Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 22 septembre 2010, 08-43.717, Inédit
Cour de cassation - Chambre sociale
- N° de pourvoi : 08-43.717
- Non publié au bulletin
- Solution : Rejet
- Président
- M. Linden (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bourges, 30 mai 2008), que Mme X..., engagée le 14 septembre 1994 en qualité de caissière par la société Ecomarché, aux droits de laquelle est venue la société ED le 31 octobre 2003, a été licenciée le 1er septembre 2004 pour faute grave ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société ED fait grief à l'arrêt de dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse et de la condamner à payer à la salariée des dommages-intérêts de ce chef et des indemnités de rupture, alors, selon le moyen :
1°/ que selon l'article L. 1235-1 du code du travail, le doute ne profite au salarié que dans l'hypothèse où le juge n'a pas pu, au vu des pièces fournies par les parties, former sa conviction quant au caractère réel et sérieux du motif invoqué à l'appui du licenciement ; qu'en affirmant l'existence d'un doute devant bénéficier à Mme X..., après avoir pourtant relevé que la salariée avait effectivement giflé la cliente de son employeur, grief visé par la lettre de licenciement, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article L. 1235-1 du code du travail ;
2°/ que constitue une faute justifiant le licenciement, le fait d'avoir, pour une hôtesse de caisse, giflé une cliente du supermarché en violation des dispositions du règlement intérieur, et ce quels que soient l'ancienneté de l'employée dans l'entreprise et ses antécédents disciplinaires ou la politique d'emploi adoptée par l'employeur ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 1235-1, L. 1235-3, L. 1234-1, L. 1234-5 et L 1234-9 du code du travail ;
3°/ que les juges doivent motiver leur décision ; qu'en condamnant la société ED à verser à Mme X... la somme de 6 737 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, sans motiver sa décision sur ce point, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu, d'abord, qu'appréciant souverainement la valeur et la portée des éléments de preuve produits, la cour d'appel a, par motifs propres et adoptés, retenu que la salariée, seule en caisse face à une cliente agressive et menaçante, en dépit d'un appel au secours demeuré vain, sa supérieure hiérarchique assistant à la scène sans intervenir, a agi par auto-défense ; qu'elle a pu en déduire que les faits invoqués n'étaient pas constitutifs d'une faute grave et, exerçant les pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 1235-1 du code du travail, a décidé que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse ;
Attendu, ensuite, que la cour d'appel a apprécié souverainement le montant du préjudice dont elle a justifié l'existence par l'évaluation qu'elle en a faite, sans être tenue d'en préciser les divers éléments ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Et sur le second moyen :
Attendu que la société ED fait grief à l'arrêt de le condamner à verser à Mme X... la somme de 404,19 euros à titre de congés payés alors selon le moyen, que l'indemnité compensatrice de congés payés ne peut se cumuler avec les salaires et qu'elle ne peut être accordée pour les années pendant lesquelles les congés n'ont pas été pris ; qu'en condamnant la société ED à verser à Mme X... une somme à titre de rappel de congés payés pour l'année 2003, sans constater que la salariée avait réclamé le bénéfice de ses congés payés au cours de la période de prise des congés payés et qu'elle n'avait pas perçu l'intégralité de sa rémunération entre les mois de juin et d'octobre 2003, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 3141-3, L. 3141-22 et L. 3141-26 du code du travail ;
Mais attendu que selon l'article R. 3141-3 du code du travail la période des congés payés acquis durant la période antérieure commence le 1er juin de chaque année jusqu'au 31 mai de l'année suivante, que dès lors c'est à bon droit que la cour d'appel a jugé que les congés acquis au 31 octobre 2003 ouvrait droit à la salariée licenciée le 1er septembre 2004 à une indemnité compensatrice de congés payés ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société ED aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société ED à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux septembre deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils pour la société ED
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le licenciement de Mme X... était dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamné la société Ed à verser à son ancienne salariée les sommes de 6.737 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 1.188,94 euros à titre d'indemnité de licenciement, 1.684,41 euros à titre de préavis et 168,44 euros à titre des congés payés y afférents ;
