Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 17 février 2010, 08-20.950, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Donne acte aux consorts X... du désistement de leur pourvoi formé contre les associations Les Orphelins d'Auteuil, le Secours catholique, Les Petits Frères des pauvres et les Chiens guide d'aveugles des Flandres ;

Sur les deux moyens réunis, ci-après annexés :

Attendu qu'Yvonne Y..., qui avait été placée sous curatelle renforcée le 4 juillet 1997, est décédée le 2 février 2002, en l'état d'une donation consentie par acte authentique à M. Jean Z... le 28 mai 1996, d'un testament olographe daté du 1er août 1997 instituant ce dernier légataire universel et de douze codicilles successifs, rédigés entre 1997 et 2000, instituant divers légataires à titre particulier, le codicille daté du 1er octobre 1997 comportant notamment des legs particuliers en faveur de Mmes Danièle, Janine et Nicole X... et de M. Jean-Pierre X..., nièces et neveux de son époux prédécédé ; que sur la demande de ses propres neveux et nièces, M. Yves Y..., Mme Francine Y... épouse A... B..., M. Philippe Y... et Mme Monique Y..., veuve C... (les consorts Y...), l'arrêt attaqué (Douai, 19 mai 2008) a prononcé l'annulation de ces donation, testament et codicilles, en retenant l'insanité d'esprit de la testatrice ;

Attendu que Mme Nicole X... épouse D..., Mme Janine X... épouse E... et Mme Danielle X... divorcée F..., prises tant en leur nom personnel qu'en tant qu'héritières de leur frère Jean-Pierre X... décédé, et Mme Jeanne G... veuve X..., prise en sa qualité d'héritière de son époux (les consorts X...) font grief à cet arrêt d'avoir annulé le codicille du 1er octobre 1997 ;

Attendu que la cour d'appel a relevé, par motifs propres et adoptés, d'abord, qu'Yvonne Y..., âgée en 1997 de 85 ans, subissait une dégradation progressive et constante de ses facultés mentales, était fragile et présentait une suggestibilité médicalement constatée ; ensuite, que M. Z..., profitant de son affaiblissement intellectuel et de l'admiration sans limite qu'elle lui portait, l'avait, par sa présence constante et ses discours, isolée de son entourage habituel et avait provoqué chez elle un ressentiment très important à l'encontre des consorts H..., précédemment institués légataires universels par son mari, puis par elle, et avec lesquels elle entretenait jusqu'alors de bonnes relations ; encore, que par ces manoeuvres et ce conditionnement, M. Z... lui avait suggéré non seulement une donation, lui faisant croire que les biens donnés étaient une réelle charge et non un avantage, mais également un testament à son profit et divers codicilles ; enfin, que les codicilles successifs étaient de plus en plus précis et détaillés, sans contradiction entre eux, alors que les experts désignés dans le cadre de la procédure ayant abouti au placement sous curatelle renforcée d'Yvonne Y... avaient constaté une perte de la mémoire immédiate, ce qui tendait à confirmer qu'elle avait rédigé tous ces actes en étant guidée ; que par ces constatations et appréciations de fait qui caractérisent un ensemble de manoeuvres frauduleuses déterminantes de l'ensemble des libéralités litigieuses, et donc du codicille du 1er octobre 1997, la cour d'appel a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ; qu'aucune des deux branches de chaque moyen ne peut donc être accueillie ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Condamne les consorts X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne les consorts X... à payer aux consorts Y... la somme de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept février deux mille dix.



MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens identiques produits au pourvoi principal par Me Foussard, avocat aux Conseils pour Mmes Nicole et Janine X..., et au pourvoi provoqué pour Mmes Jeanne et Danielle X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

L'arrêt attaqué encourt la censure ;


EN CE QU'il a annulé le codicille du 1er octobre 1997 instituant légataire à titre particulier M. Jean-Pierre X..., Mme Nicole X... épouse de M. D..., Mme Janine X... épouse de M. G..., et Mme Danielle X..., divorcée de M. F... ;

