Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 14 septembre 2010, 08-44.180, Inédit
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 14 septembre 2010, 08-44.180, Inédit
Cour de cassation - Chambre sociale
- N° de pourvoi : 08-44.180
- Non publié au bulletin
- Solution : Rejet
Audience publique du mardi 14 septembre 2010
Décision attaquée : Cour d'appel de Fort-de-France, du 19 juin 2008- Président
- M. Chauviré (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Fort-de-France, 19 juin 2008), que le 24 février 2003, la société Minerve Antilles Guyane SN (MAG SN) et des organisations syndicales ont conclu un accord d'entreprise relatif aux licenciements prévoyant le versement, en cas de licenciement pour motif économique, d'une indemnité de licenciement majorée, d'une indemnité complémentaire et d'une indemnité en réparation du préjudice résultant du licenciement ; que, la société MAG SN ayant demandé le 27 février 2003, l'ouverture d'une procédure collective, le tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre a, par jugement du 14 mars 2003, prononcé la liquidation judiciaire de la société MAG SN ; que le liquidateur judiciaire a licencié les salariés de l'entreprise pour motif économique ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. X... et les autres salariés de la société MAG SN font grief à l'arrêt de dire que l'accord du 24 février 2003 a été conclu en fraude du régime d'assurance de garantie des salaires et que l'AGS n'est pas tenue à en garantir les conséquences financières et de débouter en conséquence les salariés de leur demande tendant à ce que leurs créances d'indemnités au titre de l'accord du 24 février 2003 soient déclarées opposables à l'AGS, alors, selon le moyen :
1° / que l'appartenance des salariés à des sociétés différentes d'un même groupe n'est pas, à elle seule, susceptible de justifier un traitement discriminatoire ; que, dès lors, le fait pour une société du groupe de signer avec les partenaires sociaux un accord collectif tendant à voir réparer l'inégalité affectant les conditions financières du départ de ses salariés en cas de licenciement économique, en vue d'harmoniser celles-ci avec les conditions financières en vigueur au sein des autres sociétés du groupe, ne saurait à lui seul être assimilé à une fraude aux droits des AGS ; qu'en décidant le contraire, sans indiquer en quoi il eût été justifié de traiter différemment les salariés de la société MAG SN de ceux des autres sociétés du groupe AOM-Air Liberté, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des accords des 1er et 24 février 2003 et des articles 1116, 1134, 1370 et 2268 du code civil, L. 2221-2 et L. 3253-8 du code du travail ;
2° / que la fraude suppose l'intention frauduleuse de son auteur ; qu'en l'espèce, les salariés soutenaient dans leurs écritures d'appel que la finalité de l'accord d'entreprise du 24 février 2003 était de rétablir, en cas de licenciement économique, l'équité et la parité entre, d'une part, les salariés employés par la société MAG SN et, d'autre part, ceux des autres sociétés du groupe AOM auquel cette société appartenait ; qu'en s'abstenant de répondre à ce chef péremptoire des conclusions des salariés qui invoquaient une rupture de l'égalité, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel qui, répondant ainsi aux prétentions prétendument délaissées des salariés, a retenu, à bon droit dès lors que le principe d'égalité de traitement n'a vocation à s'appliquer qu'entre les salariés d'une même entreprise, que n'existait aucun principe juridique imposant à la société MAG SN d'accorder à ses salariés des avantages identiques à ceux des salariés d'autres entreprises du groupe, a souverainement estimé que l'accord du 24 février 2003, conclu alors que ses signataires savaient que la société MAG SN qui avait cessé toute activité et tout paiement avait demandé l'ouverture d'une procédure collective et que le licenciement de ses salariés pour motif économique était inéluctable, caractérisait une fraude commise au détriment de l'AGS-CGEA de Fort-de-France ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le deuxième moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les demandeurs aux dépens
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes de ce chef ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze septembre deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour MM. Georges et Marcel X..., de MM. Y..., Z..., A..., de Mme B..., de MM. C..., ZZ..., AA..., de Mmes D..., E..., F..., de M. G..., de Mme H..., de MM. I..., J..., de Mmes K..., L..., M..., N..., O..., de MM. P..., BB..., de Mme Q..., de MM. R..., S..., de Mme T..., de MM. Thierry et Serge U..., de M. V..., de Mme W..., de M. XX..., de Mme YY...,
