Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 30 mars 2010, 08-44.236, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre sociale
- N° de pourvoi : 08-44.236
- Publié au bulletin
- Solution : Cassation
- Président
- Mme Collomp
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses première et quatrième branches :
Vu les articles L. 1231-1, L. 1237-2, L. 1235-1 du code du travail ;
Attendu que la prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur qui empêche la poursuite du contrat de travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué rendu sur renvoi après cassation (Soc. 31 janvier 2007 pourvoi n° 04-45. 715), que Mme X..., engagée en 1986 par le groupe Sanofi, y exerçait les fonctions de secrétaire générale de la branche " diagnostics " lorsque le groupe a cédé cette branche à la société Bio rad laboratoires (la société) en 1999 ; que cette société ayant décidé une réorganisation impliquant des licenciements a établi un plan social prévoyant notamment des départs volontaires ; que Mme X... dont le contrat de travail prévoyait une indemnité en cas de départ non fautif imputable directement ou non à l'employeur s'est portée candidate au départ volontaire le 15 mars 2000 sur la base d'une proposition de poste de l'institut Pasteur ; que sa candidature a reçu un avis favorable de la cellule de gestion de la procédure de reclassement ; que la validation du projet de reclassement externe et le bénéfice des indemnités prévues au plan ayant été conditionnés à un accord motivé de l'employeur au plus tard le 5 mai 2000, l'institut Pasteur a rappelé à la salariée que, sans réponse de sa part à cette date, il reviendrait sur sa proposition ; que la société n'ayant pas répondu à la salariée malgré ses demandes, Mme X..., estimant être tenue dans l'ignorance de son avenir professionnel, a pris acte de la rupture de son contrat de travail par lettre du 9 mai 2000, a rejoint l'institut Pasteur et a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Attendu que pour accueillir ces demandes, l'arrêt retient que l'absence de réponse de l'employeur dans le délai prévu par le plan à la demande de validation du projet de reclassement externe de la salariée a constitué un manquement suffisamment grave pour fonder la prise d'acte ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que s'il y avait manquement de l'employeur, celui-ci n'était pas de nature à faire obstacle à la poursuite du contrat de travail, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 juin 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente mars deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils pour la société Bio rad laboratoires.
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que la prise d'acte devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle ni sérieuse, et d'AVOIR condamné l'exposante à verser à Mme X... les sommes de 24142, 44 euros, à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 2414, 24 euros au titre des congés payés sur préavis, 55849, 50 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, 193139, 49 euros à titre d'indemnité contractuelle de rupture, 48284, 87 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse, ainsi que 5000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
AUX MOTIFS QUE « Madame X... engagée le 16 octobre 1986 par le groupe SANOFI devenu SANOFI SYNTHELABO, exerçait les fonctions de secrétaire générale de la branche " Diagnostics " lorsque le groupe a cédé cette branche à la société BIO RAD LABORATORIES par un traité de fusion absorption du 3 juillet 1999 ; Considérant que la société BIO RAD qui avait décidé une réorganisation impliquant des licenciements, a établi un plan social prévoyant notamment des départs volontaires ; considérant que Madame X... s'est portée candidate au départ volontaire le 15 mars 2000 sur la base d'une proposition de poste formulée par l'INSTITUT PASTEUR le 7 mars 2000 ; Considérant que cette candidature a reçu un avis favorable de la part du cabinet BPI chargé de la gestion de la procédure et du reclassement ; considérant que par lettre du 9 mai 2000, la salariée a pris acte de la rupture de son contrat de travail, au motif que l'employeur n'a pas répondu à sa demande ; Considérant que lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur, il y a lieu d'examiner si les griefs qu'il forme sont fondés ; que, dans un tel cas, la prise d'acte de rupture produit les effets d'un licenciement qui, en l'absence de lettre en énonçant les motifs, est dépourvu de cause réelle et sérieuse ; que, dans le cas contraire, la prise d'acte produit les effets d'une démission ; Considérant que le volontariat externe (volontariat au départ) peut concerner n'importe quel salarié sans condition de suppression de poste, la direction se réservant toutefois la possibilité d'exercer un droit de veto. (cf note RH NEWS du 9 mars 2000) ; considérant que le calendrier fixé par la société BIO RAD dans cette note était le suivant, la direction des ressources humaines s'engageant à répondre par écrit aux candidats non retenus : "- entre le 10 / 03 / 00 et le 07 / 04 / 00 envoi demande écrite et motivée au Responsable Ressources Humaines du site de rattachement.