AUX MOTIFS QU'« il résulte de ces dispositions qu'une personne placée sous curatelle peut librement tester et que les dispositions testamentaires qu'elle prend sont valables, sauf à rapporter la preuve de son insanité d'esprit au moment de la rédaction de l'acte ; qu'il appartient à celui qui invoque la nullité du testament de rapporter la preuve de l'état d'insanité d'esprit du testateur, cet état pouvant comprendre toutes les variétés d'affections mentales par l'effet desquelles l'intelligence du disposant aurait été obnubilée ou sa faculté de discernement déréglée ; que cette preuve peut être rapportée par tout moyen et est appréciée souverainement par les juges du fond qui ne sont pas liés par le choix de la mesure de protection décidée dans le cadre d'une procédure de protection mie en place de manière distincte ; qu'en l'espèce, il apparaît que les dispositions testamentaires successives ont été les suivantes :- selon testament du 2 juillet 1980, M. Léon G... avait désigné M. Yves Y..., Mme Monique Y..., M. Philippe Y... et Mme Francine Y..., enfants du frère de son épouse, légataires universels de ses biens. Il avait également prévu à la charge des légataires la délivrance de quelques legs particuliers ;- dans le même esprit, Mme Yvonne Y... a, par testament du 23 juin 1988, soit après le décès de son mari, institué pour légataires universels conjointement pour le tout et chacun indivisément les mêmes consorts Y..., précisant qu'elle souhaitait que Monique ait la villa d'OOSTDUINKERKE et que ses héritiers devaient aider, en cas de besoin, son frère Gabriel ;- par testament du 23 juin 1990, elle a confirmé ses dispositions testamentaires précédentes mais à charge pour ses héritiers d'exécuter des legs particuliers portant sur des bijoux, tableaux ou sommes d'argent ;- par codicille du 23 juin 1992, elle a confirmé ses précédentes volontés et ajouté des legs au profit de Mmes K... (sa femme de ménage) et I... (sa filleule) ;- suite à une hospitalisation consécutive à des problèmes cardiaques le 3 janvier 1997, à son placement sous sauvegarde de justice le 17 janvier 1997 puis sous curatelle renforcée par décision du 4 juillet 1997, Mme Yvonne Y... va, par testament du 1er août 1997, révoquer toutes les dispositions testamentaires précédentes et instituer pour légataire universel, avec des charges indiquées, M. Jean Z... ; les charges sont des legs particuliers à délivrer à Mme K... (une maison et une somme d'argent), à Mme Danièle X... F... (une maison et 100. 000 francs), à Mme L... (une maison et 100. 000 francs). Elle précise qu'en cas de prédécès de M. Jean Z..., c'est Mme Marie-José M... qui sera légataire universel en ses lieux et places ;- par codicille du 1er octobre 1997, elle ajoute un legs particulier à délivrer aux Orphelins Apprentis d'Auteuil (6 immeubles) et à l'Association les Chiens Guides des Flandres (4 immeubles) ;- par codicille du 1er octobre 1997, elle complète ses volontés et lègue à chacun des 4 enfants de Mme Jeanne X... née G... (Danièle, Jean-Pierre, Janine et Nicole) une propriété, au Secours catholique trois immeubles, aux Petits Frères des Pauvres un immeuble et à nouveau 100. 000 francs à Mme K... et M. et Mme J... et N... ;- par codicille du 24 septembre 1998, elle précise qu'elle impose que sa succession soit réglée par Me O..., notaire à LILLE, ou son successeur (elle avait auparavant dévolu cette charge à Me P...) ;- par codicille du 25 septembre 1998, elle supprime le legs de deux maisons aux Orphelins Apprentis d'Auteuil au profit de son légataire universel et lègue son domicile à Mme K..., sa femme de ménage, si cette dernière est toujours à son service au jour de son décès ;- par codicille du 18 novembre 1998, elle indique « je vous prie de porter à mon testament l'additif suivant : les personnes que j'ai désignées dans mon testament, si celles-ci se joignent et prennent partie avec la famille Y... que je déshérite, ces personnes seront déchues et privées de la totalité des biens que je leur donne » ;-- par codicille du 5 mai 1999, elle précise qu'elle ne veut pas que les frais et droits de succession relatifs aux legs particuliers soient à la charge de son légataire universel ;- par codicille du 1er juin 1999, elle ajoute que si les biens objets des legs étaient vendus avant sa mort, leur valeur serait remise au légataire. Elle fait état de ce qu'elle ne veut pas que le contenu du legs universel soit connu et elle demande au notaire de faire des déclarations de succession individuelles pour chaque légataire ;- par codicille du 23 juillet 1999 rédigé suite au décès de Mme K..., elle indique que les biens qui devaient revenir à cette dernière seront au