Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 3 février 2010, 09-13.841, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le moyen unique :

Vu l'article 1076-1 du code de procédure civile ;

Attendu que lorsqu'une partie n'a demandé que le versement d'une pension alimentaire ou d'une contribution aux charges du mariage, le juge ne peut prononcer le divorce sans avoir invité les parties à s'expliquer sur le versement d'une prestation compensatoire ;

Attendu que l'arrêt attaqué a, sur demande de séparation de corps de l'épouse et demande reconventionnelle en divorce du mari, prononcé le divorce des époux Y...-Z... à leurs torts partagés et a débouté Mme Y... de sa demande de pension alimentaire ;

Qu'en statuant ainsi, sans avoir au préalable invité les parties à s'expliquer sur le versement d'une prestation compensatoire, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 juillet 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen, autrement composée ;

Condamne M. Z... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. Z... à payer à Mme Y... la somme de 2 300 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois février deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat de Mme Y...


Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir, sur la seule demande du mari, prononcé le divorce de M. Franck Z... et Mme Marie Floricette Y... à leurs torts partagés et d'avoir débouté Mme Y... de sa demande de pension alimentaire au titre du devoir de secours ;

Aux motifs que « selon l'article 297-1 du Code civil ancien applicable en l'espèce, lorsqu'une demande en divorce et une demande en séparation de corps sont concurremment présentées, le juge examine en premier lieu la demande en divorce. Il prononce celui-ci dès lors que les conditions en sont réunies. A défaut, il statue sur la demande en séparation de corps ; que toutefois, lorsque ces demandes sont fondées sur la faute, le juge les examine simultanément et, s'il les accueille, prononce à l'égard des deux conjoints le divorce aux torts partagés ; qu'en l'espèce, le premier juge a retenu le grief de violence invoqué par Mme Y... à l'égard de son mari, et considéré que M. Z... ne rapportait pas la preuve des fautes reprochées à son épouse à l'origine de la dégradation du lien conjugal et de sa rupture ; qu'en cause d'appel, les parties maintiennent les demandes formées en première instance et les griefs invoqués à leur appui ; que Mme Y..., qui reproche à son époux son comportement violent à son égard, verse aux débats les pièces produites devant le premier juge ; qu'il ressort de ces documents (certificats médicaux, dépôts de plainte, notamment celle déposée auprès du Procureur de la République en date du 24 mai 2004, du procès-verbal d'avertissement fait à M. Z... par le délégué du Procureur en date du 3 février 2005) que M. Z... a exercé à plusieurs reprises de violences sur la personne de Mme Y... entre le mois de mars et mai 2004 ; que c'est à bon droit que le Premier juge a considéré que ces faits constituaient une violation grave et renouvelé des devoirs et obligations du mariage et rendaient intolérables le maintien de la vie commune ; que M. Z... formule plusieurs reproches à l'égard de son épouse, dont une consommation excessive d'alcool, ainsi que son agressivité à son encontre et sa violence ; que ces griefs sont établis par la production d'un extrait du registre de main courante relatif à des faits survenus en date du 22 mars 2004, l'attestation de M. B... en date du 29 décembre 2006, et celle de Mme C... en date du 4 janvier 2007 ; que lors de leur intervention au domicile des époux Z..., le 22 mars 2004 à 21 heures 20, les services de police ont constaté l'état hystérique et d'ivresse dans lequel se trouvait Mme Z... qui refusait que son mari et sa fille quittent le domicile et menaçait son enfant de 4 ans avec un cutter qu'elle ouvrait de temps en temps. Mme Z... a été interpellée et placée en dégrisement ; que M. B... indique avoir rencontré le couple régulièrement depuis plusieurs années. Il précise que Mme Y... avait tendance à boire et n'hésitait pas à venir sur le lieu de travail de son mari ou à la salle de sport « pour l'insulter sans se soucier des gens autour d'elle » ; que Mme C... relate les événements dont elle a été témoin le 15 juin 2003, jour de la communion de sa fille en ces termes : « … Alors que mon frère Frank jouait au ballon, Floricette l'agressait verbalement, lui restait calme et ne lui répondait pas. Voyant que personne ne faisait cas de ce qu'elle disait, elle est allée vers la voiture de Franck et a essayé d'y mettre le feu sans s'occuper des véhicules à côté. Je suis intervenue avec des membres de ma famille. Je l'ai ramenée chez elle … » ; que ces griefs constituent également une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage, imputable à l'épouse, qui rendent intolérables le maintien de la vie commune, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres griefs invoqués ; qu'au vu de l'ensemble de ces éléments, il convient de prononcer aux torts partagés le divorce des époux Z...-Y..., les dispositions relatives à la liquidation du régime matrimonial décidées par le Premier juge étant maintenues ; que la décision entreprise sera par conséquent réformée en ce sens ; (…) que suite au prononcé du divorce aux torts partagés, le devoir de secours entre époux disparaît ; qu'en conséquence, il convient de débouter Mme Y... de sa demande de pension alimentaire à ce titre ; que le jugement sera réformé sur ce point » (arrêt, p. 4 et s.) ;

Alors que lorsqu'une des parties n'a demandé que le versement d'une pension alimentaire ou d'une contribution aux charges du mariage, le juge ne peut prononcer le divorce sans avoir invité les parties à s'expliquer sur le versement d'une prestation compensatoire ; qu'en prononçant le divorce aux torts partagés des époux sur la demande principale en séparation de corps de l'épouse qui sollicitait une pension alimentaire et la demande reconventionnelle en divorce de l'époux, sans avoir préalablement invité les parties à s'expliquer sur le versement d'une prestation compensatoire, la cour d'appel a violé l'article 1076-1 du code de procédure civile
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