Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 26 mai 2010, 09-60.400, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu que les élections des représentants du personnel de l'établissement Technicentre de Quatre Mares de la Société nationale des chemins de fer français (SNCF) se sont déroulées du 20 au 26 mars 2009 ; que trente-huit salariés, mis à disposition de cette société par la société La Pyrénéenne, ont déclaré vouloir exercer leur droit de vote dans cet établissement en indiquant qu'ils remplissaient les conditions légales prévues par la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 ; que lors de la négociation du protocole préélectoral en vue de ces élections, le syndicat Sud rail a demandé que ces salariés soient décomptés dans les effectifs, de sorte que le nombre de délégués à élire devait être de treize et non de onze, et qu'ils soient inscrits sur la liste électorale ; que la SNCF a demandé par écrit à la société La Pyrénéenne de lui donner les informations nécessaires pour contrôler que ces salariés remplissaient les conditions légales de présence et de durée de travail dans l'entreprise utilisatrice ; que sans donner ces informations, La Pyrénéenne a répondu que ces salariés avaient été inscrits sur sa propre liste électorale lors des élections qui s'y étaient déroulées en octobre 2008 et y avaient voté ; que le syndicat Sud rail a saisi le tribunal d'instance de Rouen d'une demande en annulation des élections de l'établissement Technicentre de Quatre Mares de la SNCF en alléguant notamment que la SNCF ne pouvait se prévaloir du refus de la société La Pyrénéenne de lui fournir les informations nécessaires pour exclure ces salariés de l'effectif de l'établissement ou refuser de les inscrire sur la liste électorale et qu'ils n'avaient pas été mis en mesure d'exercer leur droit d'option ;

Sur l'autorité de la chose jugée du jugement préélectoral du 12 mars 2009 :

Attendu que l'application immédiate de la règle résultant d'un revirement de jurisprudence selon laquelle le pourvoi contre un jugement préélectoral est immédiatement recevable ne saurait, sans méconnaître les exigences de l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, priver le demandeur au pourvoi contre un jugement ayant statué sur la validité des élections du droit de critiquer les dispositions du jugement préélectoral non frappé de pourvoi en raison de la jurisprudence antérieure au revirement ;

Sur le moyen unique pris en ses quatres premières branches :

Vu les articles L. 1111-2, L. 2312-8 et L. 2322-6 du code du travail et 1315 du code civil ;

Attendu que pour rejeter la requête du syndicat Sud rail en annulation des élections des représentants du personnel de l'établissement Technicentre de Quatre Mares de la SNCF, le tribunal retient que les salariés mis à disposition doivent être intégrés dans l'effectif de la société utilisatrice pour le calcul des sièges à pourvoir dès lors qu'ils remplissent les conditions prévues par l'article L. 1111-2 du code du travail, qu'il appartient au syndicat demandeur en application de l'article 9 du code de procédure civile d'apporter les éléments de preuve nécessaires au succès de sa prétention et donc d'identifier les salariés dont il entend obtenir l'intégration dans les effectifs ; que trente-huit salariés ont établi une déclaration personnelle aux termes de laquelle ils déclarent avoir pris connaissance de la loi du 20 août 2008, remplir les conditions pour être électeurs et éligibles et vouloir participer au scrutin de la SNCF, transmises à cette dernière par le syndicat Sud rail ; que ces déclarations sont insuffisantes à établir le respect par les salariés des conditions de présence et d'ancienneté, et que si l'employeur est tenu de fournir aux organisations syndicales, lors de la négociation du protocole préélectoral, les éléments nécessaires au contrôle des effectifs, cette obligation n'est impérative qu'en ce qui concerne ses propres salariés, et ne peut l'être s'agissant des salariés mis à disposition par une entreprise extérieure qui détient les informations nécessaires, qu'en l'absence de disposition légale sur ce point, la SNCF s'est conformée à la circulaire du 13 novembre 2008 en écrivant à la société La Pyrénéenne qui ne lui a pas donné la liste des salariés mis à disposition qui rempliraient les critères légaux ; qu'il en résulte que le syndicat Sud rail échoue à apporter la preuve que les trente-huit salariés mis à disposition rempliraient les conditions légales pour être décomptés dans les effectifs de l'établissement Technicentre de Quatre Mares ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il appartient à l'employeur responsable de l'organisation de l'élection de fournir aux organisations syndicales les éléments nécessaires au contrôle des effectifs et de l'électorat et que s'agissant des salariés mis à disposition il doit, sans se borner à interroger les entreprises extérieures, fournir aux organisations syndicales les éléments dont il dispose ou dont il peut demander judiciairement la production par ces entreprises, le tribunal a violé les textes susvisés ;

Et sur les cinquième et sixième branches du moyen :

Vu les articles L. 2314-18-1, L. 2324-17-1, R. 2324-25 et R. 2314-29 du code du travail ;

Attendu que pour débouter le syndicat de sa demande d'annulation des élections de l'établissement Technicentre de Quatre Mares de la SNCF en raison du refus d'inscription sur la liste électorale des salariés de la société La Pyrénéenne mis à disposition de cet établissement qui avaient déclaré vouloir voter à ces élections, le tribunal retient qu'il n'appartient pas à la première de pallier le défaut d'information de la seconde sur l'option qui s'offrait aux salariés mis à disposition lorsqu'ils ont voté le 31 octobre 2008 dans l'entreprise de leur employeur, aucun texte n'imposant à la société utilisatrice de recueillir le choix des salariés, de sorte que le syndicat ne démontre pas que les trente-huit salariés ayant déclaré vouloir voter dans l'entreprise utilisatrice en remplissaient les conditions légales ; que le tribunal retient encore que M. X... qui n'avait pas voté lors des élections de la société La Pyrénéenne n'était pas éligible dès lors qu'il n'avait pas été inscrit sur la liste électorale ;

Attendu cependant que selon les articles L. 2314-18-1 al. 2 et L. 2324-17-1 al.2 du code du travail les salariés mis à disposition, décomptés dans les effectifs en application de l'article L.1111-2 2° du code du travail, qui remplissent les conditions de présence continue de douze mois dans l'entreprise utilisatrice pour être électeurs et de vingt-quatre mois pour être éligibles aux élections des délégués du personnel, choisissent s'ils exercent leur droit de vote dans l'entreprise qui les emploie ou dans l'entreprise utilisatrice ; que ces conditions devant être appréciées lors de l'organisation des élections dans l'entreprise utilisatrice, c'est à cette date que les salariés mis à disposition doivent être mis en mesure d'exercer leur droit d'option ;

Qu'en statuant comme il a fait, alors que le fait que les salariés mis à disposition de la société La Pyrénéenne aient déjà voté dans leur entreprise d'origine ne pouvait en soi les priver de leur droit d'option, le tribunal a violé les textes susvisés ;


PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 7 septembre 2009, entre les parties, par le tribunal d'instance de Rouen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal d'instance de Dieppe ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six mai deux mille dix.

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