Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 1 juillet 2010, 09-13.896, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre civile 1
- N° de pourvoi : 09-13.896
- Publié au bulletin
- Solution : Cassation
- Président
- M. Charruault
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique commun au pourvoi principal et au pourvoi incident :
Vu l'article 1382 du code civil ;
Attendu qu'ayant consenti à des emprunteurs, pour l'acquisition d'un bien immobilier en l'état futur d'achèvement, un prêt qu'elle avait chargé M. X..., notaire instrumentaire, de garantir par une inscription hypothécaire de premier rang, la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel, actuellement CRCAM Sud Méditerranée, qui avait remis les fonds au promoteur et non, comme stipulé dans l'acte, sur le compte de l'étude notariale, a recherché la responsabilité de cet officier ministériel après la révélation, lors de la procédure de saisie immobilière diligentée contre les emprunteurs défaillants, de deux inscriptions hypothécaires primant la sienne ;
Attendu que, pour condamner M. X..., son assureur, les Mutuelles du Mans et la Caisse régionale de garantie des notaires à payer à la CRCAM Sud Méditerranée la somme de 45 405,48 euros, correspondant à l'intégralité du solde du prêt, l'arrêt retient que, si la banque avait elle-même commis une faute en ne remettant pas, contrairement à ce que prévoyait l'acte notarié de vente et de prêt, les fonds entre les mains du notaire au fur et à mesure de l'avancement des travaux sur attestation de l'architecte, cette faute n'exonérait pas le notaire pour qui elle n'était ni imprévisible ni irrésistible, dès lors qu'il aurait dû contrôler la réception des fonds sur le compte de l'étude, ce qui eût évité la faute adverse ;
Attendu qu'en statuant ainsi, après avoir constaté la faute de la banque qui avait concouru, comme celle du notaire, laquelle ne revêtait pas un caractère dolosif, à la réalisation du dommage, ce qui emportait un partage de responsabilité, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, violant ainsi le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 février 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier, autrement composée ;
Condamne la Caisse régionale du crédit agricole mutuel Sud Méditerranée aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier juillet deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen commun aux pourvois principal et incident produit par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de M. X..., de la société MMA IARD, de la société Mutuelles du Mans IARD et de la Caisse régionale de garantie des notaires.
Il est fait grief d'AVOIR condamné Monsieur X... et la société LES MUTUELLES DU MANS ASSURANCES in solidum avec la CAISSE REGIONALE DE GARANTIE DES NOTAIRES à payer la somme de 45.405,48 euros, outre intérêts légaux à compter du 8 avril 2003, à la CRCAM ;
AUX MOTIFS QUE Monsieur X... avait commis une faute en ne s'assurant pas que la garantie qu'il s'était engagé à prendre pour le compte de la CRCAM ait le rang souhaité et en ne lui faisant pas savoir l'existence d'inscriptions antérieures prises pour des créances qui n'étaient pas apurées ;
ET AUX MOTIFS QU'il est toutefois constant qu'aux termes de l'acte notarié de vente et de prêt du 29 décembre 1989, la CRCAM aurait dû verser la partie du prêt correspondant au solde du prix, au fur et à mesure de l'avancement des travaux, par crédit au compte du notaire ; cette clause s'imposait à elle, le montant du prêt étant placé sur un compte bloqué dont elle seule débloquait au vu des attestations d'architecte, la part correspondant à l'état d'avancement des travaux ; le notaire avait d'ailleurs envoyé à la CRCAM une note en date du 27 décembre 1989, (reçue le lendemain au vu du tampon de la CRCAM), lui demandant le versement du prêt à son compte étude ; il n'en demeure pas moins que sa faute consistant à ne pas avoir remis les fonds entre les mains du notaire, ce qu'elle ne conteste pas, n'exonère pas Maître X... de sa responsabilité ; cette faute n'était pour lui ni imprévisible, ni irrésistible ; alors qu'il avait rédigé de nombreux actes afférents à cette opération, dont celui du 24 novembre 1980 d'acquisition du terrain par la SCI LES IMPERIALES et de prêt à cette SCI par LA HENIN, il connaissait l'importance de la clause susvisée destinée à permettre le remboursement de l'hypothèque de cette dernière ; l'acte du 29 décembre 1989 prévoit que le vendeur exécutera son obligation d'achever au cours du deuxième trimestre 1990 ; sachant que la construction n'en était qu'au stade des fondations (cf page 17), il aurait dû régulièrement contrôler la réception des fonds sur le compte étude, ce qui eut évité la faute adverse ;
ALORS QUE l'auteur d'une faute doit être exonéré au moins en partie de sa responsabilité en raison de la faute de la victime quand bien même elle ne serait ni imprévisible, ni irrésistible ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil.