Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 16 septembre 2010, 09-13.947, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre civile 1
- N° de pourvoi : 09-13.947
- Publié au bulletin
- Solution : Cassation
- Président
- M. Charruault
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article 1341 du code civil ;
Attendu que la preuve du paiement, qui est un fait, peut être rapportée par tous moyens ;
Attendu que se fondant sur une reconnaissance de dette, M. X... a assigné Mme Y... en paiement de la somme de 37 350 euros en remboursement d'un prêt ;
Attendu que pour accueillir cette demande, l'arrêt attaqué, statuant sur renvoi après cassation (1re Civ., 20 mars 2007, pourvoi n° X 05-15. 427) retient que la demande d'enquête faite par Mme Y... n'était pas recevable, celle-ci, qui ne versait aux débats que des attestations, ne produisait aucune quittance constatant qu'elle s'était effectivement libérée de sa dette envers M. X..., ni aucun commencement de preuve par écrit émanant de ce dernier ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé, par fausse application, le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les deux autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 avril 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. X..., le condamne à payer à Mme Y... la somme de 2 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize septembre deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils pour Mme Y...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné Madame Maria Y... à payer à Monsieur Ronny X... la somme de 37. 350 avec intérêts au taux légal à compter du 22 juillet 1998, outre la somme de 1. 000 par application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE suivant un arrêt de la Cour de Cassation du 20 mars 2007 ayant cassé partiellement un arrêt de la Cour d'appel de DOUAI du 2 décembre 2004, la présente Cour, désignée comme juridiction de renvoi, est saisie de l'appel interjeté par Ronny X... contre un jugement du Tribunal de grande instance de VALENCIENNES du 18 avril 2002 qui l'a débouté de sa demande afin d'entendre condamner Maria Y... à lui verser une somme de 245. 000 F (37. 350 ), montant d'une reconnaissance de dette souscrite par cette dernière, avec les intérêts au taux légal courus depuis la mise en demeure du juillet 1998 ; et qui a alloué à Maria Y..., à la charge de Ronny X..., une somme de 4. 000 F par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; que Ronny X... réitère devant la Cour les prétentions qu'il avait initialement soumises au premier juge qu'il réclame en outre la condamnation de Maria Y... à lui verser une indemnité de 10. 000 pour résistance abusive et 5. 000 du chef de l'article 700 du code de procédure civile ; que Maria PAG. ANA conclut à la confirmation du jugement déféré et à la condamnation de Ronny X... à lui régler une somme de 10. 000 de dommagesintérêts poux procédure abusive ainsi que 5. 000 en vertu de l'article 700 du code de procédure civile ; qu'il n'est pas contesté qu'aux termes d'un écrit daté du 5 juillet sans précision de l'année courante, Maria Y... s'est reconnue débitrice envers Ronny X..., dont elle était la concubine, d'une somme de 245. 000 F que celui-ci lui avait prêtée pour servir à l'acquisition d'une maison sise... ; que le 21 juin 1991, ce bien était en effet adjugé à Maria Y... à l'audience de la chambre des saisies immobilières du Tribunal de grande instance de VALENCIENNES pour le prix principal de 200. 000 F augmenté de 8. 850, 95 F de frais ; qu'ultérieurement Maria Y..., dans le courant de l'année 1996, revendait la maison d'HASPRES pour la somme de F ; que le 20 juillet 1998 Ronny X..., par l'intermédiaire de son conseil, Me Z..., avocat à BRUXELLES, adressait à Maria Y... une lettre recommandée pour la meure en demeure de lui rembourser la somme de 245. 000 F à l'aide de laquelle elle avait financé l'achat de l'immeuble ; que ce courrier soulignait qu'en dépit de plusieurs relances téléphoniques Ronny X... n'avait pu obtenir de Maria Y... quelle le désintéresse de sa créance en lui reversant, à due concurrence de celle-ci, les fonds qu'avait produits la réalisation du bien ; que le 29 février 2000, Ronny X... était autorisé par le juge de l'exécution du Tribunal de grande instance de VALENCIENNES à prendre sur un immeuble sis......, dont Maria Y... est usufruitière, une inscription d'hypothèque judiciaire provisoire, pour sûreté d'une créance évaluée à F ; que Maria Y... soutient en défense aux prétentions de Ronny X... qu'elle a réglé à celui-ci la somme de 330. 