Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 10 décembre 2009, 08-20.859, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le moyen unique, pris en sa quatrième branche :

Vu l'article 1315 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions qu'après un incendie survenu dans les locaux de la société Europ Asie trade (EAT), l'assureur de celle-ci, la société MAAF assurances (l'assureur), lui a adressé une lettre d'acceptation fixant à 2 262 911 euros, "l'indemnité globale et forfaitaire dont le détail figure en annexe", dont, d'après celle-ci, 1 519 570 euros au titre du stock détruit, et qui a été signée par le représentant légal de la société EAT le 14 novembre 2003 ; que celle-ci prétendant que cette somme ne correspondait pas aux stipulations contractuelles, a assigné l'assureur devant le tribunal de grande instance pour obtenir l'indemnisation de ce chef de préjudice à hauteur de 1 799 233 euros ;

Attendu que pour accueillir cette demande, l'arrêt énonce que l'assureur ne démontre pas son affirmation selon laquelle cette lettre était accompagnée d'un décompte détaillé permettant à la société EAT de vérifier avec précision le montant qu'elle s'engageait à accepter ; que la société EAT justifie par contre avoir reçu le 26 novembre 2003 de l'assureur le chèque de règlement, la quittance à signer et un tableau récapitulatif de l'évaluation des dommages faisant cette fois apparaître le montant de 1 519 570 euros au titre de l'indemnité pour le stock ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il était indiqué à la lettre d'accord signée par le représentant légal de la société EAT le 14 novembre 2003, que l'indemnité globale et forfaitaire dont le détail figure en annexe jointe comprend tous les postes de préjudice, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 septembre 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société EAT aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société EAT à payer à la société MAAF assurances la somme de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par Mme Aldigé, conseiller le plus ancien non empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile, en l'audience publique du dix décembre deux mille neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux conseils pour la société MAAF assurances


« Il est fait grief à l'arrêt attaqué :

D'AVOIR condamné la société MAAF ASSURANCES à payer à la société EUROP ASIE TRADE la somme de 279.663 € ;