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que l'accord du 24 février 2003 a été conclu en fraude du système d'assurance de garantie des salaires et que l'AGS n'est pas tenue à en garantir les conséquences financières, et d'AVOIR en conséquence débouté les salariés de leur demande tendant à voir déclarer opposables à l'AGS leurs demandes en paiement d'indemnités en application de l'accord du 24 février 2003 ;
AUX MOTIFS QUE « Il résulte des dispositions des articles L. 143-11-1 à L. 143-11-8 du code du travail que l'Assurance de Garantie des Salaires couvre les créances résultant de la rupture du contrat de travail lorsque le licenciement intervient dans les jours suivant le jugement de liquidation judiciaire ; que l'AGS dispose toutefois d'un droit propre à contester le principe et l'étendue de sa garantie à condition de faire la preuve que le fondement contractuel de la créance qu'elle conteste procède d'une fraude à son endroit ; que tel est le cas lorsque l'employeur conclut pendant la période suspecte, en pleine connaissance de son impossibilité d'en assumer les conséquences financières, un accord d'entreprise dont la seule finalité est de majorer l'indemnisation de licenciements économiques inéluctables en spéculant sur la prise en charge par l'AGS, sans que cet accord ne s'inscrive dans un plan social qui aurait pour objet d'éviter ou limiter les licenciements par une mise en place de mesures alternatives aux licenciements et / ou propres à assurer le reclassement des salariés ; qu'il résulte des éléments de fait du litige qu'au 24 février 2003, date de la signature de l'accord d'entreprise qui sert de fondement aux demandes des salariés, la société MAG SN n'avait plus d'activité et que son principal, si ce n'est unique, partenaire commercial, la société « AIR LIB », était en liquidation judiciaire depuis le février 2003 ; qu'il s'en déduit que, même si le dépôt de bilan n'est intervenu que trois jours plus tard, à une date où son passif s'élevait à 540. 000 euros, elle était déjà dans l'incapacité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible ; que le débat qui s'est instauré entre les parties sur liens entre les sociétés AIR LIB et MAG SN est sans intérêt dès lors qu'il est acquis aux débats que les deux sociétés étaient deux entités juridiques distinctes, que la seconde n'était pas la « filiale » de la première et que, en toute hypothèse, aucune clause de l'accord d'entreprise signé le 01 octobre 2001 entre la direction d'AIR LIB et le personnel au sol de cette société n'envisageait son « extension », fût-ce à une société appartenant au même groupe industriel ; que contrairement aux affirmations des intimés, le lien entre les deux accords n'avait donc aucune justification juridique impérative et ressortait de la volonté propre des signataires de l'accord du 24 février 2003 de se « référer » à celui du 1er octobre 2001 ; que cette « référence » ne ressortant du reste pas de l'accord du 24 février 2003 lui-même, qui ne mentionne ni « AIR LIB » ni l'accord conclu le 1er octobre 2001 entre cette dernière société et ses salariés, mais d'un document distinct daté du 1er février 2003, intitulé « Préambule » et faisant « référence aux accord du 1er octobre 2001 à Orly » ; que la notion d'« accord d'extension » utilisée depuis l'origine du litige par les intimés n'a donc aucun fondement et procède d'un abus de langage ; qu'en décidant de faire bénéficier le personnel de la société MAG SN, société en cessation d'activité et de paiement, d'un accord signé 18 mois plus tôt au bénéfice du personnel de la société AIR LIB, elle-même en liquidation depuis une semaine, toutes les parties signataires de l'accord du 24 février 2003 savaient que le lien entre les deux accords était dépourvu de portée juridique et financière, qu'en tout état de cause la société MAG SN ne pourraient en assumer les conséquences et l'AGS devrait se substituer à elle pour que les indemnisations prévues puissent être payées ; que la singularité de la situation est renforcée par le contenu même de l'accord qui, en sus d'une majoration substantielle de l'indemnité de licenciement conventionnelle, instaurait 2 autres modes d'indemnisation en cas de licenciement en cas de licenciement économique ; que dès lors qu'à la date de sa signature le licenciement économique du personnel au sol était