Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 12 juillet 2010, 08-45.516, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 21 octobre 2008), que Mme X..., engagée à temps partiel en qualité de vendeuse par la société Promod en novembre 1991, mutée ultérieurement au magasin de Marseille Saint-Ferréol, a été, par avenant du 25 septembre 2000, affectée en raison de sa situation familiale à la boutique La Valentine située dans un autre arrondissement ; qu'à l'issue de son congé parental d'éducation pris à compter de juillet 2001, la salariée a réintégré en avril 2004 le magasin La Valentine ; que la société Promod lui a notifié le 24 janvier 2006 sa mutation au magasin de Marseille Saint-Ferréol avec effet au 14 février suivant ; que Mme X... a refusé et a été licenciée pour faute grave le 17 mars 2006 ; que la salariée a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de juger que le licenciement de Mme X... est dépourvu de cause réelle et sérieuse et de le condamner à lui payer diverses sommes, alors, selon le moyen :

1° / que la mutation d'un salarié au sein d'un même secteur géographique ne constitue qu'un simple changement de ses conditions de travail auquel il ne peut s'opposer, peu important qu'une clause de mobilité ait, ou non, été stipulée dans le contrat de travail ; qu'en se fondant en l'espèce sur l'absence de clause de mobilité prévue au contrat de travail pour dénier tout bien-fondé au licenciement litigieux prononcé suite au refus par la salariée de sa nouvelle affectation sur un lieu de travail distant de neuf kilomètres de sa précédente affectation et relié par l'important réseau de transports urbains de la ville de Marseille, c'est-à-dire au sein d'un même secteur géographique, la cour d'appel s'est déterminée par un motif inopérant, privant sa décision de base légale au regard des articles L. 1235-3, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail, ensemble l'article 1134 du code civil ;

2° / que la bonne foi contractuelle étant présumée, il incombe au salarié de démontrer que la décision de mutation dont il fait l'objet a été prise pour des raisons étrangères à l'intérêt de l'entreprise ou dans des conditions exclusives de la bonne foi contractuelle ; qu'en faisant en l'espèce peser la charge de la preuve de sa bonne foi sur l'employeur au prétexte que le contrat de travail ne comportait aucune clause de mobilité et que l'employeur se serait insuffisamment expliqué auprès de la salariée sur les motifs de la mutation, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil, ensemble l'article 1134 du même code et les articles L. 1235-3, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;

3° / que le salarié ne peut s'opposer à sa mutation au sein d'un même secteur géographique, à moins qu'il ne soit établi que l'employeur ait abusé de son pouvoir de direction ou manqué à son obligation de bonne foi, notamment en prenant une décision portant une atteinte disproportionnée à la vie familiale et personnelle du salarié ; qu'en jugeant que la décision de mutation de la salariée avait été mise en oeuvre dans des conditions exclusives de la bonne foi contractuelle après avoir évoqué " la situation de famille de l'intéressée (mère de deux enfants) ", sans aucunement faire ressortir en quoi il aurait été porté une atteinte disproportionnée à la vie familiale et personnelle de la salariée-dont le nouveau lieu de travail était situé à une courte distance de neuf kilomètres du précédent sur la commune de Marseille dotée d'un important réseau de transports urbains-, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1235-3, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail, ensemble l'article 1134 du code civil ;

4° / que le fait que l'employeur ait apporté des explications tardives pour justifier une mutation ne suffit pas à établir qu'elle est intervenue dans des conditions exclusives de la bonne foi contractuelle ; qu'en jugeant en l'espèce que la décision de mutation avait été mise en oeuvre dans des conditions exclusives de la bonne foi au prétexte qu'il n'aurait justifié son choix que tardivement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1235-3, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail, ensemble l'article 1134 du code civil ;

5° / que les juges ne peuvent se substituer au pouvoir de direction de l'employeur en contrôlant l'opportunité de ses choix de gestion ; qu'en retenant en l'espèce " qu'il n'est pas sérieux de prétendre qu'à la suite de la mutation d'une vendeuse du magasin Saint-Ferréol au magasin la Valentine afin d'occuper les fonctions de 1ère vendeuse, il convenait de rééquilibrer les équipes et d'envoyer donc à Saint-Ferréol une vendeuse expérimentée de la Valentine, alors qu'à la Valentine, il y avait une autre salariée, Mme Y... plus expérimentée que la salariée ", appréciant ainsi la pertinence de l'organisation de l'entreprise voulue par lui-même, quand il lui appartenait tout au plus de rechercher si la décision de mutation avait été prise pour des raisons étrangères à l'intérêt de l'entreprise, la cour d'appel s'est encore déterminée par un motif inopérant, privant sa décision de base légale au regard des articles L. 1235-3, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail, ensemble l'article 1134 du code civil ;

