Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 10 novembre 2009, 08-40.940, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 13 décembre 2007), que M. X... a travaillé à compter du 1er décembre 1996 en qualité de photographe pigiste pour le compte des publications Bonnier, aux droits desquelles se trouve la société Hachette déco publications ; qu'à la fin de l'année 2000, il a quitté la région parisienne pour s'installer à Arles ; qu'il a saisi, le 29 juin 2004, la juridiction prud'homale d'une demande en résolution judiciaire de son contrat de travail et en paiement de sommes à titre de prime d'ancienneté, d'indemnités de rupture et d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal :

Attendu que la société fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer au salarié une somme à titre de prime d'ancienneté pour l'année 2002, alors, selon le moyen, qu'aux termes de l'article 23 de la convention collective des journalistes, la prime d'ancienneté ne constitue pas un élément de salaire autonome mais vise à " majorer " le salaire minimum conventionnel ou le tarif minimum conventionnel de la pige et est calculée, s'agissant des pigistes, en fonction du tarif minimum de la pige ; que l'article 22 de la même convention collective précisant que ce tarif minimum est fixé " pour chaque forme de presse ", renvoyant ainsi sa détermination à la conclusion d'un accord collectif spécifique, le juge ne peut déterminer de son propre chef le montant de la prime d'ancienneté pour les pigistes collaborant avec les entreprises " de presse magazine et d'information " en l'absence d'accord collectif spécifique conclu en leur sein ; qu'en affirmant qu'" en l'absence de fixation de tarif minimum prévu par la convention collective, il convient pour le calcul de la prime d'ancienneté de se référer aux salaires bruts perçus par M. X... ", la cour d'appel a violé les dispositions conventionnelles précitées ;

Mais attendu qu'abstraction faite du motif, non critiqué par le moyen, tiré de l'assiette de calcul de la prime d'ancienneté, la cour d'appel a retenu à bon droit que, nonobstant l'absence d'annexe à la convention collective des journalistes fixant les rémunérations minimales des pigistes, le salarié était fondé à prétendre, en application des articles 22 et 23 de ladite convention, au paiement d'une prime d'ancienneté ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois tant principal qu'incident ;

Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Hachette déco publications ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix novembre deux mille neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils pour la société Hachette déco publications, demanderesse au pourvoi principal

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR condamné la société HDP à payer à Monsieur X... une somme de 755, 24 euros à titre de prime d'ancienneté pour l'année 2002 AUX MOTIFS QUE l'article 22 de la convention collective des journalistes dispose que « les barèmes de salaires expriment des minima sans discrimination d'âge, de sexe ou de nationalité. En raison de la disparité des catégories d'entreprises de presse, il est convenu que le salaire minimum national et le tarif minimum de la pige sont fixés pour chaque forme de presse. Les grilles hiérarchiques correspondant aux qualifications professionnelles, par forme de presse, sont annexées à la présente convention. Les salaires correspondant à ces qualifications doivent être majorés, s'il y a lieu de la prime d'ancienneté. Ces appointements représentent la somme minimum que chacun doit percevoir pour la durée d'un mois de travail normal tel qu'il est défini à l'article 29 de la présente convention … » ; que l'article 23 de la convention collective des journalistes fixe les barèmes minima de traitements pour le calcul de la prime d'ancienneté ; que toutefois, M. X... en sa qualité de photographe pigiste travaillant pour plusieurs entreprises de presse n'es pas soumis à une durée légale de travail qu'ainsi l'assiette de calcul de la prime d'ancienneté à laquelle il peut prétendre ne peut être déterminée que par référence au tarif minimum de la pige fixé pour chaque forme de presse ; qu'au sein de la « presse magazine et d'information », aucun accord concernant le tarif minimum de la pige n'a encore été signé et que seul un protocole prévoyant « compte tenu de l'impossibilité de justifier un temps de présence au sens des articles 23 et 24 de la convention collective des journalistes notamment dans un contexte de collaboration du pigiste à plusieurs entreprises, de prendre en considération, à titre dérogatoire et pour simplifier les calculs la durée de détention effective de la carte professionnelle afin de déterminer une notion globale d'ancienneté « est actuellement soumis à la signature des partenaires sociaux » ; que le protocole prévoit expressément qu'il ne sera applicable qu'à compter du 1er janvier 2008 sans effet rétroactif ; que cependant, nonobstant l'absence de barème de salaires minima conventionnels, M. X... ne saurait être privé de son droit à une prime d'ancienneté prévue par la convention collective des journalistes ; que le paiement à la pige constitue un mode de rémunération forfaitaire indépendant du nombre d'heures nécessaires à sa réalisation ce qui exclut de se référer au SMIC ; qu'ainsi, en l'absence de fixation de tarif minimum prévu par la convention collective, il convient pour le calcul de la prime d'ancienneté de se référer aux salaires bruts perçus par M. X... ; qu'il y a lieu dès lors au vu des pièces versées à M. X... la somme de 755, 24 euros à titre de prime d'ancienneté pour l'année 2002 ;