000 F tirée de la vente de la maison d'HASPRES ; qu'au soutien de cette assertion elle verse aux débats un relevé édité par la CAISSE D'EPARGNE le 26 mai 1996 d'où il résulte que le compte dont elle était titulaire auprès de cet établissement financier a été, à la date du 14 mai, débité d'une somme de 330. 000 F en espèces ; qu'elle y joint une attestation d'un employé de la CAISSE D'EPARGNE, Jean-Max B..., qui relate que, nonobstant les offres de financement dont il lui avait fait part, Maria Y... avait tenu à retirer 330. 000 F en numéraires, destinés, selon elle, à un ami flamand ; qu'elle ajoute qu'en mai ou juin 1996 cette somme a été remise à Ronny X... qui détruisait alors devant elle l'original de la reconnaissance de dette ; que la cassation dont est atteint l'arrêt du 2 décembre 2004 affecte à la fois la décision elle-même et l'ordonnance de clôture qui l'a précédée, qu'ainsi il est inutile de révoquer l'ordonnance de clôture du 19 décembre 2003 pour inclure aux débats l'original de la reconnaissance de dette communiqué par Ronny X... pendant l'instance initiale d'appel alors que l'instruction de la cause avait été clôturée ; que l'arrêt de la Cour de Cassation du 20 mars 2007 a, comme il est précisé en son dispositif, remis la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant l'arrêt cassé que, partant, Maria Y... n'est pas fondée à prétendre que l'ordonnance du 13 mai 2004 par laquelle le Conseiller de la Mise en état a ordonné la comparution personnelle des parties, et le procès-verbal des déclarations de celles-ci dressé le 24 juin 2004, auraient été annulés par l'effet de la cassation de l'arrêt subséquent du 2 décembre 2004 ; que Maria Y..., quand même, elle s'interroge sur l'authenticité de la reconnaissance de dette produite eu original par Ronny X..., ne nie pas la matérialité du prêt de 245. 000 F dont elle a bénéficié de la part de celui-ci ; qu'elle ne discute pas davantage qu'une reconnaissance de dette ait été à cette occasion établie en deux exemplaires, dont la teneur était celle de l'original détenu par Ronny X... ; que pour justifier de l'emploi de ces fonds, affectés à l'achat de la maison d'HASPRES, elle produit un reçu signé de sa main, établi par le CREDIT COMMERCIAL DE FRANCE le 8 juillet 1991, qui mentionne le versement d'une somme de 225. 000 F en espèces, déposée sur un compte « CREPAV ADMINISTRATION » le 5 juillet précédent ; que Maria Y... qui prétend avoir remis à Ronny X... les 330. 000 F prélevés sur le prix de revente de sa maison d'HASPRES en paiement non seulement du capital emprunté de 245. 000 F mais aussi des intérêts produits par cette somme, dont le cours n'était pas précisé sur la reconnaissance de dette, ne verse aux débats aucune quittance constatant qu'elle se soit effectivement libérée envers Ronny X... ; que Maria Y... se prévaut à cet égard de l'article 1648 du code civil qui dispose que l'exigence d'une preuve écrite édictée par l'article 1341 du même code reçoit exception lorsque l'une des parties n'a pas eu la possibilité matérielle ou morale de se procurer une preuve littérale de l'acte juridique ; qu'elle fournit diverses attestations dont les auteurs décrivent Ronny X... comme un homme violent, dangereux et alcoolique qui la battait et la menaçait habituellement ; que son fils Franco C... relate qu'en 1996 il aurait vu Ronny X... fouiller dans la chambre de Maria Y... et se vanter ensuite d'avoir retrouvé « un papier » qui lui permettrait d'inquiéter celle-ci sa vie durant si elle avait la velléité de le quitter ; mais que ces éléments, même appuyés par un certificat médical de juillet 1996 qui évoque la présence sur Maria Y... d'une balafre au dessus de la cuisse en décembre 1992 et d'une fracture consécutive à un râclage sur la cheville droite en mai 1994, ne suffisent pas à établir que l'intéressée se soit trouvée dans l'impossibilité d'exiger une preuve écrite du paiement qu'elle effectuait au profit de Ronny X... ; que la délicatesse de sentiment qui peut empêcher la constitution d'une preuve entre deux personnes liées l'une à l'autre par des habitudes d'intimité et de confiance avait d'autant moins lieu d'influencer en l'espèce Maria Y... dans un sens contraire à la sauvegarde de ses intérêts, que Ronny X... avait préalablement, à l'époque où il lui avançait la somme de 245. 