Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 15 décembre 2010, 10-81.727, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :



- M. Pierre X...,


contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 5-12, en date du 10 février 2010, qui, pour abus de confiance, l'a condamné à quinze mois d'emprisonnement avec sursis, 5 000 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 314-1, 314-10 du code pénal, 485, 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable du délit d'abus de confiance portant sur une somme de 35 390 euros, au préjudice de l'association SOS-3D et l'a, en répression, condamné à quinze mois d'emprisonnement avec sursis et à une amende de 5 000 euros ;

"aux motifs qu'au titre des conventions conclues par lui au nom de l'association avec le CNASEA et l'AGEFIPH, M. X... a perçu des aides publiques à hauteur de 35 390 euros ; qu'il a ainsi retiré du compte de l'association la quasi-totalité de ces aides au profit de ses comptes personnels ; que le dispositif d'aide à l'emploi des travailleurs handicapés ne peut bénéficier qu'à certains employeurs limitativement énumérés par la loi, à savoir les collectivités territoriales ou les personnes morales de droit public ou chargées de la gestion d'un service public ou un organisme de droit privé à but non lucratif tel une association ; que Mme Y..., embauchée le 4 juillet 2005, a déclaré que son travail consistait uniquement à rédiger des conclusions et des actes de procédure concernant les sociétés Hauteville diffusion et Pergil, dans le cadre des procédures engagées par M. X... pour obtenir la révision de la procédure de liquidation judiciaire de ces deux sociétés, prononcée le 29 juin 1993, et à représenter celui-ci aux audiences du tribunal de commerce où était évoquée la situation de ces deux sociétés ; que M. Z..., embauché à la même période, a indiqué qu'il effectuait un travail analogue au sein de l'association et que M. X... lui avait indiqué que, si un tiers contactait l'association pour lui demander son aide, il ne devait pas perdre de temps avec elle et se concentrer sur ses propres dossiers ; qu'il apparaît dès lors que M. X... s'est fait remettre des fonds par des organismes publics : CNASEA et AGEFIPH dans le cadre d'emploi, par une association à but non lucratif, de personnes handicapées, alors même que ces deux salariés étaient occupés, à plus de 95% de leur temps de travail, à l'assister dans ses contentieux pénaux, civils ou commerciaux personnels ; que M. X... n'a pas été en mesure au cours de l'enquête de produire la liste des adhérents de l'association, ni la preuve que l'association aurait traité d'autres dossiers que les siens ; qu'il s'évince de ces éléments que M. X..., alors qu'il était le seul à gérer les ressources de l' association, constituées, pour l'essentiel, des subventions qu'il avait obtenues du CNASEA et de l'AGEPIPH en trompant ces organismes sur la réalité de l'activité de l'association, a mis à profit ses pouvoirs et la signature qu'il détenait seul sur le compte bancaire ouvert au nom de SOS-3D, pour détourner au préjudice de l'association, les fonds versés par les organismes précités, en les faisant virer sur son compte personnel et en prélevant des espèces d'un montant correspondant aux subventions, dans son intérêt personnel ; qu'ainsi, le délit d'abus de confiance au préjudice de l'association SOS-3D, tel que visé à la prévention, est constitué ; qu'il importe peu au regard de la caractérisation du délit que les deux salariés aient en définitive été payés de leur salaire par M. X..., seul bénéficiaire de leur travail ; qu'en revanche et, dès lors que la remise des fonds, par le CNASEA et l'AGEPHIL, à l'association, n'était pas faite à titre précaire, le délit d'abus de confiance au préjudice de ces organismes, visé à la prévention, n'est pas caractérisé ; que M. X... sera relaxé de ce chef ; que, s'agissant de détournement de fonds publics destinés à favoriser le travail des personnes handicapées, les faits commis par M. X... revêtent une gravité particulière ; qu'en conséquence, la cour confirmera les quantums des peines prononcées par les premiers juges à l'égard du prévenu, déjà condamné, notamment en 1995 à 100 000 francs d'amende pour des infractions de nature économique et le 7 juillet 2006 à un an d'emprisonnement avec sursis et 5 000 euros d'amende pour abus de biens sociaux et recel pour des faits commis de 1989 à 1992 ;

"1°/ alors que l'objet de l'association SOS-3D étant l'aide aux dirigeants d'entreprises soumis à une procédure de redressement judiciaire, le délit d'abus de confiance reproché à M. X..., au préjudice de cette association, ne pouvait être caractérisé que par un détournement des fonds versés à celle- ci par le CNASEA et l'AGEFIPH et destinés à rémunérer des prestations ne devant être exécutées que dans son seul intérêt ; que n'étant pas contesté que le matériel informatique adapté à l'embauche d'un salarié non voyant avait été acquis et mis à la disposition des salariés dans le cadre d'emplois subventionnés de personnes handicapées, travaillant sur des dossiers entrant dans l'objet de l'association, la culpabilité de M. X... ne pouvait être retenue sans que soit établie de sa part une action délibérée et volontaire d'écarter les adhésions à l'association afin de privilégier ses propres intérêts, le fait qu'il n'ait pas été en mesure de produire une liste d'adhérents ou d'établir que l'association traitait d'autres dossiers que les siens et la déclaration de M. Z... selon lequel le prévenu lui aurait indiqué « que si un tiers contactait l'association pour lui demander son aide, il ne devait pas perdre de temps avec elle et se concentrer sur ses propres dossiers » n'étant pas de nature à caractériser une telle intention coupable ; qu'ainsi, le fait que les deux salariés n'aient travaillé que sur des dossiers concernant les affaires de M. X... ne constituait pas l'abus de confiance incriminé dès lors que ce travail correspondait à l'objet même de l'association ; que l'arrêt est ainsi entaché d'une violation des textes visés au moyen ;

"2°/ alors que la cour d'appel, qui constate que le travail des deux salariés consistait à traiter les dossiers de procédure de liquidation judiciaire des sociétés de M. X..., ne pouvait retenir sa culpabilité du chef d'abus de confiance au préjudice de l'association SOS-3D dès lors que ce travail correspondait à l'objet de ladite association ; qu'ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales s'évinçant de ses propres constatations, a, à nouveau, violé les textes visés au moyen ;

"3°/ alors que le fait que M. X... ait pu transférer les fonds versés, du compte bancaire de l'association sur son compte personnel ou prélever des espèces n'était pas de nature à caractériser le délit d'abus de confiance dès lors que la finalité de ces fonds (achat de matériel informatique adapté pour l'embauche d'un salarié non voyant et rémunération versées à deux salariés non voyants ) a été respectée dans l'exécution de l'objet de l'association ; qu'ainsi, l'arrêt est encore entaché d'une violation des textes visés au moyen" ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable ;

D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Bloch conseiller rapporteur, M. Dulin conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

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