Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 9 juin 2010, 08-44.282, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., engagée le 12 décembre 2001 par l'association J.B. Fouque pour l'aide à l'enfance, a postérieurement à une absence prolongée pour maladie, été licenciée le 24 février 2005 ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de déclarer le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et de la débouter de sa demande à titre de dommages-intérêts de ce chef, alors, selon le moyen,

1°/ que le juge ne peut dénaturer les termes d'un acte écrit soumis à son analyse ; que dans la lettre de licenciement du 24 février 2005, l'employeur ne faisait pas état d'une perturbation de l'entreprise occasionnée par l'absence prolongée de la salariée ; que la cour d'appel, qui a affirmé que la lettre de licenciement précisait "la perturbation qu'une telle absence engendre par rapport aux enfants qui lui sont confiés", l'a dénaturée en violation de l'article 1134 du code civil ;

2°/ que la lettre de licenciement doit faire état, d'une part de la perturbation du fonctionnement de l'entreprise occasionnée par l'absence prolongée de la salariée ; que la cour d'appel, qui a affirmé que la lettre de licenciement était suffisamment motivée, a violé les articles L. 1132-1 et L. 1232-6 du code du travail ;

Mais attendu que la cour d'appel a procédé à l'interprétation nécessaire, exclusive de dénaturation, de la lettre de licenciement ;

Et attendu qu'ayant relevé que l'employeur avait, dans cette lettre, précisé à la fois la perturbation que l'absence prolongée engendrait par rapport aux enfants qui lui étaient confiés et la nécessité du remplacement de la salariée, la cour d'appel en a exactement déduit que ce courrier était suffisamment motivé ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de déclarer le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et de la débouter de sa demande à titre de dommages et intérêts de ce chef, alors, selon le moyen,

1°/ que le licenciement d'un salarié absent pour cause de maladie ne peut intervenir que si le fonctionnement de l'entreprise est perturbé par son absence et que ces perturbations entraînent la nécessité pour l'employeur de procéder à son remplacement définitif ; que la réalité et le sérieux du motif de licenciement s'apprécient au jour du licenciement ; que la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé concrètement, au jour du licenciement, l'existence de perturbations occasionnées par l'absence de la salariée, a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article L. 1132-1 du code du travail (anciennement L. 122-45) ;

2°/ que les juges doivent caractériser en quoi le remplacement définitif du salarié s'impose au jour du licenciement ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que l'employeur n'avait pas embauché un autre salarié pour remplacer l'exposante durant son arrêt de travail et qu'il n'a embauché un remplaçant que plus de 5 mois après son licenciement ; qu'en statuant ainsi, alors qu'il résulte de ses propres constatations que le remplacement n'a pas été assuré immédiatement, la cour d'appel a violé l'article L. 1132-1 du code du travail (anciennement L. 122-45) ;

3°/ qu'en tout cas, la réalité et le sérieux du motif de licenciement s'apprécient au jour du licenciement ; que l'existence d'une seule assistante maternelle permanente, invoquée par l'employeur au soutien du licenciement, devait être appréciée au jour de la rupture du contrat de travail notifiée par courrier du 24 février 2005 ; que la cour d'appel, qui s'est fondée sur le fait qu'en 2003 et 2004 un poste d'assistante maternelle existait au sein de l'association, et non sur une situation contemporaine du licenciement, a violé les articles L. 1132-1 et L. 1235-1 du code du travail (anciennement L. 122-14-3 et L 122-45) ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui a apprécié la situation par rapport à la date du licenciement, a constaté l'existence, à cette époque, tant d'une perturbation de l'entreprise à la suite de l'absence de la salariée depuis le 19 juillet 2004 que d'un remplacement définitif de celle-ci dans un délai raisonnable, par l'embauche d'une assistante maternelle suivant contrat à durée indéterminée ; que le moyen n'est pas fondé ;


Mais sur le troisième moyen :

Vu les articles L. 1235-2 et L. 1235-3 du code du travail ;

