Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 14 avril 2010, 09-40.987, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre sociale
- N° de pourvoi : 09-40.987
- Publié au bulletin
- Solution : Cassation
- Président
- Mme Collomp
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 4 de la convention du 27 avril 2005 relative à la convention de reclassement personnalisé agréée par arrêté du 24 mai 2005 et les articles L. 1233-65 et L. 1233-67 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., qui avait été engagé le 10 mars 2003 en qualité de directeur informatique par la société de transports routiers Lahaye puis muté au sein de la société Financière de Montmur, a été convoqué à un entretien préalable à un licenciement pour motif économique le 5 octobre 2005 au cours duquel il s'est vu proposé une convention de reclassement personnalisé ; que, l'ayant acceptée le 17 octobre 2005, il a signé le même jour un "protocole portant accord de rupture par acceptation d'une convention de reclassement personnalisé" exposant les motifs économiques de la rupture ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale d'une demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Attendu que pour condamner l'employeur au paiement de dommages-intérêts, l'arrêt retient que le salarié ayant été informé des motifs de la rupture par le protocole d'accord qui constate son adhésion et donc postérieurement à la rupture, celle-ci se trouve dépourvue de cause réelle et sérieuse ;
Attendu cependant que lorsque la rupture du contrat de travail résulte de l'acceptation par le salarié d'une convention de reclassement personnalisé, l'employeur doit en énoncer le motif économique soit dans le document écrit d'information sur la convention de reclassement personnalisé remis obligatoirement au salarié concerné par le projet de licenciement, soit dans la lettre qu'il est tenu d'adresser au salarié lorsque le délai de réponse expire après le délai d'envoi de la lettre de licenciement imposé par les articles L. 1233-15 et L. 1233-39 du code du travail ; que, lorsqu'il n'est pas possible à l'employeur d'envoyer cette lettre avant l'acceptation par le salarié de la proposition de convention, il suffit que le motif économique soit énoncé dans toute autre document écrit remis ou adressé à celui-ci au plus tard au moment de son acceptation ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors qu'il lui appartenait d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur dans le protocole d'accord remis au salarié concomitamment à son acceptation de la convention de reclassement personnalisé, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 janvier 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze avril deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils pour la société La Financière de Montmur
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR déclaré dépourvue de cause réelle et sérieuse la rupture du contrat de travail de Monsieur X... par la SA FINANCIERE DE MONTMUR et condamné en conséquence cette société à lui verser la somme de 35 000 à titre de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS QUE " la Société FINANCIERE DE MONTMUR, qui envisageait un licenciement pour motif économique, a convoqué François X... à un entretien préalable à son licenciement le 28 septembre 2005 ; qu'au cours de cet entretien, tenu le 5 octobre suivant cet employeur, comme il y était obligé, a proposé au salarié d'adhérer à la convention de reclassement personnalisé (C.R.P) puis lui a remis un document de présentation de cette convention dont le contenu est ignoré de la Cour ; que le 17 du même mois, François X... adhérait effectivement à ladite C.R.P et signait un protocole d'accord de rupture rappelant que cette adhésion emportait à sa date rupture du contrat de travail, tandis que lui étaient remis un certificat de travail et un solde de tout compte ;
QU'il résulte de la combinaison des articles L.321-1 et L.321-4-2 alinéa 4 du Code du travail, recodifiés sous les n° L.1233-3 et L.1233-65, qui si l'adhésion du salarié à une convention de reclassement personnalisé entraîne une rupture qui est réputée intervenir d'un commun accord, elle ne le prive pas de la possibilité d'en contester le motif économique ; que François X... a en définitive été informé des motifs de la rupture après son adhésion ; que le protocole d'accord où ils se trouvent pour la première fois énoncés se borne en effet à constater l'adhésion déjà intervenue et la cessation amiable immédiate des relations contractuelles qui en est résultée ; que la rupture ainsi consommée sans que le salarié en ait connu précisément les motifs, et en réalité uniquement motivée par son adhésion est, par suite, dépourvue de cause réelle et sérieuse, étant observé que le respect des formalités prescrites par l'arrêté du 24 mai 2005 portant agrément de la convention relative à la convention de reclassement personnalisé ne dispensait pas l'employeur d'une telle motivation (
