Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 13 janvier 2010, 09-82.071, Inédit
Cour de cassation - Chambre criminelle
- N° de pourvoi : 09-82.071
- Non publié au bulletin
- Solution : Rejet
- Président
- M. Dulin (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Philippe,
contre l'arrêt de la cour d'appel de TOULOUSE, chambre correctionnelle, en date du 24 février 2009, qui, pour organisation frauduleuse d'insolvabilité et escroquerie, l'a condamné à deux ans d'emprisonnement dont un an avec sursis et mise à l'épreuve, et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 313-1 du code pénal, 591, 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que la cour d'appel a déclaré Philippe X... coupable d'escroquerie ;
"aux motifs que l'article 314-7 du code pénal incrimine l'organisation ou l'aggravation de l'insolvabilité en vue de soustraire le débiteur à l'exécution d'une condamnation pécuniaire prononcée par une juridiction répressive ou une juridiction civile en matière délictuelle, quasi-délictuelle, d'aliments ou assimilés ; que la constitution du délit suppose donc une condamnation patrimoniale prononcée dans les matières déterminées par la loi, l'organisation ou l'aggravation de l'insolvabilité réalisée au moyen d'agissements définis par le texte et une relation matérielle et intellectuelle fixée par le texte entre l'insolvabilité organisée et la décision judiciaire à exécution protégée ; qu'enfin, quant à l'organisation ou à l'aggravation de l'insolvabilité, le texte incrimine tant les actes juridiques que les opérations matérielles dès lors que l'organisation ou l'aggravation résulte de certains moyens caractérisés, tels que l'aggravation du passif (fictif ou réel), la diminution de l'actif, la dissimulation de biens quels que soient les moyens utilisés ou leur forme, la diminution ou la dissimulation de revenus ; qu'en l'espèce, Philippe X... était tenu de verser une pension alimentaire au titre de l'entretien et l'éducation de son fils en vertu du jugement de divorce du 1er décembre 1998, et la dette alimentaire résultant de l'absence d'exécution de cette obligation figure dans les trois déclarations de surendettement déposées par lui le 2 décembre 1999, le 28 mars 2002 et le 25 juin 2003 ; que, par ailleurs, à la date du 25 janvier 2002, il s'est rétracté de sa renonciation de la succession de son père et dès le 15 février, date du certificat de notoriété constatant qu'il était le seul héritier, et après inventaire des biens, il ne pouvait ignorer que la succession comprenait un bien immobilier ; qu'iI a cependant déposé un dossier de surendettement ne faisant pas état de ses démarches successorales, et plus encore, a rédigé un écrit le 29 mars 2002 en vue de procéder à la donation du bien immobilier et des biens mobiliers, soit le lendemain du deuxième dépôt du dossier de surendettement, cet acte, certes non valable, démontrant la volonté du prévenu de diminuer l'actif de son patrimoine ; qu'enfin et surtout, il est établi que, après la vente de l'immeuble pour la somme de 127 295 euros Philippe X... a fait verser les fonds provenant de la cession sur un compte en banque personnel de sa compagne, après un bref passage sur son compte personnel, alors que le produit de la vente aurait permis de désintéresser ses créanciers, en tout cas d'apurer l'essentiel du passif, et notamment de régler sa dette alimentaire ; qu'il est également établi que le prévenu a exercé un travail salarié entre avril 2002 et juillet 2003, puis d'avril 2004 à septembre 2005 et que lors de la déclaration du 25 juin 2003, il a affirmé ne percevoir que l'allocation spécifique de solidarité, les salaires perçus au titre de son activité professionnelle étant intégralement virés sur le compte personnel de sa compagne, devenue son épouse en mai 2004, alors qu'ils étaient mariés sous le régime de séparation des biens ; qu'ainsi, et comme en a fort justement décidé le tribunal en des motifs pertinents que la cour ne peut qu'adopter, il apparaît que le délit d'organisation frauduleuse d'insolvabilité apparaît manifestement constitué ; qu'il résulte des mêmes éléments que pour obtenir le bénéfice des dispositions de la loi relative au surendettement des particuliers, Philippe X... a fait des déclarations mensongères en attestant de manière inexacte le 28 mars 2002 qu'il ne possédait aucun bien immobilier, alors qu'un tel bien faisait partie de l'actif de la succession, pour la renonciation de laquelle il s'était rétracté 8 février 2002 et qu'il a produit au soutien de ses affirmations suivant lesquelles les démarches effectuées en vue de trouver un emploi étaient restées sans effet, (diverses pièces) ; que ces mensonges, accompagnés de manoeuvres frauduleuses (constitution d'un dossier) pour obtenir la remise d'un acte créant obligation ou décharge, en l'espèce de la part de la commission de surendettement et des créanciers, le bénéfice des dispositions de la loi relative au surendettement des particuliers, constituent le délit d'escroquerie ;
"1) alors qu'un mensonge, même produit par écrit, ne peut constituer une manoeuvre frauduleuse s'il ne s'y est joint aucun fait extérieur ou acte matériel, aucune mise en scène ou intervention d'un tiers destinés à donner force et crédit à l'allégation mensongère du prévenu ; que la constitution par Philippe X... d'un dossier, support écrit des déclarations mensongères attestant de manière inexacte qu'il ne possédait aucun bien immobilier et que les démarches effectuées en vue de trouver un emploi étaient restées sans effet, ne peut constituer une manoeuvre frauduleuse ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée de l'article 313-3 du code pénal ;
"2) alors qu'il appartenait à la cour d'appel de caractériser le fait extérieur ou acte matériel, la mise en scène ou l'intervention d'un tiers destinée à donner force et crédit à l'allégation mensongère du prévenu ; qu'en se bornant à affirmer que Philippe X... a attesté de manière inexacte que les affirmations selon lesquelles il ne possédait aucun bien immobilier et que les démarches effectuées en vue de trouver un emploi étaient restées sans effet, ont été accompagnées de la constitution d'un dossier, lorsque ce dossier n'est que le support écrit du mensonge sans lequel les allégations du prévenu n'auraient pas pu être produites, la cour d'appel, qui n'a caractérisé aucun élément extérieur au mensonge destiné à lui donner force et crédit, n'a pas donné de base légale à sa décision" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que Philippe X... a obtenu, devant la commission de surendettement de la Haute-Garonne, un plan conventionnel de redressement, après avoir, d'une part, déclaré, le 28 mars 2002, ne posséder aucun bien immobilier alors qu'il est apparu qu'il avait rétracté, en janvier 2002, sa renonciation à un héritage comportant un immeuble et, d'autre part, affirmé, pendant l'instruction ultérieure du dossier de surendettement, par divers courriers, être dans l'attente d'un emploi et sans ressources alors qu'il avait trouvé, en avril 2002, un emploi rémunéré ;
Attendu que, pour déclarer Philippe X... coupable d'escroquerie, l'arrêt relève, notamment, que le prévenu a fait des déclarations mensongères, accompagnées de manoeuvres frauduleuses, en
l'espèce en produisant un dossier pour obtenir le bénéfice des dispositions de la loi relative au surendettement des particuliers ;
Attendu qu'en l'état de ces seules énonciations, la cour d'appel, qui a, sans insuffisance ni contradiction et répondant aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit d'escroquerie dont elle a déclaré le prévenu coupable, a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Dulin conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Bloch conseiller rapporteur, M. Rognon conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Villar ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;