Mais attendu qu'abstraction faite du motif surabondant, justement critiqué par la cinquième branche du moyen, la cour d'appel, qui a retenu, sans inverser la charge de la preuve, que la société Promod avait imposé à Mme X... malgré sa situation familiale une mutation rapide et sans explication, par une décision exclusive de la bonne foi contractuelle, a, par ce seul motif, légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Promod aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Promod et la condamne à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze juillet deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils pour la société Promod

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a considéré que le licenciement de Madame X... est dépourvu de cause réelle et sérieuse et d'AVOIR, en conséquence, condamné la SAS PROMOD au paiement de la somme de 653, 56 € au titre de la mise à pied conservatoire, 63, 55 € au titre des congés payés afférents, 1. 941, 16 € au titre du préavis, 194, 11 € au titre des congés payés afférents, 1. 880, 22 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement, 15. 000 € au titre des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre une somme au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE : « Attendu que la salariée soutient que la modification de son lieu de travail constituait une modification de son contrat de travail, dans la mesure où le lieu de travail avait été contractualisé par la signature de l'avenant au contrat du 25 septembre 2000 qui avait pour seul et unique objet de fixer le lieu de travail au sein du magasin ‘ la Valentine'; qu'elle ajoute que la mesure de mutation au sein du magasin Saint-Ferréol décidée par l'employeur doit donc s'analyser en une modification de son contrat de travail qui ne pouvait lui être imposée ; que dès lors son refus n'est pas constitutif d'une faute ; Attendu que la mention du lieu de travail dans le contrat de travail n'a qu'une valeur informative, à moins qu'il ne soit stipulé par une clause claire et précise que le salarié exécutera son travail exclusivement en ce lieu ;

Attendu qu'en l'espèce, ni le contrat de travail initial, ni l'avenant signé le 25 octobre 2000 ne prévoient que la salariée exercera exclusivement son travail au lieu déterminé par le contrat ;

Attendu au surplus et contrairement à ce qui est soutenu par la salariée que l'avenant au contrat répond aux mêmes règles que le contrat lui-même ; que dès lors, la mention du lieu de travail portée sur un avenant au contrat de travail ne saurait démontrer la volonté des parties de fixer un lieu de travail exclusif ;

Attendu toutefois qu'il convient de relever que le contrat de travail ne comporte aucune clause de mobilité ; que si l'employeur est présumé de bonne foi lorsqu'il met en oeuvre une clause de mobilité qui suppose l'acceptation par avance du salarié du principe d'une modification unilatérale de son lieu de travail, en revanche cette bonne foi ne peut être présumée dans le cas où, suite à la décision de mutation et aux demandes légitimes de la salariée sur les raisons de celle-ci, l'employeur s'abstient de toute explication et ne donne pas la moindre explication sur le choix opéré au regard notamment de la situation de famille de l'intéressée (mère de deux enfants) ;

Attendu que les raisons d'organisation interne avancées en cause d'appel par l'employeur sont tardives et à tout le moins insuffisantes ; qu'en effet, il n'est pas sérieux de prétendre qu'à la suite de la mutation d'une vendeuse du magasin Saint-Ferréol au magasin la Valentine, afin d'occuper les fonctions de 1ère vendeuse, il convenait de rééquilibrer les équipes et d'envoyer donc à Saint-Ferréol une vendeuse expérimentée de la Valentine, alors qu'à la Valentine, il y avait une autre salariée, Madame Y..., plus expérimentée que la salariée ;

Attendu par conséquent que la décision de mutation a été mise en oeuvre dans des conditions exclusives de la bonne foi contractuelle ; que le licenciement notifié suite au refus de la salariée est dès lors dépourvu de cause réelle et sérieuse ; que la décision déférée doit être confirmée ; Attendu que la décision déférée doit donc être confirmée en ce qu'elle a justement condamné la Société PROMOD à payer au salarié le rappel de salaire pour mise à pied conservatoire, les congés payés y afférents, l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés y afférents, l'indemnité conventionnelle de licenciement et les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse » ;

