Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 6 octobre 2010, 09-10.530, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre civile 1
- N° de pourvoi : 09-10.530
- Publié au bulletin
- Solution : Rejet
- Président
- M. Charruault
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses six branches, ci-après annexé :
Attendu que MM. Edwin, Albert et Joseph X... ont signé le 1er mai 1979 un protocole prévoyant la création d'une société holding au Liechtenstein rassemblant leurs activités dans le monde entier, chaque partie pouvant attribuer ses parts à une fondation familiale ; que les statuts de la Holding, Albert X... Corporation (AAC), comportaient une convention d'arbitrage ; que MM. Joseph et Albert X... ont chacun constitué une fondation familiale, Joseph X... Family Foundation (JAFF) et Albert X... Family Foundation (AAFF) et racheté les parts de leur frère Edwin ; qu'à la suite du décès d'Albert X..., des divergences importantes ont opposé ses fils, MM. Albert Martin et Marlon X... et leur mère, Mme Bärbel X... (les consorts X...) qui ont signé le 26 avril 2000 une " convention de règlement ", ratifiée également par la AAFF, soumise, en son principe, au conseil d'administration de la AAC et à l'assemblée générale ; que l'exécution de cette convention, notamment par les consorts X..., a abouti à la cession des actifs de la AAC ; que la JAFF ayant engagé une procédure d'arbitrage une première sentence partielle a statué sur la loi applicable et sur l'arbitrabilité du litige, une seconde sentence partielle du 22 mai 2008, annulée par arrêt de la cour d'appel de Paris du 22 mai 2008, a dit que les consorts X... n'étaient pas liés par la convention d'arbitrage, le tribunal étant incompétent à leur égard ; que par sentence du 14 février 2007, frappée d'un recours en annulation par la JAFF, le tribunal a dit prescrites les demandes en annulation des délibérations de la AAC ;
Attendu que la JAFF fait grief à l'arrêt attaqué (Paris, 25 septembre 2008) d'avoir rejeté le recours en annulation formé contre la sentence partielle ;
Attendu que l'arrêt relève que les arbitres ont constaté la prescription des demandes au regard du droit du Lichtenstein, choisi par les parties, le délai de un mois plus un mois pour contester les délibérations de l'assemblée générale n'ayant pas été respecté bien que la JAFF ait été présente ou ait pu avoir connaissance des décisions au cours du délai ; qu'aucune méconnaissance de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme n'étant caractérisée et aucune violation de l'ordre public international qui imposerait qu'elle fût flagrante, effective et concrète, n'étant établie, la cour d'appel a pu, sans dénaturation, en déduire que la JAFF sollicitait en réalité une révision au fond de la sentence, interdite au juge de l'annulation ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la JAFF au dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six octobre deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils pour la fondation Joseph X... family foundation
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté le recours en annulation dirigé par la Fondation Joseph X... Family Foundation (JAFF) contre la sentence partielle en date du 14 février 2007, ayant déclaré irrecevables les demandes d'annulation des assemblées générales de la Sté Albert X... Corporation (AAC) en date des 30 mai 2000, 30 novembre 2001 et 9 mai 2003,
AUX MOTIFS QUE : " (...) l'atteinte à l'ordre public international doit consister dans une violation manifeste d'une règle de droit considérée comme essentielle ou d'un principe fondamental et doit être flagrante, effective et concrète ; qu'en l'espèce les arbitres appliquant le droit du Liechtenstein auquel se référent les parties ont constaté que les demandes d'annulation étaient prescrites puisqu'il n'avait pas été satisfait aux délais de un mois plus un mois commençant à courir dès l'adoption des résolutions dont au demeurant la Joseph X... Family Foundation a eu ou pu avoir utilement connaissance en temps utile puisqu'elle a assisté aux assemblées générales des 30 mai 2000 et 9 mai 2003 et a eu communication du procès verbal de l'assemblée générale du 30 novembre 2001 dès le 14 décembre ;
Qu'ainsi la recourante, qui n'identifie pas en quoi la décision du tribunal arbitral méconnaîtrait l'article 6 de la CEDH et violerait de manière flagrante, effective et concrète l'ordre public international, invite en réalité la Cour à une révision au fond de la sentence arbitrale qui est interdite au juge de l'annulation. "
1°) ALORS D'UNE PART, qu'il résulte des conclusions déposées à l'appui du recours en annulation de la sentence arbitrale que JAFF a fait valoir que, selon la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l'Homme, le droit d'accès à un tribunal suppose que les modalités d'exercice du recours permettent d'en sauvegarder l'effectivité et qu'en déclarant prescrite l'action en nullité des assemblées générales par application de l'article 179 PGR du Liechtenstein, les arbitres lui avaient refusé l'accès effectif à un tribunal, garanti par le principe exprimé à l'article 6. 1 de la Convention EDH ; qu'en effet, en l'absence de tenue correcte et d'envoi en temps utile des procès-verbaux d'assemblée générale, pourtant exigés par les statuts de la Sté AAC, il était impossible de satisfaire aux exigences de l'article 179 susvisé qui requérait, à peine de forclusion, non seulement l'annonce de l'action en nullité de l'assemblée générale dans le mois de sa tenue, mais encore le dépôt d'une requête motivée auprès du tribunal arbitral dans le mois suivant ; qu'en affirmant néanmoins que la requérante n'identifiait pas en quoi le Tribunal arbitral avait méconnu l'article 6 de la Convention EDH, la Cour d'appel a méconnu l'article 1502-5 du Code de procédure civile ;
2°) ALORS QU'en statuant ainsi, la Cour a dénaturé les conclusions dont elle était saisie en violation de l'article 4 du Code de procédure civile ;
3°) ALORS QU'il résultait de la simple lecture de la sentence, en dehors de toute révision au fond, que le Tribunal arbitral avait retenu un délai trop court de forclusion de deux fois un mois, sans même vérifier la bonne tenue des procèsverbaux d'assemblées, que le dit Tribunal posait lui-même comme condition, en sorte que le droit effectif d'accès à un juge a été méconnu, qu'en jugeant le contraire, la Cour a violé l'article 1502-5° du Code de procédure civile ;
4°) ALORS QU'en tout état de cause, en négligeant ce point qui porte sur l'information même de celui qui doit agir à très bref délai, auquel ne supplée pas la simple présence à une assemblée, la Cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure de vérifier l'application effective de l'article 1502-5° C. proc. civ., privant ainsi sa décision de base légale au regard de ce texte ;
5°) ALORS ENFIN, que les conclusions de la recourante avaient établi que le Tribunal arbitral n'ignorait pas les difficultés considérables auxquelles elle s'était heurtée en cours de procédure arbitrale pour obtenir communication des procèsverbaux d'assemblées générales, les refus essuyés de la part d'AAC, puis les demandes réitérées de report de communication formulées par celle-ci et leur obtention longtemps après l'expiration du délai d'action en nullité ; qu'en négligeant de se prononcer sur ces circonstances et en se limitant à un motif général abstrait, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de Procédure civile ;
6°) ALORS QU'en statuant ainsi, la Cour a privé sa décision de base légale au regard de l'application de l'article 1502-5° du même Code.