un événement qui n'avait plus rien d'aléatoire mais présentait un caractère inéducable, cet accord revenait en définitive à gratifier les salariés, sans aucune contrepartie pour l'entreprise, de trois indemnités cumulatives différentes ayant la même cause et le même objet ; que l'AGS est bien fondé à soutenir que de telles libéralités ne pouvaient l'engager sans son accord et que cette convention est frauduleuse en ce qu'elle constitue le détournement manifeste d'un système d'assurance visant à garantir le paiement des salaires « en cas d'insuffisance de fonds disponibles dans l'entreprise » ; que dès lors que « la fraude corrompt tout », la cour ne peut retenir une partie de cet accord pour le rendre opposable à l'AGS » ;
ALORS 1°) QUE l'appartenance des salariés à des sociétés différentes d'un même groupe n'est pas, à elle seule, susceptible de justifier un traitement discriminatoire ; que dès lors, le fait pour une société du groupe de signer avec les partenaires sociaux un accord collectif tendant à réparer l'inégalité affectant les conditions financières du départ de ses salariés en cas de licenciement économique, en vue d'harmoniser celles-ci avec les conditions financières en vigueur au sein des autres sociétés du groupe, ne saurait à lui seul être assimilé à une fraude aux droits des AGS ; qu'en décidant le contraire, sans indiquer en quoi il eût été justifié de traiter différemment les salariés de la société MINERVE ANTILLES GUYANNE SN de ceux des autres sociétés du groupe AOM-AIR LIBERTE, la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des accords des 1er et 24 février 2003 et des articles 1116, 1134, 1370 et 2268 du Code civil, L. 2221-2 (anc. L. 132-1), L. 3253-8 (anc. L. 143-11-1) du code du travail ;
ALORS 2°) QUE : la fraude suppose l'intention frauduleuse de son auteur ; qu'en l'espèce, les exposants soutenaient dans leurs écritures d'appel que la finalité de l'accord d'entreprise du 24 février 2003 était de rétablir, en cas de licenciement économique, l'équité et la parité entre, d'une part, les salariés employés par la société MINERVE ANTILLES GUYANNE SN et, d'autre part, ceux des autres sociétés du groupe AOM auquel cette société appartenait (conclusions d'appel des salariés, p. 5, dernier al., p. 6, al. 2 et p. 9, al. 2) ; qu'en s'abstenant de répondre à ce chef péremptoire des conclusions des exposants qui invoquaient une rupture de l'égalité, la Cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté les salariés de leurs demandes au titre des heures supplémentaires, des compléments de salaire dus aux salariés à temps partiels, des congés payés afférents, et des dommages et intérêts consécutifs au non-paiement des heures supplémentaires ;
AUX MOTIFS QUE : « la décision déférée ne mentionne ce chef de demande que pour Mme Brigitte YY... ; que les autres salariés présentent donc ces demandes pour la première fois en cause d'appel ; qu'il est constant que les bulletins de salaires pour la période postérieure au 1er janvier 2000 mentionnent que la rémunération a été calculée sur la base d'un horaire de travail mensuel de 169 heures, alors que la durée légale du travail était de 35 heures hebdomadaires ; qu'il est tout constant qu'ils font apparaître également l'application d'un « forfait heures majorées » égal à 12 % du « salaire de base » dont les salariés ont ignoré l'existence dans le calcul des demandes qu'ils représentent à ce titre ; que pour une base de calcul identique, l'application du « forfait » ou de la majoration de 25 % pour quatre heures hebdomadaires supplémentaires, produit un résultat sensiblement équivalent ; qu'il s'en déduit que les demandeurs ne rapportent pas la preuve qu'ils restent créanciers d'une somme quelconque à ce titre et leurs demandes doivent être rejetées dès lors qu'ils ont été remplis de leurs droits » ;
ALORS QUE : la durée légale du travail ayant été fixée à compter du 1er janvier 2000 à trente cinq heures par semaine, le salarié qui a effectué depuis cette date des heures de travail au-delà de cette durée a droit à la majoration applicable pour heures supplémentaires ; qu'en approuvant la société Minerve Antilles Guyane SN d'avoir substitué à ces majorations un « forfait heures majorées » égal à 12 % du salaire de base, au motif inopérant que l'application de ce forfait produirait un résultat « sensiblement équivalent » à celui résultant de l'application de la majoration pour heures supplémentaires, la Cour d'appel a violé les articles L. 3121-10 (anc. L. 212-1) et L. 3121-22 (anc. L. 212-5) du code du travail.