1) ALORS QUE la mutation d'un salarié au sein d'un même secteur géographique ne constitue qu'un simple changement de ses conditions de travail auquel il ne peut s'opposer, peu important qu'une clause de mobilité ait, ou non, été stipulée dans le contrat de travail ; qu'en se fondant en l'espèce sur l'absence de clause de mobilité prévue au contrat de travail pour dénier tout bien-fondé au licenciement litigieux prononcé suite au refus par la salariée de sa nouvelle affectation sur un lieu de travail distant de neuf kilomètres de sa précédente affectation et relié par l'important réseau de transports urbains de la ville de Marseille-c'està-dire au sein d'un même secteur géographique-, la Cour d'appel s'est déterminée par un motif inopérant, privant sa décision de base légale au regard des articles L. 1235-3, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du Code du travail, ensemble l'article 1134 du Code civil ;

2) ALORS QUE la bonne foi contractuelle étant présumée, il incombe au salarié de démontrer que la décision de mutation dont il fait l'objet a été prise pour des raisons étrangères à l'intérêt de l'entreprise ou dans des conditions exclusives de la bonne foi contractuelle ; qu'en faisant en l'espèce peser la charge de la preuve de sa bonne foi sur l'employeur au prétexte que le contrat de travail ne comportait aucune clause de mobilité et que l'employeur se serait insuffisamment expliqué auprès de la salariée sur les motifs de la mutation, la Cour d'appel a violé l'article 1315 du Code civil, ensemble l'article 1134 du même Code et les articles L. 1235-3, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du Code du travail ;

3) ALORS en outre QUE le salarié ne peut s'opposer à sa mutation au sein d'un même secteur géographique, à moins qu'il ne soit établi que l'employeur ait abusé de son pouvoir de direction ou manqué à son obligation de bonne foi, notamment en prenant une décision portant une atteinte disproportionnée à la vie familiale et personnelle du salarié ; qu'en jugeant que la décision de mutation de la salariée avait été mise en oeuvre dans des conditions exclusives de la bonne foi contractuelle après avoir évoqué « la situation de famille de l'intéressée (mère de deux enfants) », sans aucunement faire ressortir en quoi il aurait été porté une atteinte disproportionnée à la vie familiale et personnelle de la salariée-dont le nouveau lieu de travail était situé à une courte distance de neuf kilomètres du précédent sur la commune de Marseille dotée d'un important réseau de transports urbains-, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1235-3, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du Code du travail, ensemble l'article 1134 du Code civil ;

4) ALORS QUE le fait que l'employeur ait apporté des explications tardives pour justifier une mutation ne suffit pas à établir qu'elle est intervenue dans des conditions exclusives de la bonne foi contractuelle ; qu'en jugeant en l'espèce que la décision de mutation avait été mise en oeuvre dans des conditions exclusives de la bonne foi au prétexte que l'employeur n'aurait justifié son choix que tardivement, la Cour d'Appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1235-3, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du Code du travail, ensemble l'article 1134 du Code civil ;

5) ALORS QUE les juges ne peuvent se substituer au pouvoir de direction de l'employeur en contrôlant l'opportunité de ses choix de gestion ; qu'en retenant en l'espèce « qu'il n'est pas sérieux de prétendre qu'à la suite de la mutation d'une vendeuse du magasin Saint-Ferréol au magasin la Valentine afin d'occuper les fonctions de 1ère vendeuse, il convenait de rééquilibrer les équipes et d'envoyer donc à Saint-Ferréol une vendeuse expérimentée de la Valentine, alors qu'à la Valentine, il y avait une autre salariée, Madame Y... plus expérimentée que la salariée », appréciant ainsi la pertinence de l'organisation de l'entreprise voulue par l'employeur, quand il lui appartenait tout au plus de rechercher si la décision de mutation avait été prise pour des raisons étrangères à l'intérêt de l'entreprise, la Cour d'appel s'est encore déterminée par un motif inopérant, privant derechef sa décision de base légale au regard des articles L. 1235-3, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du Code du travail, ensemble l'article 1134 du Code civil.

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