Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 24 novembre 2009, 08-13.295, Inédit
Cour de cassation - Chambre commerciale
- N° de pourvoi : 08-13.295
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation
- Président
- Mme Favre (président)
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à M. X... du désistement de son pourvoi en ce que celui-ci est dirigé contre M. Y... ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'en 1999 et 2000, M. X... a ouvert auprès de la société Dubus un compte lui permettant, sans mandat de gestion, de passer à distance par voie informatique des ordres relatifs à des instruments financiers et notamment de passer des ordres sur le marché à règlement mensuel, devenu service à règlement différé, ainsi que des ventes à découvert ; qu'en 2003, la société Dubus a demandé que M. X... soit condamné à lui payer une somme correspondant à l'insuffisance de couverture de son compte ;
Sur la recevabilité du moyen, contestée par la défense :
Attendu que la société Dubus soutient que le moyen est irrecevable en ce qu'il critique des motifs qui ne fondent pas le chef de dispositif attaqué ;
Mais attend que les motifs critiqués, par lesquels la cour d'appel a écarté les fautes invoquées par M. X... pour s'opposer à la demande de la société Dubus, constituent le soutien du chef de dispositif accueillant cette demande ; que le moyen est recevable ;
Et sur le moyen :
Vu l'article 1147 du code civil, ensemble l'article L. 533-4 du code monétaire et financier, dans sa rédaction alors applicable ;
Attendu qu'aux termes du second de ces textes, le prestataire de services d'investissement est tenu d'exercer son activité avec la compétence, le soin et la diligence qui s'imposent, au mieux des intérêts de ses clients et de l'intégrité du marché, ainsi que de se conformer à toutes les réglementations applicables à l'exercice de son activité afin de promouvoir au mieux les intérêts de son client et l'intégrité du marché ; qu'il résulte du premier qu'il est tenu de réparer les conséquences dommageables de l'inexécution de ces obligations ;
Attendu que pour dire que la société Dubus n'avait pas engagé sa responsabilité à l'égard de M. X... en s'abstenant de liquider ses positions malgré l'insuffisance de couverture, l'arrêt retient que les obligations pesant à cet égard sur le prestataire de services d'investissement sont édictées dans l'intérêt de l'intermédiaire et de la sécurité du marché et non dans celui du donneur d'ordre, lequel ne peut invoquer leur inobservation par l'établissement financier ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 novembre 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée ;
Condamne la société Dubus aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre novembre deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils pour M. X....
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné Monsieur X... à payer à la société DUBUS la somme de 191.871,98 représentative de l'insuffisance de couverture au 18 novembre 2005 du compte n° 223 183 5000 ainsi que 1.500 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile
AUX MOTIFS QU'afin d'obtenir la possibilité contractuelle d'intervenir sur les marchés à terme et de procéder à des ventes à découvert M. Marc X... appose au dessus de sa signature en page 7 de l'acte du 20 avril 2000 « j'estime avoir les connaissances suffisantes pour pratiquer la vente à découvert, j'ai pris connaissance de l'avertissement ci-dessus et j'accepte les conditions indiquées précédemment », appose au dessus de sa signature en page 9 de l'acte « je certifie avoir les connaissances suffisantes, boursières et techniques pour passer des ordres en direct, avec QU sans fil, sur les marchés boursiers » et répond au questionnaire « évaluation des aptitudes » par lequel il atteste être un particulier, posséder une expérience suffisante en matière d'investissement, avoir une connaissance suffisante des actions, des obligations, des reports et des warrants, vouloir décider seul de ses investissements sans conseil et avoir pour objectif prioritaire de constituer un portefeuille classique ; qu'en page 10 du contrat M. Marc X... appose, suivie de sa signature, la formule manuscrite suivante :"pris connaissance de l'ensemble de la présente charte et des annexes 1,2 et 3 s'y rapportant", l'annexe 3 intitulé "techniques du marché" décrivant, notamment, tant le mécanisme de différé possible de règlement des opérations d'achat et de vente des titres avec constitution d'un dépôt de garantie ("couverture") en reportant leur liquidation que celui de la vente à découvert qui est défini, décrit et illustré d'exemples chiffrés concrets, ne serait ce que par rapport à une cession comptant, l'attention du souscripteur étant attiré sur montant illimité du risque » ; qu'ainsi est il écrit au titre des illustrations que "si j'achète 100 francs le titre d'une société qui fait faillite je peux perdre au maximum 100 francs, je peux perdre au maximum une somme égale au nombre de titres multiplié par cette valeur de 100 francs", si je vends à découvert 100 francs un titre que je ne possède pas et si ce titre ne cesse de "monter" en bourse et cote 200, puis 300 puis 500 francs je finis par devoir acheter 500 francs ce que j'ai vendu 100 francs je peux être obligé de payer 2 fois, 3 fois, 5 fois le prix que j'ai reçu (100 francs) lors de la vente à découvert, je peux donc perdre une somme illimitée : = X (200-100); X (300-100); X (500-100) etc. ; que contractuellement M. Marc X... a sollicité et obtenu l'autorisation de réaliser des opérations à règlement différé avec effet de levier et de vente à découvert ; que l'opération à règlement différé avec effet de levier est définie, notamment à l'annexe 3 page 10 du contrat signé, comme celle de « mettre en compte » ses opérations et de ne les liquider qu'à la fin du mois avec un dépôt de garantie appelée couverture sous forme de cash (au moins 20 % des engagements soit un effet de levier 5) ou sous forme de titres (au moins 40 % des engagements soit un effet de levier 2,5), le client pouvant à la fin du mois boursier (5 jours de bourse avant le dernier jour du mois) proroger le règlement différé de ses positions en reportant ses achats ou ses ventes, différant jusqu'à la fin du mois suivant la liquidation de ses engagements par règlement des achats qu'il a fait reporter et/ou livraison des titres vendus qu'il a reportés ; que la vente à découvert est également définie, notamment à l'annexe 3 page 10 du contrat signé, comme étant celle permettant à l'investisseur qui s'attend à la baisse des cours d'une action d'essayer de profiter de cette baisse escomptée en vendant des titres qu'il ne possède pas dans "l'espoir de les acheter ultérieurement à un cours plus bas", en réalisant ainsi un bénéfice, étant précisé que l'investisseur peut attendre un« certain temps » en reportant la livraison des titres vendus et l'encaissement effectif du prix jusqu'à ce que le cours lui permette de les acheter moins cher que le cours de vente ; que le contrat attire l'attention de l'investisseur de manière très concrète sur les risques inhérents à cette technique de marché dont il est rappelé qu'elle « doit être maniée avec précaution », des exemples concrets étant donnés ainsi que cidessus rappelé ; que la vente à découvert suppose donc la constitution préalable d'un dépôt de garantie appelé couverture spéciale « vente à découvert » sous forme de cash (au moins 20 % des engagements) ou sous forme de titres (au moins 40 % des engagements), les différentes couvertures étant également reprises à l'article 6 de la convention d'ouverture de compte, M. Marc X... ayant apposé au dessus de sa signature en page 8 de l'acte « je déclare avoir pris connaissance des règles relatives à la couverture des positions que je suis susceptible de prendre sur les différents marchés » ; qu'en pages 6 et 15 du contrat il est également prévu qu'une commission de 0,3 H.T % sera perçue au titre de la prorogation et de 0,12 % au titre du règlement différé et M. Marc X... opte pour le tarif C (« forfait Internet et minitel) pour les frais de courtage et droits de garde ; que ces éléments démontrent qu'au "stade de l'ouverture du compte" la société Dubus a fourni à M. Marc X... tous les renseignements sur les risques encourus ; que le report des opérations à terme initiées par M. Marc X... se traduit chaque mois entre la société Dubus et le client par la détermination d'une position créditrice ou débitrice au compte et cela même si cette position est susceptible d'évoluer ultérieurement, le solde du seul compte ouvert étant la résultante de plusieurs composants, du solde espèces, de la valeur du compte titre et de la valeur de liquidation des opérations ; qu'un solde négatif qui résulte de la passation d'ordres stipulés à règlement différé ou du report de leur exécution et qui permet à la société Dubus d'agir en paiement d'une insuffisance de couverture constitue, non pas une écriture purement comptable voire virtuelle dans l'attente du dénouement de l'opération mais l'inscription au débit du compte de la moins-value constatée avec perception de frais et de commissions, notamment de report ; qu'il convient de déterminer si, en laissant perdurer le report des positions depuis plusieurs années sur la base d'opérations initiées jusqu'au décembre 2000, à l'exception d'une vente au comptant intervenue le 6 octobre 2004, opérations dont il n'est nullement établi qu'elles aient été réalisées en insuffisance de couverture, la société Dubus a engagé sa responsabilité de professionnel à l'égard de ce dernier ; que la réponse ne peut être déduite de la seule décision du 21 avril 2005 de la commission des sanctions de