Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 2 décembre 2009, 08-40.417, Inédit
Cour de cassation - Chambre sociale
- N° de pourvoi : 08-40.417
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
- Président
- M. Trédez (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Sur le moyen unique du pourvoi principal :
Vu les articles L. 1226-10 et L. 1226-12 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Y... a été engagé par la société Chaudronnerie industrielle de Bretagne (CIB) le 6 février 1984 en qualité de chauffeur et de soudeur ; qu'à la suite d'une rechute d'un accident du travail, il a été convoqué à une visite médicale de reprise par le médecin du travail qui l'a déclaré le 1er juin 2001 partiellement inapte ; que lors de la seconde visite médicale du 15 juin 2001, le médecin du travail a confirmé l'inaptitude, ajoutant aux indications formulées dans le premier avis que le salarié était inapte à tout poste comportant, en sus, soit position bras surélevés, soit position accroupie mais apte à un poste de magasinier ; que par lettre du 4 juillet 2001, l'employeur a convoqué le salarié à un entretien préalable à son licenciement ; qu'après lui avoir fait effectuer un bilan de compétences, il l'a licencié le 28 septembre 2001 pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement ;
Attendu que pour dire que l'employeur avait satisfait à son obligation de reclassement et le condamner à payer une somme à titre de dommages intérêts pour absence de notification par écrit des motifs qui s'opposaient à son reclassement, la cour d'appel, après avoir exactement rappelé que la proposition de reclassement ne peut être valablement formulée qu'après le dépôt par le médecin du travail de ses conclusions résultant du second avis médical, retient qu'il résulte des organigrammes produits au dossier, du niveau de qualification du salarié qui ne lui permet pas d'occuper un poste administratif, de la nature des métiers techniques des salariés en atelier qui imposent le port de charges d'un poids supérieur à cinq kilos et des positions fatigantes, et du listing des postes vacants que le salarié ne pouvait occuper compte tenu de son état de santé ou de ses compétences, que la société a exécuté son obligation de reclassement et a recherché auprès des entreprises du groupe Meunier auquel elle appartient des possibilités de reclassement ;
Qu'en se déterminant ainsi, alors qu'elle avait constaté que l'employeur n'avait proposé qu'un poste de finition avec des contraintes physiques minimales après la première visite de reprise, proposition jugée par le médecin du travail incompatible avec les restrictions d'aptitude du salarié, la cour d'appel, qui n'a pas vérifié si, postérieurement à la seconde visite de reprise, l'employeur avait effectivement recherché des possibilités de reclassement du salarié au sein de l'entreprise ou du groupe auquel elle appartient, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail, n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Et attendu que le droit du salarié, victime d'un accident du travail, à obtenir une indemnité en réparation du préjudice subi du fait de l'absence de notification écrite des motifs qui s'opposent à son reclassement ou l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse étant alternatif et subordonné au caractère fondé ou non du licenciement, la cassation sur le pourvoi principal entraîne par voie de conséquence, en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt ayant condamné la société au paiement d'une indemnité pour absence de notification écrite des motifs s'opposant au reclassement, ces dispositions étant dans la dépendance nécessaire du chef atteint par la cassation ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur le moyen unique du pourvoi incident :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit que la société CIB avait satisfait à son obligation de reclassement et en ce qu'il l'a condamnée à payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages intérêts pour manquement à l'obligation d'information par écrit des motifs s'opposant au reclassement, l'arrêt rendu le 20 novembre 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen ;
Condamne la société CIB aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société CIB ; la condamne à payer à M. Y... seul la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux décembre deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils pour M. Y... et le syndicat des métaux CGT, demandeurs au pourvoi principal
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la société CIB avait satisfait à son obligation de reclassement, que le licenciement de M. Y... n'avait pas été prononcé en méconnaissance des dispositions des alinéas 1 et 4 de l'article L 122-32-5 du code du travail, (ancien et travail (L 1226-10 et L 1226-12 du nouveau code du travail) et d'avoir limité l'indemnisation du salarié à une indemnité sur le fondement de l'article L 122-32-5 alinéa 2 ancien du code du travail (1226-12 nouveau)
