Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 15 juin 2010, 08-45.243, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre sociale
- N° de pourvoi : 08-45.243
- Publié au bulletin
- Solution : Rejet
- Président
- Mme Collomp
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 2 octobre 2008), qu'engagé à compter du 1er septembre 1975 par l'association Notre-Dame, au sein de laquelle il exerçait en dernier lieu les fonctions d'aide médico-psychologique, M. X... a été mis en examen du chef d'agressions sexuelles aggravées et placé en détention provisoire le 21 septembre 2002 ; que le 30 septembre 2002, l'employeur lui a notifié une mise à pied conservatoire et l'a convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement auquel il a ensuite sursis dans l'attente de l'issue de la procédure pénale ; que le salarié a été condamné par jugement du tribunal correctionnel de Nanterre le 18 octobre 2004 ; qu'il a été licencié pour faute grave le 27 février 2006 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale ;
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt d'écarter la prescription des faits fautifs, alors, selon le moyen, qu'aux termes de l'article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu, dans le même délai, à l'exercice de poursuites pénales ; qu'il résulte de ce texte que lorsqu'un fait fautif a donné lieu à des poursuites pénales et que l'action publique a été déclenchée à l'initiative du ministère public, sur plainte avec constitution de partie civile ou citation directe de la victime, quelle que soit celle-ci, le délai de prescription pour engager les poursuites disciplinaires court à compter de la décision définitive de la juridiction pénale ; qu'en l'espèce, le jugement du tribunal correctionnel de Nanterre du 18 octobre 2004, qui a statué sur les faits reprochés à M. X... dont l'employeur avait eu connaissance dès le 23 septembre 2002, est devenu définitif le 18 décembre 2004, date d'expiration du délai d'appel du parquet ; que l'employeur n'a cependant engagé la procédure de licenciement disciplinaire que le 19 janvier 2006, soit plus d'un an après que la décision de la juridiction pénale soit devenue définitive, en sorte que la prescription était acquise ; qu'en considérant à tort que le terme de l'interruption du délai de prescription devait être fixé non pas à la date à laquelle le jugement pénal était devenu définitif mais à la date à laquelle l'employeur avait eu connaissance de la condamnation de son salarié, pour en déduire que les faits dont se prévalait l'association Notre-Dame à l'appui du licenciement pour faute grave de M. X... n'étaient pas disciplinairement prescrits, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 1332-4 du code du travail ;
Mais attendu que si, lorsqu'un fait fautif a donné lieu à des poursuites pénales, le délai de deux mois pour engager les poursuites disciplinaires est interrompu jusqu'à la décision définitive de la juridiction pénale lorsque l'employeur est partie à la procédure pénale, il ne court à nouveau dans le cas contraire qu'à compter du jour où l'employeur a eu connaissance de l'issue définitive de la procédure pénale, ce qu'il lui appartient d'établir ;
Et attendu qu'ayant constaté que l'employeur, qui n'était pas partie à la procédure, avait justifié n'avoir eu connaissance du jugement du tribunal correctionnel que le 10 janvier 2006, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze juin deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils pour M. X...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. X... de ses demandes d'indemnité de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
AUX MOTIFS QU'il résulte des termes de la lettre de licenciement, qui fixe définitivement les limites du litige, que M. X... a été licencié par l'association Notre-Dame pour avoir, d'une part, commis sur une pensionnaire de l'établissement, des faits qui lui ont valu d'être déclaré coupable du délit d'agression sexuelle sur mineure de quinze ans par personne abusant de l'autorité que lui conféraient ses fonctions et, d'autre part, alors qu'il faisait l'objet d'une peine complémentaire d'interdiction d'exercice d'une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact avec des mineurs, saisi la médecine du travail aux fins de visite de reprise dans des conditions jugées fautives par l'employeur ; qu'il apparaît ainsi que, contrairement à ce qu'il allègue, M. X... n'a pas été licencié en raison de son état de santé ; qu'il n'est pas fondé dès lors à soutenir que son licenciement est nul par application des dispositions de l'article L. 1132-1 (anciennement L. 122-45) du code du travail ; qu'aux termes de l'article L. 1332-4 (anciennement L. 122-44) du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales ; qu'il est constant que, l'action disciplinaire relative aux faits commis par M. X... à l'encontre de