AUX MOTIFS QUE « la société EUROP ASIE TRADE (EAT) qui a pour activité le négoce et la diffusion de tissus en gros, a souscrit auprès de la société MAAF ASSURANCES un contrat multirisques professionnels ; que l'article 8 de ce contrat stipule notamment : « Les matières premières, denrées et marchandises assurées sont évaluées au prix d'achat que vous payez habituellement, calculé au dernier cours précédant le sinistre et majoré, s'il y a lieu, des frais de transport » ; que, le 9 février 2003, un grave incendie s'est déclenché dans les locaux, détruisant les importants stocks de tissus qui s'y trouvaient ; que, selon lettre du 14 novembre 2003, la société EAT a accepté la proposition d'indemnisation que lui a faite la MAAF pour un montant de 2.262.911 €, soit après déduction de la somme de 1.794.000 € perçue à titre de provision, un solde en sa faveur de 341.533,41 €; qu'elle déclare avoir constaté ultérieurement, lors de la remise de la quittance comportant un compte détaillé, que l'indemnité pour le stock, retenue initialement par les parties à un montant de 1.799.000,33 €, se trouvait réduite à la somme de 1.519.570 € en raison des modalités de calcul utilisées par la MAAF ; que, par courrier du 15 juillet 2004, la MAAF a expliqué cette réduction par l'application d'un pourcentage de dépréciation dû au fait que le stock sinistré n'aurait pu être vendu dans son intégralité et se serait donc partiellement déprécié, l'assurance ne pouvant être une cause de bénéfice pour l'assuré ; que, soutenant que la réduction opérée n'était pas conforme aux stipulations contractuelles, la société EAT a assigné la MAAF devant le tribunal de grande instance de Bobigny, demandant le versement d'une indemnité complémentaire de 279.663 € ; que, par jugement du 29 juin 2006, le tribunal, retenant que la société EAT a accepté en toute connaissance de cause l'indemnisation proposée dont elle a eu communication du détail, a débouté la société EAT de toutes ses demandes et l'a condamnée à payer à la MAAF la somme de 1.000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile ; que la société EAT soutient à l'appui de son appel : - qu'il n'est pas contesté que l'état des pertes retient une somme de 1.799.233 € au titre de la valeur du stock sinistré, - que c'est donc cette somme qui lui est due, - qu'elle a accepté l'indemnité proposée en pensant qu'elle avait été calculée en fonction du contrat, que ce n'est qu'ultérieurement qu'elle a constaté qu'il n'en était rien ; que sa lettre d'acceptation du 14 février 2003 ne correspond nullement à une transaction, en l'absence de toutes concessions réciproques dans les termes des articles 2044 et suivants du Code civil ; que si elle devait être considérée comme telle, elle ne pourrait qu'être déclarée nulle pour défaut de concessions réciproques ; que la MAAF rétorque : que l'erreur d'appréciation économique portant sur la valeur ou la rentabilité de l'objet du contrat ne constitue pas une cause de nullité de la convention et constitue une lésion ne pouvant être sanctionnée que sur le fondement des dispositions relatives aux contrats lésionnaires ; qu'aux termes de l'article L 121-1 alinéa 1er du Code des assurances, l'indemnité due par l'assureur ne peut dépasser le montant de la valeur de la chose assurée au moment du sinistre ; qu'elle a réglé à la société EAT un prix supérieur à la valeur des marchandises, ainsi qu'il ressort de l'étude diligentée à sa demande par M. X..., expert ; que l'accord des volontés des parties est constituée par l'émission de son offre et par l'acceptation de la société EAT ; que cette dernière a eu communication du détail du calcul de l'indemnité et non pas seulement, comme elle le prétend d'un chiffrage global ; que cet accord est le fruit de concessions réciproques ; Mais considérant qu'il apparaît que la société EAT rapporte la preuve de l'erreur de droit qu'elle a commise en acceptant l'indemnité telle qu'elle résultait de la lettre d'accord que lui a soumise la MAAF ; que, si l'erreur de droit ne peut être prise en compte en matière de transaction, l'accord intervenu le 14 novembre 2003 ne constitue nullement une transaction, faute de la preuve de concessions réciproques ; qu'en effet, la MAAF ne peut rapporter cette preuve par le seul document qu'elle produit sur ce point, à savoir un courrier adressé le 13 mai 2003 par la société EAT à son expert, le cabinet COTRANEX, où elle lui donne ses directives quant aux discussions sur l'évaluation de son préjudice ; que l'affirmation de la société EAT selon laquelle les marchandises sinistrées ont été évaluées à la somme de 1.799.000,33 € en fonction de l'article 8 du contrat, n'est pas contestée par la MAAF, celle-ci se bornant à déclarer qu'elle devait pratiquer une dépréciation sur cette valeur ; que la lettre d'accord du 14 novembre 2003 soumise à la société EAT et qu'elle a signée, apparaît dépourvue de clarté et était de nature à l'induire en erreur ; qu'en effet, elle est ainsi rédigée (page 2) : "Compte tenu des provisions versées et des factures réglées par MAAF Assurances S.A. pour le compte de la société EAT, le solde dû s'élève à : - Indemnités 2.262.911 €, - Provisions 1.794.000 €, - Délégation Brunel Démolition 52.314,24 €, - Délégation Cotranex (à régler) 75.063,35 €, Solde 341.533,41 € ; que la MAAF ne démontre pas son affirmation selon laquelle cette lettre était accompagnée d'un décompte détaillé permettant à la société EAT de vérifier avec précision le montant qu'elle s'engageait à accepter ; que la société EAT justifie par contre avoir reçu le 26 novembre 2003 de la MAAF le chèque de règlement, la quittance à signer et un tableau récapitulatif de l'évaluation des dommages faisant cette fois apparaître le montant de 1.519.570 € au titre de l'indemnité pour le stock ; que la MAAF, invoquant les dispositions de l'article L 121-1 du Code des assurances, selon lequel « l'indemnité due par l'assureur à l'assuré ne peut dépasser le montant de la valeur de la chose assurée au moment du sinistre», ne démontre pas que la société EAT n'aurait pas vendu le stock sinistré et que par conséquent l'indemnité allouée dépasse la valeur de la marchandise au jour du sinistre, le rapport d'expertise qu'elle produit étant insuffisant pour rapporter une telle preuve ; qu'il y a lieu ainsi, infirmant le jugement déféré, de condamner la MAAF à verser à la société EAT la somme de 279.663 € » ;

