Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 6 janvier 2010, 08-44.059, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le moyen unique pris en sa deuxième branche :

Vu les articles 1134 du code civil et L. 1232-1 et L. 1236-8 du code du travail ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été embauché par la société Satif, cabinet d'études techniques et d'ingénierie logistique à compter du 1er octobre 2001 aux fins d'être détaché à Abu Dhabi auprès de la société Dassault dans le cadre d'un contrat d'assistance technique conclu entre les deux entreprises ; que le contrat de travail précisait que «la fin du contrat d'assistance technique constituerait une cause réelle et sérieuse de rupture du présent contrat à durée indéterminée devenu dès lors sans objet» ; que par lettre recommandée du 13 janvier 2004, la société Satif a informé le salarié que sa mission sur le site d'Abu Dhabi prendrait fin le 29 juin 2004 ; que par lettre recommandée du 16 mars 2004, elle lui a notifié son licenciement dans les termes suivants : "....nous vous confirmons que la société Dassault nous a signifié la résiliation de notre contrat d'assistance technique à la date du 29 juin 2004. De ce fait, à la fin du contrat d'assistance technique de notre société avec la société Dassault constituant la cause réelle et sérieuse de rupture de votre contrat de travail, nous sommes contraints de vous notifier par la présente, votre licenciement" ;que M. X... a saisi la juridiction prud'homale pour contester la rupture ;

Attendu que pour débouter M. X... de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a retenu que lorsqu'un contrat de travail est conclu à durée indéterminée pour la durée du chantier, la relation de travail prend fin dès l'achèvement des tâches pour lesquelles le salarié est embauché ; que l'article 4 du contrat de contrat de travail précise que celui-ci doit prendre fin à la date d'achèvement de la mission pour laquelle M. X... était exclusivement engagé dans le cadre du contrat d'assistance technique conclu entre la société Satif et la société Dassault, que la durée du contrat était donc nécessairement dépendante des besoins du chantier de la société Dassault ; que la correspondance émanant de l'employeur du 16 mars 2004 confirmant la rupture du contrat de travail n'était que la confirmation d'une lettre antérieure du 13 janvier 2004, qui se référait pour justifier la fin de la relation de travail à une télécopie de la société Dassault ainsi rédigée : «En raison des baisses successives de cadence sur ce chantier, deux postes occupés par du personnel Satif ne seront pas reconduits cette année. Ainsi M. X... quittera le chantier le 29 juin 2004. M. Yvan Y... quittera le chantier le 3 novembre 2004» ; que la circonstance que des salariés soient restés plus longtemps sur le chantier n'est pas contradictoire avec le motif du licenciement dans la mesure où les documents versés aux débats par l'employeur démontrent que ces trois personnes exerçaient les fonctions de chef d'équipe, ajusteur hydraulicien et logisticien magasiner ; qu'ils n'étaient donc pas dans une situation comparable à celle de l'intimé qui était ajusteur structure ce qui explique que leur mission a pris fin à un moment différent de celle de l'intimé ; qu'en tout état de cause, l'employeur n'était pas tenu de maintenir plusieurs techniciens de la même catégorie sur le chantier, dès lors que le contrat d'assistance n'exigeait plus qu'ils y restent ;

Attendu, cependant, que lorsque le contrat de travail a été conclu pour la durée d'un chantier, l'achèvement du chantier constitue une cause de licenciement ;

Qu'en statuant comme elle a fait, alors qu'il résultait de ses propres constatations que le contrat d'assistance technique était toujours en cours à la date à laquelle le licenciement pour fin de chantier a été notifié au salarié, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen unique :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté M. X... de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 15 mai 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;

Condamne la société Satif aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Satif à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six janvier deux mille dix.


MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils pour M. X...

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté le salarié de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