)" ;
1°) ALORS QUE la rupture du contrat de travail pour motif économique est régulière dès lors que la volonté de rupture de l'employeur est notifiée au salarié par lettre recommandée dont la motivation permet au juge de contrôler l'existence d'une cause économique réelle et sérieuse et son influence sur l'emploi du salarié ; que lorsque cette rupture intervient d'un commun accord du fait de l'acceptation par le salarié d'une convention de reclassement personnalisé, elle répond aux exigences légales dès lors qu'un écrit motivé manifestant la volonté de l'employeur est notifié au salarié avant que la rupture du contrat ne prenne effet ; qu'en l'espèce, il ressortait des propres énonciations de l'arrêt attaqué qu'une proposition de convention de reclassement personnalisé avait été remise à Monsieur X... lors de l'entretien préalable à son licenciement pour motif économique qui s'était régulièrement tenu le octobre 2005, et qu'un "protocole de rupture portant accord de rupture par acceptation d'une convention de reclassement personnalisé", détaillant les causes économiques du licenciement et formalisant expressément l'accord des parties, avait été signé par elles le 17 octobre suivant, soit le jour même de l'adhésion du salarié à la convention de reclassement personnalisé, et antérieurement à la prise d'effet de la rupture ; qu'en décidant cependant que cette rupture était dépourvue de cause réelle et sérieuse au motif, inopérant, de l'absence d'information écrite du salarié sur ses motifs "avant son adhésion" la Cour d'appel a violé les articles L. 321-1 et L. 321-4-2- I, recodifiés L. 1233-3, L. 1233-5 et L 1233-67 du code du travail ;
2°) ALORS QUE la rupture du contrat de travail résultant de l'acceptation, par le salarié, d'une convention de reclassement personnalisé doit avoir une cause économique réelle et sérieuse qu'en cas de litige, il incombe au juge prud'homal d'apprécier dans les limites des motifs énoncés par l'employeur dans l'écrit concrétisant cette rupture ; qu'en l'espèce, le protocole portant accord de rupture par acceptation d'une convention de reclassement personnalisé du 17 octobre 2005 énonçait les difficultés économiques rencontrées par la Société employeur et leur incidence sur l'emploi du salarié ; qu'il appartenait donc à la Cour d'appel de rechercher si ce protocole répondait aux exigences légales de motivation et si la cause économique de rupture qui y était énoncée était établie ; qu'en s'en dispensant au motif erroné que la rupture "consommée" par l'adhésion du salarié à la convention de reclassement personnalisé proposée, était "en réalité exclusivement motivée par son adhésion" la Cour d'appel, qui a méconnu les termes clairs et précis du protocole du 17 octobre 2005, a violé derechef les textes susvisés, ensemble l'article 1134 du Code civil ;
3°) ALORS QUE en cas d'acceptation, par le salarié, d'une convention de reclassement personnalisé, le contrat de travail est réputé rompu du commun accord des parties à la date d'expiration du délai de réflexion de 14 jours octroyé au salarié ; que la rupture n'est donc pas "consommée" par la seule adhésion du salarié à la proposition qui lui a été faite ; qu'en retenant que le protocole d'accord du 17 octobre 2005 énonçant les motifs du licenciement signé par les parties 12 jours après la remise à ce salarié, lors de l'entretien préalable du 5 octobre précédent, de la proposition de convention de reclassement personnalisé, était tardif comme conclu après l'adhésion du salarié à la convention de reclassement personnalisé, bien que la rupture n'eût pas encore pris effet à sa date la Cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 5 §.1er de la convention du 27 avril 2005 relative à la convention de reclassement personnalisé agréée par arrêté du 24 mai 2005 ;
4°) ALORS QU'en subordonnant la validité de la rupture résultant d'une convention de reclassement personnalisé à la délivrance au salarié d'une information écrite sur les motifs économiques de celle-ci préalablement à son adhésion la Cour d'appel, qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comporte pas, a violé derechef les articles L. 321-1 et L. 321-4-2- I, recodifiés L. 1233-3, L. 1233-5 et L 1233-67 du code du travail.