Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 9 juin 2010, 09-41.040, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 8 janvier 2009), que M. X..., engagé le 12 septembre 2001 par la société GT Nord La Brède en qualité de manutentionnaire spécialisé, a été victime d'un accident du travail, le 18 février 2002 ; qu'ayant repris son travail le 24 février 2002, il a été à nouveau arrêté le 22 juillet 2002 pour une rechute ; qu'après avoir été examiné par le médecin du travail, le 2 et le 16 avril 2004, il a été licencié pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement, le 10 mai 2004 ; que, contestant le bien-fondé de son licenciement, il a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en paiement de diverses sommes ;

Attendu que la société fait grief à l'arrêt d'avoir dit que le licenciement était nul et de l'avoir condamnée à payer au salarié des sommes à titre d'indemnité spéciale de licenciement, d'indemnité de préavis et de dommages et intérêts pour licenciement nul, alors, selon le moyen :

1°/ que la qualification d'accident du travail ou de maladie professionnelle rendant applicables les dispositions des articles L. 1226-9 et L. 1226-10 du code du travail, relève de la compétence exclusive de la CPAM ; qu'il en résulte qu'en cas de non prise en charge par la CPAM d'un accident au titre des accidents du travail, seule la connaissance par l'employeur, à la date du prononcé du licenciement, d'un recours exercé par le salarié contre cette décision est de nature à lui rendre opposables les dispositions précitées ; qu'en l'espèce, M. X..., après avoir été victime d'un accident du travail le 18 février 2002, a été placé en arrêt maladie à compter du 22 juillet 2002, non pris en charge par la CPAM au titre d'une rechute de son accident du travail, aux termes duquel il a été déclaré inapte par le médecin du travail le 16 avril 2004 ; qu'en estimant qu'était nul le licenciement de M. X... pour avoir été prononcé en dehors de toute faute grave et pour un motif en lien avec l'accident professionnel, et sans recueillir l'avis des délégués du personnel, aux motifs inopérants que "M. X... n'avait jamais repris le travail à la suite de sa rechute de juillet 2002 consécutive à l'accident du travail initial de février 2002. Cette circonstance, alors même que la suspension du contrat de travail provoquée initialement par un accident du travail a pu être relayée par une suspension au titre de la maladie, n'autorisait pas l'employeur à considérer qu'il y avait eu un changement de nature juridique relatif à l'origine de la suspension dudit contrat, laquelle restait bien liée à un accident du travail", la cour d'appel, qui n'a nullement caractérisé que la société GT Nord avait connaissance au moment où elle avait notifié le licenciement de M. X... le 10 mai 2004, de la procédure diligentée par ce dernier devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Gironde aux fins de voir reconnaître sa pathologie du pouce droit comme étant une conséquence directe de son accident du 18 février 2002, laquelle n'avait été reconnue comme telle que par décision du tribunal des affaires de sécurité sociale du 1er juillet 2005, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1226-9 et L. 1226-10 du code du travail ;

2°/ subsidiairement, que la déclaration d'inaptitude du salarié à son poste de travail lors de sa visite de reprise, met fin à la période de suspension de son contrat de travail ;q u'il résultait des propres constatations de l'arrêt attaqué que M. X... avait été déclaré inapte à son poste de travail en date du 16 avril 2004 par le médecin du travail à l'issue de la visite de reprise ; qu'en jugeant néanmoins qu'en le licenciant à raison de cette inaptitude, la société GT Nord avait méconnu les dispositions de l'article L. 1226-10 du code du travail qui font interdiction à l'employeur de licencier le salarié victime d'un accident du travail pendant la suspension de son contrat de travail, sauf faute grave ou force majeure, la cour d'appel a violé ensemble les articles L. 1226-9 et L. 1226-10 du code du travail ;

