Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 6 octobre 2010, 08-45.609, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 28 octobre 2008), que Mme X... a été engagée le 18 avril 1990 par la société Citram Aquitaine en qualité d'employée du service administratif et commercial ; qu'à compter du mois de juin 1990, elle a été affectée au centre de Libourne ; que le 27 octobre 2006, elle a saisi la juridiction prud'homale aux fins de voir condamner son employeur à lui payer diverses sommes, notamment des dommages-intérêts pour violation de son obligation de sécurité ;

Attendu que la société Citram Aquitaine fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à Mme X... une somme à titre de dommages-intérêts pour violation de ses obligations en matière de sécurité et d'hygiène, alors, selon le moyen :

1°/ que l'employeur n'est pas tenu d'une obligation de sécurité de résultat vis à vis de ses salariés en ce qui concerne leur protection contre les actes d'incivilités et de délinquance commis, sur leur lieu de travail, par des personnes extérieures à l'entreprise, actes relevant de la sécurité publique ; qu'en se fondant sur l'insuffisance des résultats apportés par la société Citram Aquitaine au sentiment d'insécurité et d'inconfort ressenti par Mme X... qui travaille en contact avec le public à la gare routière de Libourne du fait de possibles actes de délinquance perpétrés par des personnes étrangères à l'entreprise, pour dire que la société Citram Aquitaine avait failli à son obligation d'assurer la sécurité de sa salariée, la cour d'appel a violé les articles L. 4121-1 et suivants du code du travail ;

2°/ qu'en outre que le manquement de l'employeur à une prétendue obligation de sécurité de résultat à l'égard du salarié suppose de constater une atteinte objective à la sécurité de celui-ci ; qu'aucun manquement à une obligation de sécurité de résultat ne peut être caractérisé, dès lors que la sécurité du salarié n'a pas été atteinte, qu'il ne peut dans le cadre de l'obligation de moyens qui était la sienne se déduire du sentiment d'insécurité du salarié qui n'a jamais été victime de la moindre agression ; qu'en se fondant sur le seul sentiment d'insécurité et d'inconfort ressenti par Mme X..., agent d'accueil du public, pour dire que les «mesures prises par la société Citram Aquitaine ne sont pas suffisantes ou en tout cas ne sont pas suffisamment lisibles» et en déduire la responsabilité de la société Citram Aquitaine, la cour d'appel a violé les articles L. 4121-1 et suivants du code du travail ;

3°/ que la société Citram Aquitaine a fait valoir qu' elle avait décidé, dès 2004, de fermer la gare entre 12h30 et 15 heures, de solliciter les services de la police à l'ouverture et à la fermeture de la gare, de mettre à la disposition de Mme X... un téléphone sans fil, d'établir un schéma de préventions des risques au sein de l'entreprise transmis aux salariés et aux institutions représentatives du personnel , de participer aux réunions de comités locaux de sécurité en vue de la mise en place de mesures de prévention concertées avec les services publics (mairie, police, conseil général) ; qu'en 2005, elle avait encore décidé d'installer un système de vidéo surveillance posé en 2007, au terme d'une longue procédure d'autorisation préfectorale et d'appel d'offres du fait que son bailleur est le conseil général de la Gironde ; qu'en 2006, ces mesures avaient été renforcées pour sécuriser le poste de Mme X... et avalisées par le CHSCT lors de sa réunion extraordinaire du 28 septembre 2006, mesures constituées par la collecte des fonds par la société Brink's, pose de films adhésifs pour protéger la salariée de la vue extérieure, pose de caméras intérieures, pose d'un système d'alarme, qu'en ne s'expliquant pas sur ces mesures dont il ressortait que la société Citram Aquitaine avait rempli son obligation de sécurité pour assurer la sécurité du poste de travail de Mme X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 4121-1 et suivants du code du travail ;

4°/ que le salarié est tenu lui-même de respecter les consignes qui lui sont données par l'employeur pour assurer sa propre sécurité ; que la société Citram Aquitaine a souligné qu'en dépit de l'existence du système de vidéo-surveillance et des consignes pour la remise des fonds, Mme X... s'est abstenue d'allumer l'écran de vidéo surveillance et a apporté à son responsable, sans justification, les recettes du jour alors qu'un coffre est mis à sa disposition à cet effet dans son bureau et que la société Brink's est chargée de la collecte hebdomadaire des fonds ; qu'en considérant que les mesures prises par la société Citram Aquitaine n'étaient pas suffisantes pour ôter tout sentiment d'insécurité de la part de Mme X... sans rechercher si la propre attitude de Mme X... n'était pas à l'origine de ce sentiment d'insécurité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.4121-1 et suivants du code du travail ;

