Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 13 avril 2010, 08-45.112, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le moyen unique :

Vu les articles R. 1455-6 et R. 1455-7 du code du travail ;

Attendu que l'arrêt attaqué, se prononçant en référé sur une demande de provision, a dit que la rupture du contrat de travail de Mme X... était imputable à son employeur ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le juge des référés n'a pas le pouvoir de se prononcer sur l'imputabilité de la rupture d'un contrat de travail, la cour d'appel, qui a excédé ses pouvoirs, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a dit que le contrat de travail de Mme X... s'était poursuivi avec la société Scotnet à compter du 1er janvier 2007, l'arrêt rendu le 25 septembre 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;

Condamne Mme X... et la société Net et services aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize avril deux mille dix.MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Peignot et Garreau, avocat aux Conseils pour la société Scotnet

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir constaté la rupture du contrat de Madame X... à l'initiative de la société SCOTNET à la date du 8 janvier 2007 et d'avoir en conséquence condamné ladite société SCOTNET à verser à l'intéressée et à titre de provision, diverses sommes et à lui fournir un certificat de travail et des bulletins de paye,

AUX MOTIFS QUE

"il résulte des pièces et conclusions des parties que Mme X... est agent de propreté depuis décembre 1999, son lieu de travail étant le site de la société SODEDAT, 18 rue Etienne Fajon à VILLETANEUSE (93) ;qu'en vertu des dispositions de l'annexe VII à la convention collective des entreprises de propreté, son contrat s'est trouvé transféré successivement aux diverses entreprises de propreté choisies par la société SODEDAT à laquelle s 'est substitué en dernier lieu l'OPAC "Plaine Commune Habitat" ;

ainsi après avoir travaillé pour une société MVS, Mme X... a été reprise à compter du 1" janvier 2004, par la société NET' ET SERVICES, avec laquelle elle a signé le 31 décembre 2003 un contrat stipulant notamment qu'elle effectuerait ses tâches d'agent de propreté, toujours sut le site de la société SODEDAT, aux horaires suivants: du lundi au vendredi de 6h à 9h et de 17h à 20 h et le samedi de 7h à 11h ;

à la fin de l'année 2006, l'OPAC "Plaine Commune Habitat", aux droits de la société SODEDAT, a mis fin au contrat de nettoyage dont était titulaire la société NET' ET SERVICES et a confié le marché à la société SCOTNET ;

les deux sociétés de nettoyage correspondaient entre elles et qu'au terme de cet échange, alors que la société NET' ET SERVICES avait informé Mme X..., le 19 décembre 2006, que son contrat allait être repris par la société SCOTNET, cette dernière société, par télécopie du 29 décembre 2006 a fait savoir à la société NET' ET SERVICES qu'elle ne reprendrait pas le contrat de Mme X... au motif que cette salariée n'était pas affectée sur le chantier de nettoyage qui lui était attribué par l'OPAC ;

par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 8janvier 2007 la société SCOTNET indiquait à la société NET' ET SERVICES qu'en effet, Mme X... effectuait des tâches de gardiennage alors que seul lui avait été confié le marché de nettoyage des locaux de l'OPAC ; que Mme X... n'étant ainsi pas affectée, 30 % au moins de son temps de travail au marché de nettoyage transféré, elle n'avait donc pas l'obligation de reprendre le contrat de cette salariée, en stricte application des dispositions de l'annexe VII à la convention collective ;

ce même 8 janvier 2007, copie de cette lettre était adressée, à Mme X... par la société SCOTNET qui demandait en conséquence à l'intéressée de se rapprocher de son employeur, la société NET' ET SERVICES ; que par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 30 janvier 2007, Mme X... a contesté cette position de la société SCOTNET, affirmant à celle-ci qu'elle occupait 100 % de son temps de travail à des tâches de propreté, conformément aux dispositions de son contrat de travail qui devait donc être repris par elle ;

la société SCOTNET a maintenu par la suite son point de vue, en se prévalant "de courriers de la part de (sa) cliente confirmant qu 'en (sa) qualité de gardienne elle était tenue d'assurer une présence à la loge et la sortie des poubelles, tâches relevant du secteur du gardiennage"
qui ne la concernait pas ;

depuis lors Mme X... - qui s'est trouvée en arrêt de maladie puis en congé de maternité du 2 janvier 2007 jusqu' au 8 janvier 2008 - a vainement adressé ses arrêts de travail à la société SCOTNET qui les lui retournait afin qu'elle les fasse parvenir à la société NET' ET SERVICES ; qu'à l'issue de son congé de maternité , Mme X... a saisi le conseil de prud'hommes, statuant en référé, qui a rendu l'ordonnance présentement attaquée ;

postérieurement à l'introduction de la procédure, la société SCOTNET a elle-même perdu le marché de nettoyage de l'OPAC à compter du 1er juin 2008 ;

il n'est pas discuté qu'en vertu de l'annexe VII à la convention collective des entreprises de propreté, la société SCOTNET était tenue de reprendre à compter du 1er janvier 2007, le contrat de travail des salariés affectés au chantier de nettoyage de l'OPAC, situé à Villenetaneuse, dès lors que les salariés étaient, sur ce chantier, affectés depuis six mois et occupés, au moins 30 % de leur temps de travail ;

