Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 17 février 2010, 08-44.298, Inédit
Cour de cassation - Chambre sociale
- N° de pourvoi : 08-44.298
- Non publié au bulletin
- Solution : Rejet
- Président
- M. Trédez (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 juin 2008), que Mme X... a été engagée le 1er juin 1982, en qualité de secrétaire générale, par la société CDF énergie ; qu'à la suite d'un arrêt de travail à compter du 23 octobre 2003, la salariée a été déclarée par le médecin du travail définitivement inapte à tout poste de l'entreprise ; qu'ayant été licenciée le 24 juin 2004 par lettre visant cette inaptitude et l'impossibilité de reclassement sur un poste en adéquation avec son profil, la salariée a saisi la juridiction prud'homale ;
Sur le premier moyen :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné à payer à la salariée une somme à titre de dommages et intérêts pour inexécution de l'obligation prévue par l'article L. 4121-1 du code du travail, alors, selon le moyen :
1° / que l'employeur est tenu envers ses salariés d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise, notamment en matière de harcèlement moral ; qu'en reprochant à l'employeur d'avoir méconnu cette obligation en se fondant sur des faits insusceptibles de laisser présumer l'existence d'un quelconque harcèlement de la part de M. de Y..., supérieur hiérarchique de la salariée, la cour d'appel a violé l'article L. 4121-1 du code du travail ;
2° / que le juge ne doit pas dénaturer les documents qui lui sont soumis ; qu'en énonçant, pour dire que l'employeur avait méconnu cette obligation, qu'il était médicalement établi que la maladie de Mme Josyane X..., constatée le 23 octobre 2003, était liée à ses conditions de travail, cependant que la lecture de l'arrêt de travail du 23 octobre 2003 n'indiquait nullement que le syndrome dépressif dont souffrait la salariée était en lien avec ses conditions de travail, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;
3° / que le juge ne peut se fonder que sur des éléments de preuve objectifs pour établir la matérialité des faits allégués et ses circonstances ; qu'en énonçant que le docteur Z..., attaché à l'unité de pathologie professionnelle et de santé au travail à l'hôpital de Garches, avait estimé, le 5 décembre 2003, que Mme Josyane X... présentait « un tableau de névrose traumatique avec retour en boucles, angoisse, insomnies réactionnelles » nécessitant sa prise en charge en psychothérapie et un traitement anti-dépressif et que l'altération de sa santé résultait de la dégradation de ses conditions de travail et des pressions imposées par la restructuration de son entreprise » quand cette lettre émanant d'un tiers à la relation de travail rapportait exclusivement la version de la salariée, qui ne pouvait donner lieu à contrôle de la part de ce médecin, et qu'au surplus, cette lettre ne faisait aucune mention de ce que la dégradation des conditions de travail et l'altération de la santé auraient été en lien avec le comportement de M. de Y..., la cour d'appel a violé l'article 1153 du code de procédure civile ;
Mais attendu que l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise, doit en assurer l'effectivité ;
Et attendu qu'après avoir relevé que l'altération de la santé de la salariée résultait de la dégradation de ses conditions de travail et des pressions imposées par la restructuration de son entreprise, la cour d'appel a constaté que la maladie de cette salariée, qui avait eu en octobre 2002 un sérieux malaise à la suite d'un entretien individuel, était liée à ses conditions de travail et que l'employeur, pourtant alerté par plusieurs courriers de celle-ci, n'avait pris aucune mesure pour résoudre les difficultés qu'elle avait exposées ; qu'ayant ainsi, sans dénaturation, caractérisé un manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité de résultat, elle a légalement justifié sa décision ;
Sur le second moyen :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné à payer à la salariée une somme à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :
1° / que seules les recherches de reclassement compatibles avec les conclusions du médecin du travail émises au cours de la visite de reprise, accompagnées le cas échéant d'un examen supplémentaire peuvent être prises en considération pour apprécier le respect par l'employeur de son obligation de reclassement ; que la fiche d'inaptitude délivrée par le médecin du travail indiquait que Mme X... était « inapte à tout postes dans l'entreprise, apte à tous postes équivalents au sein du groupe Total » ; qu'en reprochant à l'employeur d'avoir recherché des postes de reclassements équivalents à l'emploi précédemment occupé cependant qu'il ressortait des recommandations du médecin du travail que ce dernier l'avait invité à procéder à la recherche de tels postes, la cour d'appel a violé l'article L. 1226-10 du code du travail ;