5°/ qu'en reprochant à la société Citram Aquitaine un prétendu manquement à son obligation de garantir l'hygiène et un bon état de locaux au motif que «les photos versées au dossier par Mme X... démontrent que les locaux de la gare routière de Libourne n'étaient pas dans un état conforme à ce qu'un salarié peut normalement exiger», sans préciser, ni caractériser la moindre faute de la société Citram Aquitaine en la matière, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 4121-1 et suivants du code du travail ;

6°/ que la responsabilité de l'employeur ne peut être engagée que si le préjudice subi par le salarié est imputable à l'employeur ; que ne constitue pas un préjudice imputable à l'employeur le sentiment d'insécurité et d'inconfort ressenti par Mme X... du fait que son lieu de travail sur lequel l'employeur n'a aucune possibilité d'action -une gare routière affectée par la collectivité publique aux transports publics de voyageurs- est situé dans une zone publique qui connaît des actes de malveillance et de délinquance ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 1382 du code civil et L. 4121-1 et suivants du code du travail ;

Mais attendu que l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise, doit en assurer l'effectivité ;

Et attendu que la cour d'appel a constaté, qu'après plusieurs réunions avec le CHSCT, liées aux problèmes de sécurité à la gare routière de Libourne, les mesures prises par l'employeur pour assurer la sécurité de la salariée sur les lieux de travail n'étaient pas suffisantes et que les photos versées au dossier démontraient que les locaux de la gare routière n'étaient pas dans un état d'hygiène conforme à ce qu'un salarié peut normalement exiger ; qu'en l'état de ces constatations, elle a pu en déduire, sans avoir à caractériser une faute de la société, ni à rechercher si l'attitude de Mme X... était à l'origine de son sentiment d'insécurité, que l'employeur n'avait pas respecté ses obligations ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Citram Aquitaine aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Citram Aquitaine à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six octobre deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils pour la société Citram Aquitaine.

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR condamné la société Citram Aquitaine à verser à Madame X... une somme de 5 000 € à titre de dommages-intérêts pour violation de ses obligations en matière de sécurité et d'hygiène ;

AUX MOTIFS QUE Madame X... soutient que l'employeur n'a pas respecté l'obligation de sécurité qui pèse sur lui en la laissant seule dans un lieu de travail sans système de surveillance, sans collecte régulière des fonds ; elle produit des coupures de presse qui font état de rixes ou d'agressions sur les lieux de la gare routière ; qu'en outre, elle estime que les locaux de travail ne répondent pas aux normes de propreté et d'hygiène qui doivent être appliquées dans les lieux de travail ; … ; qu'il ressort des pièces échangées que le CHSCT a été amené à plusieurs reprises à consacrer des réunions aux problèmes à la gare routière de Libourne ; que dans le cadre de ces réunions, il était décidé fin 2006 de la mise en oeuvre d'un système de vidéo-surveillance, de la mise à disposition d'un téléphone sans fil, de la mise en place d'une liaison directe avec le commissariat de police ; qu'il ressort des attestations et d'une pétition que si effectivement l'employeur ne s'est pas désintéressé de ces questions, les résultats apportés n'ont pas été suffisants et l'opposition de fait entre les parties sur les circonstances dans lesquelles sont ramassées les recettes, démontre que les mesures prises par la société Citram Aquitaine ne sont pas suffisantes et en tout cas ne sont pas suffisamment lisibles ; que de même les photos versées au dossier par Madame X... démontrent que les locaux de la gare routière de Libourne, qui constituait son lieu de travail, n'étaient pas dans un état conforme à ce qu'un salarié peut normalement exiger ; que s'il est exact que les locaux n'appartiennent pas à l'employeur, il en est responsable en tant qu'exploitant ; que contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, il ressort des éléments produits que l'employeur n'a pas respecté l'obligation d'assurer la sécurité de sa salariée sur son lieu de travail ainsi que de garantir l'hygiène et un bon état des locaux ; que le préjudice de Madame X... est majoré par le fait qu'elle est seule salariée sur le site, circonstance qui n'a pu que renforcer le sentiment d'insécurité et d'inconfort ressenti par l'appelante ; que la Cour dispose des éléments suffisants pour évaluer les dommages-intérêts dus à Madame X... à une somme de 5 000 € ;

1°-ALORS QUE l'employeur n'est pas tenu d'une obligation de sécurité de résultat vis à vis de ses salariés en ce qui concerne leur protection contre les actes d'incivilités et de délinquance commis, sur leur lieu de travail, par des personnes extérieures à l'entreprise, actes relevant de la sécurité publique ; qu'en se fondant sur l'insuffisance des résultats apportés par la société Citram Aquitaine au sentiment d'insécurité et d'inconfort ressenti par Madame X... qui travaille en contact avec le public à la gare routière de Libourne du fait de possibles actes de délinquance perpétrés par des personnes étrangères à l'entreprise, pour dire que la société Citram Aquitaine avait failli à son obligation d'assurer la sécurité de sa salariée, la Cour d'appel a violé les articles L.4121-1 et suivants du Code du travail ;