AUX MOTIFS QUE c'est par une exacte analyse des textes et des documents versés au débat que les premiers juges :- ont estimé que la Société CIB avait respecté l'obligation de consultation des délégués du personnel, en s'appuyant sur le procès-verbal rédigé et signé le 5 juillet 2001 par Monsieur X..., délégué du personnel.- ont souligné que l'employeur n'avait pas respecté les textes concernant la notification par écrit du salarié, des motifs supposant à son reclassement puisqu'il a accompli cette formalité en même temps qu'il a engagé la procédure de licenciement sort dans la lettre de convocation â l'entretien préalable.- ont rappelé la jurisprudence selon laquelle il résultait de la combinaison des articles L122-32-5 du Code du Travail et R 241-51-1 du Code du Travail que la proposition de reclassement ne pouvait être valablement formulée qu'après le dépôt par le médecin du travail de ses conclusions résultant du second avis médical ; que par contre, il résulte des organigrammes produits au dossier, du niveau de qualification du salarié, qui ne lui permet pas d'occuper un poste administratif, de la nature des métiers techniques des salariés en atelier (soudeurs, chaudronniers, tôliers) qui imposent le port de charges d'un poids supérieur à 5 kilos et des positions fatigantes, et du listing des postes vacants que Monsieur Y... ne pouvait occuper., compte tenu de son état de santé ou de ses compétences, que la société CIB a exécuté son obligation de reclassement et a recherché auprès des entreprises du Groupe MEUNIER auquel elle appartient, des possibilités de reclassement ; qu'elle a proposé à Monsieur Y... d'effectuer un bilan de compétence et a attendu que celui-ci soit réalisé pour procéder au licenciement ; que dans ces conditions, c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le licenciement du salarié avait été prononcé en méconnaissance de dispositions des alinéas 1 et 4 de l'article L 122-35-5 du Code du Travail ; que toutefois rappelant que la Société CIB a mal appliqué les dispositions relatives à la notification à M. Y... de l'impossibilité dans laquelle elle s'est trouvée de procéder à son reclassement, il convient de lui allouer à titre de dommages et intérêts la somme de 10 000 euros ;
ALORS QUE si le salarié est déclaré par le médecin du travail inapte à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur est tenu de lui proposer, compte tenu des conclusions écrites du médecin du travail, et des indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer une des taches existant dans l'entreprise et après avis des délégués du personnel, un autre emploi approprié à ses capacités et aussi comparable que possible à celui précédemment occupé, au besoin par la mise en place de mesures telles que mutations transformations de postes ou aménagement du temps de travail ; que le salarié faisait valoir dans ses conclusions qu'aucune recherche de solution dans le groupe n'avait été effectuée, l'employeur s'étant contenté dès le 2 juillet 2001 d'affirmer qu'un reclassement dans le groupe était impossible, sans fournir aucun justificatif (conclusions p. 4 et 5), sa décision étant prise avant même l'achèvement du bilan de compétences de M. Y... ; que le groupe Meunier est un groupe important, et que des postes correspondant aux prescriptions d'aptitude du médecin du travail existaient ; que la possibilité d'aménagement de poste n'a pas été évoquée, ni la possibilité de formation pour un poste adapté (ex : tourneur) ; que le salarié démontrait, après étude des registres du personnel des différentes sociétés du groupe, que des postes de reclassement au sein du groupe Meunier auraient pu lui être proposés ; qu'en retenant que l'employeur avait satisfait aux obligations de recherche d'une solution de reclassement pesant sur lui consécutives à la diminution d'aptitude d'un salarié victime d'un accident du travail, sans rechercher, comme pourtant l'y invitait le salarié dans ces conclusions, si l'employeur avait recherché la possibilité d'aménagement de poste ou la formation vers un poste adapté, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 122-32-5 alinéas 1 et 4 de l'ancien code du travail (L1226-10 et L1226-12 du nouveau code du travail)
ALORS D'AUTRE PART que l'employeur doit justifier avoir recherché activement toute possibilité de reclassement au sein de son entreprise ou du groupe auquel elle appartient ; que l'employeur qui adresse au médecin du travail, le 18 juin 2001, (pièce n° 8 produite en appel par la société) trois jours après la seconde visite médicale de reprise, une lettre lui indiquant que suite au second avis d'aptitude partielle, plus restrictif que le premier, il ne peut pas reclasser le salarié, ni dans l'entreprise, ni dans le groupe, démontre par là même ne pas avoir satisfait loyalement à son obligation de recherche d'une solution de reclassement ; que le salarié, demandant à hauteur d'appel la confirmation du jugement prud'homal, soutenait ainsi que la société