Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 19 janvier 2011, 09-42.736, Inédit
Cour de cassation - Chambre sociale
- N° de pourvoi : 09-42.736
- Non publié au bulletin
- Solution : Rejet
- Président
- M. Bailly (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Sur le moyen unique :
Attendu selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 12 mai 2009), que Mme X...et MM. Y..., Z..., A..., B... et C...ont été licenciés pour motif économique le 21 février 2005 par la société Haworth ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire les licenciements dépourvus de cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :
1°/ que si l'employeur doit soumettre au salarié des offres de reclassement personnalisées, c'est pour éviter que le salarié ne puisse pas déterminer, parmi les nombreuses offres de reclassement qui lui sont proposées, celles qui sont en rapport avec ses compétences ; que, par conséquent, lorsque l'employeur n'a identifié que quelques postes de reclassement dans l'entreprise, rien ne s'oppose à ce qu'il propose l'ensemble de ces postes à chacun des salariés menacés de licenciement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que la société Haworth n'avait identifié que quatre postes disponibles au sein de l'entreprise et qu'elle avait proposé ces quatre postes aux six salariés avant leur licenciement ; qu'en outre, la société Haworth démontrait, en produisant son registre d'entrée et de sortie du personnel, qu'aucun autre emploi n'avait été pourvu, ni ne s'était libéré dans les mois précédant et les mois suivant les licenciements ; qu'en jugeant néanmoins que la société Haworth avait manqué à son obligation de reclassement interne, au motif qu'elle avait soumis aux salariés des offres de reclassement qui n'étaient pas personnalisées, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-4 du code du travail ;
2°/ qu'en tout état de cause, que dans le cadre de son obligation de reclassement, l'employeur doit proposer au salarié l'ensemble des postes disponibles, de même catégorie ou de catégorie inférieure à l'emploi qu'il occupe, qui sont compatibles avec ses compétences ; que, si plusieurs salariés, bien qu'ayant une qualification et une ancienneté différentes, sont susceptibles d'être reclassés dans les mêmes emplois, l'employeur peut leur soumettre les mêmes offres de reclassement ; que, par conséquent, la circonstance que l'employeur soumette les mêmes offres de reclassement à plusieurs salariés ayant une qualification et une ancienneté différentes ne signifie pas nécessairement qu'il n'a pas effectué de recherches de reclassement personnalisées ; qu'en l'espèce, pour dire que la société Haworth n'a pas effectué de recherche de reclassement personnalisée en fonction des carrières et des compétences de chacun, la cour d'appel a relevé que les offres de reclassement soumises aux six salariés étaient identiques et que deux d'entre eux occupaient des emplois de qualification différente, avec une ancienneté différente ; qu'en se fondant sur une telle considération, qui ne faisait nullement ressortir que les offres de reclassement aient été inadaptées aux compétences des six salariés concernés et, par conséquent, que la société Haworth n'avait pas effectué de recherche de reclassement personnalisée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-4 du code du travail ;
3°/ qu'à supposer que la différence de qualification et d'ancienneté constatée entre Mme X...et M. B... ait suffit à établir que les offres de reclassement identiques qu'ils ont reçues n'étaient pas personnalisées en fonction de leur carrière et de leurs compétences, cette circonstance ne permettait pas à la cour d'appel de se prononcer sur la compatibilité de ces offres avec les compétences des quatre autres salariés ; qu'en se fondant néanmoins sur cette la différence de qualification et d'ancienneté de Mme X...et de M. B... pour dire que les offres de reclassement soumises à tous les salariés n'étaient pas personnalisées en fonction de leur carrière et de leurs compétences, la cour d'appel a entaché sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-4 du code du travail ;
4°/ qu'il ne peut être reproché à une partie de ne pas apporter une preuve négative ; qu'en l'espèce, la société Haworth faisait valoir, sans être contredite, qu'il n'existait aucune pratique de permutation du personnel entre les différentes sociétés du groupe ; qu'en lui reprochant néanmoins de ne pas apporter la preuve, négative, de l'absence de permutation du personnel pour en conclure que les autres sociétés du groupe n'étaient pas exclues du périmètre de la recherche de reclassement, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-4 du code du travail et 1315 du code civil ;
5°/ que la seule circonstance que l'employeur évoque des postes disponibles dans les autres entreprises du groupe, situées à l'étranger dans le plan de sauvegarde de l'emploi et que ce plan prévoie une reprise d'ancienneté et un maintien de salaire en cas de reclassement dans une autre société du groupe n'est pas de nature à établir une permutabilité du personnel entre les différentes entreprises du groupe ; qu'en se fondant encore sur la circonstance inopérante que les possibilités de reclassement dans les autres sociétés du groupe avaient été évoquées dans le plan de sauvegarde de l'emploi et que celui-ci prévoyait une reprise d'ancienneté et une indemnité de maintien de salaire en cas de reclassement dans l'une de ces sociétés, qui exerçaient toutes la même activité, pour en déduire une possible permutation du personnel, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-4 du code du travail ;
