Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 24 mars 2010, 08-43.996, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le premier et le second moyens, réunis :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 6 juin 2008) que Mme X... a été engagée, par contrat de travail du 19 mai 1999, par la société Exelice, qui commercialise des produits Rank Xerox, en qualité de responsable commerciale "consommables" ; qu'elle a été en arrêt de travail à compter du 18 septembre 2001, d'abord pour maladie puis en raison de son état de grossesse ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale en résiliation judiciaire du contrat de travail le 21 août 2002, puis par lettre du 20 novembre 2002, a pris acte de la rupture du contrat de travail en reprochant à l'employeur la modification unilatérale du contrat de travail résultant de la modification du taux de commissionnement et du retrait du véhicule mis à sa disposition ;

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt d'avoir dit que la prise d'acte de la rupture produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, de l'avoir condamné à payer des indemnités consécutives à cette rupture et des dommages et intérêts pour privation du véhicule au cours de l'arrêt de travail, alors, selon le moyen :

1°/ que l'accord du salarié à la modification de sa rémunération peut résulter d'un ensemble d'éléments qui corroborent l'acceptation de cette modification; qu'en l'espèce, Mme X... avait consenti à ce que la partie variable de sa rémunération soit révisée selon un plan de rémunération variable, qu'elle n'avait jamais contesté l'application du taux de commissions de 12 % sur une base élargie à partir de septembre 2001 et qu'elle n'avait rien réclamé avant la reprise de son travail qui aurait dû avoir lieu en avril 2002 ; qu'en se bornant à dire que la salariée ne pouvait valablement renoncer à ses droits, sans rechercher si son accord ne résultait pas de cet ensemble de faits, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du code civil et L.1231-1 du code du travail ;

2°/ qu'une clause de contrat de travail peut prévoir une variation de la rémunération du salarié dès lors qu'elle est fondée sur des éléments objectifs indépendants de la volonté de l'employeur ; qu'ayant relevé que le contrat de travail ne fixait pas de taux de commission mais renvoyait à un plan de rémunération variable et en se fondant sur la circonstance que ce taux était de 15 % lors de l'embauche du salarié et était passé à 12 %, sans rechercher si cette variation du taux ne résultait pas d'éléments objectifs fixés par la société Xerox dont la société Exelice était le concessionnaire, la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard de l'article L.1231-1 du code du travail ;

3°/ que le salarié étant tenu d'exécuter de bonne foi le contrat de travail, l'employeur ne peut se voir imputer la rupture du contrat dont le salarié a créé délibérément les conditions pour bénéficier des indemnités afférentes ; que la société Exelice a fait valoir que la rémunération variable de Mme X... n'a fait que s'améliorer, que la salariée ne s'est jamais plainte d'une baisse du taux de commission rééquilibrée par une assiette de calcul beaucoup plus large ; qu'elle avait clairement exprimé son intention de ne plus retravailler au sein de la société Exelice dès septembre 2001, qu'elle avait ainsi bénéficié d'arrêts de travail successifs, entrecoupés d'un congé maternité, jusqu'à sa prise d'acte de rupture ; qu'elle avait rejoint une autre entreprise quelques jours après celle-ci ; qu'en ne s'expliquant pas sur ces éléments dont il ressortait que Mme X... avait volontairement causé les conditions de la rupture de son contrat pour l'imputer à la société Exelice, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.1222-1 et L.1231-1 du code du travail ;

4°/ que ne constitue pas une modification du contrat de travail par l'employeur et par conséquent, un comportement fautif de sa part, le retrait à un salarié, pendant la suspension de son contrat de travail, d'un véhicule mis à sa disposition pour exercer son activité ; qu'en jugeant que la société Exelice avait commis une faute en ce qu'elle avait privé Mme X... du véhicule mis à sa disposition dans le cadre de sa fonction de responsable commerciale, durant son arrêt maladie, ce qui constituerait une modification unilatérale de l'employeur de cet avantage, la cour d'appel a violé les articles 1134 du code civil et L.1231-1 du code du travail ;

5°/ que ne constitue pas une faute de la société Exelice, le fait d'avoir retiré à Mme X..., le temps de la suspension de son contrat de travail pour arrêt maladie et congé de maternité, le véhicule qui lui avait été confié pour exercer sa fonction de responsable commerciale ; qu'en condamnant cependant la société Exelice à verser à la salariée des dommages-intérêts pour ce fait, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;

Mais attendu, d'une part, qu'ayant constaté que le taux de commissionnement de 15 % prévu lors de l'embauche était passé à 12 % selon une note de l'employeur du 12 juillet 2000 et exactement retenu, par motifs adoptés, que même si Mme X... avait exprimé l'intention de quitter l'entreprise, l'employeur n'était pas autorisé à s'exonérer du respect des dispositions légales et contractuelles en matière de rémunération, la cour d'appel en a déduit à bon droit que la réduction du taux de commissionnement sans l'accord de la salariée constituait une modification du contrat de travail ;

Attendu, d'autre part, qu'un véhicule de fonction, dont le salarié conserve l'usage dans sa vie personnelle, ne peut, sauf stipulation contraire, être retiré à l'intéressé pendant une période de suspension du contrat de travail ;

Et attendu qu'ayant constaté que l'employeur avait repris, lors de l'arrêt de travail de Mme X..., le véhicule de fonction qui lui était attribué, la cour d'appel en a exactement déduit que ce comportement était fautif et a ainsi justifié l'allocation de dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait de cette privation ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Exelice aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Exelice ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre mars deux mille dix.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux conseils pour la société Exelice

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR dit que la prise d'acte de rupture du contrat de travail par Madame X... produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'AVOIR, en conséquence, condamné la société EXELICE à verser à la salariée des sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents, d'indemnité conventionnelle de licenciement et de contrepartie pécuniaire à la clause de non-concurrence et de congés payés afférents;

AUX MOTIFS QUE le premier grief invoqué par Madame X... à l'appui de sa prise d'acte de rupture du 20 novembre 2002 , tiré de la modification unilatérale de son commissionnement contractuel, repose sur un fait avéré, non contesté par la société EXELICE, puisque d'une part, une note d'application rédigée le 17 juillet 2000 par Monsieur Y..., directeur de la société, informait les salariés qu'à compter du 1er septembre « le pourcentage de rémunération variable sera de 12 % sur la marge réalisée après retrait des frais de transport sur toutes les ventes quelle que soit la taille du compte », d'autre part, Monsieur Y... a aussi reconnu dans un courrier adressé à Madame X... le 4 juin 2002 que son pourcentage de commissionnement était passé de 15 à 12 %, ceci « conformément aux articles 1.5 et 2.3.2 de son contrat de travail » ; que ces stipulations prévoient le versement de la partie variable de la rémunération chaque fin de mois « conformément au plan de rémunération variable et ses notes d'application », le plan en question, dépendant du poste ou du domaine d'activité ou d'une simple décision de l'entreprise et étant « susceptible d'être réaménagé à tout moment en fonction de la politique commerciale de la société », l'article 2.3.2 ajoutant : « Vous déclarez accepter expressément le caractère évolutif des critères de détermination de votre rémunération variable et vous ne sauriez dès lors invoquer une modification de votre contrat de travail encore moins une modification substantielle de celui-ci du seul fait du changement ou de la modification de votre plan de rémunération variable, il s'agirait alors d'un simple changement des modalités d'exécution de votre contrat de travail que vous serez donc tenu d'accepter » ; que ces stipulations sont nulles, en ce que la variation du taux de commission est laissée à la seule volonté de l'employeur ; que la clause est purement potestative et donc contraire à la règle de l'article 1134 alinéa 2 du Code civil, selon laquelle une convention ne peut être révoquée que du consentement mutuel des parties ; qu'en outre, Madame X... ne pouvait valablement renoncer par avance à ses droits de consentir ou on à une modification de son contrat de travail, a fortiori, une modification portant sur un élément aussi essentiel que sa rémunération, peu important que l'employeur soutienne, sans le démontrer, que le nouveau commissionnement était plus avantageux du fait d'une augmentation du nombre de clients ; que dès lors qu'il est reconnu que la commission convenue entre les parties à l'embauche de la salariée était de 15 % bien que ce taux ne figurait pas expressément dans son contrat de travail, qui ne comportait pas non plus en annexe le plan de rémunération variable visé à l'article 1.5, la société EXELICE ne pouvait baisser cette commission de 3% sans recueillir l'accord de Madame X... ; que l'intimée était donc justifiée, nonobstant les stipulations contraires de son contrat de travail, d'invoquer de son défaut de consentement pour rompre ce contrat du fait fautif de l'employeur ; que s'agissant du second grief tiré de la privation durant son arrêt maladie du véhicule de fonction, Madame X... justifie du fait qu'elle disposait d'un véhicule non de service mais de fonction par la production d'une attestation en ce sens d'un ancien collègue de travail, Monsieur Z..., et surtout de ses bulletins de salaire qui mentionnent à compter d'octobre 2000, un « avantage en nature voiture » donnant lieu à valorisation pour un montant de 470 francs puis de 600 francs à partir de juin 2001 ; que la privation de ce véhicule durant son arrêt maladie, qui n'est pas contestée, constituait donc une décision unilatérale de l'employeur de modification de cet avantage, qui avait une nature contractuelle même si le contrat de travail ne le prévoyait pas , de sorte qu'elle formait également un fait fautif et un motif de rupture ; … ; que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail est bien fondée pour au moins deux des manquements invoqués ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE les attestations produites par la société EXELICE relatives aux souhait de Madame X... de quitter l'entreprise pour exercer une activité pour son compte personnel sont également inopérantes ; que même si de telles intentions ont été exprimées, elles n'autorisent en aucun cas l'employeur à s'exonérer du respect des dispositions légales et contractuelles en matière de rémunération ;