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Fort-de-France, 19 juin 2008), que le 24 février 2003, la société Minerve Antilles Guyane SN (MAG SN) et des organisations syndicales ont conclu un accord d'entreprise relatif aux licenciements prévoyant le versement, en cas de licenciement pour motif économique, d'une indemnité de licenciement majorée, d'une indemnité complémentaire et d'une indemnité en réparation du préjudice résultant du licenciement ; que, la société MAG SN ayant demandé le 27 février 2003, l'ouverture d'une procédure collective, le tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre a, par jugement du 14 mars 2003, prononcé la liquidation judiciaire de la société MAG SN ; que le liquidateur judiciaire a licencié les salariés de l'entreprise pour motif économique ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. X... et les autres salariés de la société MAG SN font grief à l'arrêt de dire que l'accord du 24 février 2003 a été conclu en fraude du régime d'assurance de garantie des salaires et que l'AGS n'est pas tenue à en garantir les conséquences financières et de débouter en conséquence les salariés de leur demande tendant à ce que leurs créances d'indemnités au titre de l'accord du 24 février 2003 soient déclarées opposables à l'AGS, alors, selon le moyen :
1° / que l'appartenance des salariés à des sociétés différentes d'un même groupe n'est pas, à elle seule, susceptible de justifier un traitement discriminatoire ; que, dès lors, le fait pour une société du groupe de signer avec les partenaires sociaux un accord collectif tendant à voir réparer l'inégalité affectant les conditions financières du départ de ses salariés en cas de licenciement économique, en vue d'harmoniser celles-ci avec les conditions financières en vigueur au sein des autres sociétés du groupe, ne saurait à lui seul être assimilé à une fraude aux droits des AGS ; qu'en décidant le contraire, sans indiquer en quoi il eût été justifié de traiter différemment les salariés de la société MAG SN de ceux des autres sociétés du groupe AOM-Air Liberté, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des accords des 1er et 24 février 2003 et des articles 1116, 1134, 1370 et 2268 du code civil, L. 2221-2 et L. 3253-8 du code du travail ;
2° / que la fraude suppose l'intention frauduleuse de son auteur ; qu'en l'espèce, les salariés soutenaient dans leurs écritures d'appel que la finalité de l'accord d'entreprise du 24 février 2003 était de rétablir, en cas de licenciement économique, l'équité et la parité entre, d'une part, les salariés employés par la société MAG SN et, d'autre part, ceux des autres sociétés du groupe AOM auquel cette société appartenait ; qu'en s'abstenant de répondre à ce chef péremptoire des conclusions des salariés qui invoquaient une rupture de l'égalité, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel qui, répondant ainsi aux prétentions prétendument délaissées des salariés, a retenu, à bon droit dès lors que le principe d'égalité de traitement n'a vocation à s'appliquer qu'entre les salariés d'une même entreprise, que n'existait aucun principe juridique imposant à la société MAG SN d'accorder à ses salariés des avantages identiques à ceux des salariés d'autres entreprises du groupe, a souverainement estimé que l'accord du 24 février 2003, conclu alors que ses signataires savaient que la société MAG SN qui avait cessé toute activité et tout paiement avait demandé l'ouverture d'une procédure collective et que le licenciement de ses salariés pour motif économique était inéluctable, caractérisait une fraude commise au détriment de l'AGS-CGEA de Fort-de-France ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le deuxième moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les demandeurs aux dépens
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes de ce chef ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze septembre deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour MM. Georges et Marcel X..., de MM. Y..., Z..., A..., de Mme B..., de MM. C..., ZZ..., AA..., de Mmes D..., E..., F..., de M. G..., de Mme H..., de MM. I..., J..., de Mmes K..., L..., M..., N..., O..., de MM. P..., BB..., de Mme Q..., de MM. R..., S..., de Mme T..., de MM. Thierry et Serge U..., de M. V..., de Mme W..., de M. XX..., de Mme YY...,