3°/ plus subsidiairement, que le salarié dont le licenciement est nul pour avoir été prononcé pendant la période de suspension de son contrat de travail pour maladie professionnelle, en l'absence de faute grave ou de force majeure, a droit à défaut de réintégration, outre les indemnités de rupture, à une indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite de son licenciement et au moins égale à six mois de salaires, à l'exclusion des indemnités prévues par les articles L. 1226-14 et L. 1226-15 du code du travail ; qu'en accordant en l'espèce à M. X... une indemnité d'un montant minimum de douze mois de salaire et l'indemnité spéciale de licenciement, la cour d'appel a violé ensemble les articles L. 1226-8, L. 1226-14 et L. 1226-15 du code du travail ;

4°/ que les juges du fond ne peuvent accueillir ni rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; que pour démontrer que le reclassement de M. X... était impossible au sein du groupe GT, la société GT Nord versait aux débats tous les courriels qu'elle avait adressés aux autres sociétés du groupe les interrogeant sur l'existence en leur sein d'un poste disponible compatible avec l'état de santé de M. X..., ainsi que les registres d'entrées et de sorties du personnel de ces sociétés, démontrant que seuls des emplois de manutentionnaires caristes incompatibles avec les prescriptions du médecin du travail, et des emplois de conducteurs routiers, ne pouvant être occupés par M. X... qui n'était pas titulaire du permis poids lourds, avaient été pourvus ; qu'en affirmant que "la société GT Nord ne prouve pas de manière certaine ses recherches de reclassement au sein du groupe", sans à aucun moment examiner ni même viser ces pièces, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu que les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent dès lors que l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement ; que l'application de l'article L. 1226-10 du code du travail n'est pas subordonnée à la reconnaissance par la caisse primaire d'assurance maladie du lien de causalité entre l'accident du travail et l'inaptitude ; qu'ayant relevé que le salarié avait bénéficié d'un arrêt de travail, le 22 juillet 2002 pour rechute d'accident du travail initial et qu'il n'avait pas repris le travail ensuite jusqu'à l'engagement de la procédure de licenciement pour inaptitude, la cour d'appel, qui a constaté que l'inaptitude avait au moins partiellement pour origine l'accident du travail et que l'employeur en avait connaissance au moment du licenciement, a légalement justifié sa décision ;

Et attendu qu'abstraction fait du motif justement critiqué par la deuxième branche du moyen mais surabondant, la cour d'appel, qui a constaté par un motif non critiqué qu'il n'était pas justifié par l'employeur de la consultation des délégués du personnel, a décidé à bon droit que les dispositions de l'article L. 1226-10 du code du travail avaient été méconnues et que le salarié était fondé à prétendre à l'indemnité prévue par l'article L. 1226-15 du même code ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société GT Nord aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juin deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils pour la société GT Nord

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de Monsieur X... est nul et d'avoir condamner la société GT NORD à lui verser 18 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul, 2342 euros à titre d'indemnité de préavis et 234, 20 euros à titre de congés payés afférents, 702, 60 euros à titre d'indemnité spéciale de licenciement et 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

