Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 17 juin 2010, 09-15.697, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur les deux moyens réunis, le premier pris en ses trois branches :

Attendu qu'en novembre 2000, la société Sovac a chargé M. Y..., avocat, de la défense de ses intérêts dans le litige qui l'opposait à M. X..., lequel avait engagé une action en annulation d'un prêt qui lui avait été consenti et dont le remboursement était garanti par une hypothèque ; que la société Bâtiments commerciaux industriels (BCI), cessionnaire de la créance litigieuse en exécution d'un acte du 30 novembre 2005, a engagé une action en responsabilité contre l'avocat, lui reprochant de ne pas avoir renouvelé l'inscription hypothécaire dont la péremption est intervenue le 31 mai 2001 ;

Attendu que la BCI reproche à l'arrêt attaqué (Paris, 9 juin 2009) de l'avoir déboutée de ses demandes indemnitaires, alors, selon le premier moyen :

1° / que dès lors qu'il est chargé de solliciter la condamnation à paiement d'une partie, il entre dans les attributions de l'avocat, sans qu'il soit besoin que le mandat le mentionne, de s'enquérir des sûretés qui garantissent la créance et de procéder à leur renouvellement, si besoin est, de manière à conférer à l'action dont il est chargé l'effet recherché par le créancier, à savoir le recouvrement en tout ou en partie de sa créance ; qu'en l'espèce, M. Y... a été chargé, non seulement de défendre à une action principale en nullité engagée par le débiteur, mais également d'obtenir la condamnation à paiement du débiteur ; que l'acte des 5 et 7 juin 1991 dont il était saisi mentionnait expressément que l'hypothèque avait effet jusqu'au 31 mai 2001 ; qu'en charge du dossier six mois avant cette date, l'avocat était tenu de faire le nécessaire pour renouveler l'hypothèque ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les articles 1134, 1137, 1147 et 1984 du code civil ;

2° / que le renouvellement de l'inscription hypothécaire peut être effectué par l'avocat sans qu'il soit besoin que celui-ci soit détenteur du bordereau d'inscription ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les articles 1134, 1137, 1147 et 1984 du code civil ;

3° / que l'avocat a le mandat de se préoccuper du renouvellement des garanties afférentes à la créance dont il poursuit le recouvrement, et notamment le mandat de renouveler l'hypothèque, peu important les connaissances ou la compétence de son client, ou encore les démarches que le client aurait pu, de son côté, entreprendre pour connaître la situation hypothécaire de son débiteur ; que, de ce point de vue également, l'arrêt attaqué a été rendu en violation des articles 1134, 1137, 1147 et 1984 du code civil ;

et alors, selon le second moyen, qu'à supposer même qu'il n'entre pas dans la mission de l'avocat, chargé d'obtenir du juge la condamnation du débiteur, de renouveler les sûretés garantissant le paiement de la créance en vue d'en assurer l'efficacité, en tout état de cause, l'avocat chargé d'obtenir la condamnation du débiteur se doit, au titre de son obligation de conseil, d'alerter son client, quelles que soient ses connaissances et ses compétences, sur la nécessité de renouveler une sûreté telle que l'hypothèque avant sa date d'expiration ; qu'en l'espèce, M. Y..., avocat, avait été chargé de combattre la nullité de l'acte des 5 et 7 juin 1991 portant ouverture de crédit et de former une demande, visant à la condamnation du débiteur, sur le fondement de ce même acte ; que l'acte en cause mentionnait que l'inscription hypothécaire avait effet jusqu'au 31 mai 2001 ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme il le leur était expressément demandé aux termes des conclusions du 10 mars 2009, s'il n'entrait pas dans la mission de conseil de l'avocat d'alerter la Sovac sur la nécessité de procéder au renouvellement de l'hypothèque avant le 31 mai 2001, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des articles 1137 et 1147 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant souverainement apprécié l'étendue du mandat ad litem confié à M. Y... en novembre 2000, la cour d'appel a constaté que la Sovac s'était préoccupée de l'existence et de la validité de sa garantie dès le mois d'août précédent et avait consulté un notaire sur ce point, faisant volontairement le choix de ne pas mandater l'avocat à ce sujet, ni pour le charger du renouvellement de l'inscription ni même pour obtenir des conseils ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Bâtiments commerciaux industriels aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Bâtiments commerciaux industriels et la condamne à payer à M. Y... la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept juin deux mille dix.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par Me Foussard, avocat aux Conseils pour la société Bâtiments commerciaux industriels.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

