Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 18 novembre 2009, 08-18.740, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Donne acte à Mme X... du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. Y... ;

Sur le moyen unique :

Vu l'article 1134 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 27 mai 2008), que le 8 août 2004, Mme Z... a consenti à ses deux enfants une donation-partage portant, entre autres, sur les parts de la société civile immobilière Incom, dont 25 ont été attribuées à son fils, M. Z..., et 5 à sa fille, Mme X... ; que Mme Z... étant décédée le 29 mars 2005, son fils a renoncé à la succession ; que soutenant qu'en sa qualité de seule héritière, elle était propriétaire de la créance en compte courant de Mme Z..., Mme X... a assigné M. Z... et la société Incom pour faire figurer la somme de 214 632 euros dans l'actif successoral et obtenir la rectification des écritures comptables de la société ;

Attendu que pour débouter Mme X... de ses demandes, l'arrêt retient que le 16 août 2004 l'expert-comptable de la société, M. Y..., sur ordre de son gérant, la société Sema, ayant pour gérant M. Z..., procédait dans les écritures au solde du compte courant et le ventilait de la manière suivante : 171 272,76 euros pour M. Z... et 42 818,19 euros pour Mme X... sur les bases de la "donation", savoir 20 parts / 5 parts, qu'au décès de Mme Z... le 29 mars 2005, son compte courant était égal à zéro, de sorte que son actif successoral ne peut comporter la somme de 214 632 euros, déjà distribuée, et que rien ne permet de dire que Mme Z... ait contesté de son vivant les modalités du transfert de son compte courant aux nouveaux associés ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la donation-partage ne portant que sur les droits d'associés eux-mêmes, sans autre précision, ne pouvait s'étendre en l'absence de clause particulière au solde créditeur de son compte courant, la cour d'appel, qui n'a pas constaté le consentement de Mme Z... à la cession de sa créance en compte courant, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 mai 2008, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;

Condamne, ensemble, M. Z... et la société civile immobilière INCOM aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. Z... et de la société civile immobilière INCOM et les condamne, ensemble, à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit novembre deux mille neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour Mme Z...

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR jugé que la somme de 214.632 euros, correspondant au montant de la créance en compte courant détenue par Madame Sella Z..., ne faisait plus partie de l'actif successoral lors du décès de cette dernière et d'AVOIR, en conséquence, débouté Madame Anahide Z... de sa demande d'attribution de cette créance et de rectification des écritures comptables de la société INCOM ;

AUX MOTIFS QUE suivant convention de donation partage authentifiée par Maître B... le 8 août 2004, Sella Z... a partagé également entre ses deux enfants, Jacques Z... et Anahide Z... épouse X... l'ensemble de son patrimoine, cédant notamment ses parts sociales détenues dans la SCI INCOM de la manière suivante : - 20 parts à Jacques Z... – 5 parts à Anahide X..., sur une évaluation totale de 230.000 euros ; que la donation partage ne portant que sur les droits d'associés eux-mêmes, sans autre précision, elle ne peut s'étendre en l'absence de clause particulière, aux droits que la cédante pouvait également avoir dans la société à un autre titre, tel dans le cas présent au solde créditeur du compte courant de Sella Z... dans la SCI INCOM s'élevant à 214.632 euros ; que le 16 août 2004, l'expert-comptable de la société Monsieur Y..., sur ordre de son gérant, la société SEMA (dont le gérant est Jacques Z...) procédait dans les écritures au solde du compte courant, et le ventilait de la manière suivante : - 171.272,76 euros pour Jacques Z... – 42.818,19 euros pour Anahide X... sur les bases de la donation, savoir 20 parts/5 parts ; qu'au décès de Sella Z... le 29 mars 2005, son compte courant était égal à zéro, de sorte que son actif successoral ne peut comporter la somme de 214.632 euros, déjà distribuée, contrairement à ce qu'a décidé le premier juge, faisant droit à la thèse de Anahide X... ; que celle-ci soutient qu'une telle attribution annihilerait le caractère égalitaire du partage voulu par sa mère puisqu'elle a créé un écart de valeur de 128.554 euros entre les deux lots ; que dans la mesure où rien ne permet de dire que Sella Z... ait contesté de son vivant les modalités du transfert de son compte courant aux nouveaux associés et où la cour n'est pas saisie d'une contestation sur l'approbation des comptes de l'exercice 2004 de la SCI INCOM, Anahide X... n'est pas fondée à obtenir une «rectification » des écritures comptables, de sorte que le jugement sera informé en ce sens ;

