Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 2 décembre 2009, 08-43.486, Inédit
Cour de cassation - Chambre sociale
- N° de pourvoi : 08-43.486
- Non publié au bulletin
- Solution : Rejet
- Président
- M. Trédez (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 20 mai 2008), que M. X... a été engagé le 15 novembre 2004, en qualité de mécanicien poids lourd, par la société Assistruck, aux droits de laquelle se trouve désormais la société Transports Prevost ; qu'à la suite de plusieurs arrêts maladie, le salarié a été licencié le 23 mars 2006 au motif que son absence prolongée de l'entreprise depuis le 6 juin 2005 rendait nécessaire son remplacement définitif ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné à payer au salarié une somme à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :
1°/ que répond pleinement aux exigences de motivation posées par l'article L. 1232-6 (anc. L. 122-14-2) du code du travail la lettre de licenciement qui vise tant la désorganisation ou la perturbation de l'entreprise résultant de l'absence prolongée du salarié que la nécessité de procéder à son remplacement définitif ; qu'en l'espèce, la lettre de licenciement du 23 mars 2006 visait "votre absence prolongée de l'entreprise depuis le 3 juin 2005, rendant nécessaire votre remplacement définitif pour assurer un fonctionnement normal du service auquel vous êtes attaché" ; qu'en retenant que la lettre de licenciement ne mentionnait pas que l'absence avait désorganisé gravement l'entreprise, la cour d'appel a violé l'article L. 1232-6 du code du travail ;
2°/ qu'il appartient aux juges du fond d'apprécier la nécessité de pourvoir au remplacement définitif du salarié absent au regard des caractéristiques de l'activité et de l'entreprise ; qu'en l'espèce, l'employeur faisait valoir qu'il était obligé de procéder au remplacement définitif du salarié absent compte tenu de la petite taille de l'entreprise (seulement six salariés), de la répartition du personnel sur deux sites (le salarié absent était le seul sur le site de Mitry-Mory), de la nature et l'importance de l'activité (maintenance d'un parc routier composé de 431 camions), de la charge de travail dévolue au salarié absent (maintenance de 160 véhicules), du coût et des désagréments générés par la solution provisoirement mise en place (immobilisation des camions, surcharge de travail pour le personnel en place, perte de temps, consommation supplémentaire de gazole, bouleversement de la logistique, etc
) ; que l'employeur en justifiait par la production de nombreuses attestations, registres de présence, extrait K bis, etc
; qu'en se bornant à relever que le remplacement à titre définitif effectivement intervenu n'établissait pas en soi qu'aucune autre solution ne permettait de pallier l'absence du salarié, sans à aucun moment viser, ni analyser, serait-ce sommairement, les pièces du débat propres à révéler les caractéristiques de l'activité et de l'entreprise empêchant l'employeur de maintenir une solution provisoire à l'absence du salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-1 et L. 1232-1 du code du travail ;
3°/ subsidiairement que si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le salarié licencié peut être réintégré dans l'entreprise avec maintien de ses avantages acquis, sauf si l'une ou l'autre des parties le refuse ; qu'en l'espèce, chacune des parties au litige s'accordait sur le principe d'une réintégration du salarié, dans l'hypothèse où le licenciement du salarié serait jugé mal fondé ; que l'employeur avait à cet égard expressément conclu que dans l'hypothèse où le licenciement serait jugé abusif "il ne s'oppose pas à la réintégration" ; qu'en affirmant que l'employeur n'acceptait pas de réintégrer le salarié, la cour d'appel a méconnu les termes du litige, en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant fait une exacte application de l'article L. 1232-6 du code du travail en relevant que la lettre de licenciement mentionnait une désorganisation du seul service du salarié et non de l'entreprise, la cour d'appel, qui a, appréciant souverainement les éléments de preuve produits devant elle, constaté que la nécessité d'un remplacement définitif de ce salarié n'était pas établie, a, sans modifier l'objet du litige ni devoir suivre les parties dans le détail de leur argumentation, légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Transports Prevost aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Transports Prevost ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux décembre deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils pour la société Transports Prevost.