ALORS DE PREMIERE PART QUE l'erreur de droit est une erreur sur l'existence, le sens ou la portée d'un droit ou d'une règle de droit ; qu'en l'espèce, en relevant, pour condamner la société MAAF ASSURANCES, qu'il apparaît que la société EAT rapporte la preuve de l'erreur de droit qu'elle a commise en acceptant l'indemnité telle qu'elle résultait de la lettre d'accord que lui a soumise la MAAF, que si l'erreur de droit ne peut être prise en compte en matière de transaction, l'accord intervenu le 14 novembre 2003 ne constitue nullement une transaction, faute de la preuve de concessions réciproques, la lettre d'accord du 14 novembre 2003 soumise à la société EAT et qu'elle a signée apparaissant dépourvue de clarté, étant de nature à induire en erreur et la MAAF ne démontrant pas que cette lettre était accompagnée d'un décompte détaillé permettant à la société EAT de vérifier avec précision le montant qu'elle s'engageait à accepter, la Cour d'appel, qui n'a pas caractérisé l'erreur que la société EUROP ASIE TRADE aurait commise sur l'existence, le sens ou la portée d'un droit ou d'une règle de droit, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1110 du Code civil ;

ALORS DE DEUXIEME PART QUE l'erreur de droit n'est sanctionnée en application de l'article 1110 du Code civil que si elle a provoqué une erreur de fait portant sur la substance du contrat ou la personne du cocontractant et qu'elle a déterminé le consentement de celui qui l'allègue ; qu'en l'espèce, en relevant, pour condamner la société MAAF ASSURANCES, qu'il apparaît que la société EAT rapporte la preuve de l'erreur de droit qu'elle a commise en acceptant l'indemnité telle qu'elle résultait de la lettre d'accord que lui a soumise la MAAF, que si l'erreur de droit ne peut être prise en compte en matière de transaction, l'accord intervenu le 14 novembre 2003 ne constitue nullement une transaction, faute de la preuve de concessions réciproques, la lettre d'accord du 14 novembre 2003 soumise à la société EAT et qu'elle a signée apparaissant dépourvue de clarté et étant de nature à induire en erreur, la MAAF ne démontrant pas que cette lettre était accompagnée d'un décompte détaillé permettant à la société EAT de vérifier avec précision le montant qu'elle s'engageait à accepter, la Cour d'appel, qui n'a pas caractérisé l'existence d'une erreur de fait portant sur la substance du contrat ou la personne du cocontractant et ayant déterminé le consentement de la société EUROP ASIE TRADE, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1110 du Code civil ;

ALORS DE TROISIEME PART QUE l'erreur sur la valeur est indifférente ; que l'erreur qu'un assuré peut avoir commise sur l'évaluation monétaire de son préjudice résulte d'une appréciation économique erronée et constitue une erreur sur la valeur ; qu'en l'espèce en condamnant la société MAAF ASSURANCES à payer à la société EUROP ASIE TRADE la somme de 279.663 €, la Cour d'appel a sanctionné l'appréciation économique erronée que la société EUROP ASIE TRADE a pu commettre sur l'évaluation du préjudice résultant de la destruction de son stock et, faisant ainsi produire effet à une simple erreur sur la valeur, a violé l'article 1110 du Code civil ;