- au plus tard le 21104100 ; Réponse du RH après validation de la demande et selon avis de la direction " ; considérant que suite aux réunions du Comité Central d'Entreprise Extraordinaire des 24 / 28 mars 2000 le plan d'accompagnement social et notamment le calendrier de la procédure du volontariat ont été modifiés (cf pièce intimée n° 18 p. 11 et 12) :- " demande écrite et motivée déposée auprès de la Direction des Ressources Humaines avant le avril 2000.- validation du projet parla Direction des Ressources Humaines,- acceptation de la demande par la Direction des Ressources Humaines, la réponse motivée interviendra au plus tard dans les 15 jours suivant la date de clôture du volontariat ; La Direction se réserve un droit de veto afin d'éviter une désorganisation de l'entreprise " ; considérant que ces dispositions sont confirmées par :- la feuille de route diffusée par la direction des ressources humaines indiquant :-21 avril : fin du volontariat ;-23 avril / 5 mai : réponses au volontariat (délai 8 à 15 jours) ;-9 mai : notification des volontaires externes (si accord DDTE) ;- une nouvelle note interne (RH NEWS) du 31 mars 2000 précisant :- report de la date limite pour le volontariat : jusqu'au 21 / 04 / 00 ;- tous les candidats volontaires, qu'il s'agisse du volontariat interne (candidatures sur des postes en interne) ou du volontariat externe (volontariat au départ) ont jusqu'au 21 avril 2000 dernier délai, pour faire acte de candidature par courrier au Responsable des Ressources Humaines ;- une réponse leur parviendra dès que possible et au plus tard le 5 mai " ; que si la notification des départs était conditionnée par l'autorisation de la DDTE, tel n'était pas le cas de la validation des départs qui devait intervenir au plus tard le 5 mai 2000 ; que la société BIO RAD n'a pas répondu à la candidature de Madame X... dans les délais qu'elle avait elle même fixés, laissant ainsi la salariée dans l'ignorance de son sort alors que le délai pour répondre à la proposition d'embauche qui lui avait été faite était expiré (cf lettre de l'INSTITUT PASTEUR du 28 avril 2000) ; que la question du refus éventuel de l'entreprise au départ de Madame X... est sans influence déterminante sur le litige dès lors que la société BIO RIAD n'a jamais répondu à la candidature de l'intéressée ; que le non respect par la société BIO RAD de l'engagement pris dans le plan social caractérise de sa part un manquement fautif préjudiciable à la demanderesse, la privant des droits résultant de son contrat de travail et du plan social ; Considérant que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par la salariée est justifiée, ce qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse : que le jugement sera donc infirmé ; sur les demandes en paiement ! indemnité compensatrice de préavis, congés payés afférents et indemnité conventionnelle de licenciement ; considérant que les sommes réclamées de ces chefs par la salariée sont conformes à ses droits et aux textes applicables ; qu'elles ne sont d'ailleurs pas contestées en leur montant par la défenderesse. Considérant qu'il revient donc à Madame X... les sommes suivantes : indemnité compensatrice de préavis (trois mois) et congés payés afférents : 24 142, 44 euros et 2414, 24 euros : indemnité conventionnelle de licenciement : 55 849, 50 euros : dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse Considérant qu'il y a lieu à application de l'article L. 1235-3 du code du travail ; que Madame X... a retrouvé immédiatement un emploi équivalent à celui qu'elle occupait : qu'une somme de 48 284, 87 euros correspondant à six mois de salaire réparera justement le préjudice qu'elle a subi ; indemnité contractuelle de licenciement : considérant qu'un avenant au contrat de travail de l'appelante du 10 juin 1999 stipule : " la société vous a octroyé une garantie irrévocable destinée à couvrir tous les cas (à l'exception de la faute grave ou lourde) où votre situation dans l'entreprise serait remise en cause, directement ou indirectement, du fait de l'employeur, excepté la mise à la retraite à partir de 65 ans ; en n pareille hypothèse, vous bénéficierez de plein droit d'une indemnité d'un montant équivalent à 24 mois de salaire si votre départ de l'entreprise dans les deux ans à compter du transfert du contrôle de la société. Au delà de cette période, vous conservez le bénéfice d'une indemnité égale à 12 mois de salaire ; cette indemnité sera due en supplément de toutes indemnités à verser en vertu de la loi et des conventions collectives " ; considérant que la rupture du contrat est imputable à l'employeur, ce qui ouvre droit au paiement de l'indemnité ; considérant que l'indemnité de licenciement lorsqu'elle est prévue par le contrat de travail a le caractère d'une clause pénale et peut être réduite par le juge si elle présente un caractère manifestement excessif ; considérant que tel n'est pas le cas en l'espèce, eu égard à l'ancienneté de Madame X... dans la société (14 ans), à son âge, aux responsabilités qui étaient les siennes dans son poste de secrétaire générale et au fait qu'il n'est pas sérieusement contesté qu'une clause identique a été stipulée pour autres cadres de l'entreprise ; considérant qu'il sera donc alloué à l'appelante la somme de 193 139, 52 euros. (24 mois de salaire) ».
