Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 19 janvier 2011, 09-67.876, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'arrêt attaqué (Angers, 12 mai 2009), que M. X..., engagé le 29 juin 1979 par la société OGF, au sein de laquelle il exerçait en dernier lieu les fonctions de directeur chargé de mission, a été licencié pour motif économique le 21 septembre 2005 ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société OGF fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement de M. X... est dépourvu de cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :

1°/ que l'obligation de reclassement est bornée par la volonté exprimée du salarié ; qu'en l'espèce, l'employeur faisait valoir, preuves à l'appui, que le salarié, qui préférait être licencié, avait exprimé son refus d'être reclassé au sein des postes disponibles dont il avait été informé ; qu'en reprochant dès lors à l'employeur de ne pas justifier avoir recherché à l'intérieur du groupe les possibilités de reclassement pour M. X..., sans rechercher, comme elle y était invitée, si le refus exprimé par le salarié de tous les postes offerts en reclassement ne rendait pas son reclassement impossible, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-4 du code du travail ;

2°/ qu'il incombe aux juges de motiver leur décision autrement qu'en se bornant à procéder par voie de simple affirmation sans aucune référence aux pièces du dossier ; qu'en affirmant que la société OGF ne justifiait pas avoir effectivement recherché à reclasser M. X... au sein du groupe auquel elle appartenait sans tenir compte des documents de la cause d'où il résultait que la société OGF a fait au moins une proposition de reclassement à M. X... et sans constater davantage qu'il aurait existé un poste disponible au sein du groupe, la cour d'appel a violé les articles 455 du code de procédure civile et 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

Mais attendu que l'employeur ne peut limiter ses offres en fonction de la volonté présumée des intéressés de les refuser ;

Et attendu qu'ayant constaté qu'alors que l'entreprise appartenait à un groupe employant plus de six mille salariés, seul un poste de catégorie inférieure avait été proposé à M. X..., la cour d'appel a pu en déduire que l'employeur ne justifiait pas d'une recherche effective de reclassement ;

Que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen :

Attendu que la société OGF fait grief à l'arrêt de la condamner à payer des dommages-intérêts en réparation du préjudice moral subi du fait de l'absence de réponse à une demande d'attestation de suivi de formation professionnelle, alors, selon le moyen que la responsabilité délictuelle d'un employeur envers le salarié qu'il a licencié est subordonnée à la démonstration d'une faute commise par ce dernier, laquelle doit être caractérisée par les juges du fond ; qu'en l'espèce, pour décider que l'employeur avait tardé à établir les attestations de formation sollicitées par le salarié et n'avait pas été diligent dans la recherche des formations effectuées par le salarié, la cour d'appel s'est bornée à relever que l'employeur avait, sur demande du salarié, établi deux attestations de formation professionnelle en date des 22 mai 2006 et 23 novembre 2006, et que ces deux attestations étaient incomplètes ; qu'en statuant ainsi, sans préciser ni à quelle date le salarié avait sollicité ces attestations, ni si le salarié avait attiré l'attention de l'employeur sur le caractère, selon lui, « encore incomplet » de la seconde attestation qui lui avait été fournie, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé la faute de l'employeur, a violé l'article 1382 du code civil ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui a constaté que sur demande du salarié faisant observer que la première attestation, datée de huit mois après le licenciement, n'était pas complète, l'employeur a délivré une seconde attestation, toujours incomplète, alors que la mention exhaustive des formations suivies était les seuls éléments dont ce salarié pouvait faire état lors de ses recherches d'emploi à un niveau d'encadrement, a ainsi caractérisé une faute de négligence de l'employeur et réparé le préjudice en résultant qu'elle a souverainement évalué ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société OGF aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société OGF à payer à M. X..., la somme de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf janvier deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux conseils, pour la société OGF

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de Monsieur Christian X... était dépourvu de cause réelle et sérieuse, et d'AVOIR, en conséquence, condamner la société OGF à lui verser les sommes 9. 000 € à titre de dommages et intérêts, ainsi qu'à rembourser à l'organisme concerné les indemnités chômage dans la limite de six mois,