ALORS QU'aux termes de l'article 23 de la convention collective des journalistes, la prime d'ancienneté ne constitue pas un élément de salaire autonome mais vise à « majorer » le salaire minimum conventionnel ou le tarif minimum conventionnel de la pige et est calculée, s'agissant des pigistes, en fonction du tarif minimum de la pige ; que l'article 22 de la même convention collective précisant que ce tarif minimum est fixé « pour chaque forme de presse », renvoyant ainsi sa détermination à la conclusion d'un accord collectif spécifique, le juge ne peut déterminer de son propre chef le montant de la prime d'ancienneté pour les pigistes collaborant avec les entreprises " de presse magazine et d'information " en l'absence d'accord collectif spécifique conclu en leurs seins ; qu'en affirmant qu'« en l'absence de fixation de tarif minimum prévu par la convention collective, il convient pour le calcul de la prime d'ancienneté de se référer aux salaires bruts perçus par Monsieur X... », la cour d'appel a violé les dispositions conventionnelles précitées.

Moyen produit par Me Copper-Royer, avocat aux Conseils pour M. X..., demandeur au pourvoi incident

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la résolution judiciaire du contrat de travail n'était pas imputable à l'employeur et d'AVOIR débouté Monsieur X... de ses demandes d'indemnités ;

AUX MOTIFS ADOPTES DES PREMIERS JUGES QUE « Monsieur X... était employé en qualité de photographe pigiste par la société HACHETTE DECO PUBLICATION ainsi que par d'autres publications.

« … que son travail consiste à proposer des repérages sous forme de photos soumises au choix de la publication en fonction du thème à illustrer.

« … qu'à compter de l'année 2001 après avoir déménagé en province à ARLES fin 2000, Monsieur X... n'a plus proposé de repérages et n'a pas répondu aux invitations de produire des repérages.

« … qu'il convient en conséquence de constater que la collaboration de Monsieur X... s'est régulièrement réduire pour s'éteindre totalement en 2001 du seul fait du salarié consécutivement à son changement de domicile fin 2000.

« … (qu') en conséquence … il sera débouté de l'ensemble de ses demandes la rupture alléguée n'étant pas imputable à l'employeur » (jugement page 3 et 4).

ET AUX MOTIFS PROPRES QUE « M. X... reproche à la S. A. HACHETTE DECO PUBLICATIONS d'avoir progressivement réduit sa collaboration à compter du mois de mai 2001 en ne le faisant plus participer de vues en studio puis en cessant toute commande à compter du 31 décembre 2002.

« … que pour établir le bien fondé de sa demande en résolution de son contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur M. X... produit :

«- un courrier daté du 4 mars 2003 qu'il a adressé à la société BH Publications lui demandant de rétablir le volume de sa collaboration,

«- une copie de sa déclaration fiscale de l'année 1999 mentionnant qu'à l'époque son domicile fiscal était à Vittel et non à Paris,

«- plusieurs attestations rédigées par :

« *M. Z... rédacteur en chef du Journal de la Maison aux Publications Bonnier jusqu'à avril 2001 qui indique : « M. X... a réalisé des reportages, des photos de décoration en studio à ma demande et ce pendant des années avec toute satisfaction »,

« *M. F... secrétaire général de la rédaction du magazine Campagne Décoration qui indique : « j'ai pu constater qu'après une collaboration régulière avec M. X..., à la suite du changement de rédaction en chef de la revue, la fréquence de cette collaboration s'est sensiblement réduite malgré les nombreuses propositions de reportage apportées par M. X... »,

« *Mme A... rédactrice en chef adjointe de la revue « le Journal de la Maison » jusqu'en mars 2001 qui indique : « je fixais chaque mois avec M. X... des dates de prises de vue en studio pour le magazine quel que fut le lieu de résidence de M. X... à cette époque, l'éloignement n'a jamais nui à notre collaboration, M. X... se rendant disponible pour être présent sur les lieux de prises de vue aux dates fixées par moi »,

« *Mme G... Directrice artistique des revues « le Journal de la Maison » et « Campagne Décoration » « qui affirme « « que M. X... était un très bon professionnel et ajoute que depuis l'arrivée de Mme B... en qualité de rédactrice en chef et de Mme C... en 2001 elle ne pouvait plus choisir ses collaborateurs »,

« *Mme D... styliste rédactrice des revues « le Journal de la Maison » et « Campagne Décoration » qui affirme qu'à l'arrivée de Mme B... nouvelle rédactrice en chef les commandes de prises de vue en studio se sont espacées.