bénéfice du légataire universel ;- par codicille du 15 décembre 1999, elle indique léguer les immeubles 11, 13 et 15 rue Franklin à LYS-LES-LANNOY à l'Association des Orphelins d'Auteuil ;- par codicille du 23 février 2000, elle indique que son légataire universel devra donner la moitié des sommes placées en assurance vie à l'Association les Petits Frères des Pauvres ;- par codicille du 20 mars 2000, elle précise que le legs fait le 23 février 2000 ne concerne que les sommes placées en capital et non les intérêts qui reviendront au légataire ;- par codicille du 8 avril 2000, elle mentionne que les deux contrats d'assurance vie concernés par les dernières dispositions sont ceux souscrits auprès de GUARDIAN PRIVILEGE, les sommes figurant sur les autres contrats d'assurance vie souscrits devant revenir à son légataire universel ; que le testament du 1er août 1997 et les douze codicilles avaient été déposés chez Me O..., notaire ; que jusqu'en 1996, les relations des consorts Y... avec leur tante étaient bonnes, tel que cela résulte des différents courriers échangés entre eux ; que dans cette optique, Mme Yvonne Y..., confirmant par là-même les dernières volontés de son époux prédécédé, avait fait des quatre enfants de son frère ses légataires universels ; qu'il ressort des rapports médicaux des docteurs Q... et R... effectués dans le cadre de la procédure ayant abouti au placement sous curatelle renforcée de Mme Y... que cette dernière présentait, en 1997, un amoindrissement de ses facultés mentales liées à l'âge (elle avait 84 ans) et qu'elle avait rencontré au début de l'année 1997 des problèmes cardiaques importants ; que cependant, ces éléments apparaissent à eux seuls insuffisants pour caractériser une insanité d'esprit mais ils permettent d'affirmer une fragilité et surtout une suggestibilité de Mme Yvonne Y... ; ¨ ainsi, selon le Docteur Q... (rapport en date du 31 janvier 1997), Mme Yvonne Y... s'exprime correctement mais son discours révèle des lenteurs, des persévérations nombreuses, des répétitions et des exagérations. Elle est très suggestible, ne prend pas de distance et s'emporte. Elle est renfermée sur elle-même Le médecin relève que son jugement est altéré ; ¨ le Docteur R... a quant à lui noté en mars 1997 des troubles discrets de la mémoire avec oubli immédiat dans le cours de la conversation. Il constate également que Mme Yvonne Y... est très influençable ; ¨ le 19 août 1997 et le 25 août 1997, les docteurs T... et U... ont cependant attesté que Mme Yvonne Y... ne présentait aucune altération de ses facultés mentales. Cependant, ces certificats médicaux ne remettent pas en cause les expertises des docteurs Q... et R..., plus détaillées et circonstanciées ; que les différents courriers de Mme Yvonne Y... versés au débat confirment cet état de santé : ainsi, ils restent cohérents dans leur ensemble malgré des répétitions et des redites ; que cependant, certains signes de troubles sont visibles dès 1996 : ainsi, dans un courrier du 19 mai 1996, Mme Yvonne Y... termine sa lettre à son frère par la phrase suivante (après s'être plainte des impôts qu'elle devait acquitter) « j'espère que la France se réveillera grâce à la vache folle et au sexe » ; que dès 1996, la présence de M. Jean Z... aux côtés de cette personne fragile a été quasi permanente ; qu'alors qu'il n'est en rien établi que ce dernier était effectivement un ami de M. G... puisqu'il n'est justifié avant le décès de ce dernier que de relations d'affaires, M. Z... a pris en main les affaires de Mme Y... ; qu'il ressort des courriers que cette dernière envoyait à ses neveux et nièces qu'elle avait une admiration sans limite pour lui et qu'elle était très influencée par lui (elle indique « heureusement que cet ami a pris en charge mes dossiers », « heureusement que cet ami qui me dépanne toujours est revenu de suite, par avion » …) ; que dans le cadre de son audition par le Tribunal de grande instance de LILLE suite à son recours pour l'ouverture de la mesure de curatelle, elle a expliqué que la donation de terres, avec un fermier qui ne payait pas, était en fait une charge, et qu'elle envisageait de dédommager M. Z... (qui avait dû régler les droits de mutation) d'avoir accepté de prendre ces terres ; que ces propos témoignent de l'absence totale de conscience de Mme Y... quant à la portée de cet acte de donation ; que Mme Y... va être conduite à changer littéralement ses habitudes et à rompre avec les personnes qui l'entouraient ; qu'ainsi, alors que Me P... était le notaire habituel depuis de longues années du couple G...