AUX MOTIFS QUE une attestation datée du 19 février 2002 de la directrice administrative de la société SATIF certifie que M. Moussa X... serait « à compter du 28 juin 2002 sur le site d'ABU DHABI aux EMIRATS ARABES UNIS avec son épouse pour une durée minimale de trois ans » ; que cette formule est contraire à l'article 4 du contrat de travail intitulé « Durée du contrat », qui dispose que le contrat devait prendre fin avec « la date d'achèvement de la mission pour laquelle M. Moussa X... était exclusivement engagé» en précisant que cette date n'était pas connue ; que l'attestation est en revanche en harmonie avec le contrat de sous-traitance passé entre la société DASSAULT et la société SATIF le 15 mars 2002, selon lequel « la durée prévisionnelle » de la collaboration entre les deux entreprises était de 32 mois ; que ce document précité du 19 février 2002 se présente comme une simple attestation de nature à constater un fait et non comme un document contractuel et reprend une durée prévisionnelle inscrite à titre indicatif par le sous-traitant et le donneur d'ordre dans leur accord ; qu'une telle attestation n'a pas plus de portée que cette mention « prévisionnelle » et s'analyse comme une estimation envisageable, mais non comme une clause de garantie d'emploi, ainsi que le soutient le salarié ; que lorsqu'un contrat de travail est conclu à durée indéterminée pour la durée du chantier, la relation de travail prend fin dès l'achèvement des tâches pour lesquelles le salarié est embauché ; que l'article 4 précité du contrat de contrat de travail précise que celui-ci doit prendre fin à la date d'achèvement de la mission pour laquelle M. Moussa X... était exclusivement engagé dans le cadre du contrat d'assistance technique conclu entre SATIF et la société DASSAULT, M. Moussa X... reconnaissant « être informé de l'existence de cette convention d'assistance technique » ; que la durée du contrat était donc nécessairement dépendante des besoins du chantier de la société DASSAULT ; que ledit contrat d'assistance technique précise « que le donneur d'ordre a l'intention de sous-traiter une partie des travaux relatifs à la modernisation du MIRAGE 2000 en MIRAGE 2000-9 sur le site d'AL DHAFRA aux EMIRATS ARABLES UNIS, pour le compte de l'U.A.E. A.F. et A.D. » ; que l'annexe à ce contrat énonce la liste des opérations à effectuer ; que la correspondance émanant de l'employeur du 16 mars 2004 confirmant la rupture du contrat de travail n'était que la confirmation d'une lettre antérieure du 13 janvier 2004, qui se référait pour justifier la fin de la relation de travail à une télécopie de la société DASSAULT du 12 janvier 2001 versée aux débats qui notifie : « En raison des baisses successives de cadence sur ce chantier, deux postes occupés par du personnel SATIF ne seront pas reconduits cette année. Ainsi M. Moussa X... quittera le chantier le 29 juin 2004. M. Yvan Y... quittera le chantier le 3 novembre 2004 »; que la circonstance avérée par des témoignages d'ailleurs non contestés que M.M. LEVEQUE, CALLOCH et CANESSA soient restés plus longtemps sur le chantier n'est pas contradictoire avec le motif du licenciement dans la mesure où les documents versés aux débats par l'employeur démontrent que ces trois personnes exerçaient les fonctions de chef d'équipe, ajusteur hydraulicien et logisticien magasiner ; qu'ils n'étaient donc pas dans une situation comparable à celle de l'intimé qui était ajusteur structure ce qui explique que leur mission a pris fin à un moment différent de celle de l'intimé ; qu'en tout état de cause, l'employeur n'était pas tenu de maintenir plusieurs techniciens de la même catégorie sur le chantier, dès lors que le contrat d'assistance n'exigeait plus qu'ils y restent ; que ni la loi, ni l'article 66 de la convention collective invoquée par l'intimé qui concerne les missions à l'étranger mais non les contrats de chantier, n'imposent à l'employeur d'obligation de reclassement ;

ALORS QUE la lettre de licenciement fixe les limites du litige ; que la lettre de licenciement justifiait la rupture par la fin du contrat d'assistance technique ; que a cour d'appel a considéré que le licenciement était justifié dans la mesure où le contrat d'assistance technique ne nécessitait plus que le salarié travaille sur le chantier contrairement à certains de ses collègues, grief qui n'était pas énoncé dans la lettre de licenciement motivée par la fin de ce contrat ; qu'en se prononçant sur un motif qui ne figurait pas dans la lettre de licenciement, la Cour d'appel a violé l'article L. 1232-6, L. 122-14-2 du Code du travail ;

ALORS QUE, de surcroît, lorsque le contrat de travail prévoit que le contrat de travail est rompu à la fin du chantier, la validité du licenciement est subordonnée à cette condition ; que le contrat de travail du salarié énonçait que la fin du contrat d'assistance technique constituait une cause réelle et sérieuse de licenciement ; que la Cour d'appel qui ,non seulement n'a pas constaté que ce contrat avait pris fin lors de la rupture du contrat de travail du salarié, mais même que a au contraire relevé qu'il se poursuivait avec d'autres salariés n'a pas tiré de ses constatations les conséquences qui s'en déduisaient au regard de l'article 1134 du Code civil et des articles L. 1232-1 et L. 1236-8, anciennement L. 122-14-3 et L. 321-12 du Code du travail.

ALORS enfin QU'il résulte des termes de l'article 66 de la convention collective des bureaux d'étude technique une obligation de réintégration dans leur entreprise d'origine des salariés envoyés en mission hors de France métropolitaine pour une durée supérieure à six mois ; qu'il est établi que M. X... a été envoyé par la société SATIF en mission aux Emirats Arabes Unis pour une durée supérieure à six mois ; qu'en le privant du bénéfice de cette obligation de réintégration à l'issue de sa mission, la Cour d'appel a violé l'article 66 de la convention collective des bureaux d'étude technique.

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