L'arrêt attaqué encourt la censure ;

EN CE QU'il a rejeté la demande en dommages et intérêts formée par la Société BATIMENTS COMMERCIAUX INDUSTRIELS (BCI) à l'encontre de M. Y... ;

AUX MOTIFS propres QUE « si la qualité de professionnel de l'immobilier du client ne saurait à elle seule réduire l'étendue de l'obligation de conseil de l'avocat, professionnel du droit, la cour relève qu'en l'espèce, les premiers juges ont pertinemment retenu que lorsque le client entend voir le recouvrement d'une créance traité par son conseil, il lui en donne les moyens, ce qui n'a pas été le cas en l'espèce, puisqu'il est constant d'une part que la SOVAC avait conservé le bordereau d'inscription d'hypothèque et que, d'autre part, c'est dès le mois d'août 2000 que la SOVAC s'est ellemême préoccupée de l'existence et de la validité de sa garantie hypothécaire, au sujet de laquelle elle s'est adressée à un notaire de son choix, Me Z..., pour obtenir une fiche propriétaire concernant M. X..., s'étonnant, en la personne d'un de ses employés qui en a fait mention, de la possible « disparition » de l'hypothèque sur la fiche envoyée ; que ces diligences, certes mal conduites puisqu'elles ont laissé la SOVAC IMMOBILIER croire à la perte d'une hypothèque qui, en réalité, à cette date, figurait sur la fiche immeuble, démontrent à tout le moins que, parfaitement informée de la difficulté, la SOVAC n'a pas mandaté à ce sujet Me Y... dans sa lettre du 9 novembre 2000, ni pour obtenir ses conseils, ni a fortiori pour le charger de renouveler hypothèque ; que le seul fait, au surplus après s'être d'abord adressée à son prédécesseur la SCP B..., d'interroger M. Y... bien plus tard, soit en janvier 2002, pour connaître son avis sur la situation créée par le non-renouvellement, à une période à laquelle aucune diligence efficace n'était plus envisageable, ne saurait suppléer à cette absence volontaire de mandat ; qu'en conséquence, la faute de M. Y... n'est pas établie (…) » (arrêt, p. 4, § 2) ;