AUX MOTIFS PROPRES QUE « La cause de l'inaptitude doit s'apprécier au moment du licenciement. La SAS GT NORD soutient qu'elle ignorait la procédure diligentée devant le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de la GIRONDE aux fins de voir reconnaître la pathologie du pouce droit de Mr X... comme étant une conséquence directe, exclusive et certaine de l'accident du 18 Février 2002 et qu'elle a été, bien au contraire, destinataire d'une déclaration de consolidation de la Caisse de sécurité sociale relative à l'accident du travail.
Pour autant, il est constant qu'en l'espèce, Mr X... n'a jamais repris le travail à la suite de sa rechute de Juillet 2002 consécutive à l'accident du travail initial de Février 2002.
Cette circonstance, alors même que la suspension du contrat de travail provoquée initialement par un accident du travail a pu être relayée par une suspension au titre de la maladie, n'autorisait pas l'employeur à considérer qu'il y avait eu un changement de nature juridique relatif à l'origine de la suspension dudit contrat, laquelle restait bien liée à un accident du travail.
Le médecin du travail, dans le cadre des visites de reprise des 2 et 16 Avril 2004 a indiqué, s'agissant de Mr X... : «Salarié inapte à son poste de travail. A reclasser à un poste de type sédentaire (ne nécessitant aucun effort de manutention ni d'effort physique). Pas de conduite de chariots automoteurs».
Mr X... n' a jamais repris le travail mais a été convoqué à un entretien préalable fixé au 3 Mai qui a été suivi d'une lettre de licenciement en date du 10 Mai.
Dès lors, aux termes de l'article L 122-32-2 du code du travail devenu l'article 1226-9 du même code, le licenciement prononcé dans les conditions susvisées en dehors de toute faute grave reprochée au salarié et pour un motif en lien avec la maladie ou l'accident professionnel est nul et ouvre droit à des dommages intérêts.
Par ailleurs, aux termes des dispositions des articles L.122-32-5 du code du Travail et L.422-1 du même code, il appartenait à la société GT NORD LA BREDE de recueillir l'avis des délégués du personnel dans le cadre d'une procédure de licenciement pour inaptitude d'origine professionnelle.
L'employeur a versé au débat une simple feuille photocopiée évoquant certes le cas de Mr X..., mais dont la production ne permet nullement d'établir qu'il s'agirait là de la consultation des délégués du personnel, encore moins de connaître le sens de leur avis..
En tout état de cause, il est permis de se demander quelle aurait été la raison d'une telle consultation l'employeur ayant estimé à l'époque et continuant à soutenir devant la cour, qu'il ne se trouvait pas dans le cadre légal la rendant nécessaire ;à ce titre, la nullité est encore encourue.
Sur les conséquences du licenciement :Aux termes de l'article L. 122-32-7 du code du travail, MR X... a droit à une indemnité qui ne peut être inférieure à douze mois de salaire.
Le préjudice de ce salarié sera considéré comme important puisqu'il indique, sans être contredit, qu'il n'a pu retrouver d'emploi stable à la suite de ce licenciement.
Toutefois, sa présence dans l'entreprise était relativement récente.
Au vu de ce qui précède, il lui sera alloué, de ce chef de demande, la somme de 18.000 €.
Les sommes allouées à Mr X... au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés sur préavis seront confirmées.
Il en sera de même de l'indemnité légale de licenciement, le salarié se trouvant effectivement dans les conditions légales pour l'obtenir, s'agissant de dispositions applicables à une victime d'accident du travail
Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de paiement de l'indemnité de congés payés, les premiers juges ayant exactement relevé que les périodes d'arrêt de travail successives n'avaient pas pu générer de droit à congés payés. Ayant été obligé de faire, à nouveau, valoir ses droits en cause d'appel, il apparaît équitable d'allouer à Mr X... une indemnité complémentaire de 1000€ sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile »

1. ALORS QUE la qualification d'accident du travail ou de maladie professionnelle rendant applicables les dispositions des articles L1226-9 (ancien L122-32-2) et L1226-10 (ancien L122-32-5) du code du travail, relève de la compétence exclusive de la CPAM; qu'il en résulte qu'en cas de non prise en charge par la CPAM d'un accident au titre des accidents du travail, seule la connaissance par l'employeur, à la date du prononcé du licenciement, d'un recours exercé par le salarié contre cette décision est de nature à lui rendre opposables les dispositions précitées; qu'en l'espèce, Monsieur X..., après avoir été victime d'un accident du travail le 18 février 2002, a été placé en arrêt maladie à compter du 22 juillet 2002, non pris en charge par la CPAM au titre d'une rechute de son accident du travail, aux termes duquel il a été déclaré inapte par le médecin du travail le 16 avril 2004; qu'en estimant qu'était nul le licenciement de Monsieur X... pour avoir été prononcé en dehors de toute faute grave et pour un motif en lien avec l'accident professionnel, et sans recueillir l'avis des délégués du personnel, aux motifs inopérants que « Mr X... n'avait jamais repris le travail à la suite de sa rechute de Juillet 2002 consécutive à l'accident du travail initial de Février 2002. Cette circonstance, alors même que la suspension du contrat de travail provoquée initialement par un accident du travail a pu être relayée par une suspension au titre de la maladie, n'autorisait pas l'employeur à considérer qu'il y avait eu un changement de nature juridique relatif à l'origine de la suspension dudit contrat, laquelle restait bien liée à un accident du travail », la Cour d'appel, qui n'a nullement caractérisé que la société GT NORD avait connaissance au moment où elle avait notifié le licenciement de Monsieur X... le 10 mai 2004, de la procédure diligentée par ce dernier devant le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de la GIRONDE aux fins de voir reconnaître sa pathologie du pouce droit comme étant une conséquence directe de son accident du 18 Février 2002, laquelle n'avait été reconnue comme telle que par décision du TASS du 1er juillet 2005, a privé sa décision de base légale au regard des articles L1226-9 (ancien L 122-32-2) et L1226-10 (ancien L122-32-5) du code du travail ;