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que l'accord du 24 février 2003 a été conclu en fraude du système d'assurance de garantie des salaires et que l'AGS n'est pas tenue à en garantir les conséquences financières, et d'AVOIR en conséquence débouté les salariés de leur demande tendant à voir déclarer opposables à l'AGS leurs demandes en paiement d'indemnités en application de l'accord du 24 février 2003 ;
AUX MOTIFS QUE « Il résulte des dispositions des articles L. 143-11-1 à L. 143-11-8 du code du travail que l'Assurance de Garantie des Salaires couvre les créances résultant de la rupture du contrat de travail lorsque le licenciement intervient dans les jours suivant le jugement de liquidation judiciaire ; que l'AGS dispose toutefois d'un droit propre à contester le principe et l'étendue de sa garantie à condition de faire la preuve que le fondement contractuel de la créance qu'elle conteste procède d'une fraude à son endroit ; que tel est le cas lorsque l'employeur conclut pendant la période suspecte, en pleine connaissance de son impossibilité d'en assumer les conséquences financières, un accord d'entreprise dont la seule finalité est de majorer l'indemnisation de licenciements économiques inéluctables en spéculant sur la prise en charge par l'AGS, sans que cet accord ne s'inscrive dans un plan social qui aurait pour objet d'éviter ou limiter les licenciements par une mise en place de mesures alternatives aux licenciements et / ou propres à assurer le reclassement des salariés ; qu'il résulte des éléments de fait du litige qu'au 24 février 2003, date de la signature de l'accord d'entreprise qui sert de fondement aux demandes des salariés, la société MAG SN n'avait plus d'activité et que son principal, si ce n'est unique, partenaire commercial, la société « AIR LIB », était en liquidation judiciaire depuis le février 2003 ; qu'il s'en déduit que, même si le dépôt de bilan n'est intervenu que trois jours plus tard, à une date où son passif s'élevait à 540. 000 euros, elle était déjà dans l'incapacité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible ; que le débat qui s'est instauré entre les parties sur liens entre les sociétés AIR LIB et MAG SN est sans intérêt dès lors qu'il est acquis aux débats que les deux sociétés étaient deux entités juridiques distinctes, que la seconde n'était pas la « filiale » de la première et que, en toute hypothèse, aucune clause de l'accord d'entreprise signé le 01 octobre 2001 entre la direction d'AIR LIB et le personnel au sol de cette société n'envisageait son « extension », fût-ce à une société appartenant au même groupe industriel ; que contrairement aux affirmations des intimés, le lien entre les deux accords n'avait donc aucune justification juridique impérative et ressortait de la volonté propre des signataires de l'accord du 24 février 2003 de se « référer » à celui du 1er octobre 2001 ; que cette « référence » ne ressortant du reste pas de l'accord du 24 février 2003 lui-même, qui ne mentionne ni « AIR LIB » ni l'accord conclu le 1er octobre 2001 entre cette dernière société et ses salariés, mais d'un document distinct daté du 1er février 2003, intitulé « Préambule » et faisant « référence aux accord du 1er octobre 2001 à Orly » ; que la notion d'« accord d'extension » utilisée depuis l'origine du litige par les intimés n'a donc aucun fondement et procède d'un abus de langage ; qu'en décidant de faire bénéficier le personnel de la société MAG SN, société en cessation d'activité et de paiement, d'un accord signé 18 mois plus tôt au bénéfice du personnel de la société AIR LIB, elle-même en liquidation depuis une semaine, toutes les parties signataires de l'accord du 24 février 2003 savaient que le lien entre les deux accords était dépourvu de portée juridique et financière, qu'en tout état de cause la société MAG SN ne pourraient en assumer les conséquences et l'AGS devrait se substituer à elle pour que les indemnisations prévues puissent être payées ; que la singularité de la situation est renforcée par le contenu même de l'accord qui, en sus d'une majoration substantielle de l'indemnité de licenciement conventionnelle, instaurait 2 autres modes d'indemnisation en cas de licenciement en cas de licenciement économique ; que dès lors qu'à la date de sa signature le licenciement économique du personnel au sol était un événement qui n'avait plus rien d'aléatoire mais présentait un caractère inéducable, cet accord revenait en définitive à gratifier les salariés, sans aucune contrepartie pour l'entreprise, de trois indemnités cumulatives différentes ayant la même cause et le même objet ; que l'AGS est bien fondé à soutenir que de telles libéralités ne pouvaient l'engager sans son accord et que cette convention est frauduleuse en ce qu'elle constitue le détournement manifeste d'un système d'assurance visant à garantir le paiement des salaires « en cas d'insuffisance de fonds disponibles dans l'entreprise » ; que dès lors que « la fraude corrompt tout », la cour ne peut retenir une partie de cet accord pour le rendre opposable à l'AGS » ;