Et AUX MOTIFS adoptés QUE « par acte notarié dressé les 5 et 7 juin 1991, la SOVAC a consenti à M. X... une ouverture de crédit en compte courant pour un montant de 4. 500. 000 F, garantie par une hypothèque sur un bien immobilier situé à FALICON dans les Alpes Maritimes avec effet jusqu'au 31 mai 2001 ; que M. X... ayant engagé une procédure de nullité de l'acte des 5 et 7 juin 1991, le Tribunal de grande instance de Nice, par jugement du 25 octobre 1999, a constaté que l'instance était périmée ; que dans cette procédure, la SOVAC était représentée par la SCP B... et C..., avocats au barreau de Nice ; que M. X... ayant formé appel contre cette décision et ayant en outre recommencé la procédure devant la juridiction de première instance, la SOVAC a, par courrier du 9 novembre 2000, chargé Me Y... de la défense de ses intérêts dans les deux instances ; que les termes du courrier de la SOVAC étaient les suivants : nous « vous confirmons que nous avons le plaisir de vous confier cette nouvelle affaire. Vous trouverez ci-joint :- copie de l'assignation délivrée le 24 octobre 1999 à la requête de notre débiteur M. X...,- copie du jugement de péremption d'instance du 25 octobre 1999 (…),- copie de la constitution sur l'appel interjeté,- copie de notre courrier à Cabinet B... à Nice, l'informant que nous le dessaisissions de cette affaire à votre profit. Nous pensons que Me B... vous adressera rapidement son dossier, dans le cas contraire, nous serions à votre disposition pour vous adresser les pièces nécessaires (…). Nous vous remercions de nous faire part de votre avis sur ce dossier puis de vos conclusions dans les meilleurs délais » ; qu'il n'a pas été expressément demandé à Me Y... de renouveler l'hypothèque inscrite par les notaires en 1991 et qu'il s'agit de déterminer, au vu des circonstances de l'espèce et compte tenu des obligations qui pèsent sur un avocat auquel un client confie la défense de ses intérêts dans deux instances, si la mission de Me Y... comportait implicitement la nécessité de renouveler l'inscription de l'hypothèque prise en 1991 ; qu'aux termes de son courrier du 26 avril 2001 par lequel Me Y... adresse à la SOVAC ses conclusions, l'avocat fait part à sa cliente de la nécessité de former une demande reconventionnelle en paiement à l'encontre des prétentions de M. X... qui demande la nullité du contrat ; que l'avocat, informé des difficultés de la SOVAC à établir un décompte actualisé, propose de soumettre au tribunal un décompte arrêté au 12 janvier 1995, augmentation des inspecteurs du travail au taux conventionnel ; qu'ainsi, l'avocat engageait sa cliente à ne pas se limiter à la contestation de la demande de nullité, mais à faire ce qui s'imposait, à savoir une demande reconventionnelle en paiement dès lors que M. X... était débiteur en vertu des engagements qu'il estimait frappés de nullité ; que la BCI soutient qu'il aurait dû aller au-delà et se préoccuper de la phase de recouvrement, ce qui l'aurait inévitablement conduit à se pencher sur l'hypothèque garantissant la créance de la SOVAC ; que toutefois, la phase de recouvrement constitue une phase distincte de celle qui consiste pour le conseil à faire prévaloir, dans le cadre d'une procédure judiciaire, la thèse de sa cliente et que, sauf précision donnée dans la mission, l'inclusion de la procédure de recouvrement dans la mission de l'avocat peut faire l'objet d'un débat ; qu'en outre, si la cliente entend voir le recouvrement traité par son conseil, il convient qu'elle lui en donne les moyens ; que Me Y... indique sans être contredit sur ce point que la SOVAC avait conservé le bordereau d'inscription d'hypothèque ; qu'en outre, s'il ne peut être opposé à un client, même s'il s'agit comme en l'espèce d'un prêteur spécialisé dans le domaine immobilier, ses connaissances en la matière dès lors qu'il fait appel à un professionnel du droit, il n'en demeure pas moins que le client doit donner au conseil tous les éléments d'information en sa possession pour qu'il assure sa défense dans les meilleures conditions ; que Me Z..., notaire à Paris auquel la SOVAC avait demandé d'obtenir une fiche propriétaire concernant M. X..., lui a adressé ce document le 24 août 2000 ; que sur ce courrier, une personne chargée du dossier à la SOVAC a porté une mention manuscrite pour s'étonner de la disparition de cette hypothèque sur la fiche qui lui a été envoyée ; qu'en réalité, à cette date, l'hypothèque figurait toujours sur la fiche immeuble, même si, pour des motifs non élucidés, elle ne figurait pas sur la fiche propriétaire ; qu'en tout état de cause, la SOVAC avait connaissance d'une difficulté concernant l'hypothèque, même si celle-ci était une simple erreur et que, si elle entendait confier le renouvellement de l'inscription à Me Y..., il aurait été souhaitable qu'elle l'en informe, ce qui aurait conduit ce dernier à s'intéresser à l'hypothèque et à demander à son mandant s'il devait se charger lui-même du renouvellement ou si la SOVAC s'en chargeait par le biais de ses propres services ou par son notaire ; qu'il n'est pas précisé par la demanderesse dans quelles circonstances la SOVAC a eu connaissance du non-renouvellement de l'hypothèque mais qu'en tout état de cause, cette dernière recevait de Me B..., chargé initialement du dossier, un courrier du 17 décembre 2001, confirmant que l'hypothèque qui venait à expiration le 31 mai 2001 n'avait pas été renouvelée ; que c'est alors que la SOVAC, abordant pour la première fois avec Me Y... la question de l'hypothèque, lui a demandé par courrier du 25 janvier 2002, c'est-à-dire après péremption de l'hypothèque, son avis et ses observations sur la situation créée par le non-renouvellement de la sûreté ; qu'il résulte de ce rappel chronologique ainsi que du rappel des échanges entre les parties qu'il n'est pas établi que la mission confiée à Me Y... comportait l'obligation implicite de procéder au renouvellement de l'inscription d'hypothèque ou d'inviter son mandant à y procéder, la question ne lui ayant été soumise explicitement qu'à un moment où plus aucune diligence ne pouvait permettre la conservation des droits de sa cliente dont la sûreté était périmée ; qu'en conséquence, en l'absence de démonstration d'une faute de Me Y... dans l'exécution de son mandat, la Société BCI sera déboutée de l'intégralité de ses demandes (…) » (jugement, p. 3, § 3 et s., p. 4 et p. 5, § 1 à 6) ;