en l'espèce, la société SCOTNET conteste que Mme X... ait rempli la seconde de ces conditions, tenant à l'activité effective exercée par la salariée, dont elle soutient qu'elle n'était pas, en l'espèce, consacrée au nettoyage mais au gardiennage de l'immeuble de l'OPAC, de sorte que ne faisant pas partie du chantier de nettoyage repris par ses soins, Mme X... serait, d'après elle, demeurée la salariée de la société NET' ET SERVICES ;

mais considérant que les bulletins de paye délivrés par la société NET' ET SERVICES à Mme X... démontrent que cette dernière était employée en qualité d'agent de propreté à temps plein, soit 151 h 67, par mois conformément d'ailleurs aux dispositions de son contrat de travail ; que si depuis 2005 lui étaient également rémunérés, des travaux correspondant à d'autres tâches que du nettoyage, ceux-ci ("encombrants, containers..." ne dépassant pas 30 heures par mois) figuraient distinctement sur les bulletins de paye et étaient payés à la salariée à titre d'heures supplémentaires ;

en outre, pour soutenir que Mme X... n'aurait pas effectué 30 % de son temps de travail pour la société NET' ET SERVICES, sur le chantier de nettoyage transféré à son profit, la société SCOTNET se prévaut d'une lettre adressée le 5 juillet 2006, six mois avant le transfert du marché, à la société NET' ET SERVICES, dans laquelle l'OPAC reprochait à celle-ci le fait que Mme X... n'avait pas, comme elle le devait, selon elle, "assuré une présence en loge de17h à 20h";

cependant, ces trois heures de présence ne permettent pas, en tout état de cause, d'induire, pour autant, que Mme X... aurait occupé moins de 30 % de son temps de travail pour la société NET' ET SERVICES au chantier de nettoyage transféré -étant rappelé, de surcroît, que Mme X... était rémunérée en heures supplémentaires pour les tâches relevant précisément du gardiennage ;

force est ainsi de constater que la société SCOTNET à qui incombe la charge de la preuve, n'établit pas que Mme X... aurait, comme elle le prétend, occupé moins de 30 % de son temps de travail au chantier de nettoyage repris par elle à compter du 1er janvier 2007, alors que tous les éléments objectifs produits aux débats concourent à démontrer le contraire ;

en vain, la société SCOTNET allègue la délivrance par la société NET' ET SERVICES à Mme X... d'un bulletin de paye (égal à 0) pour le seul mois de mars 2007, puisque cette circonstance -destinée à faciliter à la salariée la perception de ses indemnités de sécurité sociale, comme s'accordent à l'admettre ces deux dernières parties- est sans incidence sur l'argumentation de la société SCOTNET et l'administration de la preuve dont celle-ci a la charge ;

le contrat de Mme X... étant dès lors transférable à la société SCOTNET, le refus de reprendre la salariée, émis par cette société dans sa lettre à Mme X... du 8 janvier 2007, constitue un trouble manifestement illicite que le juge des référés doit faire cesser ; que ne sollicitant plus, comme devant la somme de premiers juges, la poursuite de son contrat au sein de la société SCOTNET, Mme X... est donc en droit d'obtenir du juge des référés une provision sur les indemnités inhérentes à la rupture de son contrat de travail, ainsi imputable à la société SCOTNET,

cette rupture remontant au 8 janvier 2007, il s'ensuit que les sommes allouées en première instance, au titre des salaires postérieurs à cette date, ne peuvent être dues à Mme X... et que l'ordonnance entreprise doit donc être infirmée en toutes ses dispositions, compte tenu de l'évolution du litige; qu'il convient d'allouer en revanche à Mme X..., conformément à ses conclusions devant la Cour, les provisions requises à titre de préavis, d'indemnité de licenciement et d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, dont le montant, en lui-même, n'apparaît ni contestable, ni d'ailleurs contesté ;

la compensation entre le montant de ces indemnités et celui des sommes versées par la société SCOTNET à Mine X..., en exécution de l'ordonnance déférée, sera ordonnée au dispositif ci-après ;

il y a lieu, en outre, d'ordonner à la société SCOTNET -sans que l'astreinte requise soit justifiée, en l'état- de remettre à Mme X... un certificat de travail, une attestation ASSEDIC et des bulletins de paye conformes à la présente décision ; qu'en l'absence de licenciement formalisé, aucune lettre de licenciement ne peut être exigée de la société SCOTNET",

ALORS QUE le juge des référés n'a pas le pouvoir de se prononcer sur l'imputabilité de la rupture d'un contrat de travail, si bien qu'en se prononçant en référé sur une demande de provision, la Cour d'appel qui a dit que la rupture du contrat de travail de Madame X... était imputable à la société SCOTNET, a excédé ses pouvoirs et violé l'article R. 516-31, devenu R 1455-6 et R 1455-7, du Code du travail, ensemble les articles L 1231-1, L 1234-1, L 1234-4 à L 1234-6, L 1234-9 et L 1232-1 et L 1235-1, anciennement L 122-4, L 122-6, L 122-8, L 122-9 et L 122-14-3, du même Code.
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