ALORS 1°) QUE l'appartenance des salariés à des sociétés différentes d'un même groupe n'est pas, à elle seule, susceptible de justifier un traitement discriminatoire ; que dès lors, le fait pour une société du groupe de signer avec les partenaires sociaux un accord collectif tendant à réparer l'inégalité affectant les conditions financières du départ de ses salariés en cas de licenciement économique, en vue d'harmoniser celles-ci avec les conditions financières en vigueur au sein des autres sociétés du groupe, ne saurait à lui seul être assimilé à une fraude aux droits des AGS ; qu'en décidant le contraire, sans indiquer en quoi il eût été justifié de traiter différemment les salariés de la société MINERVE ANTILLES GUYANNE SN de ceux des autres sociétés du groupe AOM-AIR LIBERTE, la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des accords des 1er et 24 février 2003 et des articles 1116, 1134, 1370 et 2268 du Code civil, L. 2221-2 (anc. L. 132-1), L. 3253-8 (anc. L. 143-11-1) du code du travail ;
ALORS 2°) QUE : la fraude suppose l'intention frauduleuse de son auteur ; qu'en l'espèce, les exposants soutenaient dans leurs écritures d'appel que la finalité de l'accord d'entreprise du 24 février 2003 était de rétablir, en cas de licenciement économique, l'équité et la parité entre, d'une part, les salariés employés par la société MINERVE ANTILLES GUYANNE SN et, d'autre part, ceux des autres sociétés du groupe AOM auquel cette société appartenait (conclusions d'appel des salariés, p. 5, dernier al., p. 6, al. 2 et p. 9, al. 2) ; qu'en s'abstenant de répondre à ce chef péremptoire des conclusions des exposants qui invoquaient une rupture de l'égalité, la Cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté les salariés de leurs demandes au titre des heures supplémentaires, des compléments de salaire dus aux salariés à temps partiels, des congés payés afférents, et des dommages et intérêts consécutifs au non-paiement des heures supplémentaires ;
AUX MOTIFS QUE : « la décision déférée ne mentionne ce chef de demande que pour Mme Brigitte YY... ; que les autres salariés présentent donc ces demandes pour la première fois en cause d'appel ; qu'il est constant que les bulletins de salaires pour la période postérieure au 1er janvier 2000 mentionnent que la rémunération a été calculée sur la base d'un horaire de travail mensuel de 169 heures, alors que la durée légale du travail était de 35 heures hebdomadaires ; qu'il est tout constant qu'ils font apparaître également l'application d'un « forfait heures majorées » égal à 12 % du « salaire de base » dont les salariés ont ignoré l'existence dans le calcul des demandes qu'ils représentent à ce titre ; que pour une base de calcul identique, l'application du « forfait » ou de la majoration de 25 % pour quatre heures hebdomadaires supplémentaires, produit un résultat sensiblement équivalent ; qu'il s'en déduit que les demandeurs ne rapportent pas la preuve qu'ils restent créanciers d'une somme quelconque à ce titre et leurs demandes doivent être rejetées dès lors qu'ils ont été remplis de leurs droits » ;
ALORS QUE : la durée légale du travail ayant été fixée à compter du 1er janvier 2000 à trente cinq heures par semaine, le salarié qui a effectué depuis cette date des heures de travail au-delà de cette durée a droit à la majoration applicable pour heures supplémentaires ; qu'en approuvant la société Minerve Antilles Guyane SN d'avoir substitué à ces majorations un « forfait heures majorées » égal à 12 % du salaire de base, au motif inopérant que l'application de ce forfait produirait un résultat « sensiblement équivalent » à celui résultant de l'application de la majoration pour heures supplémentaires, la Cour d'appel a violé les articles L. 3121-10 (anc. L. 212-1) et L. 3121-22 (anc. L. 212-5) du code du travail.