- Y..., l'acte de donation va être recueilli par Me R..., et les différents testament et codicilles par un troisième notaire, Me O..., que Mme Y... va désigner exécuteur testamentaire ; que Mme S... (femme du filleul de Mme Y...) a attesté que M. Z... avait une véritable emprise sur Mme Y... depuis 1996, qu'il avait certainement des vues sur son patrimoine et qu'il l'isolait de son entourage ; qu'elle remarque que ce Monsieur ne souhaitait en tout état de cause la rencontrer et qu'il l'évitait ; que M. L..., ami du couple G...- Y..., indique également qu'il s'est chargé pendant plusieurs années d'effectuer les déclarations de revenus de Mme Yvonne Y... après le décès de son époux ; qu'il atteste de la présence de M. Z... auprès de Mme Y..., de l'admiration sans bornes que celle-ci lui portait et de la gêne qu'il a ressentie quand, venu voir Mme Y..., il s'est retrouvé en présence de M. Z... ; que parallèlement, et alors que ses relations avec la famille Y... étaient bonnes, Mme Yvonne Y... va être amenée à nourrir à leur encontre une rancune tenace et une colère importante :- suite à des retraits en espèces constatés sur ses comptes, M. Gabriel Y... et ses enfants vont, en effet, saisir le juge des tutelles pour ouvrir à l'égard de Mme Yvonne Y... une mesure de protection ; cette dernière va estimer qu'il existait une volonté de la spolier ;- elle va donc révoquer toutes les procurations qu'elle avait consenties à Monique Y... (accompagnée, lors de ses rendez-vous bancaires, par un Monsieur, selon l'attestation de la Société Bank & Trust) ;- alors qu'elle leur avait laissé la jouissance d'une villa en Belgique, indiquant sa volonté de transmettre cette villa à Monique à son décès et refusant que « des étrangers » y séjournent, elle va leur réclamer un loyer important, les menacer d'expulsion avant de vendre l'immeuble ;- elle va « déshériter » la famille Y..., menaçant ceux qui prendraient parti pour eux au même sort ;- malgré le fait que les fonds retirés de ses comptes lui aient été intégralement restitués, elle va, dans un courrier à son notaire, indiquer sa volonté de poursuivre les consorts Y... en justice, mandatant le notaire pour poursuivre cette action, même après sa mort ; qu'il résulte de ces éléments que M. Jean Z..., profitant d'un affaiblissement intellectuel de Mme Yvonne Y..., va, par sa présente constante et ses discours, profitant de l'admiration que lui portait cette dernière, l'isoler de son entourage habituel (amis, famille) et provoquer chez elle un ressentiment très important à l'encontre des consorts Y..., avec lesquels elle avait pourtant auparavant de bonnes relations ; que, par ces manoeuvres et ce conditionnement, il va lui suggérer non seulement une donation (lui faisant croire que les biens donnés étaient une réelle charge et non un avantage) mais également un testament et divers codicilles ; qu'ainsi, le testament du 1er août 1997 qui institue M. Z... légataire universel va, en plus, prévoir qu'en cas de prédécès de ce dernier Mme M... le remplacera en cette qualité ; que cependant, cette femme n'apparaît pas être une connaissance ou même une relation de la défunte ; que Mme Yvonne Y... va donc instituer une personne qui lui est totalement étrangère, légataire universel en cas de prédécès de M. Z..., ce qui démontre clairement l'influence sur elle de ce dernier ; que, de plus, les divers codicilles sont très précis et détaillés, sans contradictions entre eux, alors que les experts avaient constaté une perte de la mémoire immédiate de Mme Yvonne Y..., ce qui tend à confirmer que cette dernière a rédigé tous ces actes en étant guidée ; qu'elle y précise ainsi les numéros de contrats d'assurance vie, les modalités d'attribution des capitaux placés, des intérêts y afférents, prévoit le règlement des charges de succession.. ; que ces éléments permettent de caractériser des manoeuvres faites par M. Z... en vue de déterminer Mme Yvonne Y..., personne fragile et suggestible, à lui consentir une donation mais également à modifier ses dispositions testamentaires, et ce à son profit ; qu'il importe peu, en l'espèce, que seul M. Z... ait été à l'origine des manoeuvres qui ont déterminé le consentement de Mme Yvonne Y... et que les autres bénéficiaires des legs à titre particulier n'y aient pas participé, dans la mesure où la défunte était sous l'influence de M. Z... durant toute la période pendant laquelle les codicilles ont été rédigés et où son consentement a été affecté pour l'intégralité de ces actes ; que l'insanité d'esprit de Mme Yvonne Y... lors de la donation de 1996, du testament du 1er août 1997, mais également des divers codicilles, est donc établie et ces actes doivent être annulés (…) » (arrêt, p. 10, avant-dernier et dernier §, p. 11, p. 12, p. 13 et p. 14) ;