2. ALORS SUBSIDIAIREMENT QUE la déclaration d'inaptitude du salarié à son poste de travail lors de sa visite de reprise, met fin à la période de suspension de son contrat de travail ; qu'il résultait des propres constatations de l'arrêt attaqué que Monsieur X... avait été déclaré inapte à son poste de travail en date du 16 avril 2004 par le médecin du travail à l'issue de la visite de reprise; qu'en jugeant néanmoins qu'en le licenciant à raison de cette inaptitude, la société GT NORD avait méconnu les dispositions de l'article L 1226-10 du code du travail qui font interdiction à l'employeur de licencier le salarié victime d'un accident du travail pendant la suspension de son contrat de travail, sauf faute grave ou force majeure, la Cour d'appel a violé ensemble les articles L1226-9 (ancien L 122-32-2) et L1226-10 (ancien L122-32-5) du code du travail ;

3. ALORS ENCORE PLUS SUBSIDIAIREMENT QUE le salarié dont le licenciement est nul pour avoir été prononcé pendant la période de suspension de son contrat de travail pour maladie professionnelle, en l'absence de faute grave ou de force majeure, a droit à défaut de réintégration, outre les indemnités de rupture, à une indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite de son licenciement et au moins égale à six mois de salaires, à l'exclusion des indemnités prévues par les articles L1226-14 et L1226-15 du code du travail ; qu'en accordant en l'espèce à Monsieur X... une indemnité d'un montant minimum de 12 mois de salaire et l'indemnité spéciale de licenciement, la Cour d'appel a violé ensemble les articles L1226-8, L1226-14 et L1226-15 du code du travail ;

ET AUX MOTIFS A LES SUPPOSER ADOPTES QUE « la SAS GT NORD ne prouve pas de manière certaine ses recherches de reclassement au sein du groupe ; que pour ces faits, conformément à l'article L 122-32-7, il y a lieu de condamner la SAS GT NORD au paiement d'une indemnité qui ne peut être inférieure à 12 mois de salaire. Le Conseil prend acte de la décision du bureau de conciliation, et condamne la SAS GT NORD au paiement de l'indemnité compensatrice de préavis soit 2 342,00 €, au paiement de l'indemnité de congés payés sur préavis, 234,20 €, et à l'indemnité spéciale de licenciement, 702,60 € à titre d'indemnité spéciale de licenciement »

4. ALORS QUE les juges du fond ne peuvent accueillir ni rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions; que pour démontrer que le reclassement de Monsieur X... était impossible au sein du groupe GT, la société GT NORD versait aux débats tous les courriels qu'elle avait adressés aux autres sociétés du groupe les interrogeant sur l'existence en leur sein d'un poste disponible compatible avec l'état de santé de Monsieur X..., ainsi que les registres d'entrées et de sorties du personnel de ces sociétés, démontrant que seuls des emplois de manutentionnaires caristes incompatibles avec les prescriptions du médecin du travail, et des emplois de conducteurs routiers, ne pouvant être occupés par Monsieur X... qui n'était pas titulaire du permis poids lourds, avaient été pourvus ; qu'en affirmant que « la SAS GT NORD ne prouve pas de manière certaine ses recherches de reclassement au sein du groupe », sans à aucun moment examiner ni même viser ces pièces, la Cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

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