AUX MOTIFS QUE « la légitimité d'un licenciement économique consécutif au refus du salarié d'accepter la proposition de modification de son contrat de travail qui lui a été faîte dans le cadre de l'article L. 1222-6 du code du travail suppose, outre la réalité du motif économique invoqué, la démonstration du respect par l'employeur de l'obligation de reclassement mise à sa charge, à défaut de quoi le licenciement consécutif au refus d'acceptation de la modification par le salarié est dépourvu de cause réelle et sérieuse ; en l'espèce, le groupe OGF se présente comme le premier entrepreneur de pompes funèbres en France et indique qu'il employait en 2005 plus de 6. 000 salariés sur environ 970 sites, la société GNEPF en employant une cinquantaine ; Monsieur Christian X... a fait un parcours professionnel au sein de ce groupe, occupant successivement des emplois au sein de la société des Pompes Funèbres Générales, devenue OGF, en tant qu'assistant funéraire, chef de bureau avec statut de cadre, directeur d'agence, cadre niveau 6, directeur du secteur opérationnel d'Angers, directeur adjoint au directeur opérationnel d'Angers-Le Mans-Nogent, puis au sein de la société GNEPF en tant que directeur chargé de mission à compter du 1er décembre 2001 au 30 novembre 2006, date de fin de la période de préavis, qu'il a été dispensé d'exécuter ; afin de justifier du respect de son obligation de reclassement, la société OGF fait état de ce qu'elle a pris trois mesures à l'encontre de Monsieur X... : remise à celui-ci d'un document à compléter visant son profil et ses désiderata, qui devait ensuite faire l'objet d'une exploitation ; accès donné à Monsieur Christian X..., comme aux autres salariés à une bourse d'emploi au sein du groupe OGF, proposition à Monsieur Christian X..., par lettre recommandée avec avis de réception en date du 12 juillet 2005, d'un poste de reclassement au sein de la société OGF en qualité de chef d'agence de niveau de classification 5. 1 au sein du secteur opérationnel d'Orléans ; Monsieur X... a été licencié pour motif économique suite à son refus de cette proposition de reclassement ; la remise par la société GNEPF à Monsieur Christian X... du document à compléter, même si celui-ci ne l'a pas retourné, et l'accès à une bourse d'emploi au sein du groupe OGF ne comprenant même pas la classification des postes concernés ne sauraient suppléer l'obligation de l'employeur de se livrer à la recherche des possibilités de reclassement de son salarié dans la société qui l'employait ou dans les autres sociétés du groupe et de lui faire des offres de reclassement écrites et précises comme le prévoit l'article L. 1233-4 du Code du travail ; s'agissant de l'offre de reclassement en tant que chef d'agence au sein du secteur opérationnel d'Orléans, il doit être relevé qu'il s'agit d'une offre de reclassement dans un emploi d'une catégorie inférieure (5. 1) puisque Monsieur Christian X... était, au moment de son licenciement, cadre de niveau 6. 1 et que l'intéressé n'avait pas donné son accord comme le prévoit l'article précité ; la société GNEPF ne justifie pas avoir recherché effectivement à l'intérieur du groupe les possibilités de reclassement pour Monsieur Christian X... ; elle n'a pas satisfait à son obligation de reclassement de sorte que le licenciement de Monsieur X... est sans cause réelle et sérieuse ; le jugement sera en cela infirmé »,

1) ALORS QUE l'obligation de reclassement est bornée par la volonté exprimée du salarié ; qu'en l'espèce, l'employeur faisait valoir, preuves à l'appui, que le salarié, qui préférait être licencié, avait exprimé son refus d'être reclassé au sein des postes disponibles dont il avait été informés ; qu'en reprochant dès lors à l'employeur de ne pas justifié avoir recherché à l'intérieur du groupe les possibilités de reclassement pour Monsieur X..., sans rechercher, comme elle y était invitée, si le refus exprimé par le salarié de tous les postes offerts en reclassement ne rendait pas son reclassement impossible, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-4 du Code du travail ;

2) ALORS QU'il incombe aux juges de motiver leur décision autrement qu'en se bornant à procéder par voie de simple affirmation sans aucune référence aux pièces du dossier ; qu'en affirmant que la société OGF ne justifiait pas avoir effectivement recherché à reclasser Monsieur X... au sein du groupe auquel elle appartenait sans tenir compte des documents de la cause d'où il résultait que la société OGF a fait au moins une proposition de reclassement à Monsieur X... et sans constater davantage qu'il aurait existé un poste disponible au sein du groupe, la Cour d'appel a violé les articles 455 du Code de procédure civile et 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société OGF à payer à Monsieur X... la somme de 2. 000 € à titre de dommages et intérêts du préjudice moral subi par le salarié du fait de l'absence de réponse à sa demande d'attestation de suivi de formation pendant les dix dernières années,

AUX MOTIFS QUE « Monsieur Christian X... forme une demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de l'absence de réponse à sa demande d'attestation du suivi de formations pendant les dix dernières années ; la société OGF justifie de ce qu'une première attestation de formation professionnelle a été établie le 22 mai 2006 ; sur demande de Monsieur Christian X... faisant observer que cette attestation était incomplète, une seconde a été établie par l'employeur le 23 novembre 2006, que Monsieur Christian X... dit avoir reçu le 1er décembre ; l'intéressé soutient que certaines formations qu'il a suivi ne sont toujours pas mentionnées et produit des convocations faisant mention des thèmes qui ne figurent sur aucune des attestations fournies ; la mention exhaustive des formations suivies par Monsieur Christian X... est d'autant plus importante que celui-ci ne fait pas état de l'obtention de diplôme et que la justification du suivi de formations ainsi que son parcours professionnel sont les seuls éléments dont il peut faire état lors de ses recherches d'emploi à un niveau d'encadrement ; il apparaît ainsi que le retard apporté par l'employeur ainsi que son défaut de diligence dans les recherches concernant les formations de Monsieur Christian X... ont causé à celui-ci un préjudice qu'il convient d'indemniser par la somme de 2. 000 € à titre de dommages et intérêts »,

ALORS QUE la responsabilité délictuelle d'un employeur envers le salarié qu'il a licencié est subordonnée à la démonstration d'une faute commise par ce dernier, laquelle doit être caractérisée par les juges du fond ; qu'en l'espèce, pour décider que l'employeur avait tardé à établir les attestations de formation sollicitées par le salarié et n'avait pas été diligent dans la recherche des formations effectuées par le salarié, la Cour d'appel s'est bornée à relever que l'employeur avait, sur demande du salarié, établi deux attestations de formation professionnelle en date des 22 mai 2006 et 23 novembre 2006, et que ces deux attestations étaient incomplètes ; qu'en statuant ainsi, sans préciser ni à quelle date le salarié avait sollicité ces attestations, ni si le salarié avait attiré l'attention de l'employeur sur le caractère, selon lui, « encore incomplet » de la seconde attestation qui lui avait été fournie, la Cour d'appel, qui n'a pas caractérisé la faute de l'employeur, a violé l'article 1382 du Code civil ;

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