ALORS QUE, premièrement, dès lors qu'il est chargé de solliciter la condamnation à paiement d'une partie, il entre dans les attributions de l'avocat, sans qu'il soit besoin que le mandat le mentionne, de s'enquérir des sûretés qui garantissent la créance et de procéder à leur renouvellement, si besoin est, de manière à conférer à l'action dont il est chargé l'effet recherché par le créancier, à savoir le recouvrement en tout ou en partie de sa créance ; qu'en l'espèce, M. Y... a été chargé, non seulement de défendre à une action principale en nullité engagée par le débiteur, mais également d'obtenir la condamnation à paiement du débiteur ; que l'acte des 5 et 7 juin 1991 dont il était saisi mentionnait expressément (p. 14) que l'hypothèque avait effet jusqu'au 31 mai 2001 ; qu'en charge du dossier six mois avant cette date, l'avocat était tenu de faire le nécessaire pour renouveler l'hypothèque ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les articles 1134, 1137, 1147 et 1984 du Code civil ;

ALORS QUE, deuxièmement, le renouvellement de l'inscription hypothécaire peut être effectué par l'avocat sans qu'il soit besoin que celui-ci soit détenteur du bordereau d'inscription ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les articles 1134, 1137, 1147 et 1984 du Code civil ;

Et ALORS QUE, troisièmement, l'avocat a le mandat de se préoccuper du renouvellement des garanties afférentes à la créance dont il poursuit le recouvrement, et notamment le mandat de renouveler l'hypothèque, peu important les connaissances ou la compétence de son client, ou encore les démarches que le client aurait pu, de son côté, entreprendre pour connaître la situation hypothécaire de son débiteur ; que, de ce point de vue également, l'arrêt attaqué a été rendu en violation des articles 1134, 1137, 1147 et 1984 du Code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)

L'arrêt attaqué encourt la censure ;

EN CE QU'il a rejeté la demande en dommages et intérêts formée par la Société BATIMENTS COMMERCIAUX INDUSTRIELS (BCI) à l'encontre de M. Y... ;

AUX MOTIFS propres QUE « si la qualité de professionnel de l'immobilier du client ne saurait à elle seule réduire l'étendue de l'obligation de conseil de l'avocat, professionnel du droit, la cour relève qu'en l'espèce, les premiers juges ont pertinemment retenu que lorsque le client entend voir le recouvrement d'une créance traité par son conseil, il lui en donne les moyens, ce qui n'a pas été le cas en l'espèce, puisqu'il est constant d'une part que la SOVAC avait conservé le bordereau d'inscription d'hypothèque et que, d'autre part, c'est dès le mois d'août 2000 que la SOVAC s'est ellemême préoccupée de l'existence et de la validité de sa garantie hypothécaire, au sujet de laquelle elle s'est adressée à un notaire de son choix, Me Z..., pour obtenir une fiche propriétaire concernant M. X..., s'étonnant, en la personne d'un de ses employés qui en a fait mention, de la possible « disparition » de l'hypothèque sur la fiche envoyée ; que ces diligences, certes mal conduites puisqu'elles ont laissé la SOVAC IMMOBILIER croire à la perte d'une hypothèque qui, en réalité, à cette date, figurait sur la fiche immeuble, démontrent à tout le moins que, parfaitement informée de la difficulté, la SOVAC n'a pas mandaté à ce sujet Me Y... dans sa lettre du 9 novembre 2000, ni pour obtenir ses conseils, ni a fortiori pour le charger de renouveler hypothèque ; que le seul fait, au surplus après s'être d'abord adressée à son prédécesseur la SCP B..., d'interroger M. Y... bien plus tard, soit en janvier 2002, pour connaître son avis sur la situation créée par le non-renouvellement, à une période à laquelle aucune diligence efficace n'était plus envisageable, ne saurait suppléer à cette absence volontaire de mandat ; qu'en conséquence, la faute de M. Y... n'est pas établie (…) » (arrêt, p. 4, § 2) ;