Mais attendu que, si l'employeur est en droit de proposer un même poste à plusieurs salariés, dès lors qu'il est adapté à la situation de chacun, la cour d'appel qui a constaté que la société, qui appartenait à un groupe, avait, au titre du reclassement interne, proposé en termes identiques les postes disponibles en son sein à des salariés exerçant des fonctions et jouissant d'ancienneté différentes, et qu'elle avait également annoncé l'existence de " solutions " de reclassement dans d'autres sociétés du groupe, en se bornant à inviter les intéressés à venir consulter la liste de ces emplois, a pu en déduire que les offres de reclassement de l'employeur n'étaient pas personnalisées, justifiant ainsi légalement sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Haworth aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Haworth à payer aux salariés la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf janvier deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour la société Haworth
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé les jugements du Conseil de prud'hommes de la ROCHE-SUR-YON du 22 janvier 2007, d'AVOIR dit les licenciements de Monsieur Y..., Monsieur Z..., Madame X..., Monsieur A..., Monsieur B... et Monsieur C...dénués de cause réelle et sérieuse, d'AVOIR condamné la société HAWORTH à verser diverses sommes à titre de dommages et intérêts et de frais irrépétibles à ces six salariés et d'AVOIR condamné la société HAWORTH à rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage versées à ces six salariés, dans la limite de six mois ;
AUX MOTIFS QUE « en droit, l'article L. 1233-4 du Code du Travail dispose que le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient ; que le manquement de l'employeur à cette obligation a pour effet de priver le licenciement de cause réelle et sérieuse quel que soit le bien fondé du motif économique invoqué pour le justifier ; qu'en l'espèce, le plan de sauvegarde de l'emploi recensait (p. 7) 4 postes disponibles au sein de la société HAWORTH (assistant commercial à Saint-Hilaire chargé de prescription, cadre, à Paris chargé d'affaires, cadre chargé d'affaires Grandes Organisations, cadre, à Paris) ; qu'il était précisé que des solutions de reclassement étaient identifiées auprès des autres sociétés du groupe, que la liste des postes disponibles était à disposition au département Ressources Humaines, que, dans ce cas, un nouveau contrat de travail serait établi avec reprise de l'ancienneté acquise et maintien pendant une certaine durée de la rémunération pour les postes de même classification, la société d'accueil se chargeant de toutes les formations nécessaires ; que par ailleurs le plan prévoyait un accompagnement par une cellule de reclassement et des aides financières ; qu'il convient de rappeler que les offres de reclassement doivent être effectuées avant le licenciement, l'établissement d'un plan de sauvegarde de l'emploi ne dispensant pas l'employeur de cette obligation, et qu'elles doivent être formulées par écrit, personnalisées, précises et concrètes ; qu'en ce qui concerne le reclassement interne des salariés, si la société HAWORTH a écrit à ce sujet à chacun des salariés avant le licenciement, elle a fait état dans ce courrier des seuls postes susvisés sans même les énumérer (« Vous trouverez ci-joint la liste détaillée de ces postes avec leurs principales caractéristiques ») en joignant leurs fiches en annexe avec le plan de sauvegarde de l'emploi, mais elle n'a aucunement personnalisé la recherche en fonction des carrières et des compétences de chacun d'entre eux, les lettres étant strictement identiques, de sorte que Mme X..., qui avait une ancienneté de 9 ans et qui occupait un poste d'assistance logistique recevait les mêmes propositions que M. B... qui avait une ancienneté de 33 ans et qui occupait un poste de responsable des services techniques et qu'il en était de même des autres salariés ; qu'en ce qui concerne le reclassement externe, celui-ci était proposé à chaque salarié dans la lettre de licenciement de la façon suivante : « un certain nombre de solutions de reclassement externe ont été identifiées et transmises à notre demande par les autres filiales étrangères du groupe et nous vous invitons à venir consulter cette liste de postes auprès du Département Ressources Humaines pour obtenir plus d'informations à ce sujet » ; que la société HAWORTH ne justifie pas comme elle le prétend que ces sociétés étrangères étaient exclues du périmètre de la recherche de reclassement, le plan de sauvegarde de l'emploi prévoyant au contraire la reprise d'ancienneté des salariés dans les autres sociétés du groupe et une indemnité de maintien du salaire, ce qui suppose des liens étroits, même si un nouveau contrat de travail devait être conclu, étant rappelé que toutes les sociétés du groupe HAWORTH ont la même activité ; que la société HAWORTH, qui expose qu'il existait 5O postes aux Etats-Unis, 19 au Canada, 1 à Londres et 1 en Italie, n'a pas personnalisé les offres, qu'elle a de surcroît formulées en même temps que la rupture ; qu'il résulte de ces éléments d'appréciation que la société HAWORTH n'a pas satisfait à son obligation de reclassement des salariés ; qu'il y a lieu en conséquence de confirmer les jugements entrepris du 22 janvier 2OO7 (section encadrement) et d'infirmer le jugement du 6 février 2007 (section industrie), de dire les licenciements économiques des salariés dépourvus de cause réelle et sérieuse, de condamner la société HAWORTH à rembourser les indemnités de chômage versées à M. Y..., M. Z..., Mme X...et M. A...dans la limite de 6 mois » ;