000 F, obtenu d'elle par prudence la confection d'un acte signé des deux concubins ; que Maria Y... ne fournit aucun écrit émané de Ronny X... qui rende vraisemblable le versement entre les mains de ce dernier de la somme de 330. 000 F censée l'avoir rempli de ses droits ; que faute dès lors de détenir un commencement de preuve par écrit tel que le définit l'article 1347 du code civil, Maria Y... ne peut valablement prétendre prouver la véracité de ses dires au moyen du serment supplétoire dont elle sollicite la délation dans le subsidiaire de ses écritures ; que sa demande d'enquête n'est pas davantage recevable ; que Maria Y... reconnaît dans ses écritures qu'elle a reçu de Ronny X... une lettre recommandée avec demande d'avis de réception, du 22 juillet 1998, par laquelle celui-ci la sommait de lui rembourser le prêt de 245. 000 F consenti en 1991 ; que la photocopie de ce courrier, rédigé par Me A... au nom de son client, figure au dossier ; qu'il suit de ce qui précède que la demande en paiement de Ronny X... est justifiée en principal et intérêts ;
1- ALORS QUE l'aveu judiciaire ne peut pas être divisé contre celui qui l'a fait ; qu'en l'espèce, si dans ses écritures Madame Y... admettait la réalité du prêt et la signature d'une reconnaissance de dette, c'était pour expliquer aussitôt qu'elle avait remboursé ce prêt et que Monsieur X... avait détruit devant elle l'original de la reconnaissance de dette qu'il détenait ; qu'en jugeant, pour condamner l'exposante, d'abord que la réalité du prêt était établie par la seule absence de contestation par Madame Y... de la matérialité de ce prêt et de la signature à l'époque d'une reconnaissance de dette, ensuite que Madame Y... ne prouvait pas avoir remboursé ce prêt, la Cour d'appel a divisé l'aveu judicaire de l'exposante et a par conséquent violé l'article 1356 du Code civil ;
2- ALORS, en tout état de cause, QUE la preuve du paiement, qui est un fait, peut être rapportée par tous moyens ; qu'en l'espèce, au soutien de ses dires selon lesquels elle avait remboursé Monsieur X..., Madame Y... produisait une attestation sur l'honneur signée par ses soins, un relevé édité par la Caisse d'épargne prouvant qu'à la date alléguée du remboursement, elle avait effectivement prélevé en espèce la somme de 330 000 F et une attestation d'un employé de la Caisse d'épargne expliquant que Madame Y... lui avait expliqué que les fonds ainsi retirés étaient destinés à un ami flamand ; qu'en se fondant, pour condamner l'exposante, sur le fait que cette dernière ne verse aux débats aucune « quittance » constatant qu'elle soit effectivement libérée, qu'elle ne prouve pas qu'elle ait été dans l'impossibilité d'exiger une « preuve écrite » du paiement en dépit de « l'exigence d'une preuve écrite édictée par l'article 1341 du Code civil » et qu'elle ne fournisse « aucun écrit » émanant de Monsieur X... qui rende vraisemblable le versement entre les mains de ce dernier de la somme de 330. 000 F, la Cour d'appel, qui a exigé de Madame Y... qu'elle rapporte la preuve écrite du paiement, a violé l'article 1341 du Code civil ;
3- ALORS, subsidiairement, QUE la règle selon laquelle on ne peut prouver contre un écrit que par un autre écrit est écartée lorsque l'une des parties établit qu'elle était dans l'impossibilité matérielle ou morale de se procurer une preuve littérale ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a elle-même relevé que Madame Y... produisait diverses pièces prouvant la violence continuelle dont Monsieur X... avait fait preuve à son égard ; qu'en se bornant à affirmer que les violences alléguées, même prouvées, ne suffisaient pas à établir que l'exposante se soit trouvée dans l'impossibilité d'exiger un écrit, la Cour d'appel, qui n'a pas expliqué pourquoi la crainte des violences répétées de Monsieur X... ne permettait pas d'établir une impossibilité matérielle et morale de se constituer un écrit, a statué par voie de simple affirmation et partant privé sa décision de base légale au regard de l'article 1348 du Code civil.