« *M. H... qui affirme avoir mis à la disposition de M. X... une chambre en tant que colocataire de 1999 à 2003 afin de lui permettre de bénéficier d'un pied-à-terre pour son travail.

« … (que) toutefois … il ressort des pièces de la procédure que M. X... exerçait les fonctions de photographe à la pige en qualité de photographe reporter et de photographe en studio pour le compte des Publications Bonnier devenues S. A. HACHETTE DECO PUBLICATIONS mais aussi pour d'autres entreprises de presse.

« … qu'en sa qualité de photographe reporter M. X... n'était pas tenu de réaliser des commandes mais de faire des propositions de reportages qui étaient ensuite retenus ou non par la rédaction du magazine.

« … que la S. A. HACHETTE DECO PUBLICATIONS justifie à cet égard de ce que 11 propositions de reportage sur les 17 faites par M. X... au cours de l'année 2002 ont été retenues dont la dernière intitulée « maison à Vaison la Romaine » en septembre 2002.

« … (que) s'agissant des photographies de décoration réalisées dans les studios parisiens, … il est établi que M. X... n'a réalisé à compter de décembre 2000 qu'une seule intervention en studio en mai 2001, sa demande en résiliation judiciaire du contrat de travail portant sur la période postérieure au 31 décembre 2002.

« Qu'il convient toutefois d'observer que M. X... ne justifie d'aucun engagement de volume de la part de l'employeur concernant le travail en studio,

« Qu'en outre l'intéressé n'a formulé aucune réclamation de ce chef avant son courrier du 4 mars 2003, soit pendant deux ans,

« Qu'enfin, cette baisse des reportages en studios coïncide avec son installation à Arles l'obligeant à des déplacements à Paris.

«... que M. X... qui soutient que la baisse de son activité à compter de mai 2001 serait liée au départ de Mme A... rédactrice en chef adjointe et de M. Z... rédacteur en chef ne justifie pas avoir réalisé un nombre de reportages supérieur aux 17 12 recensés par la S. A. HACHETTE DECO PUBLICATIONS pour l'année 2002 dont 11 ont été retenus, le dernier datant de septembre 2002 alors que Mme A... et M. Z... avaient eux-mêmes quitté la société depuis mars et avril 2002.

« … que la S. A. HACHETTE DECO PUBLICATIONS justifie par la production d'un courrier manuscrit daté du 5 avril 2004 rédigé par Mme B..., nouvelle rédactrice en chef du magazine « le Journal de la Maison » et d'une attestation établie le 10 mai 2005 par Mme Sandrine De C... rédactrice en chef adjointe que M. X... a été invité à plusieurs reprises, à leur adresser de nouveaux repérages.

« … (qu') enfin … la S. A. HACHETTE DECO PUBLICATIONS produit une attestation rédigée par Mme Laurence E..., employée chez Hachette Filipacchi qui indique que Mme B... lui a communiqué les coordonnées de M. X... lequel, a effectué deux journées de photos pour son compte, dans sa maison à Arles en octobre et novembre 2002.

« … (qu') au vu de l'ensemble de ces éléments … la preuve de ce que l'employeur a de manière délibérée réduit progressivement sa collaboration de M. X... à compter du mois de mai 2001 n'est pas rapportée et qu'en réalité c'est l'intéressé lui-même qui a cessé toute collaboration, en n'adressant plus aucun reportage à l'employeur à compter de septembre 2002, en dépit des « invitations à transmettre de nouveaux reportages qui lui ont été faites.

« Qu'il y a lieu dès lors de confirmer le jugement déféré qui a débouté M. X... de sa demande en résolution judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur et de ses demandes d'indemnités résultant de la rupture du contrat de travail (arrêt attaqué page 3, 4 et 5) ;

ALORS QUE le volume de travail confié par une Société d'Editions à un journaliste pigiste ne peut subir des variations bouleversant l'exécution du contrat ; que l'employeur doit alors supporter la responsabilité de la rupture ; que le volume d'activité de Monsieur X..., constant depuis l'origine de sa collaboration en 1996, a connu une baisse très importante et brutale à partir de 2001, lors du changement de direction de l'entreprise, marquée par la suppression du travail en studio, la rédaction quasi totale de commandes ; que la Cour d'appel n'a pas tiré des données soumises à son examen les conséquences qui en découlaient nécessairement ; qu'elle a violé les articles 1134, 1315 du Code civil, L 1231-1 du Code du Travail, 455 du Code de Procédure civile.

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