Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 10 février 2010, 09-83.563, Inédit
Cour de cassation - Chambre criminelle
- N° de pourvoi : 09-83.563
- Non publié au bulletin
- Solution : Rejet
- Président
- M. Louvel (président)
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Michel,
contre l'arrêt de la cour d'appel de BASSE-TERRE, chambre correctionnelle, en date du 28 avril 2009, qui, dans la procédure suivie contre lui du chef d'abus de confiance, l'a condamné à deux ans d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve, cinq ans d'interdiction de gérer, et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 314-1, 314-10 du code pénal, 388, 551, 591, 593 du code de procédure pénale, manque de base légale, contradiction de motifs ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Michel X... coupable du délit d'abus de confiance pour les faits commis depuis le 5 décembre 1998 jusqu'à courant 2001 et, en répression, l'a condamné à la peine de deux ans d'emprisonnement avec sursis, le condamné étant placé sous le régime de la mise à l'épreuve pendant deux ans, avec obligation d'indemniser la victime, conformément aux articles 132-40 et suivants du code pénal, a prononcé à l'encontre de Michel X... l'interdiction de gérer, diriger, administrer directement ou par personne interposée toute société commerciale ou association pendant une durée de cinq ans et, sur l'action civile, a condamné Michel X... à payer au C. I. M. T devenu Centre interprofessionnel de santé au travail de la Guadeloupe (CIST) la somme de 100 000 euros, toutes causes de préjudice confondues ;
" aux motifs que le tribunal a fait une exacte analyse des faits de la cause qui résultent pour l'essentiel d'un rapport d'audit de M. Y...commandé par le C. I. M. T et des éléments (pièces et témoignages) recueillis par les policiers enquêteurs au cours de l'information ; qu'au regard de ces éléments plusieurs types de détournements sont reprochés au prévenu en sa qualité d'ancien directeur du C. I. M. T ; que, dans la mesure où certains de ces faits sont couverts par la prescription, il convient d'analyser les seuls qui sont postérieurs au 5 décembre 1998 ; que, le prévenu fait valoir à juste titre dans ses conclusions qu'il ne peut lui être reproché des détournements pour des opérations réalisées sur les comptes du service de médecine professionnelle et prévention (S. M. P. P) ; qu'en effet, cette entité créée en 1998 qui fonctionne sous la forme association (de la même façon que le C. I. M. T) avait une autonomie de gestion distincte de celle du C. I. M. T et qu'il est constant que c'est au S. M. P. P qu'il appartenait de recueillir les cotisations versées par les personnes de droit public, particulièrement les communes, la vocation du C. I. M. T étant de recueillir les cotisations des entreprises et personnes privées ; qu'en revanche, Michel X... peut être recherché pour les prélèvements de sommes effectués sur les comptes de la caisse d'action sociale du C. I. M. T qui, même si elle avait une autonomie de gestion, était un satellite du C. I. M. T et ne fonctionnait qu'avec les fonds qui lui étaient versés par celui-ci au profit du personnel ; que, s'agissant des sommes prélevées sur le compte de la caisse d'action sociale (C. A. S) du C. I. M. T, l'analyse détaillée des pièces de l'information permet de retenir comme des détournements frauduleux effectués par Michel X... certains prélèvements par chèques tirés sur le compte S. G. B. A de la CAS-CIMT postérieurement au 5 décembre 1998 :
D 162 D 162 bis : deux retraits par chèques, l'un de 12 000 francs (10 février 1999, l'autre de 2 000 francs (25 novembre 1999) ; parmi vingt-sept chèques, l'un d'un montant de 9 000 francs (15 juin 2000) au profit de M. Z..., ami de Michel X... et PDG de la SA Stenat dans laquelle celui-ci avait des intérêts et des retraits en espèces effectués par le prévenu lui-même à son profit : 4 000 francs (5 février 2001), 5 000 francs (13 mars 2001), 5 000 francs (15 mai 2001) ; que, lors de son interrogatoire du 9 janvier 2004 devant le juge d'instruction, Michel X... a reconnu la réalité de ces prélèvements à son profit ou à celui de tiers, les expliquant comme étant des sommes dues au titre d'un intéressement aux résultats du C. I. M. T ; que, toutefois, le prévenu ne peut ignorer que le C. I. M. T qui fonctionne sous la forme associative n'a aucune vocation à distribuer de telles primes d'intéressement ; que son contrat de travail ne stipule, par ailleurs, aucun intéressement au résultat à son profit, en sus des salaires et primes qui lui étaient versés ; que les autres sommes prélevées par le prévenu à son profit sont soit couvertes par la prescription, soit des détournements effectués au moyen de chèques tirés sur le compte du S. M. P. P ; que Michel X... n'est pas poursuivi pour des détournements commis au préjudice de cette entité, distincte du C. I. M. T ; que, s'agissant des salaires et primes, l'information a permis d'établir que le prévenu, en sa qualité de directeur salarié du C. I. M. T, s'était octroyé de substantielles augmentations de salaire entre février 2000 et septembre 2001, son salaire passant de :
-35 000 francs à 38 000 francs de février à août 2000, soit une augmentation de 3 000 francs X 8 = 24 000 francs,
- de 38 000 francs à 39 000 francs d'octobre 2000 à janvier 2001, soit une augmentation de 4 000 francs X 4 = 16 000 francs,