ALORS D'UNE PART QUE l'accord du salarié à la modification de sa rémunération peut résulter d'un ensemble d'éléments qui corroborent l'acceptation de cette modification; qu'en l'espèce, Madame X... avait consenti à ce que la partie variable de sa rémunération soit révisée selon un plan de rémunération variable, qu'elle n'avait jamais contesté l'application du taux de commissions de 12 % sur une base élargie à partir de septembre 2001 et qu'elle n'avait rien réclamé avant la reprise de son travail qui aurait dû avoir lieu en avril 2002 ; qu'en se bornant à dire que la salariée ne pouvait valablement renoncer à ses droits, sans rechercher si son accord ne résultait pas de cet ensemble de faits, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du Code civil et L.1231-1 du Code du travail;

ALORS D'AUTRE PART QU'une clause de contrat de travail peut prévoir une variation de la rémunération du salarié dès lors qu'elle est fondée sur des éléments objectifs indépendants de la volonté de l'employeur ; qu'ayant relevé que le contrat de travail ne fixait pas de taux de commission mais renvoyait à un plan de rémunération variable et en se fondant sur la circonstance que ce taux était de 15 % lors de l'embauche du salarié et était passé à 12 %, sans rechercher si cette variation du taux ne résultait pas d'éléments objectifs fixés par la société XEROX dont la société EXELICE était le concessionnaire, la Cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard de l'article L.1231-1 du Code du travail ;

ALORS en tout état de cause que le salarié étant tenu d'exécuter de bonne foi le contrat de travail, l'employeur ne peut se voir imputer la rupture du contrat dont le salarié a créé délibérément les conditions pour bénéficier des indemnités afférentes ; que la société EXELICE a fait valoir que la rémunération variable de Madame X... n'a fait que s'améliorer, que la salariée ne s'est jamais plainte d'une baisse du taux de commission rééquilibrée par une assiette de calcul beaucoup plus large ; qu'elle avait clairement exprimé son intention de ne plus retravailler au sein de la société EXELICE dès septembre 2001, qu'elle avait ainsi bénéficié d'arrêts de travail successifs, entrecoupés d'un congé maternité, jusqu'à sa prise d'acte de rupture ; qu'elle avait rejoint une autre entreprise quelques jours après celle-ci ; qu'en ne s'expliquant pas sur ces éléments dont il ressortait que Madame X... avait volontairement causé les conditions de la rupture de son contrat pour l'imputer à la société EXELICE, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.1222-1 et L.1231-1 du Code du travail ;

ALORS EN OUTRE QUE ne constitue pas une modification du contrat de travail par l'employeur et par conséquent, un comportement fautif de sa part, le retrait à un salarié, pendant la suspension de son contrat de travail, d'un véhicule mis à sa disposition pour exercer son activité ; qu'en jugeant que la société EXELICE avait commis une faute en ce qu'elle avait privé Madame X... du véhicule mis à sa disposition dans le cadre de sa fonction de responsable commerciale, durant son arrêt maladie, ce qui constituerait une modification unilatérale de l'employeur de cet avantage, la Cour d'appel a violé les articles 1134 du Code civil et L.1231-1 du Code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR condamné la société EXELICE à payer à Madame X... une somme de 1000 euros à titre de dommages-intérêts pour la privation du véhicule au cours de son arrêt de travail ;

AUX MOTIFS QUE la privation du véhicule de fonction étant avérée, il est justifié contrairement à ce qu'ont décidé les premiers juges, d'allouer à la salariée, des dommages-intérêts pour le préjudice subi à ce titre ;

ALORS QUE ne constitue pas une faute de la société EXELICE, le fait d'avoir retiré à Madame X..., le temps de la suspension de son contrat de travail pour arrêt maladie et congé de maternité, le véhicule qui lui avait été confié pour exercer sa fonction de responsable commerciale ; qu'en condamnant cependant la société EXELICE à verser à la salarié des dommages-intérêts pour ce fait, la Cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil.
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