1. ALORS QUE si l'employeur doit soumettre au salarié des offres de reclassement personnalisées, c'est pour éviter que le salarié ne puisse pas déterminer, parmi les nombreuses offres de reclassement qui lui sont proposées, celles qui sont en rapport avec ses compétences ; que, par conséquent, lorsque l'employeur n'a identifié que quelques postes de reclassement dans l'entreprise, rien ne s'oppose à ce qu'il propose l'ensemble de ces postes à chacun des salariés menacés de licenciement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que la société HAWORTH n'avait identifié que quatre postes disponibles au sein de l'entreprise et qu'elle avait proposé ces quatre postes aux six salariés avant leur licenciement ; qu'en outre, la société HAWORTH démontrait, en produisant son registre d'entrée et de sortie du personnel, qu'aucun autre emploi n'avait été pourvu, ni ne s'était libéré dans les mois précédant et les mois suivant les licenciements ; qu'en jugeant néanmoins que la société HAWORTH avait manqué à son obligation de reclassement interne, au motif qu'elle avait soumis aux salariés des offres de reclassement qui n'étaient pas personnalisées, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-4 du Code du travail ;
2. ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE dans le cadre de son obligation de reclassement, l'employeur doit proposer au salarié l'ensemble des postes disponibles, de même catégorie ou de catégorie inférieure à l'emploi qu'il occupe, qui sont compatibles avec ses compétences ; que, si plusieurs salariés, bien qu'ayant une qualification et une ancienneté différentes, sont susceptibles d'être reclassés dans les mêmes emplois, l'employeur peut leur soumettre les mêmes offres de reclassement ; que, par conséquent, la circonstance que l'employeur soumette les mêmes offres de reclassement à plusieurs salariés ayant une qualification et une ancienneté différentes ne signifie pas nécessairement qu'il n'a pas effectué de recherches de reclassement personnalisées ; qu'en l'espèce, pour dire que la société HAWORTH n'a pas effectué de recherche de reclassement personnalisée en fonction des carrières et des compétences de chacun, la cour d'appel a relevé que les offres de reclassement soumises aux six salariés étaient identiques et que deux d'entre eux occupaient des emplois de qualification différente, avec une ancienneté différente ; qu'en se fondant sur une telle considération, qui ne faisait nullement ressortir que les offres de reclassement aient été inadaptées aux compétences des six salariés concernés et, par conséquent, que la société HAWORTH n'avait pas effectué de recherche de reclassement personnalisée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-4 du Code du travail ;
3. ALORS, A TOUT LE MOINS, QU'à supposer que la différence de qualification et d'ancienneté constatée entre Madame X...et Monsieur B... ait suffit à établir que les offres de reclassement identiques qu'ils ont reçues n'étaient pas personnalisées en fonction de leur carrière et de leurs compétences, cette circonstance ne permettait pas à la cour d'appel de se prononcer sur la compatibilité de ces offres avec les compétences des quatre autres salariés ; qu'en se fondant néanmoins sur cette la différence de qualification et d'ancienneté de Madame X...et de Monsieur B... pour dire que les offres de reclassement soumises à tous les salariés n'étaient pas personnalisées en fonction de leur carrière et de leurs compétences, la cour d'appel a entaché sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-4 du Code du travail ;
4. ALORS QU'il ne peut être reproché à une partie de ne pas apporter une preuve négative ; qu'en l'espèce, la société HAWORTH faisait valoir, sans être contredite, qu'il n'existait aucune pratique de permutation du personnel entre les différentes sociétés du groupe ; qu'en lui reprochant néanmoins de ne pas apporter la preuve, négative, de l'absence de permutation du personnel pour en conclure que les autres sociétés du groupe n'étaient pas exclues du périmètre de la recherche de reclassement, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-4 du Code du travail et 1315 du Code Civil ;
5. ALORS, EN OUTRE, QUE la seule circonstance que l'employeur évoque des postes disponibles dans les autres entreprises du groupe, situées à l'étranger dans le plan de sauvegarde de l'emploi et que ce plan prévoie une reprise d'ancienneté et un maintien de salaire en cas de reclassement dans une autre société du groupe n'est pas de nature à établir une permutabilité du personnel entre les différentes entreprises du groupe ; qu'en se fondant encore sur la circonstance inopérante que les possibilités de reclassement dans les autres sociétés du groupe avaient été évoquées dans le plan de sauvegarde de l'emploi et que celui-ci prévoyait une reprise d'ancienneté et une indemnité de maintien de salaire en cas de reclassement dans l'une de ces sociétés, qui exerçaient toutes la même activité, pour en déduire une possible permutation du personnel, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-4 du Code du travail