- de 39 000 francs à 45 000 francs de février à septembre 2001, soit 10 000 francs X 8 = 80 000 francs ; que, si l'article 33 des statuts du C. I. M. T, relatif aux rôle, attribution et pouvoir du directeur, stipule que celui-ci a notamment le pouvoir de " fixer les appointements du personnel ", il ne prévoit nullement que le directeur peut fixer unilatéralement le montant de sa propre rémunération et ainsi s'attribuer des augmentations de salaire, lesquelles ne peuvent que faire l'objet d'un accord avec l'employeur ; qu'en l'espèce, il ne résulte d'aucune des pièces produites aux débats que le président du C. I. M. T ou son conseil d'administration a formalisé de tels accords avec Michel X... pour la période litigieuse ; que les augmentations de rémunération que s'est ainsi octroyées ce dernier pour la période considérée constituent, dès lors, des détournements de fonds au préjudice du C. I. M. T ; qu'il résulte des développements qui précèdent que, dans le cadre du contrat de travail qui le liait au C. I. M. T, Michel X... a, en toute connaissance de cause, détourné à des fins personnelles, et en tout cas étrangères à ses pouvoirs et attributions de directeur, les sommes susvisées (augmentations de salaire, prélèvements sur le compte de la caisse d'action sociale du C. I. M. T), alors qu'elles étaient destinées au fonctionnement normal du C. I. M. T, et ce, au préjudice de celui-ci ; que le délit d'abus de confiance est donc caractérisé à son encontre " ; que Michel X... est délinquant primaire ; qu'il n'en demeure pas moins que pendant de nombreuses années, il a profité de ses fonctions de direction au sein du C. I. M. T, organisme assurant une mission de service public, la médecine du travail, pour s'enrichir frauduleusement au détriment de celui-ci ; que ces agissements délictueux justifient le prononcé à son encontre d'une peine de deux ans d'emprisonnement assorti en totalité du sursis avec mise à l'épreuve, cette sanction étant destinée à surveiller ses efforts de réhabilitation et d'indemnisation de la victime ; que la décision du tribunal d'interdire à Michel X... la gestion et la direction de toute société commerciale ou association pendant cinq ans constitue également une sanction adaptée à la personnalité du prévenu, et qui mérite, dès lors, approbation ; que, sur l'action civile, le C. I. M. T, devenu C. I. S. T, a subi un préjudice financier actuel et certain représenté par les sommes détournées (augmentations de salaire, prélèvement opérés dans la caisse d'action sociale), soit pour montant total de 23 934, 50 euros (ou 157 000 francs) ; que les agissements frauduleux commis par Michel X... lui ont également causé un préjudice moral tout aussi certain en raison de l'atteinte qui a été portée à son image dans le public ; qu'il y a lieu, dès lors, de condamner Michel X... à lui payer la somme de 100 000 euros, toutes causes de préjudice confondues ;
" 1) alors que Michel X... a été prévenu d'avoir commis un abus de confiance au préjudice du seul CIMT ; qu'en constatant que la caisse d'action sociale du CIMT disposait d'une autonomie de gestion par rapport au CIMT tout en retenant la culpabilité de Michel X... pour des sommes prélevées sur le compte de cette caisse, la cour d'appel a entaché son arrêt d'une contradiction de motifs ;
" 2) alors que Michel X... a souligné dans ses écritures que, parmi ses pouvoirs propres pouvant s'exercer sans autorisation préalable du conseil d'administration figurait la possibilité de fixer les appointements du personnel et notamment les siens ; qu'à défaut de rechercher si, en vertu de ses pouvoirs propres, Michel X... pouvait fixer le montant de ses propres appointements, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision " ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 1382 du code civil, 591, 593 du code de procédure pénale, manque de base légale, contradiction de motifs ;
« en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Michel X... coupable du délit d'abus de confiance pour les faits commis depuis le 5 décembre 1998 jusqu'à courant 2001 et, sur l'action civile, l'a condamné à payer au CIMT, devenu Centre interprofessionnel de santé au travail de la Guadeloupe (CIST), la somme de 100 000 euros, toutes causes de préjudice confondues ;
" aux motifs que le C. I. M. T, devenu C. I. S. T, a subi un préjudice financier actuel et certain représenté par les sommes détournées (augmentations de salaire, prélèvements opérés dans la caisse d'action sociale), soit pour montant total de 23 934, 50 euros (ou 157 000 francs) ; que les agissements frauduleux commis par Michel X... lui ont également causé un préjudice moral tout aussi certain en raison de l'atteinte qui a été portée à son image dans le public ; qu'il y a lieu, dès lors, de condamner Michel X... à lui payer la somme de 100 000 euros, toutes causes de préjudice confondues ;
" alors qu'en application du principe de réparation intégrale, la partie civile doit recevoir une indemnisation qui ne doit être ni supérieure ni inférieure au préjudice qu'elle a subi ; qu'en condamnant Michel X... à verser au CIMT une réparation correspondant, pour partie, à un préjudice subi par un tiers, la caisse d'action sociale du CIMT, la cour d'appel a méconnu les dispositions susvisées " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable, et a ainsi justifié l'allocation, au profit de la partie civile, de l'indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ;
D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
FIXE à 2 000 euros la somme que Michel X...devra payer au Centre interprofessionnel de santé au travail de la Guadeloupe, au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Bloch conseiller rapporteur, M. Dulin conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Krawiec ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;