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de Monsieur X... était dépourvu de cause réelle et sérieuse et d'AVOIR en conséquence condamné la Société TRANSPORTS PREVOST au paiement de la somme de 15.600 à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse avec intérêts de droit à compter du 7 mai 2007 ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « Considérant qu'une erreur matérielle affecte le jugement déféré, la défenderesse étant non pas la Société ASSISTRUCK mais la Société STRI devenue Société TRANSPORTS PREVOST ;
Considérant qu'au soutien de son appel, la Société TRANSPORTS PREVOST expose qu'elle employait six salariés en 2006 affectés sur deux sites, l'un à Bondy où travaillaient cinq personnes, et l'autre à Mitry-Mory où travaillait Monsieur X... en charge de la maintenance de 160 véhicules, que dans un premier temps, malgré l'absence de ce dernier, elle a décidé de ne pas pourvoir à son remplacement définitif dans l'espoir de le voir reprendre son poste, qu'ensuite la situation perdurant est devenue insupportable, les camions devant être acheminés de Mitry-Mory à Bondy, ce qui générait un coût, et immobilisés pendant 24 heures au lieu de deux à trois heures, qu'elle a donc décidé d'engager Monsieur Boudali Y... pour remplacer à titre définitif Monsieur X..., lui-même étant licencié ;
Que cependant, si la lettre de licenciement est motivée par l'absence prolongée de Monsieur X... nécessitant son remplacement définitif, elle ne mentionne pas que cette absence a désorganisé gravement l'entreprise puisqu'elle se réfère seulement au fonctionnement normal' du service auquel il était attaché ;
Que devant la Cour, la Société TRANSPORTS PREVOST n'apporte pas d'élément de conviction sur l'impossibilité de détacher un salarié du site de Bondy sur celui de Mitry-Mory ou d'engager un mécanicien à titre temporaire dans l'attente du retour de Monsieur X... ;
Que la circonstance que Monsieur Boudali Y... ait été engagé à titre définitif toujours dans l'entreprise n'établit pas en soi que cette embauche ait été la seule solution pour pallier l'absence pour maladie de Monsieur X... ;
Que le licenciement de ce dernier, pour les motifs articulés dans la lettre de licenciement, ne procède pas d'une cause réelle et sérieuse ;
Considérant que la Société TRANSPORTS PREVOST n'accepte pas de réintégrer Monsieur X... ;
Qu'au vu des éléments de préjudices résultant de la perte d'emploi subie par le salarié, il convient de confirmer la réparation telle que définie par les premiers juges en vertu de l'article L.122-14-5 ancien du Code du travail ».
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « Selon les articles suivants du Code du travail :
L.122-14-4 : Si le licenciement d'un salarié survient sans observation de la procédure requise à la présente section, mais pour une cause réelle et sérieuse, le tribunal saisi doit imposer à l'employeur d'accomplir la procédure prévue et accorder au salarié, à la charge de l'employeur, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire ; si ce licenciement survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le tribunal peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis ; en cas de refus par l'une ou l'autre des parties, le tribunal octroie au salarié une indemnité. Cette indemnité, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois, est due sans préjudice, le cas échéant, de l'indemnité prévue à l'article L. 122-9. Lorsque le tribunal constate que le licenciement est intervenu alors que la procédure de licenciement est nulle et de nul effet, conformément aux dispositions du cinquième alinéa de l'article L. 321-4-1, il peut prononcer la nullité du licenciement et ordonner, à la demande du salarié, la poursuite de son contrat de travail, sauf si la réintégration est devenue impossible, notamment du fait de la fermeture de l'établissement ou du site ou de l'absence d'emploi disponible de nature à permettre la réintégration du salarié. Lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de son contrat de travail ou lorsque la réintégration est impossible, le tribunal octroie au salarié une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des douze derniers mois. Le tribunal ordonne également le remboursement par l'employeur fautif aux organismes concernés de tout ou partie des indemnités de chômage payées au salarié licencié du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé par le tribunal, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié concerné. Ce remboursement est ordonné d'office par le tribunal dans le cas où les organismes concernés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées. Une copie certifiée conforme du jugement est adressée par le secrétariat du tribunal à ces organismes. Sur le fondement de ce jugement et lorsque celui-ci est exécutoire, les institutions qui versent les allocations de chômage peuvent poursuivre le recouvrement des indemnités devant le tribunal d'instance du domicile de l'employeur et selon une procédure fixée par décret. Dans les mêmes conditions, lorsque le licenciement est jugé comme ne résultant pas d'une faute grave ou lourde, une copie du jugement est transmise à ces organismes'
L.122-45 : Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 140-2, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son patronyme ou en raison de son état de santé ou de son handicap. Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire visée à l'alinéa précédent en raison de l'exercice normal du droit de grève. Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire pour avoir témoigné des agissements définis aux alinéas précédents ou pour les avoir relatés. En cas de litige relatif à l'application des alinéas précédents, le salarié concerné ou le candidat à un recrutement, à un stage ou à une période de formation en entreprise présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Toute disposition ou tout acte contraire à l'égard d'un salarié est nul de plein droit'.
Attendu que la lettre de licenciement est insuffisamment motivée, celle-ci mentionne la nécessité du remplacement du salarié absent en raison de son état de santé, invoquant que ses absences répétées ont des répercussions sur la bonne marche de l'entreprise.