ALORS QUE, premièrement, les juges du fond ayant constaté que l'insanité d'esprit de Mme Yvonne Y..., veuve de M. G..., n'était pas établie (arrêt, p. 12, § 3), il était exclu qu'ils puissent décider « que l'insanité d'esprit de Mme Yvonne Y... (…) est donc établie », pour en déduire que les actes en cause, et notamment le codicille du 1er octobre 1997, devaient être annulés ; qu'ainsi, l'arrêt attaqué a été rendu en violation de l'article 901 du Code civil ;

Et ALORS QUE, deuxièmement, l'insanité d'esprit s'entend d'une absence de lucidité interdisant à l'auteur de l'acte d'en saisir le sens et la portée ; que les manoeuvres ou les suggestions s'entendent de procédés, émanant d'un tiers et visant à surprendre la volonté d'une personne par ailleurs saine d'esprit et capable de saisir le sens et la portée d'un acte ; qu'il est dès lors exclu que des constatations relatives à des manoeuvres ou à des suggestions puissent justifier une annulation pour insanité d'esprit ; qu'en déduisant en l'espèce la nullité fondée sur l'insanité d'esprit de considérations relatives à des manoeuvres ou à des suggestions, les juges du fond ont de nouveau violé l'article 901 du Code civil.


SECOND MOYEN DE CASSATION

L'arrêt attaqué encourt la censure ;

EN CE QU'il a annulé le codicille du 1er octobre 1997 instituant légataire à titre particulier M. Jean-Pierre X..., Mme Nicole X... épouse de M. D..., Mme Janine X... épouse de M. G..., et Mme Danielle X..., divorcée de M. F... ;