2°- ALORS en outre que le manquement de l'employeur à une prétendue obligation de sécurité de résultat à l'égard du salarié suppose de constater une atteinte objective à la sécurité de celui-ci ; qu'aucun manquement à une obligation de sécurité de résultat ne peut être caractérisé, dès lors que la sécurité du salarié n'a pas été atteinte, qu'il ne peut dans le cadre de l'obligation de moyens qui était la sienne se déduire du sentiment d'insécurité du salarié qui n'a jamais été victime de la moindre agression; qu'en se fondant sur le seul sentiment d'insécurité et d'inconfort ressenti par Madame X..., agent d'accueil du public, pour dire que les «mesures prises par la société Citram Aquitaine ne sont pas suffisantes ou en tout cas ne sont pas suffisamment lisibles» et en déduire la responsabilité de la société Citram Aquitaine, la Cour d'appel a violé les articles L.4121-1 et suivants du Code du travail ;

3°- ALORS QUE la société Citram Aquitaine a fait valoir (conclusions p.13 et s.) qu' elle avait décidé, dès 2004, de fermer la gare entre 12h30 et 15 heures, de solliciter les services de la police à l'ouverture et à la fermeture de la gare, de mettre à la disposition de Madame X... un téléphone sans fil, d'établir un schéma de préventions des risques au sein de l'entreprise transmis aux salariés et aux institutions représentatives du personnel , de participer aux réunions de comités locaux de sécurité en vue de la mise en place de mesures de prévention concertées avec les services publics (mairie, police, Conseil Général) ; qu'en 2005, elle avait encore décidé d'installer un système de vidéo surveillance posé en 2007, au terme d'une longue procédure d'autorisation préfectorale et d'appel d'offres du fait que son bailleur est le Conseil Général de la Gironde ; qu'en 2006, ces mesures avaient été renforcées pour sécuriser le poste de Madame X... et avalisées par le CHSCT lors de sa réunion extraordinaire du 28 septembre 2006, mesures constituées par la collecte des fonds par la société Brink's, pose de films adhésifs pour protéger la salariée de la vue extérieure, pose de caméras intérieures, pose d'un système d'alarme, qu'en ne s'expliquant pas sur ces mesures dont il ressortait que la société Citram Aquitaine avait rempli son obligation de sécurité pour assurer la sécurité du poste de travail de Madame X..., la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. L.4121-1 et suivants du Code du travail ;

4°- ALORS QUE le salarié est tenu lui-même de respecter les consignes qui lui sont données par l'employeur pour assurer sa propre sécurité ; que la société Citram Aquitaine a souligné (conclusions p.17) qu'en dépit de l'existence du système de vidéo-surveillance et des consignes pour la remise des fonds, Madame X... s'est abstenue d'allumer l'écran de vidéo surveillance et a apporté à son responsable, sans justification, les recettes du jour alors qu'un coffre est mis à sa disposition à cet effet dans son bureau et que la société Brink's est chargée de la collecte hebdomadaire des fonds ; qu'en considérant que les mesures prises par la société Citram Aquitaine n'étaient pas suffisantes pour ôter tout sentiment d'insécurité de la part de Madame X... sans rechercher si la propre attitude de Madame X... n'était pas à l'origine de ce sentiment d'insécurité, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.4121-1 et suivants du Code du travail ;

5°- ALORS QU'en reprochant à la société Citram Aquitaine un prétendu manquement à son obligation de garantir l'hygiène et un bon état de locaux au motif que «les photos versées au dossier par Madame X... démontrent que les locaux de la gare routière de Libourne n'étaient pas dans un état conforme à ce qu'un salarié peut normalement exiger», sans préciser, ni caractériser la moindre faute de la société Citram Aquitaine en la matière, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.4121-1 et suivants du Code du travail ;

6°-ALORS EN OUTRE QUE la responsabilité de l'employeur ne peut être engagée que si le préjudice subi par le salarié est imputable à l'employeur ; que ne constitue pas un préjudice imputable à l'employeur le sentiment d'insécurité et d'inconfort ressenti par Madame X... du fait que son lieu de travail sur lequel l'employeur n'a aucune possibilité d'action -une gare routière affectée par la collectivité publique aux transports publics de voyageurs- est situé dans une zone publique qui connaît des actes de malveillance et de délinquance ; qu'en jugeant le contraire, la Cour d'appel a violé les articles 1382 du Code civil et L.4121-1 et suivants du Code du travail ;

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