Attendu que l'entreprise ne démontre pas que l'absence du salarié sur le site de Mitry-Mory ait des répercussions sur son bon fonctionnement, que de plus, le contrat de travail de Monsieur X... mentionne qu'il exercera ses fonctions sur le site de Bondy et non pas Mitry-Mory, par conséquent, la Société a licencié Monsieur X... sans apporter la preuve de son détachement sur le site de Mitry-Mory.
Attendu que Monsieur Boudali Y... a été embauché par contrat à durée indéterminée en qualité de mécanicien PL aux fins de pourvoir au remplacement définitif de Monsieur X..., qu'au regard du contrat de travail de Monsieur Boudali Y..., il apparaît que celui ci est aussi affecté sur le site de Bondy et qu'il n'est toujours pas démontré par la société qu'il exercera sur le site de Mitry-Mory.
Attendu que le contrat de travail de Monsieur Boudali Y... ne mentionne pas que son embauche découle du remplacement définitif au poste d'un salarié absent pour maladie.
Attendu que par ailleurs, aucun élément n'a été fourni au Conseil (livre d'entrée et de sortie du personnel, fiche de paie, etc.) démontrant que Monsieur Boudali Y... fait toujours partie des effectifs au jour du licenciement, que cette jurisprudence constante est un élément incontournable afin de pourvoir au remplacement d'un salarié absent pour maladie.
Par conséquent, le Conseil juge que le licenciement de Monsieur X... est sans cause réelle et sérieuse.
Le Conseil condamne la Société à verser à Monsieur X... au titre de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse la somme de 15.600 euros et déboute les parties du surplus des demandes ».
1. ALORS QUE répond pleinement aux exigences de motivation posées par l'article L.1232-6 (anc. L.122-14-2) du Code du travail la lettre de licenciement qui vise tant la désorganisation ou la perturbation de l'entreprise résultant de l'absence prolongée du salarié que la nécessité de procéder à son remplacement définitif ; qu'en l'espèce, la lettre de licenciement du 23 mars 2006 visait "votre absence prolongée de l'entreprise depuis le 3 juin 2005, rendant nécessaire votre remplacement définitif pour assurer un fonctionnement normal du service auquel vous êtes attaché" ; qu'en retenant que la lettre de licenciement ne mentionnait pas que l'absence avait désorganisé gravement l'entreprise, la Cour d'appel a violé l'article L.1232-6 du Code du travail ;
2. ALORS QU'il appartient aux juges du fond d'apprécier la nécessité de pourvoir au remplacement définitif du salarié absent au regard des caractéristiques de l'activité et de l'entreprise ; qu'en l'espèce, l'employeur faisait valoir qu'il était obligé de procéder au remplacement définitif du salarié absent compte tenu de la petite taille de l'entreprise (seulement six salariés), de la répartition du personnel sur deux sites (le salarié absent était le seul sur le site de Mitry-Mory), de la nature et l'importance de l'activité (maintenance d'un parc routier composé de 431 camions), de la charge de travail dévolue au salarié absent (maintenance de 160 véhicules), du coût et des désagréments générés par la solution provisoirement mise en place (immobilisation des camions, surcharge de travail pour le personnel en place, perte de temps, consommation supplémentaire de gazole, bouleversement de la logistique, etc
) ; que l'employeur en justifiait par la production de nombreuses attestations, registres de présence, extrait Kbis, etc
; qu'en se bornant à relever que le remplacement à titre définitif effectivement intervenu n'établissait pas en soi qu'aucune autre solution ne permettait de pallier l'absence du salarié, sans à aucun moment viser, ni analyser, serait-ce sommairement, les pièces du débat propres à révéler les caractéristiques de l'activité et de l'entreprise empêchant l'employeur de maintenir une solution provisoire à l'absence du salarié, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L 1132-1 et L 1232-1 du Code du travail ;
3. ALORS subsidiairement QUE si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le salarié licencié peut être réintégré dans l'entreprise avec maintien de ses avantages acquis, sauf si l'une ou l'autre des parties le refuse ; qu'en l'espèce, chacune des parties au litige s'accordait sur le principe d'une réintégration du salarié, dans l'hypothèse où le licenciement du salarié serait jugé mal fondé ; que l'employeur avait à cet égard expressément conclu que dans l'hypothèse où le licenciement serait jugé abusif "il ne s'oppose pas à la réintégration" ; qu'en affirmant que l'employeur n'acceptait pas de réintégrer le salarié, la Cour d'appel a méconnu les termes du litige, en violation des articles 4 et 5 du Code de procédure civile.