AUX MOTIFS QU'« il résulte de ces dispositions qu'une personne placée sous curatelle peut librement tester et que les dispositions testamentaires qu'elle prend sont valables, sauf à rapporter la preuve de son insanité d'esprit au moment de la rédaction de l'acte ; qu'il appartient à celui qui invoque la nullité du testament de rapporter la preuve de l'état d'insanité d'esprit du testateur, cet état pouvant comprendre toutes les variétés d'affections mentales par l'effet desquelles l'intelligence du disposant aurait été obnubilée ou sa faculté de discernement déréglée ; que cette preuve peut être rapportée par tout moyen et est appréciée souverainement par les juges du fond qui ne sont pas liés par le choix de la mesure de protection décidée dans le cadre d'une procédure de protection mie en place de manière distincte ; qu'en l'espèce, il apparaît que les dispositions testamentaires successives ont été les suivantes :- selon testament du 2 juillet 1980, M. Léon G... avait désigné M. Yves Y..., Mme Monique Y..., M. Philippe Y... et Mme Francine Y..., enfants du frère de son épouse, légataires universels de ses biens. Il avait également prévu à la charge des légataires la délivrance de quelques legs particuliers ;- dans le même esprit, Mme Yvonne Y... a, par testament du 23 juin 1988, soit après le décès de son mari, institué pour légataires universels conjointement pour le tout et chacun indivisément les mêmes consorts Y..., précisant qu'elle souhaitait que Monique ait la villa d'OOSTDUINKERKE et que ses héritiers devaient aider, en cas de besoin, son frère Gabriel ;- par testament du 23 juin 1990, elle a confirmé ses dispositions testamentaires précédentes mais à charge pour ses héritiers d'exécuter des legs particuliers portant sur des bijoux, tableaux ou sommes d'argent ;- par codicille du 23 juin 1992, elle a confirmé ses précédentes volontés et ajouté des legs au profit de Mmes K... (sa femme de ménage) et I... (sa filleule) ;- suite à une hospitalisation consécutive à des problèmes cardiaques le 3 janvier 1997, à son placement sous sauvegarde de justice le 17 janvier 1997 puis sous curatelle renforcée par décision du 4 juillet 1997, Mme Yvonne Y... va, par testament du 1er août 1997, révoquer toutes les dispositions testamentaires précédentes et instituer pour légataire universel, avec des charges indiquées, M. Jean Z... ; les charges sont des legs particuliers à délivrer à Mme K... (une maison et une somme d'argent), à Mme Danièle X... F... (une maison et 100. 000 francs), à Mme L... (une maison et 100. 000 francs). Elle précise qu'en cas de prédécès de M. Jean Z..., c'est Mme Marie-José M... qui sera légataire universel en ses lieux et places ;- par codicille du 1er octobre 1997, elle ajoute un legs particulier à délivrer aux Orphelins Apprentis d'Auteuil (6 immeubles) et à l'Association les Chiens Guides des Flandres (4 immeubles) ;- par codicille du 1er octobre 1997, elle complète ses volontés et lègue à chacun des 4 enfants de Mme Jeanne X... née G... (Danièle, Jean-Pierre, Janine et Nicole) une propriété, au Secours catholique trois immeubles, aux Petits Frères des Pauvres un immeuble et à nouveau 100. 000 francs à Mme K... et M. et Mme J... et N... ;- par codicille du 24 septembre 1998, elle précise qu'elle impose que sa succession soit réglée par Me O..., notaire à LILLE, ou son successeur (elle avait auparavant dévolu cette charge à Me P...) ;- par codicille du 25 septembre 1998, elle supprime le legs de deux maisons aux Orphelins Apprentis d'Auteuil au profit de son légataire universel et lègue son domicile à Mme K..., sa femme de ménage, si cette dernière est toujours à son service au jour de son décès ;- par codicille du 18 novembre 1998, elle indique « je vous prie de porter à mon testament l'additif suivant : les personnes que j'ai désignées dans mon testament, si celles-ci se joignent et prennent partie avec la famille Y... que je déshérite, ces personnes seront déchues et privées de la totalité des biens que je leur donne » ;-- par codicille du 5 mai 1999, elle précise qu'elle ne veut pas que les frais et droits de succession relatifs aux legs particuliers soient à la charge de son légataire universel ;- par codicille du 1er juin 1999, elle ajoute que si les biens objets des legs étaient vendus avant sa mort, leur valeur serait remise au légataire. Elle fait état de ce qu'elle ne veut pas que le contenu du legs universel soit connu et elle demande au notaire de faire des déclarations de succession individuelles pour chaque légataire ;- par codicille du 23 juillet 1999 rédigé suite au décès de Mme K..., elle indique que les biens qui devaient revenir à cette dernière seront au bénéfice du légataire universel ;- par codicille du 15 décembre 1999, elle indique léguer les immeubles 11, 13 et 15 rue Franklin à LYS-LES-LANNOY à l'Association des Orphelins d'Auteuil ;- par codicille du 23 février 2000, elle indique que son légataire universel devra donner la moitié des sommes placées en assurance vie à l'Association les Petits Frères des Pauvres ;- par codicille du 20 mars 2000, elle précise que le legs fait le 23 février 2000 ne concerne que les sommes placées en capital et non les intérêts qui reviendront au légataire ;- par codicille du 8 avril 2000, elle mentionne que les deux contrats d'assurance vie concernés par les dernières dispositions sont ceux souscrits auprès de GUARDIAN PRIVILEGE, les sommes figurant sur les autres contrats d'assurance vie souscrits devant revenir à son légataire universel ; que le testament du 1er août 1997 et les douze codicilles avaient été déposés chez Me O..., notaire ; que jusqu'en 1996, les relations des consorts Y... avec leur tante étaient bonnes, tel que cela résulte des différents courriers échangés entre eux ; que dans cette optique, Mme Yvonne Y..., confirmant par là-même les dernières volontés de son époux prédécédé, avait fait des quatre enfants de son frère ses légataires universels ; qu'il ressort des rapports médicaux des docteurs Q... et R... effectués dans le cadre de la procédure ayant abouti au placement sous curatelle renforcée de Mme Y... que cette dernière présentait, en 1997, un amoindrissement de ses facultés mentales liées à l'âge (elle avait 84 ans) et qu'elle avait rencontré au début de l'année 1997 des problèmes cardiaques importants ; que cependant, ces éléments apparaissent à eux seuls insuffisants pour caractériser une insanité d'esprit mais ils permettent d'affirmer une fragilité et surtout une suggestibilité de Mme Yvonne Y... ; ¨ ainsi, selon le Docteur Q... (rapport en date du 31 janvier 1997), Mme Yvonne Y... s'exprime correctement mais son discours révèle des lenteurs, des persévérations nombreuses, des répétitions et des exagérations. Elle est très suggestible, ne prend pas de distance et s'emporte. Elle est renfermée sur elle-même Le médecin relève que son jugement est altéré ; ¨ le Docteur R... a quant à lui noté en mars 1997 des troubles discrets de la mémoire avec oubli immédiat dans le cours de la