Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 11 mai 2010, 09-84.011, Inédit
Cour de cassation - Chambre criminelle
- N° de pourvoi : 09-84.011
- Non publié au bulletin
- Solution : Rejet
- Président
- M. Louvel (président)
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Fabrice,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 7e chambre, en date du 25 mai 2009, qui, pour harcèlement moral, harcèlement, agression et exhibition sexuels, l'a condamné à dix-huit mois d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve, et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 222-32 du code pénal, 1382 du code civil, 2, 388, 551, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué, infirmatif sur ce point, a déclaré Fabrice X... coupable du délit d'exhibition sexuelle, l'a condamné à la peine de dix-huit mois d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve et, sur les intérêts civils, l'a condamné, in solidum avec David Y..., à payer à chacune des parties civiles la somme de 2 000 euros à titre de provision à valoir sur la réparation de leur préjudice ;
"aux motifs que l'article 222-32 du code pénal définit l'exhibition sexuelle comme étant le fait d'imposer à autrui dans un lieu accessible au public tout ou partie de son corps dénudé ou paraissant dénudé ; qu'il résulte des déclarations de Jean-Pierre Z... que lors d'un repas entre collègues fin septembre 2006 auquel participaient Fabrice X... et Nathalie A..., étant resté seul avec Fabrice X... à table, celui-ci s'est levé et a sorti son sexe faisant mine de se masturber en regardant en direction de Nathalie A... qui était dans la cuisine ; que le fait que Nathalie A... n'ait pas aperçu le sexe du prévenu est indifférent quant à la constitution du délit d'exhibition sexuelle, qu'il suffit que celui-ci ait sorti son sexe de son pantalon à la vue d'un tiers, Jean-Pierre Z..., dans un lieu accessible à autrui, soit la salle de repas de la mairie ;
"1°) alors que les tribunaux correctionnels ne peuvent statuer que sur les faits dont ils sont saisis ; que le prévenu a été cité directement devant le tribunal correctionnel de Toulon par les parties civiles des chefs de harcèlement moral, de harcèlement sexuel, d'agression sexuelle et d'injure non publique ; qu'en statuant sur des faits distincts d'exhibition sexuelle non visés par l'acte de saisine de la juridiction répressive, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
"2°) alors qu'en toute hypothèse, la citation directe par la partie civile ne saurait saisir la juridiction répressive que des infractions dont elle a personnellement souffert ; qu'en statuant, sur la seule citation directe de Nathalie A... et Fahima B..., sur des faits d'exhibition sexuelle dont le seul témoin était Jean-Pierre Z..., la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;
Attendu que, faute d'avoir été proposé devant les juges du fond, le moyen, mélangé de fait, est nouveau et, comme tel, irrecevable ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 222-22 et 222-27 du code pénal, 1382 du code civil, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Fabrice X... coupable du délit d'agression sexuelle, l'a condamné à la peine de dix-huit mois d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve et, sur les intérêts civils, l'a condamné, in solidum avec David Y..., à payer à chacune des parties civiles la somme de 2 000 euros à titre de provision à valoir sur la réparation de leur préjudice ;
"aux motifs propres que des faits à nature sexuelle, caresse sur la cuisse, baiser forcé pour Fahima B..., tête entre les jambes et ventre léché pour Nathalie A..., ont été commis à plusieurs reprise par les prévenus à l'encontre des deux parties civiles ;
"et aux motifs adoptés que les parties civiles se sont plaintes de faire l'objet de nombreuses sollicitations à caractère sexuel ; qu'ainsi Fahima B... a relaté avoir été caressé sur la cuisse alors qu'elle était en train de manger, par Fabrice X... ; que celui-ci, reconnaissant avoir posé sa main sur la cuisse de la victime, a contesté toute connotation sexuelle de sa part, parlant d'une tape amicale pour reprendre le travail ; que Simona C... a toutefois déclaré aux services de police avoir vu le geste du prévenu sans en donner la même version que lui ; qu'elle a également indiqué avoir reçu les confidences de Fahima B... sur les propositions sexuelles faites par Fabrice X... ; que le récit de Fahima B..., eu égard aux nombreuses dénégations de Fabrice X..., apparaît cohérent et crédible, de la même façon qu'on ne peut mettre en doute sa parole lorsqu'elle indique avoir été embrassée sans son consentement dans l'ascenseur, par Fabrice X... ; qu'il est également établi par les déclarations de Nathalie A... que Fabrice X... a mis sa tête entre ses cuisses, alors qu'elle était assise à table, que Jean-Pierre Z..., agent de sécurité, présent le jour des faits, a confirmé le geste du prévenu ; que Fabrice X... a reconnu ces faits tant devant les services de police qu'à l'audience, expliquant avoir agi par plaisanterie ; qu'il est pourtant le seul à avoir trouvé la chose drôle, Jean-Pierre Z... relatant la gêne de la victime et sa propre incompréhension de l'attitude de Fabrice X... et ce d'autant plus qu'il relatait avoir vu quelques instants auparavant le prévenu, exhiber son sexe, hors la vue de Nathalie A..., occupée dans la pièce d'à côté ; que cette exhibition à la vue de Jean-Pierre Z..., non contestée par Fabrice X... atteste du contexte sexuel dans lequel il se trouvait lorsqu'il a mis sa tête entre les jambes de la victime ; que c'est le même contexte de plaisanterie douteuse qui a présidé à ce que, le jour de la chandeleur, Nathalie A... soit contre son gré maintenue allongée sur une table par Fabrice X... et David Y..., lequel après lui avoir enduit