Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 30 juin 2010, 09-86.249, Inédit
Cour de cassation - Chambre criminelle
- N° de pourvoi : 09-86.249
- Non publié au bulletin
- Solution : Rejet
- Président
- M. Louvel (président)
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Michel,
contre l'arrêt de la cour d'appel de TOULOUSE, chambre correctionnelle, en date du 10 septembre 2009, qui, pour fraude fiscale, l'a condamné à 37 500 euros d'amende, a ordonné la publication et l'affichage de la décision, et a prononcé sur les demandes de l'administration fiscale, partie civile ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et 593 du code de procédure pénale, défaut de base légale ;
"en ce que l'arrêt a condamné Michel X... pour avoir souscrit des déclarations minorées relatives à l'ISF et pour avoir minoré la valeur déclarée des immeubles donnés au titre d'une donation-partage ;
"aux motifs propres que le fait que Michel X... ait introduit une action en contestation devant le tribunal administratif n'interdit pas à la juridiction pénale de statuer en apportant sa propre appréciation sur l'existence et l'étendue de la dissimulation fiscale ;
"alors que le droit au procès équitable garanti par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme commande que la condamnation pour fraude fiscale par le juge répressif repose sur la certitude de l'exigibilité de l'impôt prétendument éludé ; que si le juge pénal ne saurait lier sa décision à l'appréciation portée par le juge administratif quant à l'existence de l'impôt et à son étendue, il est de son devoir d'être informé de la suite donnée à la contestation élevée par un contribuable devant le juge administratif ; qu'en décidant que la juridiction pénale pouvait statuer sans attendre que le tribunal administratif de Toulouse saisi par Michel X... rende sa décision relative aux critères ayant permis à l'administration fiscale de réévaluer la valeur des biens immobiliers déclarée par Michel X..., la cour d'appel a violé le texte susvisé" ;
Attendu qu'en raison de l'indépendance et de la différence d'objet des poursuites pénales pour fraude fiscale et de l'action exercée devant le juge administratif tendant à fixer l'assiette et l'étendue de l'impôt, le juge répressif n'est pas tenu de surseoir à statuer jusqu'à la décision définitive de la juridiction administrative, laquelle ne peut, en outre, avoir au pénal l'autorité de la chose jugée et ne saurait s'imposer à la juridiction correctionnelle ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 111-3 et 111-4 du code pénal et 1741 du code général des impôts ;
"en ce que l'arrêt attaqué a condamné Michel X... pour avoir souscrit des déclarations minorées relatives à l'ISF et pour avoir minoré la valeur déclarée des immeubles donnés au titre d'une donation-partage ;
"aux motifs propres que Michel X... soutient à mauvais escient que les faits visés dans la poursuite ne sont pas incriminés par l'article 1741 du code général des impôts ; que tant l'omission de déclaration d'un bien que la minoration de la valeur taxable de ce bien, ont pour résultat de dissimuler une part des sommes sujettes à l'impôt et rentrent donc dans les prévisions du texte répressif ; que Michel X... n'est pas, non plus, fondé à soutenir que le seul visa par la prévention relative à l'ISF d'avoir souscrit des déclarations minorées interdit de retenir contre lui le fait d'avoir omis de mentionner certains biens taxables dans ses déclarations ;
"alors que, en vertu de l'article 111-3 du code pénal, le juge correctionnel ne peut prononcer une peine qu'autant qu'il constate l'existence des éléments constitutifs de l'infraction ; que le principe de la légalité des délits et des peines impose une interprétation stricte de la loi pénale ; que le juge pénal ne peut statuer que sur les faits visés par la prévention ; que l'article 1741, alinéa 1er, du code général des impôts incrimine la dissimulation volontaire d'une part des sommes sujettes à l'impôt ; qu'en l'espèce, en assimilant à une dissimulation volontaire la minoration, tant de la valeur des immeubles donnés que de la déclaration relative à l'ISF, et en estimant que la minoration pouvait s'effectuer au moyen d'une omission de certains biens afin de condamner Michel X... sur le fondement de l'article 1741 du code général des impôts, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1741 du code général des impôts, 111-3 du code pénal, 6 § 2 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 485 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, défaut de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a condamné Michel X... pour avoir souscrit des déclarations minorées relatives à l'ISF et pour avoir minoré la valeur déclarée des immeubles donnés au titre d'une donation-partage ;
"aux motifs adoptés que Michel X... ne s'expliquait pas sur l'omission de déclarer des biens composant l'actif imposable ; que, étant notaire de longue date, il ne pouvait ignorer les prix pratiqués en 2004 et il n'ignorait pas les règles applicables en matière de déclaration fiscale ; que les minorations sont constantes et plurielles ;
"et aux motifs propres que la profession de Michel X..., visée par les premiers juges, est une circonstance de fait permettant de conclure que, mieux que tout autre, il était informé de la valeur réelle des biens composant son patrimoine et que, de ce fait, la minoration de leur valeur ne résultait pas d'une méconnaissance mais, au contraire, d'une volonté délibérée de fraude ; que le fait que Michel X... ait introduit une action en contestation devant le tribunal administratif n'interdit pas à la juridiction pénale de statuer ; que Michel X... s'abstient de fournir d'autres éléments de comparaison alors que ses connaissances professionnelles lui auraient rendu la chose particulièrement facile ; qu'il n'est d'ailleurs pas indifférent de constater que Michel X... avait accepté la proposition de redressement faite par l'administration et que ce n'est que lorsqu'il a été cité devant la juridiction pénale qu'il a entrepris de la contester ; que, de même, il doit être rappelé qu'il a déjà fait l'objet de redressements fiscaux, et que, désormais, il n'est plus fondé à invoquer sa bonne foi ;
"alors que, le principe de la légalité criminelle impose au juge répressif de constater l'existence de tous les éléments constitutifs de l'infraction ; que, selon les dispositions de l'article 6 § 2 de la Convention européenne des droits de l'homme, la présomption d'innocence s'oppose à ce que la défense supporte la charge de la preuve ; que, aux termes de l'article préliminaire du code de procédure pénale, les atteintes à la présomption d'innocence sont prévues par la loi ; qu'en condamnant Michel X... sur le fondement de l'article 1741 du code général des impôts, sans avoir caractérisé les éléments constitutifs de la fraude fiscale, et au motif qu'il lui appartenait de produire des éléments en défense, la cour d'appel a violé les articles précités" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Michel X... est poursuivi pour s'être volontairement soustrait à l'établissement et au paiement partiel, d'une part, de l'impôt de solidarité sur la fortune, ayant souscrit des déclarations minorées au titre des années 2004 et 2005, d'autre part, des droits d'enregistrement dus au titre d'un acte de donation-partage établi le 11 juin 2004, ayant minoré la valeur déclarée des immeubles donnés ;
Attendu que, pour le déclarer coupable de fraude fiscale, l'arrêt prononce par les motifs propres et adoptés repris aux moyens ;
Attendu qu'en cet état, la cour d'appel qui, sans inverser la charge de la preuve, a caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable, a justifié sa décision, sans méconnaître les textes légaux et conventionnels invoqués ;
D'où il suit que les moyens ne peuvent être accueillis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, Mme Canivet-Beuzit conseiller rapporteur, M. Dulin conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Villar ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;