Et AUX MOTIFS adoptés QUE « par acte notarié dressé les 5 et 7 juin 1991, la SOVAC a consenti à M. X... une ouverture de crédit en compte courant pour un montant de 4. 500. 000 F, garantie par une hypothèque sur un bien immobilier situé à FALICON dans les Alpes Maritimes avec effet jusqu'au 31 mai 2001 ; que M. X... ayant engagé une procédure de nullité de l'acte des 5 et 7 juin 1991, le Tribunal de grande instance de Nice, par jugement du 25 octobre 1999, a constaté que l'instance était périmée ; que dans cette procédure, la SOVAC était représentée par la SCP B... et C..., avocats au barreau de Nice ; que M. X... ayant formé appel contre cette décision et ayant en outre recommencé la procédure devant la juridiction de première instance, la SOVAC a, par courrier du 9 novembre 2000, chargé Me Y... de la défense de ses intérêts dans les deux instances ; que les termes du courrier de la SOVAC étaient les suivants : nous « vous confirmons que nous avons le plaisir de vous confier cette nouvelle affaire. Vous trouverez ci-joint :- copie de l'assignation délivrée le 24 octobre 1999 à la requête de notre débiteur M. X...,- copie du jugement de péremption d'instance du 25 octobre 1999 (…),- copie de la constitution sur l'appel interjeté,- copie de notre courrier à Cabinet B... à Nice, l'informant que nous le dessaisissions de cette affaire à votre profit. Nous pensons que Me B... vous adressera rapidement son dossier, dans le cas contraire, nous serions à votre disposition pour vous adresser les pièces nécessaires (…). Nous vous remercions de nous faire part de votre avis sur ce dossier puis de vos conclusions dans les meilleurs délais » ; qu'il n'a pas été expressément demandé à Me Y... de renouveler l'hypothèque inscrite par les notaires en 1991 et qu'il s'agit de déterminer, au vu des circonstances de l'espèce et compte tenu des obligations qui pèsent sur un avocat auquel un client confie la défense de ses intérêts dans deux instances, si la mission de Me Y... comportait implicitement la nécessité de renouveler l'inscription de l'hypothèque prise en 1991 ; qu'aux termes de son courrier du 26 avril 2001 par lequel Me Y... adresse à la SOVAC ses conclusions, l'avocat fait part à sa cliente de la nécessité de former une demande reconventionnelle en paiement à l'encontre des prétentions de M. X... qui demande la nullité du contrat ; que l'avocat, informé des difficultés de la SOVAC à établir un décompte actualisé, propose de soumettre au tribunal un décompte arrêté au 12 janvier 1995, augmentation des inspecteurs du travail au taux conventionnel ; qu'ainsi, l'avocat engageait sa cliente à ne pas se limiter à la contestation de la demande de nullité, mais à faire ce qui s'imposait, à savoir une demande reconventionnelle en paiement dès lors que M. X... était débiteur en vertu des engagements qu'il estimait frappés de nullité ; que la BCI soutient qu'il aurait dû aller au-delà et se préoccuper de la phase de recouvrement, ce qui l'aurait inévitablement conduit à se pencher sur l'hypothèque garantissant la créance de la SOVAC ; que toutefois, la phase de recouvrement constitue une phase distincte de celle qui consiste pour le conseil à faire prévaloir, dans le cadre d'une procédure judiciaire, la thèse de sa cliente et que, sauf précision donnée dans la mission, l'inclusion de la procédure de recouvrement dans la mission de l'avocat peut faire l'objet d'un débat ; qu'en outre, si la cliente entend voir le recouvrement traité par son conseil, il convient qu'elle lui en donne les moyens ; que Me Y... indique sans être contredit sur ce point que la SOVAC avait conservé le bordereau d'inscription d'hypothèque ; qu'en outre, s'il ne peut être opposé à un client, même s'il s'agit comme en l'espèce d'un prêteur spécialisé dans le domaine immobilier, ses connaissances en la matière dès lors qu'il fait appel à un professionnel