escroquerie, a privé sa décision de base légale ;

2°) "alors que la présomption d'innocence commande que le doute profite au prévenu, les juges ne pouvant entrer en voie de condamnation que lorsque la culpabilité de celui-ci est établie avec certitude et par des éléments de preuve précis ; qu'en l'espèce, M. X... est poursuivi pour complicité de tentative d'escroquerie notamment pour avoir élaboré de faux protocoles d'accord relatifs à des transactions immobilières destinés à justifier diverses demandes de virements de fonds en Suisse ; que celui-ci a toujours nié être l'auteur des protocoles litigieux et faisait valoir, dans ses conclusions d'appel, qu'aucune preuve matérielle en sens contraire n'existait ; qu'ainsi, en affirmant péremptoirement qu'il résultait des éléments du dossier que lesdits protocoles n'avaient pu être établis que par M. X... sans énoncer les éléments de preuve sur lesquels elle se fondait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, les délits d' abus de confiance et de complicité de tentative d'escroquerie, dont elle a déclaré M. X... coupable ;

D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, Mme Desgrange conseiller rapporteur, M. Dulin conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Daudé ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

Retourner en haut de la page