Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 17 février 2010, 08-45.120, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 11 septembre 2008), que Mme X... a été engagée le 16 janvier 2001 par la société Exécutive process et études, exerçant sous l'enseigne Fet international systems en qualité d'agent administratif ; que le 23 septembre 2002, elle a été victime d'un accident du travail et a été en arrêt de travail jusqu'au 28 septembre 2002 puis en arrêt maladie jusqu'au 18 janvier 2004 ; que convoquée à un entretien préalable fixé au 3 février 2004 auquel elle ne s'est pas rendue, elle a été licenciée le 5 février 2004 «pour absences irrégulières de son poste de travail sans justificatif depuis le 19 janvier 2004» ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale d'une demande tendant à la nullité de son licenciement et au paiement de diverses sommes ;

Sur le premier moyen :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné à payer diverses sommes pour licenciement nul, alors, selon le moyen :

1°/ que le salarié bénéficie d'un examen de reprise du travail par le médecin du travail après une absence d'au moins huit jours pour cause d'accident professionnel ; que cet examen a lieu lors de la reprise du travail et au plus tard dans un délai de huit jours ; que le refus de se soumettre à la visite médicale constitue une faute ; qu'il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué à la fois que la salariée avait écrit à son employeur après la fin de son arrêt de travail qu'elle voulait quitter la société et qu'aucune visite de reprise n'était intervenue après la fin de l'arrêt de travail de la salariée ; qu'en considérant qu'il en résultait que le contrat se trouvait donc suspendu et que l'employeur ne pouvait procéder au licenciement de la salariée en application de l'article L. 1226-9 du code du travail qu'en cas de faute grave ou pour un motif non lié à l'accident du travail et en prononçant en conséquence la nullité du licenciement sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si en manifestant par écrit à son employeur sa volonté de ne pas reprendre le travail, la salariée n'avait pas signifié par là même son refus de se soumettre à la visite médicale de reprise, celle-ci n'étant prescrite qu'en vue de la reprise du travail, et avait ainsi commis une faute justifiant le licenciement, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles R. 4624-21 et R. 4624-22 du code du travail ;

2°/ que tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse ; que le salarié qui ne reprend pas son travail à l'expiration de sa période d'arrêt de travail consécutive à un accident du travail et ne se trouve donc plus dans la période de protection légale donne une cause réelle et sérieuse à l'employeur de le licencier dès lors qu'il perturbe, par son absence, le bon fonctionnement de l'entreprise ; qu'il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que la salariée avait écrit à son employeur après la fin de son arrêt de travail qu'elle voulait quitter la société et qu'un témoin l'a entendue déclarer à l'employeur ne pas vouloir reprendre son poste, ce dont s'évinçait l'existence de l'abandon de poste, constitutif d'une cause réelle et sérieuse de licenciement ; qu'en prononçant néanmoins la nullité du licenciement, la cour d'appel a méconnu les conséquences nécessaires de ses propres constatations et violé l'article L. 1232-1 du code du travail ;

3°/ que lorsqu'une partie demande confirmation de la décision déférée, elle est réputée s'en approprier les motifs et qu'il appartient à la cour d'appel qui décide d'infirmer le jugement entrepris d'en réfuter les motifs déterminants ; qu'en effet, l'intimé, en demandant la confirmation de la décision de première instance, est réputé s'être approprié les motifs des premiers juges ; que par suite, en statuant comme elle l'a fait, sans réfuter les motifs péremptoires de la décision des premiers juges selon lesquels : en premier lieu, il est prévu que la visite médicale obligatoire doit avoir lieu au plus tard dans les huit jours suivant la reprise du travail et il a été constaté que la salariée a précisé à son employeur, par écrit du 22 janvier 2004, son intention de quitter la société et donc par là même de refuser de se soumettre à la visite médicale de reprise du travail et en second lieu, de par son comportement et notamment son absence sans justification depuis le 19 janvier 2004, Mme X... doit être considérée comme une salariée ayant abandonné son poste de travail, ce dont il résulte que le conseil a, suite au refus de la salariée de se soumettre à la visite médicale obligatoire et à son abandon de poste, considéré que ses manquements constituaient un motif réel et sérieux de licenciement, la cour d'appel a violé l'article 954 du code de procédure civile ;

Mais attendu que la cour d'appel, s'en tenant au grief énoncé dans la lettre de licenciement, a estimé, par une interprétation souveraine des termes ambigus de la lettre adressée par la salariée le 22 janvier 2004, que cette dernière n'avait nullement manifesté de manière claire et non équivoque sa volonté de démissionner et qu'il ne pouvait en être déduit l'existence d'une absence au travail ; que sans avoir à procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée et sans encourir les griefs du moyen, elle a exactement décidé que le licenciement, survenu au cours d'une suspension du contrat de travail suite à un accident de travail sans qu'ait eu lieu la visite de reprise et pour un motif autre que ceux prévus à l'article L. 1226-9 du code du travail, était nul, ce qui ouvrait droit pour la salariée à des dommages-intérêts dont le montant a été souverainement apprécié par les juges du fond dès lors qu'il est au moins égal à celui prévu par l'article L. 1235-3 du code du travail et à une indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés afférents ; que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