Attendu qu'après avoir décidé que le licenciement était irrégulier à défaut de respect du délai de cinq jours entre la lettre de convocation à l'entretien préalable et l'entretien, la cour d'appel a débouté la salariée de sa demande de dommages-intérêts au titre de cette irrégularité ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la demande en dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse tend à faire réparer aussi bien le préjudice subi du fait du licenciement sans cause réelle et sérieuse que, le cas échéant, celui résultant de l'irrégularité de procédure suivie par l'employeur, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande en dommages-intérêts en tant qu'elle portait sur l'irrégularité de la procédure de licenciement, l'arrêt rendu le 4 septembre 2007, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;

Condamne l'association Jean Baptiste Fouque pour l'aide à l'enfance aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne l'association Jean Baptiste Fouque pour l'aide à l'enfance à payer à Mme X... la somme de 1 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juin deux mille dix.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils pour Mme X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit le licenciement de Madame X... fondé sur une cause réelle et sérieuse, de l'avoir déboutée de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de sa demande fondée sur l'article 700 du Code de Procédure Civile et dit que les dépens de l'instance seront partagés par moitié entre les parties ;

AUX MOTIFS QU'en son courrier du 24 février 2005 notifiant à Mme X... son licenciement, l'association JB FOUQUE vise la maladie prolongée de l'assistante maternelle du 19 juillet 2004 au 19 janvier 2005 puis au 20 mars 2005 et la nécessité de pourvoir à son remplacement définitif à l'unique poste d'assistante maternelle à titre permanent ; en précisant la perturbation qu'une telle absence engendre par rapport aux enfants qui lui sont confiés ainsi que le caractère définitif de son remplacement, la lettre de licenciement répond suffisamment à l'exigence de motivation prescrite par le 1er alinéa de l'article L 122-14-2 du Code du Travail ;

ALORS QUE le juge ne peut dénaturer les termes d'un acte écrit soumis à son analyse; que dans la lettre de licenciement du 24 février 2005, l'employeur ne faisait pas état d'une perturbation de l'entreprise occasionnée par l'absence prolongée de la salariée ; que la Cour d'appel, qui a affirmé que la lettre de licenciement précisait « la perturbation qu'une telle absence engendre par rapport aux enfants qui lui sont confiés», l'a dénaturée en violation de l'article 1134 du Code civil ;

ALORS QUE la lettre de licenciement doit faire état d'une part de la perturbation du fonctionnement de l'entreprise occasionnée par l'absence prolongée du salarié et, d'autre part, de la nécessité de son remplacement ; que dans la lettre de licenciement du 24 février 2005, l'employeur ne faisait pas état d'une perturbation de l'entreprise occasionnée par l'absence prolongée de la salariée ; que la Cour d'appel, qui a affirmé que la lettre de licenciement était suffisamment motivée, a violé les articles L 1132-1 et L. 1232-6 du Code du Travail (anciennement L 122-14-2 et L 122-45) ;

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit le licenciement de Madame X... fondé sur une cause réelle et sérieuse, de l'avoir déboutée de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de sa demande fondée sur l'article 700 du Code de Procédure Civile et dit que les dépens de l'instance seront partagés par moitié entre les parties ;