1° ALORS QUE la propriété des biens s'acquiert et se transmet par succession, par donations entre vifs ou testamentaire, par accessoire, accession ou par l'effet des obligations ; qu'il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que la donation-partage consentie par Madame Sella Z... à ses enfants le 8 août 2004 ne s'étendait pas à la créance en compte courant dont elle était titulaire à l'égard de la société INCOM, qui était ainsi demeurée dans son patrimoine ; qu'en affirmant cependant que cette créance en compte courant ne pouvait être incluse dans l'actif successoral de Madame Z..., au motif que le 16 août 2004, l'expert-comptable de la société INCOM l'avait transférée, sur ordre de son gérant, aux enfants de la défunte au moyen d'une simple écriture comptable, quand une telle écriture, simple acte matériel ne revêtant pas une forme contractuelle, était dépourvue de tout effet et n'avait pu transférer, en l'absence de tout accord des parties concernées, la propriété d'un bien, la Cour d'appel a méconnu les dispositions des articles 711 et 712 du Code civil ;

2° ALORS QUE les associés d'une société civile n'obtiennent communication des comptes sociaux que dans la perspective de l'assemblée générale ou de la consultation au cours de laquelle ils sont invités à les approuver ; que la Cour d'appel a, par motifs adoptés des premiers juges, relevé qu'il n'était pas établi que l'assemblée générale des associés de la société INCOM se soit réunie entre le 31 décembre 2004, fin de l'exercice, et le 29 mars 2005, date à laquelle Madame Sella Z... est décédée ; qu'en affirmant cependant que l'écriture comptable portée par l'expert comptable de la société INCOM sur les comptes sociaux avait transféré la créance en compte courant dont Madame Sella Z... était titulaire à ses enfants au motif qu'elle n'avait pas contesté, de son vivant, les modalités d'un tel transfert et que l'approbation des comptes sociaux n'était pas davantage contestée, sans rechercher si, alors qu'elle avait constaté qu'aucune assemblée générale ne s'était tenue entre la clôture de l'exercice 2004 et le décès de Madame Sella Z..., cette dernière avait pu avoir connaissance des comptes sociaux et, a fortiori, les approuver, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article 1856 du Code civil ;

3° ALORS QU'en toute hypothèse, le transfert d'un droit personnel appartenant aux associés ne saurait être déduit d'un acte de gestion comptable de la société, même non contesté par les associés ; qu'en faisant produire effet à l'écriture comptable par laquelle l'expert-comptable de la société INCOM avait transféré aux enfants de Madame Sella Z... la créance en compte courant dont elle était titulaire au motif que les comptes de l'exercice 2004, qui faisaient apparaître ce transfert, n'avaient pas été contestés par la défunte, la Cour d'appel a méconnu les dispositions de l'article 711 du Code civil ;

4° ALORS QU'en toute hypothèse, la renonciation à un droit ne se présume pas et doit résulter d'un acte manifestant de façon claire et non équivoque la volonté de renoncer ; qu'en affirmant que l'écriture comptable portée par l'expert-comptable sur les comptes sociaux de l'exercice 2004 avait transféré à Monsieur Jacques Z... et Madame Anahide Z..., épouse X..., la propriété de la créance en compte courant dont leur mère était titulaire au seul motif qu'elle n'avait pas été contestée par cette dernière, la Cour d'appel a méconnu les dispositions de l'article 1134 du Code civil.

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