2° / que les juges du fond sont tenus d'analyser les documents de preuve soumis à leur examen ; qu'en considérant que l'employeur avait manqué à son obligation de reclassement dès lors qu'il se serait abstenu de rechercher des postes de reclassement de catégories inférieures cependant qu'il résultait des lettres de demandes de reclassement adressées par l'employeur aux filiales du Groupe qu'il sollicitait toutes opportunités de reclassement au sein des directions, ce dont il résultait nécessairement qu'il avait procédé à une recherche sur des postes de reclassements de catégorie inférieure, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'il appartient à l'employeur, quelle que soit la position prise alors par la salariée, de rechercher les possibilités de reclassement par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations ou transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail au sein de l'entreprise et le cas échéant du groupe auquel elle appartient ; qu'ayant exactement retenu que l'emploi proposé au salarié déclaré inapte à son poste devait être, non pas équivalent, mais aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, la cour d'appel a, par une appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve produits devant elle, constaté que la société CDF énergie ne justifiait pas avoir recherché un poste de catégorie inférieure à celui de secrétaire générale ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société CDF énergie aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société CDF énergie et condamne celle-ci à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept février deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Peignot et Garreau, avocat aux conseils pour la société CDF énergie
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la société CDF ENERGIE à payer à Madame Josyane X... la somme de 30 000 à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice consécutif à l'inexécution de résultat de l'article L. 4121-1 du Code du travail, avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt ;
AUX MOTIFS QUE « les observations que Madame Josyane A... épouse X... portées en annexe de son entretien individuel pour l'année 2002 font apparaître qu'elle se plaint d'« une réduction plus que substantielle » de ses responsabilités et d'une mise à l'écart de certaines réunions et activités ; que par ailleurs, le 7 février 2002 elle a obtenu l'accord du président directeur général de la société pour suivre une formation de 40 heures d'apprentissage de la langue chinoise ; que la poursuite de sa formation a été autorisée et signée le 2 mars 2003, par Monsieur Diego de Y..., président directeur général pour 36 heures supplémentaires ; que cependant, convoquée par le centre de formation le 10 avril 2003, elle a été informée, le 18 avril 2003 de la suspension de cette formation ; que dans sa lettre du 20 novembre 2003, Monsieur de Y... lui répond à cet égard : « enfin je n'épiloguerai pas longtemps sur votre formation en langue chinoise mais vous comprendrez sûrement que son utilité au regard du poste que vous occupez reste à démontrer » ; qu'il résulte des compte-rendus des réunions des 29 avril et 20 mai 2003 portant sur la restructuration de CDF ENERGIE et auxquelles a participé le président de la société que la mise à la retraite de Josyane X..., née en septembre 1941, a été envisagée pour le 31 décembre 2003 ; que par la suite, il n'a pas été donné suite à ce projet et, dans une lettre du 12 novembre 2003 adressée au président-directeur général, la salariée a sollicité un autre poste de travail au sein du groupe ;
que le 20 novembre 2003, Monsieur de Y... a répondu à sa demande comme suit : « il n'existe à ce jour aucune raison de vous proposer un autre poste alors que nous souhaitons que vous poursuiviez pleinement l'exercice de vos fonctions actuelles compte tenu de votre parfaite connaissance de CDF-E » ; que le docteur Z..., attaché à l'unité de pathologie professionnelle et de santé au travail à l'hôpital de GARCHES, a estimé, le 5 décembre 2003, que Madame Josyane X... présentait « un tableau de névrose traumatique avec retour en boucles, angoisse, insomnies réactionnelles » nécessitant sa prise en charge en psychothérapie et un traitement anti-dépressif et que l'altération de sa santé résultait de la dégradation de ses conditions de travail et des pressions imposées par la restructuration de son entreprise ; que l'article L. 4121-1 du Code du travail en imposant à l'employeur de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, met à sa charge une obligation de résultat ; qu'en l'espèce, il est médicalement établi que la maladie de Madame Josyane A... épouse X..., constatée le 23 octobre 2003, est liée à ses conditions de travail ; que dès octobre 2002, les observations qu'elle a portées à la suite de son entretien individuel montraient un sérieux malaise que les circonstances ultérieures ci-avant énumérées ont encore aggravé ; que la direction de la société, pourtant alertée par plusieurs courriers de la salariée, n'a pris aucune mesure pour résoudre les difficultés qu'elle lui a exposées ; que l'inexécution fautive de son obligation d'assurer la protection de la santé physique et mentale de sa salariée a causé à celle-ci un préjudice important puisqu'elle a conduit à l'inaptitude à poursuivre ses fonctions dans l'entreprise ; qu'il sera alloué à Madame Josyane X... une indemnité réparatrice de 30 000 » ;