AUX MOTIFS QU'il ressort de l'organigramme du personnel de la maison d'enfants «les Saints Anges» que contient le rapport produit contradictoirement qu'a adressé le 17 mai 2004 le Directeur départemental de la PJJ à la Présidence de l'association JB FOUQUE, qu'en 2003 et 2004 un poste d'assistante maternelle existait au sein de l'association ; il ressort du certificat et des six avis d'arrêts de travail versés aux débats qu'au moment de son licenciement, Mme X... était en congé-maladie depuis le 19 juillet 2004 ; le certificat d'arrêt de travail portant à la connaissance de l'association JB FOUQUE que la salariée est atteinte d'une maladie professionnelle date du 21 avril 2005 et a été reçu par le secrétariat de la maison d'enfants «les Saints Anges» le 28 avril 2005, soit bien après la notification du licenciement ; au moment du licenciement, l'association JB FOUQUE n'était donc pas informée que la maladie dont souffrait Mme X... pouvait avoir un lien avec l'exécution de son travail d'assistante maternelle ; elle pouvait donc considérer à bon droit que la salariée était atteinte d'une maladie non professionnelle qui autorise et justifie son licenciement pour absence prolongée pour cause de maladie et nécessité de procéder à son remplacement définitif ; seul le remplacement de Mme X... par une assistante maternelle en contrat à durée déterminée durant son arrêt de travail est de nature à priver de toute justification son licenciement motivé par son absence prolongée et la nécessité de pourvoir à son remplacement définitif ; or, il est constant que durant son absence, le poste de Mme X... n'a fait l'objet d'aucun remplacement provisoire par un salarié intérimaire ou embauché au titre d'un contrat à durée déterminée ; son remplacement définitif a d'ailleurs été pourvu cinq mois après son licenciement à la suite de recherches actives justifiées par les pièces produites contradictoirement par l'embauche d'une assistante maternelle par contrat à durée indéterminée en date du 15 juillet 2005 ; le licenciement auquel a procédé l'association JB FOUQUE ne contrevient donc pas à l'interdiction de licencier un salarié en raison de son état de santé prescrite par le 1er alinéa in fine de l'article L 122-45 du Code du Travail, et comporte donc une cause réelle et sérieuse conformément aux dispositions des articles L 122-14-2 et L 122-14-3 du Code du Travail, eu égard au besoin qu'a la Maison d'Enfants à Caractère Social « Les Saints Anges » de recourir au service d'une assistante maternelle à titre permanent et à la perturbation que causait ainsi l'absence prolongée pour maladie de Mme X... ; le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a alloué à Mme X... une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

ALORS QUE le licenciement d'un salarié absent pour cause de maladie ne peut intervenir que si le fonctionnement de l'entreprise est perturbé par son absence et que ces perturbations entraînent la nécessité pour l'employeur de procéder à son remplacement définitif ; que la réalité et le sérieux du motif de licenciement s'apprécient au jour du licenciement ; que la Cour d'appel, qui n'a pas caractérisé concrètement, au jour du licenciement, l'existence de perturbations occasionnées par l'absence de la salariée, a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article L 1132-1 du Code du Travail (anciennement L 122-45) ;

ALORS surtout QUE les juges doivent caractériser en quoi le remplacement définitif du salarié s'impose au jour du licenciement; qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que l'employeur n'avait pas embauché un autre salarié pour remplacer l'exposante durant son arrêt de travail et qu'il n'a embauché un remplaçant que plus de 5 mois après son licenciement ; qu'en statuant ainsi, alors qu'il résulte de ses propres constatations que le remplacement n'a pas été assuré immédiatement, la Cour d'appel a violé l'article L 1132-1 du Code du Travail (anciennement L 122-45).

ET ALORS en tout cas QUE la réalité et le sérieux du motif de licenciement s'apprécient au jour du licenciement ; que l'existence d'une seule assistante maternelle permanente, invoquée par l'employeur au soutien du licenciement, devait être appréciée au jour de la rupture du contrat de travail notifiée par courrier du 24 février 2005 ; que la Cour d'appel, qui s'est fondée sur le fait qu'en 2003 et 2004 un poste d'assistante maternelle existait au sein de l'association, et non sur une situation contemporaine du licenciement, a violé les articles L 1132-1 et L 1235-1 du Code du Travail (anciennement L 122-14-3 et L 122-45) ;

TROISIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR exclu toute indemnisation au titre de l'irrégularité de la procédure ;

AUX MOTIFS dans la mesure où l'entretien préalable au licenciement s'est tenu deux jours après la date de la lettre recommandée de convocation audit entretien, le licenciement est irrégulier en la forme au regard du délai de cinq jours requis entre la lettre de convocation et l'entretien préalable par les dispositions du 1er alinéa de l'article L 122-14 du Code du Travail ;

ALORS QU'une demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse tend à faire réparer aussi bien le préjudice subi du fait du licenciement sans cause réelle et sérieuse que celui résultant de l'irrégularité de la procédure et toute irrégularité de la procédure de licenciement doit entraîner une condamnation de l'employeur ; que la Cour d'appel, qui a jugé que la procédure était irrégulière, n'a accordé aucune indemnité à ce titre à la salariée ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a violé l'article L 1235-2 du Code du Travail (anciennement L 122-14-4).

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