Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 24 novembre 2010, 09-40.928, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... engagée le 2 septembre 1996 par la société Maison familiale Saint-Joseph absorbée par la suite par la société Résidence les Serpolets, en qualité de veilleuse de nuit dans une maison de retraite pour personnes dépendantes, a été licenciée pour faute grave le 12 août 2005 ;

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu les articles L. 1234-1 et L. 1234-5 du code du travail ;

Attendu que la faute grave étant celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, la mise en oeuvre de la rupture du contrat de travail doit intervenir dans un délai restreint après que l'employeur a eu connaissance des faits allégués dès lors qu'aucune vérification n'est nécessaire ;

Attendu que pour dire le licenciement fondé sur une faute grave, après avoir constaté que le grief selon lequel la salariée, veilleuse de nuit, avait administré à des pensionnaires des médicaments sans prescription médicale, était établi, l'arrêt retient que l'employeur a été informé des faits reprochés à la salariée entre le 16 juin et le 7 juillet 2005 soit à l'intérieur du délai de prescription de deux mois précédant le début de la procédure disciplinaire ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans vérifier, comme elle y était invitée, si la procédure de rupture avait été mise en oeuvre dans un délai restreint, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Et sur le second moyen :

Vu l'article L. 3171-4 du code du travail ;

Attendu qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ;

Attendu que pour rejeter la demande de la salariée en paiement d'heures complémentaires, l'arrêt retient que Mme X... ne produit pas d'éléments de nature à étayer sa demande lorsqu'elle verse aux débats un décompte établi au crayon, calculé mois par mois, sans autre explication ni indication complémentaire ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la salariée avait produit un décompte des heures qu'elle prétendait avoir réalisées auquel l'employeur pouvait répondre, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur les autres branches du premier moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit le licenciement justifié par une faute grave et en ce qu'il déboute Mme X... de sa demande en paiement d'heures complémentaires, l'arrêt rendu le 16 janvier 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;

Condamne la société Résidence Les Serpolets aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Résidence Les Serpolets à payer à Mme X... une somme de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre novembre deux mille dix.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils pour Mme X....

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR considéré que le licenciement de Madame X... reposait sur une faute grave et de l'AVOIR en conséquence débouté de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse d'un montant de 10.000 euros augmentée de celle de 8.000 euros en raison du caractère vexatoire de la rupture, d'un montant de 2.666 à titre d'indemnité de préavis et de 266,60 au titre des congés payés y afférents, d'un montant de 2.399,40 euros au titre de l'indemnité de licenciement, de sa demande de délivrance d'un certificat de travail et d'une attestation Assedic conforme et de sa demande d'un montant de 2.300 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

AUX MOTIFS QUE la procédure de licenciement pour faute grave a débuté par l'envoi le 27 juillet 2005 de la convocation à l'entretien préalable ; que si, pendant la période de deux mois précédant cette date, Madame X... était au repos depuis le 28 mai puis en arrêt de travail pour maladie depuis le 2 juin et n'a travaillé qu'une seule nuit, du 13 au 14 juin, avant d'être à nouveau placée en arrêt de travail pour maladie, la SARL MAISON FAMILIALE SAINT JOSEPH établit par pièces qu'elle a été informée des faits motivant le licenciement par un courrier recommandé adressé le 16 juin 2005 par Madame Y..., infirmière libérale, après un incident survenu le 14 juin au matin, puis par un courrier de Madame Z..., infirmière libérale en date du 29 juin 2005 et enfin par un troisième signalement en date du 7 juillet 2005 par une autre infirmière libérale, Madame A... ; qu'il est ainsi établi que les faits reprochés ont été connus de l'employeur à l'intérieur du délai de prescription de deux mois précédant le début de la procédure disciplinaire ; que Madame Y... énonce dans son courrier qu'elle a constaté en premier lieu que l'une de ses patientes, Madame B..., était déperfusée à son arrivée et que Madame X... a reconnu avoir procédé à cet acte ; qu'elle indique d'autre part qu'une autre patiente, Madame C..., dormait d'un sommeil profond au point qu'elle n'est pas arrivée à la réveiller, puis ajoute qu'elle a reproché à Madame X... de n'avoir pas l'aptitude pour déperfuser un patient ou pour lui administrer un médicament ; qu'elle énonce que Madame X... a alors eu un comportement hystérique en lui « demandant de la taper » ; que dans son courrier du 29 juin 2005, Madame Z... fait savoir que Madame X... se permet de réaliser des actes médicaux alors qu'elle ne possède pas les compétences requises et informe la directrice de la maison de retraite que la chute dont a été victime l'une des résidentes, Madame B..., est due à la négligence de Madame X... qui a baissé la barrière et monté le lit pour faire déjeuner l'intéressée puis a quitté la chambre sans remonter la barrière ; que le témoin ajoute : «Je me suis permis de lui faire remarquer son manque de vigilance et son inconscience. Elle m'a accusé de la harceler m'a menacée en ces termes et devant témoins : « Mon mari va venir te casser la gueule» ; qu'enfin, Madame A... écrit le 7 juillet 2005 qu'elle a constaté à plusieurs reprises un endormissement anormal de certains de ses patients, notamment Madame D..., et ajoute : « Alors que je n'arrivais pas à réveiller cette résidente, celle-ci m'a indiqué que Madame X... lui avait donné dans la nuit un «cachet ». J'ai voulu me faire attester ce fait par Madame X..., qui a confirmé lui avoir administré un neuroleptique, se targuant « de sa capacité à apprécier ce qui est bon pour un résident ». En conséquence, il me paraît extrêmement dangereux pour les résidents de la maison de retraite, et pour mes patients, d'accepter que ce veilleur de nuit continue à prendre des initiatives qui dépassent sa compétence, qui n'a aucune volonté de se remettre en cause, ni conscience des conséquences de tels actes » ; qu'au regard de ces constatations précises effectuées par plusieurs auxiliaires médicales différentes sur l'administration de médicaments à des résidents, Madame X... se contente devant la cour de procéder par voie de raisonnement en énonçant que les médicaments étaient dans une armoire fermée à clé et que, si tel n'était pas le cas, la responsabilité de la direction se trouverait engagée ; qu'il apparaît dans ces conditions que ce grief est suffisamment établi ; qu'il constitue à lui seul une faute grave justifiant la mesure de licenciement prononcée, sans même qu'il soit besoin d'analyser les autres faits reprochés à Madame X..., dont au demeurant certains sont anciens puisqu'ils remontent au début de l'année 2005 et étaient connus à cette date de l'employeur ; qu'il sera seulement relevé au titre des autres griefs que l'attitude menaçante de Madame X... est établie par les courriers de deux infirmières, étant précisé que la réalité de l'altercation avec Mme Y... le 14 juin 2005 n'est pas contestée ; que le jugement sera en conséquence réformé de ce chef.