ALORS D'UNE PART QUE l'employeur est tenu envers ses salariés d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise, notamment en matière de harcèlement moral ; qu'en reprochant à l'employeur d'avoir méconnu cette obligation en se fondant sur des faits insusceptibles de laisser présumer l'existence d'un quelconque harcèlement de la part de Monsieur de Y..., supérieur hiérarchique de la salariée, la Cour d'appel a violé l'article L. 4121-1 du Code du travail ;
ALORS D'AUTRE PART QUE le juge ne doit pas dénaturer les documents qui lui sont soumis ; qu'en énonçant, pour dire que l'employeur avait méconnu cette obligation, qu'il était médicalement établi que la maladie de Madame Josyane X..., constatée le 23 octobre 2003, était liée à ses conditions de travail, cependant que la lecture de l'arrêt de travail du 23 octobre 2003 n'indiquait nullement que le syndrome dépressif dont souffrait la salariée était en lien avec ses conditions de travail, la Cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ;
ALORS ENFIN QUE le juge ne peut se fonder que sur des éléments de preuve objectifs pour établir la matérialité des faits allégués et ses circonstances ; qu'en énonçant que le Docteur Z..., attaché à l'unité de pathologie professionnelle et de santé au travail à l'hôpital de GARCHES, avait estimé, le 5 décembre 2003, que Madame Josyane X... présentait « un tableau de névrose traumatique avec retour en boucles, angoisse, insomnies réactionnelles » nécessitant sa prise en charge en psychothérapie et un traitement anti-dépressif et que l'altération de sa santé résultait de la dégradation de ses conditions de travail et des pressions imposées par la restructuration de son entreprise » quand cette lettre émanant d'un tiers à la relation de travail rapportait exclusivement la version de la salariée, qui ne pouvait donner lieu à contrôle de la part de ce médecin, et qu'au surplus, cette lettre ne faisait aucune mention de ce que la dégradation des conditions de travail et l'altération de la santé auraient été en lien avec le comportement de Monsieur de Y..., la Cour d'appel a violé l'article 1153 du Code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir constaté que la société CDF ENERGIE n'avait pas satisfait à son obligation de reclassement, et dit que le licenciement de Madame Josyane X... était sans cause réelle et sérieuse, et d'avoir, par conséquent, condamné la société CDF ENERGIE à payer à Madame X... diverses sommes à titre d'indemnités de rupture outre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS QU'« il ne ressort d'aucune pièce du dossier que Madame Josyane X... a exigé d'être reclassée à un poste équivalent à celui de secrétaire générale localisé aux ETATS-UNIS ou en CHINE ; qu'il résulte de la lettre de licenciement que la société CDF ENERGIE a recherché un poste de reclassement en adéquation avec son profil, impliquant un niveau de management et de responsabilité équivalent à celui qu'elle avait ; que l'article L. 1226-10 du Code du travail précise que l'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé mais n'exige pas qu'il soit équivalent puisqu'il prévoit, au besoin, la mise en oeuvre de mesures telles que mutations transformations de postes ou aménagements du temps de travail ; qu'en l'espèce, la société CDF ENERGIE qui ne justifie pas avoir recherché un poste de reclassement de catégorie inférieure à celui de secrétaire générale n'a pas satisfait à son obligation de reclassement ; qu'en conséquence, le licenciement de Madame Josyane X... doit être considéré comme dépourvu de cause réelle et sérieuse » ;
ALORS D'UNE PART QUE que seules les recherches de reclassement compatibles avec les conclusions du médecin du Travail émises au cours de la visite de reprise, accompagnées le cas échéant d'un examen supplémentaire peuvent être prises en considération pour apprécier le respect par l'employeur de son obligation de reclassement ; que la fiche d'inaptitude délivrée par le médecin du Travail indiquait que Madame X... était « inapte à tous poste dans l'entreprise, apte à tous postes équivalents au sein du groupe TOTAL » ; qu'en reprochant à l'employeur d'avoir recherché des postes de reclassements équivalents à l'emploi précédemment occupé cependant qu'il ressortait des recommandations du médecin du Travail que ce dernier l'avait invité à procéder à la recherche de tels postes, la Cour d'appel a violé l'article L. 1226-10 du Code du travail ;
ALORS D'AUTRE PART QUE les juges du fond sont tenus d'analyser les documents de preuve soumis à leur examen ; qu'en considérant que l'employeur avait manqué à son obligation de reclassement dès lors qu'il se serait abstenu de rechercher des postes de reclassement de catégories inférieures cependant qu'il résultait des lettres de demandes de reclassement adressées par l'employeur aux filiales du Groupe qu'il sollicitait toutes opportunités de reclassement au sein des directions, ce dont il résultait nécessairement qu'il avait procédé à une recherche sur des postes de reclassements de catégorie inférieure, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.