Deborah Y... n'étant pas éteinte par la prescription instituée par ce texte lors de l'engagement des poursuites pénales auxquelles ceux-ci ont donné lieu, le délai de prescription s'est trouvé interrompu ; que l'association Notre-Dame n'était pas partie à la procédure pénale et, de ce fait, n'a pas reçu notification des décisions qui ont été rendues par les juridictions d'instruction ou de jugement et n'a pas été convoquée à l'audience du tribunal correctionnel de Nanterre ; qu'elle n'avait donc aucun moyen de connaître l'évolution de cette procédure, M. X... n'ayant donné aucune suite à la demande qu'elle lui avait adressée, le 13 février 2003, de l'en tenir informée ; qu'il résulte de cette situation que le terme de l'interruption du délai de prescription doit être fixé non pas à la date à laquelle le jugement pénal est devenu définitif mais à la date à laquelle l'employeur a eu connaissance de la condamnation définitive de son salarié ; qu'il ressort des pièces produites par l'association Notre-Dame que la condamnation prononcée par le tribunal correctionnel à l'encontre de M. X... n'a été connue d'elle que lors de la réception de la correspondance que lui ont été adressée les parents de la victime le 10 janvier 2006 à laquelle était jointe la copie du jugement pénal ; que le salarié qui soutient que sa condamnation était connue de l'association Notre-Dame dès le prononcé de cette décision et, en tout cas, plus de deux mois avant l'engagement de la procédure ayant abouti à son licenciement, ne produit aucune pièce probante à cet égard ; qu'il ressort en effet des attestations versées aux débats par l'employeur que Mme A..., psychologue de l'association, qui était présente lors du prononcé du jugement pénal aux côtés de Deborah Y... et à sa demande, n'a pas informé le directeur de l'association de cette condamnation pas plus que M. B..., simple membre de l'association de parents d'élèves, qui était également présent en raison des liens l'unissant à la victime et à ses parents ; que l'attestation de Mme C..., qui indique que « dans les jours qui ont suivi la décision du tribunal tout le monde était au courant dans l'établissement de l'association Notre-Dame de la condamnation de M. X... » est insuffisante à établir, compte tenu de son imprécision, que l'employeur, ou toute personne investie du pouvoir disciplinaire, avait connaissance de la décision rendue par la juridiction pénale ; qu'enfin il ne peut être tiré aucun argument de ce que l'employeur n'avait pas invité son salarié à reprendre son travail au terme de son dernier arrêt maladie puisque l'association Notre-Dame, qui ignorait la condamnation pénale, était dès lors fondée à croire que les dispositions de l'ordonnance ayant placé M. X... sous contrôle judiciaire étaient toujours applicables ; que les faits commis entre septembre 2001 et septembre 2002 par M. X... sur la personne de Deborah Y..., élève de l'association, constitutifs du délit d'agression sexuelle sur mineure de quinze ans par personne ayant abusé de l'autorité que lui conférait ses fonctions, dont il a été reconnu coupable par jugement pénal devenu définitif, constituaient une faute grave ; qu'il y a lieu dans ces conditions, par motifs substitués, de confirmer le jugement qui a débouté M. X... de l'ensemble de ses demandes ;
ALORS QU'aux termes de l'article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu, dans le même délai, à l'exercice de poursuites pénales ; qu'il résulte de ce texte que lorsqu'un fait fautif a donné lieu à des poursuites pénales et que l'action publique a été déclenchée à l'initiative du ministère public, sur plainte avec constitution de partie civile ou citation directe de la victime, quelle que soit celle-ci, le délai de prescription pour engager les poursuites disciplinaires court à compter de la décision définitive de la juridiction pénale ; qu'en l'espèce, le jugement du tribunal correctionnel de Nanterre du 18 octobre 2004, qui a statué sur les faits reprochés à M. X... dont l'employeur avait eu connaissance dès le 23 septembre 2002, est devenu définitif le 18 décembre 2004, date d'expiration du délai d'appel du parquet ; que l'employeur n'a cependant engagé la procédure de licenciement disciplinaire que le 19 janvier 2006, soit plus d'un an après que la décision de la juridiction pénale soit devenue définitive, en sorte que la prescription était acquise ; qu'en considérant à tort que le terme de l'interruption du délai de prescription devait être fixé non pas à la date à laquelle le jugement pénal était devenu définitif mais à la date à laquelle l'employeur avait eu connaissance de la condamnation de son salarié, pour en déduire que les faits dont se prévalait l'Association Notre-Dame à l'appui du licenciement pour faute grave de M. X... n'étaient pas disciplinairement prescrits, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 1332-4 du code du travail.