CIB procédait par voie d'affirmation sans même décrire la moindre tentative d'un aménagement de poste ou justifier de son impossibilité ; que la société ne justifiait pas avoir effectué une étude des postes disponibles au sein du groupe meunier et avoir étudié des aménagements possibles au besoin en demandant l'avis ou les conseils du médecin du travail afin de les rendre compatibles avec les aptitudes de M. Y... ; qu'en retenant que la société avait satisfait à son obligation de reclassement, sans analyser le courrier du 18 juin 2001, ni préciser sur le fondement de quel élément produit aux débats elle pouvait retenir que l'employeur avait analysé les postes disponibles au sein du groupe Meunier, la Cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils pour la société Chaudronnerie industrielle de Bretagne, demanderesse au pourvoi incident
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt d'AVOIR condamné la société CHAUDRONNERIE INDUSTRIELLE DE BRETAGNE à verser à Monsieur Y... la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour n'avoir pas satisfait à son obligation d'information par écrit des motifs s'opposant à son reclassement ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « rappelant que la Société CIB a mal appliqué les dispositions relatives à la notification à Monsieur Y... de l'impossibilité devant laquelle elle s'est trouvée de procéder à son reclassement, il convient de lui allouer à titre de dommages intérêts la somme de 10 000 euros » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE « l'employeur doit faire connaître par écrit au salarié les raisons qui s'opposent à son reclassement. Cette formalité doit être accomplie avant que la procédure de licenciement ne soit engagée. L'absence de notification écrite des motifs s'opposant au reclassement ouvre droit à des dommages et intérêts. Mais cette indemnité ne peut pas se cumuler avec l'indemnité qui sanctionne les irrégularités de fond résultant de la violation par l'employeur des règles particulières au reclassement du salarié victime d'un accident du travail. En l'espèce, le courrier du 29 juin 2001, ne peut valoir information du salarié, l'employeur se contentant d'invoquer les difficultés de reclassement et proposant un bilan de compétences. Le courrier du 4 juillet 2001 qui donne cette information est le courrier convoquant M. Y... à un entretien préalable en vue du licenciement. Il ne peut dès lors être pris en compte. Dès lors, il convient de constater que l'employeur n'a pas satisfait à son obligation de faire connaître par écrit au salarié les raisons qui s'opposent à son reclassement avant que ne soit introduite la procédure de licenciement » ;
1. ALORS QUE l'employeur satisfait à son obligation de notifier par écrit au salarié les motifs qui s'opposent à son reclassement lorsque cette notification a lieu avant l'expédition de la lettre de convocation à l'entretien préalable ayant effectivement conduit au licenciement du salarié pour inaptitude ; qu'en l'occurrence, l'employeur soutenait dans ses conclusions d'appel (cf. p. 13 § II), expressément visées par l'arrêt attaqué (cf. p. 3, dernier alinéa), que la lettre adressée au salarié le 4 juillet 2001 informait précisément celui-ci des motifs qui s'opposait à son reclassement et que ce n'était qu'à la suite d'une lettre de convocation à un entretien préalable en date du 19 septembre 2001 que le salarié avait été licencié pour inaptitude le 28 septembre suivant, si bien que l'employeur avait notifié par écrit au salarié les motifs qui s'opposaient à son reclassement avant de lui adresser la lettre de convocation à l'entretien préalable ayant conduit à son licenciement ; qu'en condamnant néanmoins l'employeur à payer la somme de 10 000 euros au salarié, en raison du manquement de l'employeur aux dispositions relatives à cette notification, sans s'expliquer sur le point soulevé par l'exposante, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 122-32-5, alinéa 2, devenu L. 1226-12, alinéa 1er, du Code du travail ;
2. ALORS subsidiairement QUE l'absence de notification écrite des motifs qui s'opposent au reclassement du salarié rend l'employeur redevable d'une indemnité en réparation du préjudice subi dans la limite du montant d'un mois de salaire ; qu'en l'espèce, le salarié ne soutenait pas que son dernier salaire était au moins égal à 10 000 euros, ce que confirmait la production par le salarié de ses bulletins de salaire des mois de mai à septembre 2001 ; qu'en condamnant l'employeur à verser cette somme au salarié en raison de l'absence de notification écrite des motifs s'opposant au reclassement de celui-ci avant que la procédure de licenciement pour inaptitude n'ait été engagée, sans constater que ladite indemnité était égale ou inférieure à un mois de salaire, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 122-32-5, alinéas 2 et 5, devenu L. 1226-12, alinéas 1er et 3, du Code du travail et de l'article L. 122-14-4, alinéa 1er, devenu L. 1235-2 du Code du travail.