le ventre de crème chantilly, s'est mis à la lécher ; que Simona C..., témoin des faits, a confirmé au tribunal non seulement la présence et le rôle de Fabrice X..., mais également le fait que David Y... a soulevé la blouse de la prévenue pour lui lécher la chantilly qu'il avait préalablement mise sur son ventre ; que David Y... nie toute mauvaise intention de sa part, soulignant que les faits se sont passés dans une ambiance de fête et que tout le monde rigolait ; que Nathalie A... indique pour sa part, s'être débattue et avoir pleuré ; que le tribunal constate, d'une part, que les prévenus ne confirment les propos des victimes que lorsque les faits ont été accomplis en présence de témoins et, d'autre part, qu'ils s'empressent alors d'en minimiser l'importance, niant toute intention coupable, au motif qu'il s'agissait de plaisanterie ; qu'il s'avère cependant que les victimes n'ont pas ressenti les faits dont elles se plaignent comme des plaisanteries douteuses mais bien comme des agressions ; que certains témoins des faits (Jean-Pierre Z... et Simona C...) ont eu le sentiment que les limites de la plaisanterie étaient largement dépassées ; que le caractère sexuel des faits dénoncés ne peut être mis en doute y compris dans l'épisode de la Chandeleur, le fait de dénuder en partie la victime et de lui lécher sur le ventre de la chantilly, en la maintenant, devant être considéré comme une atteinte sexuelle ; (
) ; que les faits allégués (caresse sur la cuisse, baiser forcé pour Fahima B..., tête entre les jambes et ventre léché pour Nathalie A...) constituent des agressions sexuelles dont Fabrice X... et David Y... doivent être déclarés coupables ;
"alors qu'en ne constatant nullement la violence, la contrainte, la menace ou la surprise avec laquelle le prévenu aurait commis l'atteinte sexuelle qui lui est reprochée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale et violé les textes susvisés" ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 222-33 du code pénal, 1382 du code civil, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué, infirmatif sur ce point, a déclaré Fabrice X... coupable du délit de harcèlement sexuel, l'a condamné à la peine de dix-huit mois d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve et, sur les intérêts civils, l'a condamné, in solidum avec David Y..., à payer à chacune des parties civiles la somme de 2 000 euros à titre de provision à valoir sur la réparation de leur préjudice ;
"aux motifs que le délit de harcèlement sexuel prévu par l'article 222-33 du code pénal suppose un comportement qui, dans le dessein d'obtenir des faveurs de nature sexuelle, est caractérisé par l'exploitation d'une situation de subordination ou de dépendance de la victime ; qu'en l'espèce, il résulte des déclarations de Fahima B... qu'elle a reçu à plusieurs reprises des propositions de nature sexuelle de la part de Fabrice X..., que ce dernier lui avait posé la main sur la cuisse, qu'il avait tenté de l'embrasser dans l'ascenseur, que les déclarations de Fahima B... sont confirmées par Simona C... qui avait reçu ses confidences à l'époque des faits ; qu'il est également établi que Fabrice X... avait placé sa tête entre les cuisses de Nathalie A... alors qu'elle était assise à table, que Jean-Pierre Z... présent le jour des faits a confirmé ce geste du prévenu ; que s'il n'est pas contesté, par les prévenus, que le jour de la chandeleur, Nathalie A... a été maintenue contre son gré, allongée, sur la table, tenue par Fabrice X... et David Y..., ce dernier, après lui avoir soulevé sa blouse, avait enduit le ventre de Nathalie A... de crème chantilly et s'était mis à la lécher ; que ces faits dénoncés par les parties civiles et confirmés par des témoins, constituent incontestablement un comportement des deux prévenus ayant pour objet d'obtenir des faveurs de nature sexuelle ; que l'argument des prévenus selon lequel il se serait agi de simples plaisanteries dénuées de tout caractère sexuel ne résiste pas à l'examen des faits ; qu'ils ne peuvent sérieusement soutenir que les propositions de Fabrice X... adressées à Fahima B... de faire l'amour, de la « violer », ainsi que les gestes sans équivoque décrits cidessus (caresse, tête entre les cuisses) et la scène « de la chandeleur » au cours de laquelle les deux prévenus se sont livrés à un simulacre d'acte sexuel à l'égard de Nathalie A... constitueraient un simple amusement entre collègues ; qu'il s'agissait tout au contraire de comportement ayant pour objet d'obtenir de la part de Fahima B... et Nathalie A... des faveurs sexuelles en profitant de la situation de détresse dans laquelle se trouvaient les parties civiles à la date des faits, l'une et l'autre connaissant une situation familiale difficile ; qu'il y a donc lieu de réformer le jugement déféré sur ce point et de déclarer les prévenus coupables du délit d'harcèlement sexuel ;
"1°) alors qu'en ne caractérisant pas en quoi les actes de harcèlement imputés au prévenu tendaient à l'obtention de faveurs de nature sexuelle, la cour d'appel a violé les articles susvisés ;
"2°) alors qu'en ne caractérisant pas l'existence d'une quelconque autorité du prévenu sur les parties civiles dont il aurait abusé et en se référant uniquement à leur état de détresse résultant de leur situation familiale, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, les délits de harcèlement moral, agression et harcèlement sexuels dont elle a déclaré le prévenu coupable ;
D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
FIXE à 2 000 euros la somme que Fabrice X... devra payer à Nathalie E..., épouse A..., au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, Mme Degorce conseiller rapporteur, Mme Anzani conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Villar ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;