Sur les deuxième et troisième moyens :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ces moyens qui ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Executive process et études aux dépens ;

Vu l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, condamne la société Executive process et études à payer à la SCP Defrenois et Lévis la somme de 2 200 euros, à charge pour cette dernière de renoncer à percevoir l'indemnité prévue par l'Etat ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Executive process et études à payer à Mme X... la somme de 181,46 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept février deux mille dix.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Vier, Barthélemy et Matuchansky, avocat aux Conseils pour la société Executive process et études

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société FET INTERNATIONAL SYSTEMS à payer à Madame X... les sommes de 8.600 euros d'indemnité pour licenciement illicite avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt, 1.219,59 euros d'indemnité de préavis, 121,95 euros d'indemnité de congés payés, les intérêts légaux de ces deux sommes à compter de la réception par l'employeur de sa convocation en justice, 1.500 euros d'indemnité en répétition des frais de première instance et d'appel non compris dans les dépens avec intérêts légaux à compter de l'arrêt, d'AVOIR ordonné la capitalisation des intérêts échus pour une année entière à compter de la réception par l'employeur de sa convocation en justice, d'AVOIR ordonné la délivrance par la société FET INTERNATIONAL SYSTEMS à Madame X... d'une attestation ASSEDIC conforme ;

AUX MOTIFS QU'aucune visite de reprise n'est intervenue après la fin de l'arrêt de travail pour accident du travail ; qu'il s'ensuit que nonobstant l'arrêt maladie de droit commun qui l'a prolongé, le contrat se trouvait donc suspendu et que l'employeur ne pouvait procéder au licenciement de la salariée en application de l'article L 1226-9 du code du travail qu'en cas de faute grave ou pour un motif non lié à l'accident du travail ; qu'un tel fondement au licenciement n'est pas invoqué ; qu'une lettre de la directrice commerciale indique que le 22 janvier 2004, la salariée a indiqué ne pas vouloir reprendre son poste, sans qu'il puisse en être déduit l'existence d'une absence de Madame X... ; que le licenciement est nul par application de l'article L 1226-13 du code du travail ;

ALORS QUE, D'UNE PART, le salarié bénéficie d'un examen de reprise du travail par le médecin du travail après une absence d'au moins huit jours pour cause d'accident professionnel ; que cet examen a lieu lors de la reprise du travail et au plus tard dans un délai de huit jours ; que le refus de se soumettre à la visite médicale constitue une faute ; qu'il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué à la fois que la salariée avait écrit à son employeur après la fin de son arrêt de travail qu'elle voulait quitter la société et qu'aucune visite de reprise n'était intervenue après la fin de l'arrêt de travail de la salariée ; qu'en considérant qu'il en résultait que le contrat se trouvait donc suspendu et que l'employeur ne pouvait procéder au licenciement de la salariée en application de l'article L 1226-9 du code du travail qu'en cas de faute grave ou pour un motif non lié à l'accident du travail et en prononçant en conséquence la nullité du licenciement sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si en manifestant par écrit à son employeur sa volonté de ne pas reprendre le travail, la salariée n'avait pas signifié par là même son refus de se soumettre à la visite médicale de reprise, celle-ci n'étant prescrite qu'en vue de la reprise du travail, et avait ainsi commis une faute justifiant le licenciement, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles R 4624-21 et R 4624-22 du code du travail ;

ALORS QUE, D'AUTRE PART, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse ; que le salarié qui ne reprend pas son travail à l'expiration de sa période d'arrêt de travail consécutive à un accident du travail et ne se trouve donc plus dans la période de protection légale donne une cause réelle et sérieuse à l'employeur de le licencier dès lors qu'il perturbe, par son absence, le bon fonctionnement de l'entreprise ; qu'il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que la salariée avait écrit à son employeur après la fin de son arrêt de travail qu'elle voulait quitter la société et qu'un témoin l'a entendue déclarer à l'employeur ne pas vouloir reprendre son poste, ce dont s'évinçait l'existence de l'abandon de poste, constitutif d'une cause réelle et sérieuse de licenciement ; qu'en prononçant néanmoins la nullité du licenciement, la cour d'appel a méconnu les conséquences nécessaires de ses propres constatations et violé l'article L 1232-1 du code du travail ;