du droit, il n'en demeure pas moins que le client doit donner au conseil tous les éléments d'information en sa possession pour qu'il assure sa défense dans les meilleures conditions ; que Me Z..., notaire à Paris auquel la SOVAC avait demandé d'obtenir une fiche propriétaire concernant M. X..., lui a adressé ce document le 24 août 2000 ; que sur ce courrier, une personne chargée du dossier à la SOVAC a porté une mention manuscrite pour s'étonner de la disparition de cette hypothèque sur la fiche qui lui a été envoyée ; qu'en réalité, à cette date, l'hypothèque figurait toujours sur la fiche immeuble, même si, pour des motifs non élucidés, elle ne figurait pas sur la fiche propriétaire ; qu'en tout état de cause, la SOVAC avait connaissance d'une difficulté concernant l'hypothèque, même si celle-ci était une simple erreur et que, si elle entendait confier le renouvellement de l'inscription à Me Y..., il aurait été souhaitable qu'elle l'en informe, ce qui aurait conduit ce dernier à s'intéresser à l'hypothèque et à demander à son mandant s'il devait se charger lui-même du renouvellement ou si la SOVAC s'en chargeait par le biais de ses propres services ou par son notaire ; qu'il n'est pas précisé par la demanderesse dans quelles circonstances la SOVAC a eu connaissance du non-renouvellement de l'hypothèque mais qu'en tout état de cause, cette dernière recevait de Me B..., chargé initialement du dossier, un courrier du 17 décembre 2001, confirmant que l'hypothèque qui venait à expiration le 31 mai 2001 n'avait pas été renouvelée ; que c'est alors que la SOVAC, abordant pour la première fois avec Me Y... la question de l'hypothèque, lui a demandé par courrier du 25 janvier 2002, c'est-à-dire après péremption de l'hypothèque, son avis et ses observations sur la situation créée par le non-renouvellement de la sûreté ; qu'il résulte de ce rappel chronologique ainsi que du rappel des échanges entre les parties qu'il n'est pas établi que la mission confiée à Me Y... comportait l'obligation implicite de procéder au renouvellement de l'inscription d'hypothèque ou d'inviter son mandant à y procéder, la question ne lui ayant été soumise explicitement qu'à un moment où plus aucune diligence ne pouvait permettre la conservation des droits de sa cliente dont la sûreté était périmée ; qu'en conséquence, en l'absence de démonstration d'une faute de Me Y... dans l'exécution de son mandat, la Société BCI sera déboutée de l'intégralité de ses demandes (…) » (jugement, p. 3, § 3 et s., p. 4 et p. 5, § 1 à 6) ;

ALORS QU'à supposer même qu'il n'entre pas dans la mission de l'avocat, chargé d'obtenir du juge la condamnation du débiteur, de renouveler les sûretés garantissant le paiement de la créance en vue d'en assurer l'efficacité, en tout état de cause, l'avocat chargé d'obtenir la condamnation du débiteur se doit, au titre de son obligation de conseil, d'alerter son client, quelles que soient ses connaissances et ses compétences, sur la nécessité de renouveler une sûreté telle que l'hypothèque avant sa date d'expiration ; qu'en l'espèce, M. Y..., avocat, avait été chargé de combattre la nullité de l'acte des 5 et 7 juin 1991 portant ouverture de crédit et de former une demande, visant à la condamnation du débiteur, sur le fondement de ce même acte ; que l'acte en cause mentionnait (p. 14) que l'inscription hypothécaire avait effet jusqu'au 31 mai 2001 ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme il le leur était expressément demandé aux termes des conclusions du 10 mars 2009 (p. 9, 10 et 11), s'il n'entrait pas dans la mission de conseil de l'avocat d'alerter la Société SOVAC IMMOBILIER sur la nécessité de procéder au renouvellement de l'hypothèque avant le 31 mai 2001, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des articles 1137 et 1147 du Code civil.

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