1. ALORS QUE lorsque le salarié rompt le contrat non à raison de faits imputables à l'employeur, mais pour entrer au service d'une autre entreprise, la prise d'acte doit produire les effets d'une démission ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a retenu que du fait du retard pris par la société BIO RAD LABORATOIRES à répondre à la demande de départ volontaire formulée par Mme X... dans le cadre du dispositif prévu par le plan de sauvegarde de l'emploi, la salariée, qui de son coté souhaitait rejoindre un nouvel employeur dans un certain délai, avait rompu son contrat avec l'exposante avant d'avoir obtenu une réponse à sa demande de départ volontaire ; qu'il résultait de ces constatations que Mme X... avait rompu le contrat la liant à l'exposante en raison, non du retard que cette dernière avait mis à répondre à sa demande, mais bien de son souhait de rejoindre immédiatement un nouvel employeur ; qu'en retenant néanmoins que la prise d'acte devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle ni sérieuse, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations en violation des articles L. 1231-1, L. 1237-2, L. 1235-1 du code du travail, ensemble de l'article 1134 du code civil ;
2. ET ALORS QUE la prise d'acte ne s'analyse en une rupture aux torts de l'employeur que si les faits invoqués présentent un degré de gravité suffisant ; qu'en l'espèce, au jour de la prise d'acte, l'employeur avait dépassé de quatre jours seulement le délai prévu par le plan social pour donner une réponse aux demandes de départ volontaire, retard que le plan social ne sanctionnait nullement par la perte du droit des salariés à bénéficier du dispositif du plan ; que dès lors, en retenant que le retard de l'employeur justifiait la rupture, la Cour d'appel a, de ce chef également, violé les articles L. 1231-1, L. 1237-2, L. 1235-1 du code du travail, ensemble de l'article 1134 du code civil ;
3. ET ALORS subsidiairement QU'à supposer même que la Cour d'appel ait retenu que l'employeur aurait privé l'intéressée du bénéfice éventuel du dispositif de départs volontaires, un tel agissement ne pouvait être considéré comme suffisamment grave pour justifier la rupture du contrat aux torts de l'employeur ; qu'en décidant du contraire, la Cour d'appel a, de ce chef à nouveau, violé les articles L. 1231-1, L. 1237-2, L. 1235-1 du code du travail, ensemble de l'article 1134 du code civil ;
4. ET ALORS en tout état de cause QU'il résultait des constatations de la Cour d'appel que la notification des départs volontaires n'interviendrait qu'après accord donné auxdits départs par la direction départementale du travail, le 9 mai 2000, soit postérieurement au 5 mai 2000, délai fixé par le nouvel employeur de Mme X... lui indiquant, dans le courrier du 28 avril 2000 visé par la Cour d'appel, qu'il attendait une réponse de sa part « au plus tard le 5 mai 2000 » ; qu'il en résultait qu'en tout état de cause, la salariée n'aurait pu tout à la fois bénéficier des avantages du plan social et rejoindre son nouvel employeur dans les délais impartis par ce dernier ; qu'en décidant néanmoins que le retard mis par l'employeur à répondre à Mme X... l'aurait privée des droits qu'elle aurait éventuellement pu retirer du plan social, justifiant ainsi une rupture aux torts de l'employeur, la Cour d'appel a violé L. 1231-1, L. 1237-2, L. 1235-1 du code du travail, ensemble de l'article 1134 du code civil ;
5. ET ALORS en outre QUE l'employeur soutenait sans être à aucun moment contredit que les 6, 7 et 8 mai 2000 étaient des jours non travaillés dans l'entreprise et que la salariée ayant pris ses congés du 2 au 15 mai 2000, elle n'était pas même revenue dans l'entreprise lorsqu'elle avait pris acte de la rupture de son contrat, ce alors que les réponses aux candidatures aux départs volontaires avaient été déposées dans les casiers des intéressés ; qu'en n'examinant pas si de telles circonstances n'étaient pas de nature à démontrer que l'employeur n'était pas responsable de ce que Mme X... n'avait pas obtenu de réponse de sa part au 9 mai 2000, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
6. ET ALORS enfin QUE l'employeur faisait valoir que la salariée, qui avait de longue date décidé de quitter l'exposante pour occuper le poste éminent de directeur juridique de l'INSTITUT PASTEUR, avait manifestement tenté de profiter frauduleusement du dispositif des départs volontaires, alors qu'elle ne remplissait pas les conditions permettant d'y prétendre ; que l'employeur offrait de le prouver par la production de divers documents (courriers, avis, mémos ) ; qu'en ne se prononçant sur un tel moyen, la Cour d'appel a, de ce chef également, violé l'article 455 du Code de procédure civile.