conversation. Il constate également que Mme Yvonne Y... est très influençable ; ¨ le 19 août 1997 et le 25 août 1997, les docteurs T... et U... ont cependant attesté que Mme Yvonne Y... ne présentait aucune altération de ses facultés mentales. Cependant, ces certificats médicaux ne remettent pas en cause les expertises des docteurs Q... et R..., plus détaillées et circonstanciées ; que les différents courriers de Mme Yvonne Y... versés au débat confirment cet état de santé : ainsi, ils restent cohérents dans leur ensemble malgré des répétitions et des redites ; que cependant, certains signes de troubles sont visibles dès 1996 : ainsi, dans un courrier du 19 mai 1996, Mme Yvonne Y... termine sa lettre à son frère par la phrase suivante (après s'être plainte des impôts qu'elle devait acquitter) « j'espère que la France se réveillera grâce à la vache folle et au sexe » ; que dès 1996, la présence de M. Jean Z... aux côtés de cette personne fragile a été quasi permanente ; qu'alors qu'il n'est en rien établi que ce dernier était effectivement un ami de M. G... puisqu'il n'est justifié avant le décès de ce dernier que de relations d'affaires, M. Z... a pris en main les affaires de Mme Y... ; qu'il ressort des courriers que cette dernière envoyait à ses neveux et nièces qu'elle avait une admiration sans limite pour lui et qu'elle était très influencée par lui (elle indique « heureusement que cet ami a pris en charge mes dossiers », « heureusement que cet ami qui me dépanne toujours est revenu de suite, par avion » …) ; que dans le cadre de son audition par le Tribunal de grande instance de LILLE suite à son recours pour l'ouverture de la mesure de curatelle, elle a expliqué que la donation de terres, avec un fermier qui ne payait pas, était en fait une charge, et qu'elle envisageait de dédommager M. Z... (qui avait dû régler les droits de mutation) d'avoir accepté de prendre ces terres ; que ces propos témoignent de l'absence totale de conscience de Mme Y... quant à la portée de cet acte de donation ; que Mme Y... va être conduite à changer littéralement ses habitudes et à rompre avec les personnes qui l'entouraient ; qu'ainsi, alors que Me P... était le notaire habituel depuis de longues années du couple G...- Y..., l'acte de donation va être recueilli par Me R..., et les différents testament et codicilles par un troisième notaire, Me O..., que Mme Y... va désigner exécuteur testamentaire ; que Mme S... (femme du filleul de Mme Y...) a attesté que M. Z... avait une véritable emprise sur Mme Y... depuis 1996, qu'il avait certainement des vues sur son patrimoine et qu'il l'isolait de son entourage ; qu'elle remarque que ce Monsieur ne souhaitait en tout état de cause la rencontrer et qu'il l'évitait ; que M. L..., ami du couple G...- Y..., indique également qu'il s'est chargé pendant plusieurs années d'effectuer les déclarations de revenus de Mme Yvonne Y... après le décès de son époux ; qu'il atteste de la présence de M. Z... auprès de Mme Y..., de l'admiration sans bornes que celle-ci lui portait et de la gêne qu'il a ressentie quand, venu voir Mme Y..., il s'est retrouvé en présence de M. Z... ; que parallèlement, et alors que ses relations avec la famille Y... étaient bonnes, Mme Yvonne Y... va être amenée à nourrir à leur encontre une rancune tenace et une colère importante :- suite à des retraits en espèces constatés sur ses comptes, M. Gabriel Y... et ses enfants vont, en effet, saisir le juge des tutelles pour ouvrir à l'égard de Mme Yvonne Y... une mesure de protection ; cette dernière va estimer qu'il existait une volonté de la spolier ;- elle va donc révoquer toutes les procurations qu'elle avait consenties à Monique Y... (accompagnée, lors de ses rendez-vous bancaires, par un Monsieur, selon l'attestation de la Société Bank & Trust) ;- alors qu'elle leur avait laissé la jouissance d'une villa en Belgique, indiquant sa volonté de transmettre cette villa à Monique à son décès et refusant que « des étrangers » y séjournent, elle va leur réclamer un loyer important, les menacer d'expulsion avant de vendre l'immeuble ;- elle va « déshériter » la famille Y..., menaçant ceux qui prendraient parti pour eux au même sort ;- malgré le fait que les fonds retirés de ses comptes lui aient été intégralement restitués, elle va, dans un courrier à son notaire, indiquer sa volonté de poursuivre les consorts Y... en justice, mandatant le notaire pour poursuivre cette action, même après sa mort ; qu'il résulte de ces éléments que M. Jean Z..., profitant d'un affaiblissement intellectuel de Mme Yvonne Y..., va, par sa présente constante et ses discours, profitant de l'admiration que lui portait cette dernière, l'isoler de son entourage habituel (amis, famille) et provoquer chez elle un ressentiment très important à l'encontre des consorts Y..., avec lesquels elle avait pourtant auparavant de bonnes relations ; que, par ces manoeuvres et ce conditionnement, il va lui suggérer non seulement une donation (lui faisant croire que les biens donnés étaient une réelle charge et non un avantage) mais également un testament et divers codicilles ; qu'ainsi, le testament du 1er août 1997 qui institue M. Z... légataire universel va, en plus, prévoir qu'en cas de prédécès de ce dernier Mme M... le remplacera en cette qualité ; que cependant, cette femme n'apparaît pas être une connaissance ou même une relation de la défunte ; que Mme Yvonne Y... va donc instituer une personne qui lui est totalement étrangère, légataire universel en cas de prédécès de M. Z..., ce qui démontre clairement l'influence sur elle de ce dernier ; que, de plus, les divers codicilles sont très précis et détaillés, sans contradictions entre eux, alors que les experts avaient constaté une perte de la mémoire immédiate de Mme Yvonne Y..., ce qui tend à confirmer que cette dernière a rédigé tous ces actes en étant guidée ; qu'elle y précise ainsi les numéros de contrats d'assurance vie, les modalités d'attribution des capitaux placés, des intérêts y afférents, prévoit le règlement des charges de succession.. ; que ces éléments permettent de caractériser des manoeuvres faites par M. Z... en vue de déterminer Mme Yvonne Y..., personne fragile et suggestible, à lui consentir une donation mais également à modifier ses dispositions testamentaires, et ce à son profit ; qu'il importe peu, en l'espèce, que seul M. Z... ait été à l'origine des manoeuvres qui ont déterminé le consentement de Mme Yvonne Y... et que les autres bénéficiaires des legs à titre particulier n'y aient pas participé, dans la mesure où la défunte était sous l'influence de M. Z... durant toute la période pendant laquelle les codicilles ont été rédigés et où son consentement a été affecté pour l'intégralité de ces actes ; que l'insanité d'esprit de Mme Yvonne Y... lors de la donation de 1996, du testament du 1er août 1997, mais également des divers codicilles, est donc établie et ces actes doivent être annulés (…) » (arrêt, p. 10, avant-dernier et dernier §, p. 11, p. 12, p. 13 et p. 14)

