Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 17 février 2010, 08-19.789, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Donne acte à Mme X... du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Mme Y... ;

Sur le moyen unique :

Vu l'article 1377 du code civil ;

Attendu que l'absence de faute de celui qui a payé ne constitue pas une condition de mise en oeuvre de l'action en répétition de l'indu, sauf à déduire, le cas échéant, de la somme répétée, les dommages-intérêts destinés à réparer le préjudice résultant pour l'accipiens de la faute commise par le solvens ;

Attendu que le 9 avril 1979, M. Y... a souscrit auprès de la société AGF un contrat d'assurance "épargne sécurité" prévoyant le versement d'un capital à l'assuré lui-même ou, en cas de décès, à son conjoint ; que le divorce des époux Y...-X... a été prononcé le 22 février 1984 ; que M. Y... s'est remarié en 1986 et est décédé le 6 mai 1991 ; que Mme X..., qui avait réglé le paiement des primes afférentes à ce contrat depuis la séparation du couple, a sollicité le paiement du capital auprès de la société AGF, qui a refusé au motif que celle-ci avait perdu la qualité de conjoint à la date du décès de l'assuré ; que Mme X... a assigné la compagnie AGF en paiement de ce capital ; que cette dernière a appelé en intervention forcée Mme Y... ; qu'en appel, Mme X... a sollicité la condamnation in solidum de la société AGF et de Mme Y... à lui restituer le montant des primes versées ;

Attendu que pour débouter Mme X... de sa demande formée à l'encontre de la société AGF vie, devenue la société Allianz vie, l'arrêt énonce que le paiement fait par erreur par une personne qui n'est pas débitrice n'ouvre pas droit à répétition lorsque l'accipiens n'a reçu que ce que lui devait son débiteur et que le solvens a payé sans prendre les précautions nécessitées par une prudence élémentaire ; qu'en poursuivant spontanément le paiement des cotisations afférentes à un contrat d'assurance dont elle n'était ni titulaire ni bénéficiaire nommément désignée, sans vérifier les conséquences du divorce sur ses droits éventuels ni aviser l'assureur du divorce, Mme X... a commis une négligence certaine et manifeste de nature à la priver de tout droit à répétition des sommes perçues par la société AGF au titre de ce contrat ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté Mme X... de sa demande en restitution du capital et des accessoires formée à l'encontre de la compagnie AGF, l'arrêt rendu le 17 juin 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Pau, autrement composée ;

Condamne la société Allianz vie aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept février deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils pour Mme X...

Il est fait grief à l'arrêt d'AVOIR débouté Madame X... de sa demande tendant à voir la compagnie AGF condamnée à lui verser la somme de 22.184,67 € sur le fondement de la répétition de l'indu ;

AUX MOTIFS QU'il convient cependant de rappeler qu'aux termes de l'article 1377 alinéa 1er du Code civil, lorsqu'une personne qui, par erreur, se croyait débitrice, a acquitté une dette, elle a le droit de répétition contre le créancier ; que l'appelante a en l'espèce réglé les cotisations afférentes au contrat d'épargne non dans la croyance de sa qualité de débitrice mais dans l'espérance – erronée – du maintien à son profit du bénéfice du contrat d'épargne, maintien pourtant exclu, par l'effet du divorce, en raison du caractère non nominatif de la clause bénéficiaire ; que le règlement des cotisations afférentes au contrat d'épargne s'analyse donc en un paiement pour autrui dépourvu de toute intention libérale mais au contraire motivé par la perspective de la constitution d'un capital au profit de l'appelante, ce paiement devant être considéré comme régulier en soi, au regard des dispositions de l'article L.132-19 du Code civil ; que cependant le paiement fait par erreur par une personne qui n'est pas débitrice n'ouvre pas droit à répétition lorsque l'accipiens n'a reçu que ce que lui devait son débiteur et que le solvens a payé sans prendre les précautions nécessitées par une prudence élémentaire ; Or qu' en poursuivant spontanément le paiement des cotisations afférentes à un contrat d'assurance dont elle n'était ni titulaire ni bénéficiaire nommément désignée, sans vérifier les conséquences du divorce sur ses droits éventuels ni aviser l'assureur (…) du divorce antérieurement au décès de feu Monsieur Y... emportant exigibilité du capital épargné, Madame X... a commis une négligence certaine et manifeste de nature à la priver de tout droit à répétition des sommes perçues par la SA AGF VIE au titre du contrat dont s'agit ;

ALORS QUE l'absence de faute de celui qui a payé ne constitue pas une condition de mise en oeuvre de l'action en répétition de l'indu ; qu'en décidant que le paiement fait par erreur par Madame X... n'ouvrait pas droit à répétition en raison de la négligence qu'elle aurait commise, la Cour d'appel a violé l'article 1377 du Code civil.

Retourner en haut de la page