ALORS QU'ENFIN, lorsqu'une partie demande confirmation de la décision déférée, elle est réputée s'en approprier les motifs et qu'il appartient à la cour d'appel qui décide d'infirmer le jugement entrepris d'en réfuter les motifs déterminants ; qu'en effet, l'intimé, en demandant la confirmation de la décision de première instance, est réputé s'être approprié les motifs des premiers juges ; que par suite, en statuant comme elle l'a fait, sans réfuter les motifs péremptoires de la décision des premiers juges selon lesquels : en premier lieu, il est prévu que la visite médicale obligatoire doit avoir lieu au plus tard dans les huit jours suivant la reprise du travail et il a été constaté que la salariée a précisé à son employeur, par écrit du 22 janvier 2004, son intention de quitter la société et donc par là même de refuser de se soumettre à la visite médicale de reprise du travail (jugement p. 7, alinéas 2 à 4) et en second lieu, de par son comportement et notamment son absence sans justification depuis le 19 janvier 2004, Madame X... doit être considérée comme une salariée ayant abandonné son poste de travail, ce dont il résulte que le conseil a, suite au refus de la salariée de se soumettre à la visite médicale obligatoire et à son abandon de poste, considéré que ses manquements constituaient un motif réel et sérieux de licenciement (p. 7, alinéas 5 à 9), la cour d'appel a violé l'article 954 du code de procédure civile.


DEUXIEME MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société FET INTERNATIONAL SYSTEMS à payer à Madame X... les sommes de 8.600 euros d'indemnité pour licenciement illicite avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt, 1.219,59 euros d'indemnité de préavis, 121,95 euros d'indemnité de congés payés, les intérêts légaux de ces deux sommes à compter de la réception par l'employeur de sa convocation en justice, 1.500 euros d'indemnité en répétition des frais de première instance et d'appel non compris dans les dépens avec intérêts légaux à compter de l'arrêt, d'AVOIR ordonné la capitalisation des intérêts échus pour une année entière à compter de la réception par l'employeur de sa convocation en justice, d'AVOIR ordonné la délivrance par la société FET INTERNATIONAL SYSTEMS à Madame X... d'une attestation ASSEDIC conforme ;

AUX MOTIFS QUE aucune visite de reprise n'est intervenue après la fin de l'arrêt de travail pour accident du travail ; qu'il s'ensuit que nonobstant l'arrêt maladie de droit commun qui l'a prolongé, le contrat se trouvait donc suspendu et que l'employeur ne pouvait procéder au licenciement de la salariée en application de l'article L 1226-9 du code du travail qu'en cas de faute grave ou pour un motif non lié à l'accident du travail ; qu'un tel fondement au licenciement n'est pas invoqué ; qu'une lettre de la directrice commerciale indique que le 22 janvier 2004, la salariée a indiqué ne pas vouloir reprendre son poste, sans qu'il puisse en être déduit l'existence d'une absence de Madame X... ; que le licenciement est nul par application de l'article L 1226-13 du code du travail ;

ALORS QUE, D'UNE PART, le salarié licencié en cours de suspension ne peut obtenir, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, d'indemnité de préavis puisqu'au moment de la rupture, il ne lui est pas possible d'exécuter le préavis ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L 1226-9 du code du travail ;

ALORS QUE, D'AUTRE PART, lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit, s'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus comprise entre 6 mois et moins de deux ans, à un préavis d'un mois ; que cependant le salarié ne devient créancier de l'obligation de préavis qu'à la condition de rester à la disposition de son employeur, sauf si ce dernier l'en dispense ; que la dispense d'exécution du préavis et la renonciation de l'employeur à son exécution par le salarié doivent résulter d'une manifestation de volonté non équivoque, ce dont il résulte que le salarié n'a droit à une indemnité de préavis que si celui-ci est non exécuté du fait de l'employeur ; qu'en condamnant néanmoins la société FET INTERNATIONAL SYSTEMS à payer une indemnité de préavis à Madame X... sans constater que le préavis avait été inexécuté du fait de l'employeur, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article L 1234-1 du code du travail.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société FET INTERNATIONAL SYSTEMS à payer à Madame X... la somme de 400 euros d'indemnité pour non respect de la procédure avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt et d'AVOIR ordonné la capitalisation des intérêts échus pour une année entière à compter de la réception par l'employeur de sa convocation en justice ;

AUX MOTIFS QUE en violation de l'article L 1232-4 du code du travail, la lettre de convocation à l'entretien préalable ne précisait pas l'adresse des services où pouvait être délivrée la liste des conseillers susceptibles d'assister Madame X... pendant l'entretien préalable alors que l'entreprise n'était pas pourvue d'institutions représentatives du personnel ; qu'il en est nécessairement résulté un préjudice ;

ALORS QUE lorsque le juge décide de relever d'office un moyen, il est tenu en toute circonstance de respecter le principe de la contradiction en invitant les parties à s'expliquer sur celui-ci ; qu'en relevant d'office le moyen pris de la violation de l'article L 1232-4 du code du travail sans inviter les parties à s'en expliquer, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile.


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