Aux motifs propres qu'il ressort des attestations délivrées par quatre clients présents que la cliente giflée s'était montrée particulièrement agressive et insultante ; que si des détails diffèrent, ils sont unanimes à avoir constaté l'inertie de la responsable intervenue sur les lieux ; que pour leur part, Mme Y..., la responsable, et Mme Z..., l'autre salariée présente sur les lieux décrivent une altercation à laquelle Mme X... a largement pris part et une intervention adaptée de la responsable ; que s'agissant d'un licenciement disciplinaire, il résulte de ce qui précède un doute sur les circonstances exactes ayant précédé la gifle donnée à la cliente qui doit profiter à la salariée ; qu'en effet, quand bien même une réaction de cette violence est dans son principe condamnable, les circonstances sont de nature à permettre d'apprécier la gravité de la faute commise, de surcroît par une salariée totalisant dix ans d'ancienneté qui n'a jamais fait l'objet d'observations de sa hiérarchie ; que le jugement sera donc confirmé lorsqu'il a déclaré le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ; que les sommes allouées ont été exactement évaluées à l'exception de l'indemnité de licenciement qui sera fixeé à 1.188,94 au regard des dispositions de la convention collective sur ce point ; que par application des dispositions de l'article L. 122-14-4 du code du travail ancien devenu L. 1235-4, il y a lieu d'ordonner le remboursement à l'organisme social concerné des indemnités de chômage éventuellement versées dans la limite de trois mois ;
Et, aux motifs éventuellement adoptés, qu'il est établi que Mme X... a giflé une cliente ; qu'il convient pour une bonne administration de la justice d'apprécier les faits dans son ensemble ; qu'il est établi que le magasin Ed se situe dans un quartier difficile ; qu'il est établi que la cliente giflée est une cliente particulièrement difficile à gérer ; qu'il est établi que Mme X... était à ce moment seule en caisse ; que les attestations versées par Mme X... détaillent la scène, font état d'une cliente particulièrement énervée, insultant et menaçant la caissière de lui faire perdre son emploi ; que les attestations versées par Mme X... font état de l'appel « au secours » par la sonnette et de la présence ensuite d'une dame se tenant « à l'écart » et regardant la scène sans intervenir ; que par ces attestations il est établi que la SAS n'est pas intervenue pour protéger sa salariée ; que suite à ce fait, le conseil de prud'hommes de Nevers est en droit de se demander si la SAS Ed employant un minimum de salariés pour gérer ses magasins, s'emploie à former ses responsables de magasins n'étant d'ailleurs même pas cadres à gérer de tels conflits, rien dans le débat ne nous le démontre ; que l'article L. 230-2 du code du travail dit que le chef d'établissement prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé (loi n° 2002-73, janvier 2002, article 173) « physique et mentale » des travailleurs de l'établissement, y compris les travailleurs temporaires ; que ces mesures comprennent des actions de prévention des risques professionnels, d'information et de formation ainsi que la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés ; qu'il veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes ; qu'il est flagrant de constater que la SAS Ed a failli dans le respect de cette règle et que Mme X... ayant agi par autodéfense, après plusieurs appels à l'aide, ne peut endosser la responsabilité des faits ; que son licenciement sera donc déclaré sans cause réelle et sérieuse et la SAS Ed en assumera les conséquences indemnitaires ;
Alors, d'une part, que selon l'article L. 122-14-3 du code du travail (ancien), devenu l'article L. 1235-1 du code du travail (nouveau), le doute ne profite au salarié que dans l'hypothèse où le juge n'a pas pu, au vu des pièces fournies par les parties, former sa conviction quant au caractère réel et sérieux du motif invoqué à l'appui du licenciement ; qu'en affirmant l'existence d'un doute devant bénéficier à Mme X..., après avoir pourtant relevé que la salariée avait effectivement giflé la cliente de son employeur, grief visé par la lettre de licenciement, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article L. 122-14-13 du code du travail (ancien), devenu l'article L. 1235-1 du code du travail nouveau ;
Alors, de deuxième part, que constitue une faute justifiant le licenciement, le fait d'avoir, pour une hôtesse de caisse, giflé une cliente du supermarché en violation des dispositions du règlement intérieur, et ce quels que soient l'ancienneté de l'employée dans l'entreprise et ses antécédents disciplinaires ou la politique d'emploi adoptée par l'employeur ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 122-14-3, L. 122-14-4, L. 122-6, L. 122-8 et L. 122-9 du Code du travail (ancien), devenus les articles L. 1235-1, L. 1235-3, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail (nouveau) ;
Alors, de troisième part, que les juges doivent motiver leur décision ; qu'en condamnant la société ED à verser à Mme X... la somme de 6.737 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, sans motiver sa décision sur ce point, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société Ed à verser à Mme X... la somme de 404,19 à titre de congés payés ;
Aux motifs que la SAS Ed ne peut refuser de verser à la salariée le 1er septembre 2004 l'indemnité compensatrice de congés payés correspondant à ceux cumulés au 31 octobre 2003, date de reprise dans l'entreprise, à charge pour elle de se retourner contre le cédant ; qu'il sera fait droit à la demande ;
Alors que l'indemnité compensatrice de congés payés ne peut se cumuler avec les salaires et qu'elle ne peut être accordée pour les années pendant lesquelles les congés n'ont pas été pris ; qu'en condamnant la société ED à verser à Mme X... une somme à titre de rappel de congés payés pour l'année 2003, sans constater que la salariée avait réclamé le bénéfice de ses congés payés au cours de la période de prise des congés payés et qu'elle n'avait pas perçu l'intégralité de sa rémunération entre les mois de juin et d'octobre 2003, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 223-2, L. 223-11 et L. 223-14 du code du travail (ancien), devenus les articles L. 3141-3, L. 3141-22 et L. 3141-26 du code du travail (nouveau).