l'autorité des marchés financiers dite AMF sanctionnant à ce titre la société Dubus, la sanction émise à l'encontre de cette dernière intervenant justement au motif qu'elle a accédé aux demandes de ses clients de laisser leurs comptes débiteurs en reportant les soldes, portant ainsi atteinte à "la solidité financière de la place" ; que le client qui obtient le report de ses positions, ne serait-ce que par inertie, sans liquider tout ou partie de ses positions alors qu'il déclare vouloir gérer seul son compte sans conseil, et sans exercer la possibilité contractuelle qui lui est offerte de se désengager, notamment en résiliant le compte (article 12 de la convention) en soldant un éventuel débit, ne saurait se fonder sur la seule sanction intervenue sur des considérations tirées de l'intérêt général pour engager la responsabilité de son cocontractant ; qu'en effet la société Dubus rappelle à juste titre que les règles applicables au report de toute position débitrice, qui supposent soit un réajustement de la couverture initialement constituée en fonction de la réévaluation quotidienne de la position elle-même et des actifs admis en couverture de cette position, soit à défaut de complément ou de reconstitution par le client de sa couverture des mesures prises par le prestataire pour que la position du client soit à nouveau couverte (réduction de la position puis réalisation de tout ou partie de la couverture), soit des modalités différentes arrêtées par le prestataire et le client, sont, en application d'ailleurs constante d'une jurisprudence de la cour de cassation, édictées "dans l'intérêt de l'intermédiaire et de la sécurité du marché et non dans celui du donneur d'ordre" ne peuvent être invoquées par ce dernier ou "imputées à faute" dans le cadre d'une inobservation de ces obligations par l'établissement financier ; que dès lors les demandes de dommages intérêts présentées à ces seuls motifs par M. Marc X... doivent être rejetées ; qu'au vu des éléments versés aux débats par la société Dubus, notamment le justificatif de toutes les opérations initiées par M. Marc X... (avis d'opérés), l'historique du compte jusqu'au 18 novembre 2005 et la synthèse déterminant l'évaluation du portefeuille à la dernière clôture, M. Marc X... reste débiteur au 18 novembre 2005 d'une insuffisance de couverture du compte dit ordinaire n° 223 183 5000 de 191.871,98 euros, somme à laquelle il convient de condamner M. Marc X... au paiement ;
1. ALORS QU'aux termes de l'article L. 533-4 du code monétaire et financier, dans sa rédaction alors applicable, le prestataire de services d'investissement est tenu d'exercer son activité avec la compétence, le soin et la diligence qui s'imposent, au mieux des intérêts de ses clients et de l'intégrité du marché, ainsi que de se conformer à toutes les réglementations applicables à l'exercice de son activité de manière à promouvoir au mieux les intérêts de son client et l'intégrité du marché ; qu'il résulte de l'article 1147 du Code civil qu'il est tenu de réparer les conséquences dommageables de l'inexécution de ces obligations ; qu'il en résulte que le donneur d'ordre peut se prévaloir de l'inobservation par le prestataire de services d'investissement des règles relatives à la couverture pour engager sa responsabilité, notamment lorsque ledit prestataire s'est abstenu de liquider les positions du donneur d'ordre au moment où la couverture est devenue insuffisante ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
2. ALORS QU'en retenant à l'appui de sa décision que Monsieur X... avait apposé au dessus de sa signature en page 7 de l'acte du 20 avril 2000 « j'estime avoir les connaissances suffisantes pour pratiquer la vente à découvert, j'ai pris connaissance de l'avertissement ci-dessus et j'accepte les conditions indiquées précédemment », apposé au dessus de sa signature en page 9 de l'acte « je certifie avoir les connaissances suffisantes, boursières et techniques pour passer des ordres en direct, avec ou sans fil, sur les marchés boursiers » et répondu au questionnaire « évaluation des aptitudes » par lequel il attestait être un particulier, posséder une expérience suffisante en matière d'investissement, avoir une connaissance suffisante des actions, des obligations, des reports et des warrants, vouloir décider seul de ses investissements sans conseil et avoir pour objectif prioritaire de constituer un portefeuille classique, et en se déterminant ainsi par des motifs desquels il ne résulte pas que la société DUBUS avait, lors de l'ouverture du compte, procédé elle-même à l'évaluation de la compétence de son client s'agissant de la maîtrise des opérations spéculatives envisagées et des risques encourus dans ces opérations, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 du Code civil et L. 533-4 du code monétaire et financier, dans sa rédaction alors applicable.