ALORS QUE, premièrement, en cas de manoeuvres ou de suggestions concernant une personne qui ne peut être regardée par ailleurs comme frappée d'insanité d'esprit, la nullité suppose qu'il soit établi qu'à défaut de manoeuvres ou de suggestions, l'auteur de l'acte n'aurait pas pris les dispositions qui y figurent ; que faute de constater que cette condition était remplie, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 901 du Code civil, en tant qu'il vise l'erreur, le dol ou la violence ;

Et ALORS QUE, deuxièmement, la nullité, en cas de manoeuvres ou de suggestions, n'affecte que les actes accomplis sous l'effet de ces manoeuvres et suggestions, dès lors que la personne est par ailleurs saine d'esprit ; qu'en énonçant au cas d'espèce que les différents éléments recueillis permettaient de caractériser des manoeuvres de la part de M. Z... « en vue de déterminer Mme Yvonne Y..., personne fragile et suggestible, à lui consentir une donation mais également à modifier ses dispositions testamentaires, et ce à son profit » (arrêt, p. 14, antépénultième §), sans dire précisément si ces manoeuvres et suggestions avaient été en lien avec le codicille du 1er octobre 1997, étranger à M. Z... et concernant les consorts X..., neveux du mari de Mme Y..., les juges du fond ont en tout état de cause privé leur décision de base légale au regard de l'article 901 du Code civil en tant qu'il vise l'erreur, le dol ou la violence.
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