ALORS DE QUATRIEME PART QUE la signature manifeste le consentement des parties au contenu de l'acte sur lequel elle est apposée et que l'acte sous seing privé fait foi de son contenu jusqu'à preuve du contraire, laquelle ne peut être rapportée contre et outre un écrit que par un autre écrit ; qu'en l'espèce, la lettre d'accord signée par Monsieur Y..., représentant légal de la société EUROP ASIE TRADE, le 14 novembre 2003 énonçait formellement que « l'indemnité globale et forfaitaire dont le détail figure en annexe jointe comprend tous les postes de préjudice » ; que Monsieur Y..., après l'avoir signé, a retourné ce document à la société MAAF ASSURANCES et n'a assorti son acceptation d'aucune réserve relative à l'absence d'annexe jointe contenant le détail des postes de préjudice ; que l'ensemble de ces éléments permet d'établir que Monsieur Y... avait eu connaissance de l'annexe jointe détaillant tous les chefs de préjudice et que c'est en connaissance de cause qu'il avait accepté la proposition d'indemnisation faite par la société MAAF ASSURANCES ; que, si Monsieur Y... était autorisé à rapporter la preuve contraire, ce n'était qu'à la condition de le faire en produisant un autre écrit ; qu'en retenant néanmoins, pour condamner la société MAAF ASSURANCES, que celle-ci ne démontre pas son affirmation selon laquelle la lettre d'accord signée par la Société EUROP ASIE TRADE le 14 novembre 2003 était accompagnée d'un décompte détaillé permettant à la société EUROP ASIE TRADE de vérifier avec précision le montant qu'elle s'engageait à accepter, la Cour d'appel a violé les articles 1134 et 1316-4 et 1341 du Code civil ;

ALORS DE CINQUIEME PART QUE, dans une assurance de biens, l'indemnité due par l'assureur à l'assuré ne peut pas dépasser le montant de la valeur de la chose assurée au moment du sinistre ; que cette règle est d'ordre public ; qu'il en résulte, en cas de destruction d'un stock de marchandises, que l'indemnité versée à l'assuré doit avoir pour objet de permettre à l'assuré de reconstituer un stock de valeur identique à celui qui a été détruit et non un stock composé de marchandises neuves ; qu'en l'espèce, en retenant néanmoins que la société MAAF ASSURANCES ne démontre pas que la société EAT n'aurait pas vendu le stock sinistré et que par conséquent l'indemnité allouée ne dépasse pas la valeur de la marchandise au jour du sinistre, le rapport d'expertise qu'elle produit étant insuffisant pour rapporter une telle preuve, la Cour d'appel, qui a condamné la société MAAF ASSURANCES à payer une indemnité fixée selon le prix de nouvelles marchandises à la date de leur acquisition, a ainsi violé l'article L. 121-1 du Code des assurances ;

ALORS ENFIN QUE, dans ses conclusions (p. 4), la société MAAF ASSURANCES faisait valoir que la fixation de l'indemnité définitive allouée à la société EUROP ASIE TRADE à concurrence de la somme de 2.262.911 € était incontestablement le fruit de concessions réciproques, que la MAAF avait concédé à la société EUROP ASIE TRADE l'indemnisation de la valeur des agencements pour une somme supplémentaire de 18.462 € qui ne lui était pas due et qu'elle lui avait encore consenti une indemnisation supplémentaire de la valeur des marchandises détruites à concurrence d'un montant de 251.742 € ; qu'en retenant, pour affirmer que l'accord intervenu le 14 novembre 2003 ne constitue nullement une transaction faute de la preuve de concessions réciproques, que la société MAAF ASSURANCES ne peut rapporter cette preuve par le seul document qu'elle produit sur ce point, à savoir un courrier adressé le 13 mai 2003 par la société EAT à son expert, le cabinet COTRANEX, où elle lui donne ses directives quant aux discussions sur l'évaluation de son préjudice, la Cour d'appel n'a pas répondu aux conclusions de la société MAAF ASSURANCES et ainsi violé l'article 455 du Code de procédure civile.

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