ALORS QUE la faute grave, qui seule peut justifier une mise à pied conservatoire, est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; que la mise en oeuvre de la procédure de licenciement doit intervenir dans un délai restreint après que l'employeur a eu connaissance des faits allégués dès lors qu'aucune vérification n'est nécessaire ; qu'en se dispensant de rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si l'employeur avait mis en oeuvre la procédure de licenciement dans un délai restreint, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L.1234-1 (ancien L.122-6), L.1234-5 (ancien L.122-8 alinéa 1) et L.1234-5 (ancien L.122-9) du Code du travail.

ALORS aussi QU'en se dispensant de répondre à l'argumentation de Madame X..., selon laquelle l'employeur avait tenté, avant de se résoudre au licenciement, de trouver un accord amiable, la Cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile.

ALORS en tout hypothèse QU' en n'examinant, de l'argumentation précise de Madame X... que celle tirée de ce que les médicaments se trouvaient dans une armoire fermée à clef, quand elle soutenait de manière précise notamment qu'elle avait protesté contre les difficultés de fixation des barrières de protection, qu'elle rendait compte de son activité, qu'elle accomplissait de nombreuses tâches ne lui permettant pas d'être constamment présente auprès des patients, et qu'elle n'était pas habilitée à remettre les perfusions arrachées par les patients, qu'elle avait toujours signalées, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L.1234-1 (ancien L.122-6), L.1234-5 (ancien L.122-8 alinéa 1) et L.1234-5 (ancien L.122-9) du Code du travail.

ALORS enfin QU'il appartient au juge de rechercher, au-delà des énonciations de la lettre de licenciement, la véritable cause du licenciement ; que méconnaît l'étendue de ses pouvoirs le juge qui s'abstient d'examiner l'argumentation du salarié, selon laquelle le motif véritable du licenciement est autre que ceux invoqués dans la lettre de licenciement ; qu'en omettant de rechercher, comme Madame X... le soutenait, si le licenciement ne reposait pas en réalité sur les craintes émises par l'employeur quant à l'aptitude de la salariée à exercer ses fonctions après son grave accident, la Cour d'appel a violé l'article L.1232-1 (ancien 122-14-3) du Code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Le moyen fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté Madame X... de ses demandes d'un montant de 2.796,53 euros au titre des heures complémentaires et de 2.300 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

AUX MOTIFS QUE les premiers juges ont retenu à juste titre que Mme X... ne produisait pas d'éléments de nature à étayer sa demande ; qu'en effet, seul était versé aux débats un décompte établi au crayon, calculé par mois, sans autre explication ni indication complémentaire.

ALORS QU'il résulte de l'article L.3171-4 (anciennement L.212-1-1) du Code du travail que les juges du fond ne peuvent, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, ne peuvent rejeter une demande en paiement formulée par un salarié, en se fondant exclusivement sur l'insuffisance des éléments apportés par le salarié de nature à étayer sa demande et qu'il leur appartient d'examiner les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par celui-ci, que l'employeur était tenu de lui fournir ; qu'il ne peuvent statuer sans tenir compte de la carence de l'employeur ; que, pour rejeter la demande d'heures complémentaires de Madame X..., la Cour d'appel a jugé que celle-ci, qui n'avait versé aux débats qu'un seul décompte établi au crayon, calculé mois par mois, sans autre explication ni indication complémentaire, n'avait versé aucun élément de nature à étayer sa demande ; qu'en statuant ainsi, en se fondant uniquement sur les éléments de preuve versés aux débats par la salariée, alors même que l'employeur n'avait versé aux débats aucun élément de nature à justifier des horaires réalisés par celle-ci pour les périodes litigieuses, la Cour d'appel a violé l'article L.3171-4 (anciennement L.212-1-1) du Code du travail.

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